
Fuji đCours Forrest, cours ! La lave gagne du terrain
Fuji, le tout nouveau jeu du Wonder Boy de 2018 Wolfgang Warsch. CoopĂ©ratif, un jeu tendu aux mĂ©caniques subtiles qui se subit plus qu’il ne s’apprĂ©cie
Fuji, de quoi ça parle?
Du Mont Fuji, le volcan japonais
Fuji, ça parle de volcan, donc. Et d’une Ă©ruption
En balade champĂȘtre sur le volcan, soudain, c’est le drame. Le volcan explose. Il va falloir courir, et vite, pour Ă©viter le pire
Le jeu se joue à coups de lancers de dés. Donc on repassera pour la cohérence
Mais les illustrations du talentueux Weberson Santiago rĂ©ussissent Ă captiver et Ă confĂ©rer un semblant de souffle Ă©pique au jeu. D’autant qu’on passe sa partie Ă fuir, et vite, avec un plateau qui se fait de plus en plus happer par la lave. Pas un thĂšme fort, mais un thĂšme bien intĂ©grĂ© et stressant
Et comment on joue?
Chaque manche est composée de plusieurs phases
D’abord, on lance tous ses dĂ©s, entre 5 et 6, tout dĂ©pend de son perso de dĂ©part, derriĂšre son Ă©cran sans les lancer
Puis, on discute
Puis, chacun et chacune choisit une destination sur le plateau. Une destination souhaitée, programmée
Puis, on peut relancer les dés. Ou pas. Et interdiction de communiquer
Puis, on peut changer de destination souhaitée et à nouveau discuter
Une fois la destination finale confirmée, tout le monde relÚve son écran et on analyse et compare les résultats de ses dés
On effectue son déplacement, ou pas, puis chaque carte / tuile / emplacement adjacent au volcan puis à la lave ensuite se retourne sur son verso pour devenir de la lave
Comme la lave s’Ă©tend, il y a de moins de moins dâemplacements disponibles, comme dans l’Ile Interdite
VoilĂ , c’est tout
Une fois toutes ces phases accomplies, on recommence
Pas des rĂšgles de ouf, un jeu fluide (comme la lave)

Et c’est tout?
Non
Le core-concept du jeu réside dans ses déplacements
Lors de la deuxiĂšme et troisiĂšme et mĂȘme quatriĂšme phase de jeu, on sĂ©lectionne un emplacement situĂ© au max Ă 3 cases de sa position actuelle. On peut Ă©galement dĂ©cider de rester sur place. Mais c’est risquĂ©, avec la lave qui s’approche
Chaque carte slash emplacement donne une indication de dés: valeurs paires, impaires, couleurs, valeurs spécifiques
En choisissant un emplacement, on doit s’assurer de pouvoir remplir la condition requise et indiquĂ©e sur la carte. Il faut s’assurer d’avoir le max de dĂ©s correspondants
Lors de la phase de révélation, on regarde alors si les conditions sont remplies. En comparant avec les autres
Et lĂ , c’est le drame
On compare ses dĂ©s avec ceux de ses voisin.e.s direct.e.s, gauche et droite. Si la somme de tous les dĂ©s concernĂ©s pour son propre dĂ©placement, et uniquement ceux-ci, est Ă©gale ou infĂ©rieure que l’une ou l’autre de ses voisin.e.s direct.e.s, le dĂ©placement n’est pas autorisĂ©
Je résume: pour pouvoir se déplacer, les dés concernés et indiqués pour la nouvelle destination doivent avoir une somme supérieure à TOUS ses voisin.e.s
Si ce n’est pas le cas, c’est pas glop. Et on reste sur place. Et on prend le risque que de se voir pĂ©cho par la lave
Autrement dit, il va falloir bouger, et vite, et pas n’importe oĂč, ni n’importe comment, tout en Ă©vitant de bloquer les autres avec ses propres tirages
Oui, avant la révélation, on peut relancer les dés
Oui, avant la révélation, on peut utiliser des cartes « matos » pour influer sur le jeu
Mais au final, il va falloir se la jouer finaud pour avancer, le plus souvent possible
Et comme on peut communiquer avec les autres, mais pas n’importe comment, on ne peut en effet pas balancer le nombre exact de ses dĂ©s, il va falloir dĂ©duire leur tirage
Parce que sinon, si son déplacement est annulé, on se prend des dégùts. Et on perd des points de vie
MĂȘme si le dĂ©placement est validĂ©, il faudra comparer sa somme avec la plus haute des autres. Moins la diffĂ©rence entre les deux est importante et plus on risque de prendre cher

