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Une année sous COVID. Comment le milieu du jeu de société s’est réinventé. La parole à 3 acteurs

Une année de COVID. La paroles à trois différents acteurs du jeu de société : joueur, vendeur et éditeur.


Cela fait plus d’une année que la planète est au prises avec la COVID. Vous pouvez suivre toute la timeline de la pandémie ici sur le site officiel de l’OMS.

C’est le 31 décembre 2019 que le bureau l’OMS en République populaire de Chine a récupéré une déclaration aux médias de la Commission municipale de la santé de Wuhan sur des cas de « pneumonie virale » à Wuhan. Et nous voici plus d’une année après, le 21 février 2021. Triste anniversaire, il y a un an jour pour jour, l’Europe comptait son premier mort de la Covid, en Italie.

Une année plus tard, l’Humanité déplore près de 2,5 millions de décès et plus de 100 millions de contaminations à la Covid à travers le monde. Et surtout, des gouvernements contraints de confiner leur population et de réduire leur liberté et activité économique : commerces, restauration, culture à l’arrêt, couvre-feu et autres mesures, tout ça pour freiner l’avancée de la pandémie. Depuis fin 2020, la vaccination mondiale a commencé. On espère enfin s’en tirer.

Il y a près d’une année, au début de la COVID sous nos latitudes, nous avions publié plusieurs articles sur la pandémie qui commençait à s’étendre en Europe, et ses impacts sur le marché du jeu de société :

➡️ 2.320 : Comment le coronavirus va affecter le marché du jeu de société (et le reste aussi)

➡️ 13.3.20 : Coronavirus : quel impact sur le monde des jeux de société ?

➡️ 16.3.20 : Coronavirus : comment les éditeurs de jeux de société s’adaptent

➡️ 31.3.20 : Confinement : deux semaines plus tard, comment les éditeurs de jeux de société se sont adaptés

Et nous voici plus d’une année plus tard. Comment est-ce que le milieu du jeu de société a été impacté et s’est réinventé ? Nous avons donné la paroles à trois différents acteurs, joueur, vendeur et éditeur, pour voir comment ils ont été touchés par la COVID et comment la crise sanitaire a affecté leurs habitudes, leurs vies, et comment ils ont su se réadapter. Merci à eux pour leur participation.

Éditeur

Nous avons interviewé l’éditeur et ami voisin Haut-Savoyard à une encâblure de Genève Blam !, et plus particulièrement Simon, son patron.

Bonjour Blam !, vous êtes l’un des éditeurs de jeux de société français bien connu du marché francophone (Chakra, Imagicien, Celestia). Racontez-nous comment vous avez vécu cette année sous COVID.

Comment avez-vous vécu les premiers mois de pandémie, en mars-avril 2020 ?

Avec des familles assez différentes, grandes avec des enfants, petites avec des personnes âgées ou fragiles, il a déjà dû falloir nous réorganiser pour éviter toute réunion. Ce n’était pas forcément facile, mais vu qu’on travaillait déjà à distance on a pu facilement être opérationnel.

On a dû également baisser un peu notre charge de travail afin que chacun puisse s’occuper de sa famille.

Une fois la réorganisation, et la panique, passée, on a pu se poser. On a alors décidé d’alléger notre catalogue. On ne voulait pas surcharger le marché de nouveautés. Du coup, on a décidé de décaler plusieurs jeux : Dunaia, Canopea, Imagicien, et de capitaliser sur nos bestsellers, Chakra, Celestia.

Après une année, au sein de votre structure quelles ont été les adaptations que vous avez dû effectuer ?

Finalement pas grand-chose, on a juste du se mettre à faire nos tests de jeux et de prototypes sur TableTop Simulator.

C’est finalement assez confortable maintenant car ça nous permet d’étaler un peu plus les choses et de consacrer plus de temps à chaque jeu et auteur. On a surtout moins besoin de grosses longues sessions lors des salons où on enchainait énormément de réunions et de tests. Je pense qu’on est plus efficace comme cela, même si ça nous manque de ne pas jouer « en vrai ».

Quels ont été pour votre structure les moments forts de cette année ? Pourquoi ?

Tout d’abord la sortie de Imagicien, pile après le confinement, ça a été une vraie joie de le voir arriver en boutique et qu’il y trouve son public. Ensuite, la sortie de l’extension Yin Yang de Chakra a été vraiment top pour nous. On a pour la première fois fait un vrai travail sur les réseaux sociaux. Voir l’enthousiasme des gens et les super retours sur l’extension nous ont réconfortés dans notre choix.

D’un point de vue économique, quel bilan tirez-vous de cette année ?

En prenant moins de risque en n’ayant qu’une nouveauté et en nous appuyant sur Chakra et Celestia on s’en sort plutôt bien. Mais c’est aussi parce que nous n’avons pas eu les dépenses côté évènements et animation.

Et d’un point de vue humain, quel bilan tirez-vous de cette année ?

