Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Mes Amis sont… Quand l’inspiration d’un jeu chahute sa création

Mes Amis sont… un party game qui utilise les recherches sur internet pour en proposer une version loufoque.


Mes Amis sont…

Mes Amis sont… est un party game qui vient de sortir en octobre aux éditions Le Droit de Perdre.

Dans Mes amis sont… on désigne un ou une arbitre. Celle-ci lit les cartes, avec à chaque fois un début de phrase. Les autres personnes à la table sont réparties en équipe. Elles s’affrontent pour trouver le plus de fins de phrases possibles dans un temps limité. C’est l’arbitre qui valide les réponses, la carte du tour les affichent.

Pour toutes réponses trouvées, l’arbitre donne alors des jetons aux équipes. Une fois le temps écoulé, les jetons font avancer les équipes sur une piste, mordant ingénieusement sur la tranche de la boîte. Avec un petit twist toutefois, certaines propositions indiquent un smiley à l’émotion spécifique en lien avec la proposition parfois, souvent cocasse. Si quelqu’un a annoncé une proposition avec un smiley, les points sont doublés. Le but du jeu étant d’arriver à la case finale avant l’autre équipe.

Voilà, ce n’est pas plus compliqué que cela.

Tout l’intérêt du jeu repose sur le fait que toutes les cartes, toutes les phrases sont tirées en vrai du moteur de recherche de Google, et les fréquences de recherche. Le jeu ne s’en cache pas. Les couleurs emblématiques du fameux moteur sont affichées sur la boîte, sur les cartes.

Mes Amis sont… est un party game. En principe, on joue aux party games pour rire, pour se divertir, pour passer un bon moment, chaleureux, jovial, léger, décomplexé, hilare. Mais dans Mes Amis sont…, est-ce qu’on s’amuse ? Non, pas vraiment. Tout va vite, très vite, trop vite, comme tout le monde crie en simultané les réponses, autant l’arbitre que les équipes ont de la peine à s’entendre dans cette cacophonie.

Et on dit souvent tout, son contraire et n’importe quoi, au pif, vite, souvent, pour augmenter ses chances de tomber juste. Est-ce que c’est drôle ? Pas vraiment non plus. Le seul moment « loufoque » du jeu intervient au moment où l’arbitre lit les différentes propositions affichées sur la carte en fin de tour. Et là, on passe quelques instants à discuter des solutions : Des gens cherchent vraiment ça sur Internet ?

Au fond, Mes Amis sont… n’est ni sensass, ni fantasque. On y joue plus par curiosité que par plaisir. Un party game qui se joue aussi vite qu’il s’oublie.

Oui, mais.

Mes Amis sont… est la parfaite illustration d’un marché du jeu de société qui, parfois, se mord la queue et tourne en rond.

Picasso disait : ‘les bons artistes copient, les grands artistes volent’. Aujourd’hui, et avec Essen qui vient de fermer ses portes justement hier et ses centaines de nouveautés présentées, plus que jamais, il devient compliqué, voire impossible d’innover.

Innovation. Créativité. Originalité. Un jeu innovant est souvent un jeu encensé. Plus une entreprise innove, plus un produit, un jeu est original, différent, et plus on en parle.

Mais aujourd’hui, peut-on encore inventer un nouveau jeu ?

Mes Amis sont… Google Feud

Les grands vainqueurs des confinements de 2020 furent, entre autres, ces jeux, ces différentes plateformes web qui nous permettaient de faire autre chose pendant nos trop longues séances sur Zoom. Skribbl.io, Codenames, Geoguessr, Among Us, et Google Feud.

Google Feud, vous connaissez certainement. Il s’agit d’un jeu de questions basé sur le moteur de recherche de Google et les réponses qui apparaissent le plus souvent. On y choisit une catégorie, célébrités, noms, questions, la plateforme propose un début de phrase, et on doit trouver la suite, en imaginant les possibilités les plus fréquentes apparues dans le moteur de recherche. Oui, un peu comme dans Mes Amis sont…

Il s’agit d’une plateforme web en anglais, et une version française a également été développée.

Google Feud a été créé  en 2013 par un développeur indépendant américain Justin Hook, également scénariste de dessins-animés. Google Feud est devenu  viral en mars 2015, quand il a été présenté sur le site américain Buzzfeed, et même référencé dans le monologue du fameux talk-show The Tonight Show avec Jimmy Fallon. Depuis sa création en 2013, Google Feud a depuis été  joué plus d’un demi-milliard de fois par près de 30 millions de personnes.

Mes Amis sont… ressemble donc quelque peu à la version analogique, imprimée, vendue en boutique de Google Feud sorti il y a 8 ans et encore joué (surtout pendant les séances sur Zoom).

