Critiques de jeux,  Jeux de plateau,  Jeux de rôle

Cartaventura Hollywood. Clochard céleste, périple palpitant

Dans Cartaventura Hollywood, ce n’est pas parce qu’on n’a pas de toit sur la tête qu’on ne peut pas vivre des histoires magnifiques.


Cartaventura Hollywood

Depuis sa sortie tonitruante en 2021, le Mixi Cartaventura a réussi trois exploits :

👉 Proposer un jeu de société qui ne tient que sur quelques cartes, dans une micro-boîte.

👉 Placer un contexte historique réel. On joue, on découvre, on apprend, on explore un épisode historique réel.

👉Offrir une expérience ludique palpitante, passionnante, narrative, coopérative et immersive.

Depuis sa sortie au début de l’année 2021, Cartaventura a sorti 4 boîtes , 4 aventures, 4 réalités différentes : Lhassa, sur les traces de l’exploratrice Alexandra David Neel, Vinland, ambiance viking sur les traces de l’explorateur Erik le Rouge. Oklahoma, sur les traces de Bass Reeves en 1854, le tout premier shérif afro-américain. Caravanes, parcourez la Route de la Soie à la recherche d’Ibn Battuta. 4 boîtes, 4 jeux, 4 ambiances, 4 explorateur, exploratrice ou personnage historique.

Et dans quelques jours, fin septembre, sortira la 5e boîte, Hollywood. Nous y avons joué en avant-première, et nous avons vraiment, vraiment, vraiment beaucoup aimé.

Voilà c’est tout fin de l’article merci de nous avoir lus.

Vous voulez en savoir plus ?

Si vous désirez en savoir plus sur cette cinquième boîte, cette cinquième aventure, voici plus de détails. Après Oklahoma, Hollywood nous propulse à nouveau aux US. Un siècle plus tard, juste après la Première Guerre mondiale, en 1920.

Vous êtes Jim Tully. fils d’immigrés irlandais. Quand vous avez démissionné de votre boulot de chainier, personne n’a compris. 

Mais ce rêve américain où chacun n’aspire plus qu’à sa Ford T, son grille-pain électrique et son pavillon à crédit n’est pas le vôtre. La révélation survint dans ce nickelodéon qui diffusait « Une vie de Chien » de Charlie Chaplin sur grand écran. Vous êtes ressorti de la salle avec une évidence : le cinéma est votre vocation. 

Hier, au dépôt ferroviaire, vous avez sauté clandestinement dans un train de marchandises, sans vous soucier d’où il vous mènerait. Tant que c’était vers l’Ouest. Vous êtes devenu un devient un « train hopper », un sauteur de train, parmi une multitude d’autres qui font pareil. S’accrochant de convoi en convoi pour sillonner le pays, dormant sur le dos des wagons de marchandises.

Un tramp. Un cuir. Un travailleur itinérant. Un vagabond du rail. Comme un million d’américains, vous êtes désormais, ce qu’on appelle un « homeless boy ». Un « hobo », un vagabond.

Hollywood introduit trois nouvelles mécaniques :

  • Recherche de nourriture pour avancer
  • Vivre des scènes de film ayant inspiré Charlie Chaplin
  • Découvrir cinq fins possibles

Histoire, Hollywood et hobo. Même hombat

Hollywood, la 5e boite Cartaventura, parle donc de pauvreté, de nomadisme, de conditions précaires. Mais également, de trains, un aspect prépondérant dans le jeu, et dans l’histoire aussi. Et puis aussi de la prohibition et de la pègre, les deux étant liés.

Pour faire face aux incertitudes et dangers de leur vie, les vagabonds, les hobos, vous, dans Hollywood, ont développé un système de symboles qu’ils écrivaient à la craie ou au charbon pour fournir aux autres « Chevaliers de la route » des instructions, de l’aide et des avertissements.

Signes et symboles Hobo
Signes Hobo, Californie, c. années 1870.

Les hobos étaient donc les travailleurs nomades qui parcouraient les États-Unis, prenant des emplois partout où ils le pouvaient et ne passant jamais trop de temps au même endroit. 

La Grande Dépression (1929-1939) a été la période où les chiffres étaient probablement les plus élevés, car elle a forcé environ 4 000 000 d’adultes à quitter leur foyer à la recherche de nourriture et d’un logement. Parmi eux, 250 000 étaient des adolescents. L’effondrement économique avait tout détruit dans leur jeune vie. 