Et comment on gagne?
Comme c’est un jeu coopĂ©ratif, c’est surtout:
Et comment on perd?
Quand une fig se trouve « happée » par la lave, i.e. quand la carte sur laquelle la figurine se trouve est retournée sur son verso cÎté « lave. Là , ça sent le tofu fumé
Mais Ă©galement, dĂšs qu’un ou une joueuse n’a plus de PV
C’est tout
Donc il faudra faire attention Ă :
Fuir
Ne pas perdre trop de PV avec des scores de dés minables
Mais alors, comment on gagne?
Facile
Lors de la mise en place de la config choisie, on place quelques cartes « villages » d’un cĂŽtĂ© du plateau, Ă l’opposĂ© du volcan
DĂšs que tous les pions en jeu ont rĂ©ussi Ă traverser le terrain en danger pour se mettre Ă l’abri dans le village, la partie est aussitĂŽt remportĂ©e. Tadaaa
Car oui, comme on le sait bien, la lave et les Ă©ruptions s’arrĂȘtent net en arrivant devant un village
Un peu comme un certain nuage radioactif en 1986⊠đ€Ł
Rejouabilité?
Ănorme
Alors OK, ce sont toujours les mĂȘmes rĂšgles, Ă part pour deux variantes Ă deux, on y reviendra plus bas
Mais on peut changer trois facteurs:
Changer de perso. Il y en a 4 mais 6 pouvoirs diffĂ©rents, ce qui peut changer l’expĂ©rience de jeu
Changer la config. Il y a 7 configurations de parties, d’assemblages de cartes « terrains ». Ce qui donne des parties, des « plateaux » Ă chaque fois diffĂ©rents
Changer la difficultĂ©. Il y a 4 niveaux de difficultĂ©, qui font perdre plus ou moins de PV selon la diffĂ©rence des sommes de dĂ©s. Au niveau 1, ça rigole, on n’en perd pas facilement. Au niveau 4, on rigole, on rigole, aprĂšs on saigne du nez

Interaction?
Sur lâIGUS, lâĂ©chelle de mesure de lâinteraction dans les jeux, Fuji atteint un 5/5

Pourquoi 5 sur 5?
Parce que Fuji est un jeu coopératif. Il faudra donc discuter des prochains mouvements, construire sa stratégie ensemble pour ne pas perdre ensemble
Si on joue dans son coin sans se soucier des autres on n’a alors aucune chance de gagner, de survivre
A combien y jouer?
A 2, le jeu est plat, cucul
Le jeu propose deux variantes pour rajouter un peu plus de « tension » en introduisant une IA, mais bof bof (je déteste les IA)
A 2, en rusant et rushant, et avec les tirages qui vont avec, il est possible de plier une partie en une dizaine de minutes. Ăa fait court
A 4, les discussions s’Ă©ternisent et s’enlisent, surtout qu’il va falloir valider ses dĂ©placements avec ses deux voisin.e.s direct.e.s, et ça peut prendre des plombes. Donc NON!
A 3, c’est le must, le parfait Ă©quilibre entre trop et trop peu
Alors, Fuji, câest bien? Critique
En soi, Fuji est une belle perf en game design. CrĂ©er un jeu coopĂ©ratif qui tient sur quelques cartes Ă peine et qui se tend de plus en plus, avec la chaleur de la lave qu’on sent s’approcher et souffler derriĂšre sa nuque. Et des blessures qui pourrissent de plus en plus son jeu
Joli
De plus, les illustrations, superbes, du brĂ©silien Weberson Santiago qu’on vient tout juste de voir dans Kings’ Struggle confĂšrent un aspect Ă©pique au jeu avec les cartes qui se retournent peu Ă peu sur leur cĂŽtĂ© « éruption ». Et rien que sur leur recto, les paysages font trĂšs post-apo qu’on se surprend Ă imaginer un jdr ou une sĂ©rie Netflix dans cet univers Hiroshima-like
Ăblouissant

Mais les rĂšgles de contrĂŽle de communication alourdissent inutilement le jeu. Et surtout, invitent à « tricher » ou poussent Ă la maladresse: « on peut dire ça comme ça mais pas comme ça mais ça oui mais pas comme ça non plus«Â
Bref
On passera sa partie entre, au mieux, messages vagues et tronqués, au pire, non-rÚglementaires
Relou