Hypocrite

A y regarder de plus près, notre société est en fait extrêmement hypocrite. Ou schizophrène, c’est selon.

D’un côté, on encense les gens créatifs, et en même temps, on lapide ceux qui copient. On relève souvent l’originalité d’un produit et on critique celui qui en fait défaut. On mélange à foison évolution et révolution.

Alors qu’au fond, la créativité au sens pur n’existe pas. Mes Amis sont… s’inspire de Google Feud pour en sortir une version commercialisée, jouable sur table. Dans le monde de la tech, de l’art et de la culture, tout est remixé. Plus ou moins bien. Car la créativité se trouve là. Dans la capacité de trouver les bonnes inspirations, les bonnes associations, pour obtenir au final un nouveau produit, suffisamment différent, suffisamment intéressant. Prenez aujourd’hui n’importe quel jeu de société sur le marché, et vous pourrez retrouver une ou plusieurs mécaniques empruntées, copiées, inspirées d’un autre jeu.

Cet été, on part Scamper ?

Alors au fond, c’est quoi la créativité, l’inventivité, l’originalité ? S’agit-il juste de… recopier ?

Oui, mais non. Faire preuve de créativité, c’est apporter sa propre touche, sa propre vision, son expérience, sa connaissance, et réussir à apporter quelques nouveaux éléments pour réaliser une œuvre, différente.

Vous connaissez la méthode SCAMPER ? Scamper veut dire trotter, galoper. Comme si on galopait d’idées en idées pour trouver une qui nous convienne.

La méthode Scamper permet de se montrer créatif, original, tout en s’inspirant de ce qui existe déjà. Pour en faire au final quelque chose de neuf.

Avec SCAMPER, on

  • Substitue : on change, on remplace.
  • Combine : on associe des éléments, des éléments qui n’ont parfois rien à voir entre eux.

Exemple, quand Apple décide de lancer sa propre chaîne de magasins, plutôt que d’aller voir ce que la concurrence fait, ils vont voir ce qui plaît le plus dans les grands hôtels. Et c’est le service de conciergerie qui revient le plus souvent. Qu’un membre du personnel soit toujours disponible pour répondre aux besoins des hôtes. Allez dans un magasin Apple et vous verrez cette association entre magasin d’électronique et service de conciergerie d’un grand hôtel. Deux éléments combinés.

  • Adapte: on modifie quelque peu un élément pour mieux l’intégrer.

Dans Mes Amis sont… par exemple, qui nous intéresse aujourd’hui, alors oui, le jeu de société s’inspire du jeu numérique. Il le modifie toutefois, en introduisant la mécanique des smileys accolés aux possibilités et qui doublent les points.

La méthode SCAMPER repose également sur ces autres éléments :

  • Modifie
  • Purpose : Le but. On change l’utilisation d’un élément, on le réaffecte.
  • Élimine.
  • Réarrange.

Faut-il pour autant désespérer parce qu’on n’invente plus rien de neuf ? Que tout est copié, recopié ? Que la créativité est un mythe ?

Bien au contraire.

Tous ces processus permettent de s’inspirer d’un, souvent plusieurs, éléments de départ pour en créer une œuvre plus ou moins originale, plus ou moins différente.

Cessons de dire qu’un produit, qu’un jeu de société manque de créativité. Reconnaissons que tout est inspiré par quelque chose d’autre. Essayons au contraire de reconnaître ces inspirations pour en apprécier les modifications, les adaptations.

Mes Amis sont… Verdict

Bof bof

Un party game qui s’inspire de Google Feud mais tombe à plat

Note : 2.5 sur 5.

👉 À lire également : Acheter un jeu, planter un arbre. Greenwashing ou solution ?

  • Auteurs : Romaric Galonnier, Benoit Turpin
  • Éditeur : Le Droit de Perdre
  • Illustrateur : Mathieu Clauss
  • Nombre de joueurs et joueuses : 3 à 11 (tourne mieux à 5-7)
  • Âge conseillé : Dès 16 ans (bonne estimation, car les réponses sont parfois… salaces)
  • Durée : 30’ (bonne estimation)
  • Thème : Aucun en particulier, tous en même temps
  • Mécaniques principales : Équipe, questions, party game

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One Comment

  • Julien

    Ce jeu me fait penser à Brainstorm non ?!

    « Brainstorm est un jeu de connaissances et de vivacité.
    Deux équipes vont s’efforcer de marquer le plus de points possible.
    Pour marquer des points, le principe est très simple : un joueur d’une équipe prend une carte et en annonce le thème. Ses coéquipiers doivent alors, dans un temps imparti, trouver les 10 mots associés au thème qui sont inscrits sur la carte. »

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