
J’aime ce jeu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout. La psychologie complexe du goût
Pourquoi on aime ce jeu-ci, et pas ce jeu-là ? Comment la psychologie explique nos goûts.
La boîte à goûts
Depuis plus 13 ans que notre blog existe, à raison d’un article par jour, nous en avons publié des articles ! Si certains sont très bien où ils sont, dans le ventre, dans les archives du blog, d’autres, en revanche, méritent qu’on s’y attarde, qu’on y revienne. C’est ce que nous allons dorénavant vous proposer, chaque mercredi, un article paru sur notre blog il y a plus ou moins longtemps. C’est ce que nous appellerons désormais la « boîte à outils du jeu de société », des sujets, des analyses qui pourraient vous (ré)intéresser. Des sujets indémodables, pratiques et utiles.
Mais nous n’allons pas juste faire du copier-coller, en les ressortant de leur léthargie. Nous allons en profiter pour leur offrir un petit ravalement de façade, une mise à jour parfois nécessaire, depuis le temps que ces articles traînent et prennent la poussière numérique.
Après la Boîte à Outils de la semaine passée, les 5 critères d’un bon jeu de société pour toute la famille, une fois n’est pas coutume, nous changeons aujourd’hui les « règles du jeu » de cet article Boîte à Outils du mercredi pour « jouer avec les codes », avec nos codes.
Nous allons aujourd’hui vous proposer de ressortir un article non pas ancien, mais un tout récent, à peine publié en février : Est-ce que j’aime ce jeu ? Comment la science explique nos goûts. Dans cette Boîte à Outils du mercredi, nous avons décidé d’y revenir, et d’enrichir la réflexion.
Bonne lecture de cette toute nouvelle Boîte à Outils du jeu de société.
Des goûts et des couleurs
À l’époque des pouces levés sur les réseaux sociaux et des étoiles d’évaluation qui fleurissent partout sur le web, que signifie « aimer » quelque chose ? Qu’est-ce qui nous pousse à décider que nous préférons une chose, un jeu, à un autre, au point d’y jouer, souvent ?
Ce qui détermine nos préférences est un processus flou et plutôt difficile à cerner. Le goût, les goûts, sont des processus complexes. Parfois, nous préférons ce qui nous semble familier : un auteur de jeu, une mécanique, un thème que nous apprécions retrouver.
Parfois, nous aimons ce que nos amis ou contacts aiment, aussi, comme une validation sociale. Parfois, nous prétendons aussi aimer les jeux auxquels nous ne jouons pas vraiment. La plupart du temps, nous ne pouvons pas dire pourquoi nous aimons quelque chose. Nous savons juste que nous le faisons. Est-ce que le goût est inné, ou acquis ?
Mais au fond, quel est l’intérêt d’aimer quoi que ce soit ? Pourquoi, nous, êtres humains, avons-nous des préférences pour tout et rien ?
Des goûts tant
En réalité, le goût n’est qu’un moyen de filtrer le monde, d’ordonner les informations. Quand nous avons cette possibilité de tout manger, comment se décider ? Et est-ce que la simple disponibilité des choix culturels, jeux, séries, films, livres, est similaire ?
Plus que jamais, nous sommes aujourd’hui confrontés à un nouveau type de dilemme : comment déterminer ce que nous aimons lorsque l’intégralité, ou presque, du catalogue de jeux de société récent est accessible dans sa boutique de jeux préférés, ou en quelques clics sur le web ? Qu’est-ce que je décide de rechercher maintenant que j’ai tout, ou presque, à ma disposition ?
Avant de développer nos goûts pour les jeux, et autres produits culturels, musique, séries, films, livres, bédés, la nourriture a été le premier élément pour lequel nous avons développé et façonné nos préférences. Parce qu’au départ, il y a très, très longtemps, c’était une question de survie. Nous avions peu d’aliments différents à disposition, donc peu de choix. Puis peu à peu, la quantité de ces choix a augmenté.
Plus d’options, signifie plus de choix à opérer. Tel un bistouri, nos goûts nous permettent de cisailler la chaire de nos possibilités.
Goûts et ragoût
Le goût n’est qu’une autre forme d’apprentissage social. Pour façonner nos goûts, nous avons dû puiser dans des mécanismes sociaux. Nous avons vu notre voisin consommer quelque chose, nous avons vu qu’il n’était pas mort, nous avons alors décidé que ce serait aussi, pourquoi pas, une très bonne chose à grignoter.