Ces hobos ont sillonné le pays, généralement en train de marchandises, sautant dans des wagons alors que les trains s’éloignaient de leurs arrêts ou ralentissaient dans les virages de la voie. On les retrouve par exemple dans les œuvres de John Steinbeck, comme Les Raisins de la Colère ou Des Souris et des Hommes.

Trouver de la nourriture était un problème constant, un aspect que l’on retrouve dans Cartaventura Hollywood, et les vagabonds mendiaient souvent dans les fermes. Si le fermier était généreux, le clochard marquerait la voie pour que les autres clochards sachent que c’était un bon endroit pour mendier.

Des marques étaient apposées sur les clôtures, les bâtiments, les arbres, les trottoirs. Partout où un message pouvait signaler une aide ou un problème. Il fallait utiliser des symboles simples, clairs, pour que les vagabonds puissent facilement les reconnaître.

Signes et symboles Hobo
Signes Hobo, de Symbol Sourcebook, par Henry Dreyfuss

Traduction de certains signes couramment utilisés :

  • Une croix : « nourriture des anges » (nourriture servie aux vagabonds après un sermon).
  • Un triangle avec les mains : le propriétaire a une arme à feu.
  • Un zigzag horizontal : un chien qui aboie.
  • Un carré manquant sa ligne supérieure : en toute sécurité pour camper à cet endroit.
  • Un chapeau haut de forme et un triangle : la richesse.
  • Un fer de lance : un avertissement pour se défendre.
  • Un cercle avec deux flèches parallèles : sortez vite, les vagabonds ne sont pas les bienvenus.
  • Deux cercles imbriqués : menottes (c’est-à-dire que les vagabonds sont emprisonnés).
  • Un symbole de caducée : médecin vivant dans la maison.
  • Une croix avec un smiley dans l’un des coins : le médecin traitera gratuitement les vagabonds.
  • Un chat : une gentille dame vit ici.
  • Une ligne ondulée (signifiant eau) au-dessus d’un X : eau douce et camping.
  • Trois lignes diagonales : pas un endroit sûr.
  • Un carré avec un toit incliné (signifiant une maison) avec un X à travers : la maison a déjà été « brûlée » ou « piégée » par un autre clochard.
  • Deux pelles : travail disponible (pelles, car la plupart des vagabonds effectuaient un travail manuel).

Enfin, le nombre de travailleurs itinérants a chuté de façon spectaculaire dans les années 1950, comme Jack Kerouac, qui n’était pas étranger à la vie de clochard, l’a noté dans son œuvre Le Vagabond Solitaire :

“The American Hobo has a hard time hoboing nowadays due to the increase in police surveillance of highways, railroad yards, sea shores, river bottoms, embankments and the thousand-and-one hiding holes of the industrial night.”

« Le Hobo américain a du mal à vagabonder de nos jours en raison de l’augmentation de la surveillance policière des autoroutes, des gares de triage, des bords de mer, des fonds de rivières, des talus et des mille et une cachettes de la nuit industrielle. »

Jack Kerouac, dans Le Vagabond Solitaire. 1960

L’une des chansons de hobo les plus connues est Big Rock Candy Mountain, enregistrée pour la première fois par Harry McClintock en 1928, sur l’idée d’un hobo au paradis. 

Elle a été utilisée par ailleurs dans le générique d’ouverture du film des frères Coen de 2000 O Brother, Where Art Thou? Un film au scénario inspirée de l’Odyssée d’Homère. Le film incorpore quelques aspects que l’on retrouve dans le jeu Cartaventura Hollywood : le voyage, le train, les périls et péripéties sur la route.

Et Hollywood, dans tout ça ?

Oui, pourquoi Hollywood, le titre ? Parce qu’entre les années 1910 et 1920, c’est à ce moment-là que la production cinématographique commence.

Début 1910, le réalisateur D.W. Griffith réalise In Old California, le tout premier film tourné à Hollywood, Los Angeles, un mélodrame mettant en scène des Mexicains occupant la Californie au début du XIXe siècle.

Dès lors, plusieurs réalisateurs de la côte Est se rendent à l’Ouest. Progressivement se forme une… ville champignon. C’est au milieu des années 1910 que naissent les premières grandes stars du cinéma américain : Douglas Fairbanks, Florence Lawrence, Florence Turner, Mary Pickford et, bien sûr, Charlie Chaplin, un personnage que l’on retrouve dans le scénario Hollywood.