Après plusieurs années un peu plus compliquées, c’est paradoxalement cette année qu’on a enfin une vraie stabilité. On est 2 à plein temps avec pas mal de personnes qui gravitent autour pour nous aider : fabrication, Community Management, tournée salons et boutiques. Du coup, on est assez sereins et on a maintenant une structure plus solide qui nous donne plus confiance. On a pas mal de projets, tout le monde fait ce qu’il aime et s’éclate. Même à distance on arrive à passer de bons moments ensemble.

Et pour votre société, comment envisagez-vous la suite, ces prochaines semaines, ces prochains mois de 2021 ?

Pour nous le début d’année 2021 a été très chargé. On lance, enfin, Dunaia. Il était dans les cartons depuis longtemps et on est trop content de le sortir. On travaille aussi sur Cartaventura une gamme de jeux avec 3 scénarios qui sortiront cette année. C’est la première fois qu’on réfléchit à une gamme complète et qu’on travaille sur des jeux narratifs. Du coup, on travaille avec plein de nouvelles de personnes : des scénaristes, des conseillers historiques. C’est un nouveau challenge très excitant !


Vendeur

Nous avons contacté la boutique Philibert, l’une des boutiques spécialisées en jeux de société les plus importantes en France et en Europe, et leur avons posé quelques questions. C’est Max, leur chargé de comm, qui a bien voulu prendre de son temps pour nous répondre.

Comment avez-vous vécu les premiers mois de pandémie, en mars-avril 2020 ?

Nous avons été surpris comme tout le monde. C’était une période éprouvante. Nous avons dû nous organiser et nous adapter aux nouvelles mesures sanitaires. Grâce à la patience et au soutien de tout le monde, nous avons réussi à garder une activité stable. J’en profite pour glisser un gros merci aux personnes qui nous ont soutenu pendant cette phase.

Après une année, quelles ont été les adaptations que vous avez dû effectuer ?

Le télétravail a été privilégié pour les personnes pouvant travailler directement depuis leur domicile.
Les espaces de travail au dépôt sont individualisés. Nous portons des masques et nous désinfectons nos postes de travail et nos outils tous les jours.

En boutiques, nous limitons le nombre de personnes simultanément et nous avons ajusté nos horaires pour nous adapter au couvre-feu. Le Call & Collect, la livraison à domicile et toutes ces mesures nous ont permis de garder le rythme et de garantir la sécurité de tous.

Quels ont été pour votre boutique les moments-forts de cette année ? Pourquoi ?

Le gros moment fort de l’année 2020, c’est l’annonce de notre rachat par Asmodee, qui a soulevé beaucoup de questions, notamment de savoir ce qui allait changer. Et bien rien du tout.

On a toujours autant le droit de parler de ce que nous voulons, avec les mêmes personnes. Ce qui change, et qui est transparent pour vous pour le moment, c’est l’accompagnement, l’expérience et l’expertise qu’Asmodee nous apporte. Grâce à eux, on peut vous préparer plein de projets super cool qui nous mettent en joie, et qui je l’espère, vous raviront aussi. Oui, je fais du teasing.

D’un point de vue économique, quel bilan tirez-vous de cette année ?

L’année 2020 a été un tournant pour le jeu de société. Au milieu d’une crise qui divise, les gens avaient besoin de se retrouver et de s’occuper chez eux. Le jeu de société a connu un boom. Les personnes et les médias se sont intéressés à cet objet culturel, déjà apprécié depuis longtemps par une majorité. Le marché se porte bien, et le site Internet a connu une forte croissance, là où nos boutiques ont réussi à tenir le rythme grâce au soutien des Strasbourgeois.

Et d’un point de vue humain, quel bilan tirez-vous de cette année ?

Franchement, ne plus pouvoir jouer autant qu’avant, c’est absolument frustrant. Heureusement, nous trouvons le temps à la pause de midi, mais c’est très compliqué, voir impossible, de se retrouver le soir ou le week-end pour jouer ensemble. Autre point, ça nous va très bien de faire des visios et des réunions à distance, mais les gens nous manquent. Heureusement, l’énergie est toujours là, et rien, pas même une méchante pandémie, ne pourra faire changer ça.

Et pour la boutique, comment envisagez-vous la suite, ces prochaines semaines, ces prochains mois de 2021 ?

Des tas de projets sont en cours. Le milieu du jeu est toujours en pleine expansion, et il y a encore beaucoup de choses à faire et à proposer. Cette vilaine année 2020 nous a permis de prendre du recul, de voir plus loin, d’anticiper et d’être force proposition. L’écosystème ludique est bourré d’auteurs créatifs, d’illustrateurs talentueux, d’éditeurs professionnels, et de milliers de passionnés qui en sont le moteur, et qui nous confirment que le jeu de société à toujours un très bel avenir devant lui.


Joueur

Bonjour Yann, tu es un féru de jeux de société vivant en Suisse Romande, et chroniqueur sur Gus&Co.