Ca, c’était pour l’avant, un monde simple. Et à mesure que la société et ses structures se sont complexifiées, nous avons commencé à voir se constituer des modèles de prestige. Non seulement cette personne kiffe cette nourriture, mais elle est la personne la plus importante du village. Alors forcément, je devrais vraiment y jeter un oeil.
Maintenant, soyons lucides deux secondes. Il n’y a pas de théorie miracle pour expliquer les goûts de quelqu’un. C’est toujours un mélange d’exposition, de culture et de personnalité. Et rien n’est jamais statique ou fixe. Ce qu’on aimait hier, on ne l’aimerait pas forcément demain. Et vice versa. Ce qui est bien avec le goût, c’est qu’il est sujet à des évolutions. On peut les, on peut se réinventer.
Le cœur a ses raisons que la raison etc.
On peut se demander dans quelle mesure apprécier quelque chose, un jeu, est un sentiment, ou si on peut l’intellectualiser.
Si vous maîtrisez bien votre sujet, que vous êtes fan de jeux de société, de cartes, de rôle, et que vous connaissez toute la gamme de jeux au monde, est-ce que vous êtes susceptible de ressentir plus d’affinités, plus de plaisir devant tel ou tel jeu, telle ou telle mécanique ? Autrement dit, est-ce que l’expertise, l’intellectualisation affine, affûte nos goûts ?
L’expertise fournit, entre autres, deux atouts : le bagage, l’expérience, la connaissance, et le vocabulaire. Quand on parle d’un jeu Familial++, cela va parler à des gens qui connaissent le marché, le milieu, mais pas au reste. Ce vocabulaire acquis devient un outillage pour analyser. Analyse qui peut tendre vers un affinage du goût.
Plus nous maîtrisons un sujet, un domaine, un type d’objet, et plus nous disposons d’outils pour le disséquer, le comprendre. , vous ouvrez certainement plus de façons d’aimer quelque chose. L’instinct, nos tripes ne devraient pas être les seuls à diriger, digérer nos goûts. Le langage, le vocabulaire servent de guide pour canaliser notre instinct. Nous n’aimons pas ça, nous n’aimons pas ce jeu, parce que.
Et plus un jeu rentre dans une catégorie, et plus il nous est facile de l’apprécier, parce que nous possédons les clés, les mots pour le comprendre. Prenez un jeu « entre-deux », ni trop, ni trop peu. Il nous devient beaucoup plus difficile de l’apprécier. Parce que les limites, ses limites se brouillent.
Il nous est, au final, plus facile d’aimer les choses, les jeux, si nous sommes capables de les ranger dans un tiroir, de leur apposer une étiquette : jeu familial, gamer, party game. Si le jeu est très, trop nouveau, disruptif, différent, et plus il risque d’être déroutant, et donc de mettre nos goûts au défi, à mal.
Beaucoup de jeux, et plus que jamais, ressemblent à d’autres jeux. Est-ce un mal ? Pas nécessairement, en vrai. Prenons l’exemple d’une langue étrangère. Au début, nous l’entendons pour la toute première fois, elle nous paraît vraiment différente, vraiment éloignée de la nôtre. Puis à mesure que nous l’entendons, et plus nous commençons à savoir l’écouter. Plus elle nous devient familière, et plus nous commençons à l’apprécier.
Plus on maîtrise quelque chose est plus on est à même de l’apprécier. En réalité, ce n’est pas tant la chose en soi que nous apprécions, mais notre capacité à la comprendre, à la pratiquer. Transvasez ce paradigme dans un jeu de société, et ça fonctionne aussi. On apprécie jamais autant un jeu qu’on comprend, et vice versa. D’où l’importance de proposer des règles fluides, compréhensibles !
Avis de tempête
Aujourd’hui, grâce au web, et à notre blog, aussi, plus que jamais, nous disposons d’un accès infini d’avis, sur les jeux et sur tout. Les étoiles, pouces et autres évaluations sont devenus les psychopompes de nos affinités. Est-ce que ce paysage médiatiques, ces contenus modifient nos goûts ? Allez vous balader sur n’importe quel site marchand et vous tomberez sur des évaluations.
Les avis des autres nous influencent, qu’on le veuille ou non. Allez-vous préférer acheter un jeu qui obtient un 4 sur 5, ou même 5 sur 5, ou plutôt 2 ou 3 sur 5 ? La réponse est évidente. Et les jeux évalués à 5 sur 5 ont de fortes chances d’être affectés par un biais, celui de halo, très certainement.