Durant la Première Guerre mondiale, l’industrie européenne du cinéma étant paralysée par les efforts de guerre, Hollywood devient la capitale mondiale du cinéma.

Le panneau Hollywood

Ce sont les neuf lettres haut perchées les plus connues du monde. Le célèbre écriteau monumental «Hollywood», formé des lettres capitales du nom de ce quartier de Los Angeles, va bénéficier d’un… ravalement de façade.

Le panneau se trouve dans le parc Griffth, qui abrite aussi un observatoire. On le voit bien depuis la route qui serpente entre d’autres collines, Mulholland Drive.

Le fameux panneau, érigé en 1923 et surplombant la capitale mondiale des studios de cinéma, va se refaire une beauté avant de célébrer son centenaire l’an prochain. Les travaux débuteront lundi prochain et doivent durer environ huit semaines, a annoncé le Hollywood Sign Trust, l’organisme chargé de la protection du site.

Après un nettoyage effectué au jet sous pression, les lettres, d’une hauteur de 14 mètres, seront repeintes. Une quantité totale de… 1 500 litres de peinture blanche a été prévue !

Emblématique, ce panneau fait la fierté de Los Angeles et de toute l’industrie de cinéma hollywoodienne, un thème qui infuse dans cette aventure Cartaventura.

Et comment on joue ?

Hollywood se joue exactement comme toutes les précédentes boîtes Cartaventura. Un paquet de cartes, numérotées. Avec, à chaque fois, une illustration et un texte. Et enfin, un numéro de carte qu’on est appelé à retrouver dans le paquet. Ces cartes, souvent placées côte à côte, vont finir par dresser un tableau, un plateau de jeu.

Toutes les cartes affichent deux faces. On passe alors sa partie à les retourner en fonction de ses décisions, actions, réactions.

Cartaventura est une sorte de Livre dont vous êtes le héros, narratif, immersif, coopératif. Sans paragraphes, mais avec des cartes. Avec la plus-value ébouriffante de nous propulser dans des scénarios historiques, toujours validés par des institutions ou associations qui maîtrisent le sujet.

C’est Thomas Dupont qui a créé la mécanique du jeu, publié par l’éditeur d’Annecy Blam !. Depuis lors, chaque boîte est signée ou co-signée par un ou plusieurs auteurs de jeu.

Pour terminer, il faut relever deux éléments, essentiels. Cartaventura se joue sans aucune appli ou numérique. Les cartes se suffisent à elles-mêmes. Et enfin, toutes les boîtes Cartaventura sont produites en France. L’éditeur haut-savoyard ayant une forte fibre écologique, il essaie de proposer ses jeux avec la plus petite empreinte écologique possible. Une démarche (trop) rare dans l’industrie du jeu de société.

Interview des auteurs

Nous avons voulu en savoir plus sur la genèse et le développement d’Hollywood. Nous avons alors interviewé le duo d’auteurs, haut-savoyards eux aussi, Jérémy Fraile et Yohan Servais.

Bonjour Jérémy, bonjour Yohan,

Dans quelques jours, fin septembre, sortira la 5e boîte Cartaventura chez Blam !, dans laquelle vous incarnez Jim Tully, un hobo des années 20 au CV impressionnant et qui a travaillé avec Charlie Chaplin. Vous en êtes les auteurs. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que vous collaborez sur un jeu. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Et comment avez-vous commencé à créer des jeux ensemble ?

Bonjour Gus !

JEREMY : En effet, on rempile avec Yohan pour une nouvelle aventure après notre scénario pour Unlock! et avons d’autres choses ensemble à venir. Avec Yohan nous nous connaissons depuis nos études à Lyon, au début des années 2000, mais nous nous sommes surtout revus il y a quelques années par le truchement des jeux de société. Yohan préparait un jeu d’enquête (qui finalement sortira l’an prochain), quand il a appris que j’allais à Essen pour la sortie de mon premier jeu «Sabbat Magica» en 2016. On a ensuite pas mal échangé sur les jeux et plusieurs projets sont nés à partir de là.

YOHAN : C’est donc naturellement qu’on a décidé de se lancer ensemble dans l’écriture du « Tour du monde en 80 minutes » pour Unlock. Travailler ensemble a tout de suite été très facile. Peut-être parce qu’on se connaît depuis longtemps et qu’on est géographiquement proche. Mais surtout parce que nous sommes à la fois identiques et complémentaires.