En tant que joueur, comment as-tu vécu les premiers mois de pandémie, en mars-avril 2020 ?

Les premiers mois se sont passés tranquillement, j’ai découvert TableTopSimulator et fait quelques soirées en utilisant Discord pour le vocal. Je rentrais juste du Festival des jeux de Cannes. C’est quoi un festival ? Avec Oriflamme dans ma besace, je me suis amusé à créer un module pour y jouer sur TableTopSimulator. Je précise que je ne l’ai pas mis à disposition de tout le monde pour respecter le travail des auteurs et éditeurs.

Comme j’avais moins de soirées jeux, et aucune IRL, j’en ai profité pour terminer un site internet et pour regarder des séries en retard.

L’accalmie estivale m’a permis de refaire des soirées jeux et des escape room IRL et également d’expliquer des jeux pour Ch’piil, une association de jeux lausannoise lors des dimanches sur la terrasse des Grandes-Roches.

Depuis le mois d’octobre, j’ai fait quelques jeux en solo et découvert Twitch, en temps que spectateur, pas streamer. À la base Twitch est utilisé par les streamer de jeux vidéo, mais maintenant on y trouve de tout, Samuel Etienne, le journaliste et présentateur de « Question pour un champion » s’y est mis et y fait des revues de presse.

Concernant les jeux de plateau, il y a Théo Rivière qui streame 2 fois par semaine et parle de création de jeux. C’est le matin, donc difficile pour moi de regarder. J’ai découvert la chaîne EntreJoueurs qui propose des live le mardi et le jeudi à 20h30, un couple du nord de la France explique et joue à un jeux. L’intérêt de Twitch, c’est que c’est en direct et que l’on peut interagir avec les streamer et les autres personnes qui sont dans le Chat, parfois on peut même jouer en même temps, Codenames, Ricochet ou n’importe quel jeu à cocher ou Roll&Write. On passe de très bonnes soirées. Les éditeurs se mettent aussi à Twitch, comme IELLO, avec leur Codenames ou The Crew, et BlueCockerGames avec Welcome to…

Après une année, en tant que joueur, quelles ont été les adaptations que tu as dû effectuer ?

J’ai fait des soirées sur TableTopSimulator avec des amis, des tournois sur Board Game Arena organisé par « un monde de jeu » tenu par Martin Viberg, actuellement Res Arcana ou des tournois de Keyforge sur TheCrucible.online organisé par un membre de la communauté EntreJoueurs.

Je fais également des jeux en solo, je suis en pleine campagne de Pandemic Legacy saison 0. Je joue 2 perso et ça fonctionne très, il n’y a pas d’effet leader.

J’ai aussi découvert diverses chaînes Twitch, car à la fin d’un live ils font un raid : envoyer les spectateurs sur une autre chaîne en live, donc on en découvre toujours de nouvelles.

Quels ont été pour ta pratique de joueur les moments-forts de cette année ? Pourquoi ?

Le Festival des Jeux de Cannes, puisque ce fut le dernier festival. Je devais aller à Ludesco à La Chaux-de-Fonds et au Flip de Parthenay. Snif.

Concernant les sorties Il y a Ricochet, un très bon jeu si vous aimez jouer avec les mots, Trek 12 ou Troyes Dice pour les jeux à cocher, Coloma et Nidavellir et son extension Thingvellir pour les jeux de gestion, Pandemic Legacy. La campagne étant en cours, mon avis n’est pas final, mais pour le moment, il ne détrône pas la saison 2, et Micro Macro: crime city l’olni de l’année, mais c’est tellement bien !

D’un point de vue économique, quel bilan tires-tu de cette année ?

J’ai la chance de travailler dans l’informatique, donc j’ai continué mon job en télétravail, je me suis fais une petite installation à la maison avec des conditions presque identiques à celles dans mon entreprise. Il y a beaucoup de personnes qui ont des difficultés, je n’ai vraiment pas le droit de me plaindre.

Et même si je ne peux pas y jouer, j’achète quand même des jeux. Non ce n’est pas de l’addiction (rires).

Et d’un point de vue humain, quel bilan tires-tu de cette année ?

Évidemment, je ne vois quasi personne. Je ne sors de chez moi que pour aller faire les courses. Les seules exceptions récentes ont été Noël chez ma sœur. Mes neveux étaient à fond sur Micro Macro: crime city, et une soirées jeux à 4 personnes en janvier. Encore une fois les soirées Twitch en live permettent une interaction bienvenue.

Et vous, comment avez-vous vécu cette année sous COVID ? Comment est-ce que la pandémie a changé vos habitudes en matière de jeu de société ?

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One Comment

  • sliimane

    Je vous remercie Gus pour ces interviews très intéressants!
    En ce qui me concerne mon année sous Covid m’a permis de retrouver l’envie de jouer aux jeux de société (après une pause de 5 ans). Je trouve que cela a du sens 🙂

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