Un autre aspect vraiment intéressant avec nos goûts, c’est notre capacité à pardonner les défauts de ce que nous apprécions. Ainsi, une fois que nous avons décidé que nous apprécions quelque chose, un jeu, peu importe s’il est bon ou mauvais. Reste encore à définir ce qu’on entend par bon ou mauvais, bien sûr. Si vous aimez les jeux de placement d’ouvriers, ou les Dungeon Crawler, même si le jeu n’est pas top top, il y a de fortes chances que vous pourriez quand même l’aimer.
Système et goût
Notre goût pour quelque chose, pour un jeu, n’est pas une proposition unique et singulière. Il y a plusieurs manières d’acquérir ce goût. Certains éléments peuvent s’adresser à une sorte de point de vue idéal hédonique qui nous oblige à abandonner notre pensée plus analytique.
Pour faire plus simple, nos goûts fonctionnent parfois en schéma heuristique, en système. Ce jeu, je l’aime, pas forcément en soi, unique, mais parce qu’il me rappelle quelque chose, parce que j’y ai joué dans des circonstances particulières avec des gens particuliers qui ont fait que je l’ai apprécié. Les goûts se construisent, aussi, en système. Les goûts sont, aussi, contextuels. J’aime ce jeu, pour son contexte.
Les goûts sont en tension, en conflit perpétuel entre nouveauté et familiarité. On veut un nouveau jeu, mais on veut également y retrouver des éléments connus. Entre ces deux pôles, vers lequel va notre préférence ? Et comment concilier ces deux désirs différents ?
Je pense que nous penchons plutôt vers la familiarité, même si la nouveauté suscite notre curiosité Pourquoi la familiarité ? Car elle repose sur une certaine efficacité. C’est plus facile pour notre cerveau de s’y adonner. Si vous possédez un bon jeu de placement d’ouvriers chez vous, pourquoi en acheter un nouveau ? Alors certes, les nouveautés exercent une certaine stimulation, une certaine attraction, dû à la dopamine, entre autres. Mais nos jeux déjà acquis, nous les apprécions. Pensez restaurants (qui ouvrent aujourd’hui en intérieur en France !). On apprécie ceux que nous connaissons, et nous y revenons, pour commander les plats que nous connaissons, et pas les autres.
Au final, même si nous préférons la familiarité, nous avons toutefois besoin, parfois, d’essayer de nouveaux jeux. Mais souvent ceux qui ont été validés par d’autres, par des prix, par des commentaires, ou on achète plutôt ceux que nous pensons qui vont nous plaire.
Comment expliquer nos goûts, nos affinités pour un jeu ?
Je ne sais pas si c’est aussi le cas pour vous, mais chaque fois que je découvre un nouveau jeu de plateau, une chanson, une nouvelle série, une nouvelle bédé ou un nouveau film, je me demande à chaque fois : est-ce que j’aime ce que je suis en train de découvrir ? Qu’est-ce qui détermine nos goûts, nos affinités ? Est-ce uniquement une question d’esthétique ?
D’un point de vue évolutif, notre cerveau est conçu pour déterminer ce que nous aimons ou n’aimons pas. Imaginez faire un bond dans le passé. Loin dans le passé. Quand nous étions les premiers hominidés en quête de nourriture dans les bois. Et là, paf, nous tombons sur un fruit jamais vu ou goûté auparavant. Vous décidez de goûter et vous vous demandez alors : est-ce que j’aime ça ? Votre décision de manger plus ou de recracher le fruit peut avoir une impact direct votre survie. Ce nouveau fruit peut vous nourrir (vivre !), ou causer des maladies (mourir !). D’un point de vue évolutif et primal, cette propension que nous avons de juger si nous aimons, ou pas, nous a permis d’être là où nous sommes aujourd’hui, plusieurs millions, milliers d’années plus tard.
Aimer ou ne pas aimer un jeu, une œuvre ou quoi que ce soit provient d’une réponse émotionnelle que nous pratiquons chaque jour. Comme décider ce que nous allons manger, où et avec qui (bien que début 2021, avec la pandémie, les choix sont plutôt… limités. Ces choix engagent une foultitude de processus psychologiques qui sont au cœur de la façon dont nous prenons des décisions.
Nous considérons parfois ces jugements comme spontanés et intuitifs, c’est-à-dire comme des «décisions des tripes», le gut feeling comme disent les anglo-saxons.
Comprendre l’intuition
Mais au fond, commençons par-là, qu’est-ce que l’intuition ? Elle est une forme d’intelligence inconsciente, aussi nécessaire que l’intelligence consciente. La plupart des comportements humains se produisent de manière automatique, sans réfléchir, souvent guidés par les habitudes plutôt que par une délibération consciente. Même pour les problèmes les plus complexes, l’intuition motive les décisions.