Alors, Fuji, faut-il y jouer?
Non
Ou alors, juste 1-2 parties, juste parce que c’est Wolfgang Warsch, juste pour essayer un jeu coopĂ©ratif « minimaliste » qui tient sur quelques cartes. Une prouesse en soi. Et uniquement Ă trois
Je me souviens de mes toutes premiĂšres parties d’Hanabi. Il fallait une sacrĂ©e dose de volontĂ© pour ne pas trop en rĂ©vĂ©ler, pour suivre les guidelines. Communiquer, oui, mais pas n’importe comment
Contraintes
Dans Fuji, c’est pareil, ou presque. Cet aspect de communication bridĂ©e pour ne pas trop en dĂ©voiler Ă©pice le jeu mais finit Ă©galement par le noyer
Rapidement, ces rÚgles rendent le tout tarabiscoté, artificiel. Au point de ne plus trop savoir quoi dire et comment. Et on finira forcément par « mettre les pieds dans le plat » et à sortir des infos « interdites » qui risquent de biaiser le jeu
Un jeu qui se subit plus qu’il ne s’apprĂ©cie
Score:
Anticipation: 5/5: Hihaaaaaaa, le tout nouveau jeu de Wolfgang Warsch, qui Ă©tĂ© nommĂ© pour plusieurs de ses jeux au Spiel, dont The Mind et TrĂšs FutĂ©!, et qui a remportĂ© le Kennerspiel 2018 pour les Charlatans de Belcastel. Et c’Ă©tait mĂ©ritĂ©. A quelle sauce va-t-on ĂȘtre Ă nouveau mangĂ©.e?
Pendant la partie: 2/5. Oui, mais non. PlutÎt non. Si les rÚgles de déplacement à coup de dés et de majorité est excellente et savoureuse, la communication bridée et contrÎlée
AprĂšs la partie: 3/5. On y rejoue? OK, pourquoi pas, mais il y a sur le marchĂ© bien d’autres jeux coopĂ©ratifs plus intĂ©ressants, moins alambiquĂ©s
Score: 3/5. De tous les jeux de Warsch, Fuji se prend les pieds dans le tapis. Les rĂšgles pour contrĂŽler la communication sont vraiment relou et le jeu ne fonctionne bien qu’Ă trois. Plus un exercice de style ludique qu’un jeu passionnant et indispensable. Si l’auteur foire 1-2 jeux sur six, c’est dĂ©jĂ une belle perf
Et encore une chose
Wolfgang Warsch
Le nom de l’auteur vous dit quelque chose?
Wolfgang Warsch, lâun des auteurs les plus bankables du moment. Il faut dire quâavec un prĂ©nom comme ça, « assaut de loup », câĂ©tait prĂ©destinĂ©
Wolfgang Warsch est un « tout jeune » auteur sur la scĂšne ludique. Il nâa sorti « que » huit jeux depuis 2015, dont six rien quâen 2018 (!)
Dream Team, son tout premier jeu remonte à 2015. Un jeu de communication (encore???) par équipe et jamais traduit en français
Schattenmaster. Le maĂźtre des ombres. Sorti en 2016
Dans lequel il faut réussir à identifier des objets grùce à des⊠ombres
Les rÚgles en français sont ici
Et en 2018, hasard des calendriers, tout s’accĂ©lĂšre. Wolfgang Warsch sort six jeux la mĂȘme annĂ©e
TrÚs Futé! Un titre trÚs bien trouvé. Nommé pour le Kennerspiel 2018, un mini Roll&Write trÚs malin
The Mind. NommĂ© pour le Spiel. Un « jeu » coopĂ©ratif dans lequel on doit aligner des suites sans se parler. Juste avec la force de son esprit (surtout si on est le Professeur X). Un « jeu » trĂšs clivant qui nâa laissĂ© personne de marbre. Mais un⊠jeu, vraiment?
Les Charlatans de Belcastel, donc, Kennerspiel des Jahres 2018, un stop-ou-encore dans lequel on doit composer des formules « magiques ». Un jeu créé par un biologiste moléculaire slash chimiste. LOL
L’un des meilleurs jeux de 2018, pas moins
Découvrez la critique complÚte ici

Illusion, un mini-jeu tout subtil de reconnaissance de couleurs

Brikks, un Roll&Write (encore?) Ă la Tetris
Vous pouvez consulter les rĂšgles du jeu ici

Et enfin, ce Fuji
Donc six jeux, rien qu’en 2018
OK, ce nâest pas encore Bruno Cathala qui sort des jeux Ă la kala, 3-5 par annĂ©e depuis plus de dix ans, mais vu la crĂ©ativitĂ© de Wolfgang Warsch et son prestigieux Kennerspiel dĂ©crochĂ© cette annĂ©e, cet auteur autrichien est bien parti pour marquer le paysage ludique contemporain
Un nom Ă surveiller, donc
Vivement 2019
Et encore une derniĂšre chose
Vous pouvez consulter les rĂšgles de Fuji en anglais ici
Vous pouvez trouver Fuji chez Philibert en anglais ici
- Date de sortie : Décembre 2018
- Langue : Allemand et anglais. BientĂŽt une VF, mais quand?
- Auteur : Wolfgang Warsch, le Wonderboy de 2018
- Illustrateur : Weberson Santiago
- Editeur : Feuerland
- Nombre de joueurs : 2-4 (optimum: 3)
- Age conseillé : dÚs 10 ans (pas moins)
- DurĂ©e : 30-45′
- ThÚme : éruption volcanique
- Mécaniques principales : coopératif, dés, communication, déduction, programmation


One Comment
morlockbob
ça fait plaisir de retrouver l illustrateur de l Auberge sanglante;…un tour sur son site est conseillĂ©