Chaque fois que nous jouons à un jeu de société, mais ça marche aussi pour et dans la vraie vie pour toutes les autres activités, nous sommes happés par des intuitions qui semblent apporter des réponses aux questions que nous nous posons, que faire, quand et pourquoi.
Bien qu’on nous a toujours appris que nous devions «faire confiance à nos tripes», ce n’est peut pas être aussi simple. Il y a peut-être des moments où l’intuition nous guide avec précision (cool !), et d’autres fois où elle nous induit en erreur (pas cool !). Quels sont les processus qui nous délivrent ces « sentiments intestinaux » ? Car oui, en apparence, ils apparaissent simples et bruts, alors qu’en réalité, ils sont plutôt complexes et… sophistiqués.
Il faut reconnaître que nous analysons notre environnement de manière constante. Nous essayons de détecter des situations familières. Cette carte-ci, je l’ai déjà vue quelque part. Cette action, cette tactique, cette stratégie, je l’ai déjà jouée une autre fois, dans le même jeu ou dans un autre. La reconnaissance a déclenché une analyse rapide, sans qu’on le sache, et les résultats nous ont alors été livrés de manière fulgurante.
L’intuition vient de schémas que nous avons identifiés dans nos expériences, de nos parties passées. Dès nos toutes, toutes premières parties de jeux de société (et dès notre naissance, enfance aussi), nous recherchons des modèles dans notre environnement. Nous voyons 2 + 2 appariés de manière cohérente avec le nombre 4. Nous remarquons que les animaux tachetés à long cou sont appelés… girafes. Mais également, surtout, qu’une certaine carte à drafter, à jouer, n’est peut-être pas une bonne idée, parce que trop chère, trop complexe à poser.
Ces modèles, une fois identifiés, sont stockés dans notre mémoire à long terme. Se créent alors dans notre tête, dans notre mémoire des sortes de… fichiers Excel. Dans les colonnes de gauche, les ensembles d’indices associés que nous remarquons dans des situations similaires. Et dans les colonnes de droite, nous hébergeons alors tous les différents éléments d’information. Les attentes, les indices pertinents, les objectifs plausibles, les actions typiques. Tout ce que nous avons appris à associer à ces modèles.
Ces intuitions s’appliquent aussi pour nos goûts. Nous préférons certaines choses, comme le goût des sucreries ou la symétrie des visages. Pourtant, la prépondérance de nos décisions esthétiques est basée sur nos expériences passées et des connaissances antérieures. Autrement dit, la plupart des choses que nous aimons, aliments, boissons, vêtements, musique, films et jeux sont des goûts acquis.
La neuroquoi ?
La façon dont le cerveau traite le fait d’aimer, ou pas, d’exercer un jugements constitue la jeune science appelée neuroesthétique, ou neuro-esthétique. En réalité, elle est une sous-discipline de l’esthétique empirique. L’esthétique est une discipline ayant pour objet les perceptions, les sens, le beau, dans la nature, l’art et les jeux, L’esthétique correspond ainsi à la « science du beau » ou à la « critique du goût ». La neuroesthétique vise à l’étude des perceptions esthétiques par une approche scientifique. La neuroesthétique utilise notamment les techniques issues des neurosciences pour expérimenter et expliquer les expériences esthétiques au niveau neurologique.
Clarifions une chose : il n’y a pas de centre «esthétique» ou «artistique» dans le cerveau. Lorsque nous rencontrons quelque chose qui nous procure du plaisir, comme un jeu, une série ou une bédé, ou même manger des chocolats (suisses), se produit alors des processus neurologiques spécifiques. Nous recrutons un ensemble de processus cérébraux liés à la recherche de plaisir, en lien avec le système de récompense de la dopamine. C’est également la dopamine qui nous pousse à vouloir jouer, à vouloir découvrir de nouvelles séries, de nouveaux jeux.
Les zones cérébrales qui composent le réseau du mode par défaut sont également impliquées. Ce réseau du mode par défaut désigne un réseau constitué des régions cérébrales actives lorsqu’un individu n’est pas focalisé sur le monde extérieur. Et lorsque le cerveau est au repos, mais actif. Pour illustrer ce réseau du mode par défaut, si vous jouez à Donjons et Dragons, ce réseau est traduit par ces caractéristiques en-haut à gauche, les jets de… sauvegarde.
Ce réseau du mode par défaut est associé à la réflexion interne, tel que le fait de ruminer sur un événement ou se souvenir d’un autre. Il existe par ailleurs une multitude d’activités sensorielles que nous pratiquons dans notre cerveau. Mais pas que. D’autres activités liées aux connaissances associées au type spécifique de stimulus utilisé pour générer une réponse de sympathie. Comme pour de nombreuses fonctions et activités mentales complexes, comme piloter un avion de combat ou remplir sa fiche d’impôts, aborder la question esthétique est un processus cérébral entier.
Pour faire « simple » et taper dans les neurosciences, la question esthétique engage le système de récompense de la dopamine. Mais également le cortex préfrontal médian, y compris le cortex orbitofrontal et le réseau du mode par défaut. Dire si on aime ou pas implique et active donc tout un assemblage de processus cérébraux complexes holistiques.
Les critiques professionnels, tels que ceux qui décortiquent des livres, des films ou des… jeux de société, sont « payés » (entre guillemets, car ce n’est pas toujours le cas) pour utiliser leurs connaissances et leurs expériences antérieures pour justifier leurs préférences esthétiques. Lorsque vous envisagez un nouvel achat, de jeu ou autre, vous devez justifier vos préférences en vous demandant : pourquoi est-ce que j’aime ou je n’aime pas ce produit ? Pourquoi est-ce qu’il m’intéresse ? Comment se compare-t-il avec d’autres produits, d’autres jeux similaires ?
Goûts et expériences
Au final, plus nous en savons sur le marché du jeu, plus nous avons de l’expérience. Et mieux nous sommes en mesure d’exprimer les raisons de vos préférences. Si vous lisez ces lignes, c’est que, j’imagine, vous aimez les jeux de société. Avec l’expérience et la pratique plus ou moins régulière, vous pouvez commencer à apprécier comment les auteurs et autrices de jeux parviennent à exploiter et intégrer telle ou telle mécanique, retrouvée ailleurs. En nous impliquant de manière émotionnelle dans cette activité et en évaluant pourquoi nous aimons tel ou tel jeu, nous nous amusons, d’une part. C’est tout le principe d’un jeu de société, espérons-le. Et nous nous éduquons en même temps. Nous gagnons en expérience.
Lorsque nous jouons à un nouveau jeu, j’aime bien demander aux autres s’ils ont aimé, ou pas. S’ils ont trouvé le jeu intéressant. Et surtout, pourquoi. Dire qu’on a aimé ou pas un jeu ne suffit pas. Encore faut-il être capable de justifier ses choix, ses goûts, son jugement de manière plus ou moins consciente et conscientisée.
En posant la question esthétique, on s’implique de manière personnelle on devient conscient de notre réponse. J’ai apprécié ce jeu, parce que. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, car ce n’est qu’une question d’opinion. Ces questions ouvertes engagent l’assistance et suscitent la discussion.
La question esthétique motive en apportant de l’émotion à l’expérience d’apprentissage. Elle concentre l’attention sur les informations pertinentes à relever. Elle relie les informations apprises à d’autres expériences. Elle force la génération d’informations. Et enfin, elle nous oblige à évaluer ce que nous avons appris, vécu, découvert et expérimenté. Tout le monde devrait pouvoir critiquer un jeu, c’est un bon exercice, de rédaction, de cristallisation d’expérience.
Lorsque nous posons la question esthétique aux autres, vous avez aimé ?, nous nous engageons dans une interaction sociale qui repose sur le partage d’opinions et de pensées. Nous apprenons de l’analyse des autres et pouvons déterminer alors si nous pourrions nous aussi vouloir regarder la série ou jouer à ce jeu.
Tout en discutant et en générant nos propres opinions, nous sommes obligés d’organiser nos pensées et d’évaluer notre point de vue, ce qui en soi améliore notre propre mémoire.
La prochaine fois que vous découvrez un nouveau jeu, demandez-vous si vous l’avez apprécié, et surtout, pourquoi ? Serez-vous capables de remonter le fil des processus pour exprimer vos goûts ?
Et vous, qu’est-ce qui vous pousse à aimer, ou pas un jeu ? Quels sont les arguments qui motivent vos goûts, dans un sens ou dans un autre ?


One Comment
sheclaudia
Quel article intéressant, j’aime! -sourire-
Il est bien rédigé et met bien en relief les différents processus dans l’éducation du « goût ». Education, ou est-« ce qui plaît sans concept » ? Un mélange des deux et dans quelles proportions?
On approche la discussion philosophique!