Dans Hollywood, comme toutes les autres aventures Cartaventura, on y incarne un personnage historique, insolite, en marge de l’histoire avec un grand H. D’où vous est venu l’inspiration pour ce personnage, ce décor historique ?

YOHAN : J’ai été sollicité par Simon, le chef de projet chez Blam !, en février 2021. Il avait eu vent que je développais un scénario d’enquête dans l’ISS, la station spatiale internationale. Il cherchait un auteur pour écrire un scénario d’anticipation de « hard-science » sur la colonisation de Mars pour un futur jeu : Cartaventura. Immédiatement j’ai embarqué Jeremy tant le projet me semblait une montagne. On a testé le jeu, on a adoré. Nous voilà donc à manger de la documentation pendant plusieurs semaines pour dessiner les grandes lignes du scénario et leur faire une proposition. La genèse du thème Hollywood a ensuite été à l’image de notre façon de travailler (et de cette interview 😄 ) : en ping-pong perpétuel.

JEREMY: J’avais proposé à Yohan de faire quelque chose sur le thème des vagabonds du rail, qui m’avait marqué dans plusieurs romans et BD. Et on avait senti tous les deux qu’il y avait un truc à faire avec ça : une enquête, un jeu… J’ai donc évoqué à nouveau l’idée d’un scénario dédié pour Cartaventura.

YOHAN : Plus je creusais l’idée de Jeremy, plus je la trouvais folle. Mais il nous manquait un but et un personnage historique. En me documentant sur l’époque, c’est naturellement qu’est apparu la création d’Hollywood puis par ricochet : Charlie Chaplin. L’accoutrement du personnage de Charlot (surnommé en anglais « The Tramp », le clochard) étant celui porté par les hobos. J’ai passé le relai à Jeremy qui n’a pas tardé à dénicher le chaînon manquant entre Chaplin et le monde des hobos. C’était décidé, exit l’idée initiale d’incarner un enfant à la Tom Sawyer : on sera Jim Tully (qu’on vous laissera découvrir…)

JEREMY : On présente quand même le scénario «  Mars » à Simon et Thomas, qu’ils valident. On évoque alors ensuite les grandes lignes d’un scénario « Hollywood » en 1920 par le prisme d’un voyageur hobo. La semaine suivante, on reçoit un message qui nous demande de reporter le voyage vers Mars pour foncer sur Hollywood.

Dans toutes les autres boîtes Cartaventura, un institut ou une association est contactée pour fournir et valider un cadre scientifique et historique. Comment s’est déroulée votre collaboration avec le Bureau Chaplin, situé à Paris ? Et est-ce que vous vous êtes également rendus au musée Chaplin à Corsier-sur-Vevey en Suisse, là où le célèbre acteur a vécu et y est décédé, entre 1952 et 1977 ?

JEREMY : La fondation Chaplin est la fondation qui, à Corsier-sur-Vevey en Suisse, dirige le Chaplin’s World. Simon l’a effectivement contactée pour nous aiguiller et nous renseigner sur tout ce qui avait trait à la première star mondiale de l’histoire du cinéma. Il aurait été dommage de se priver du Musée Chaplin à côté de chez nous. En août 2021 on est donc partis avec nos familles respectives à Vevey. Le musée est exceptionnel et a été une grosse source d’inspiration.

YOHAN : Ça a été un honneur de travailler avec la fondation Chaplin. Nous redoutions qu’ils censurent bon nombre de nos idées mais au contraire, ils ont toujours été enthousiastes et leurs retours à chaque fois constructifs. Et surtout, leur implication a été incroyable dans les relectures et la traduction. Mais plus que la fondation, c’est presque avec nos personnages qu’on a l’impression d’avoir collaboré pendant plusieurs mois. Personnellement, j’ai eu l’impression de manger avec Chaplin, d’écrire avec Tully, et de dormir avec les hobos. Je pense faire des jeux uniquement pour ces moments-là : quand les idées issues de mois de documentation s’agencent sur la page blanche comme par magie.

Quelles ont été pour vous les plus grandes difficultés auxquelles vous avez dû faire face sur Hollywood ? Et comment les avez-vous résolues ?

JEREMY : Honnêtement il n’y a pas eu tant de difficultés que cela car nous avons la chance de bien nous compléter avec Yohan. Il faut aussi rendre hommage à Simon et à l’auteur Thomas DUPONT qui nous ont super bien encadrés.

YOHAN : La plus grosse difficulté aura été finalement de surpasser l’appréhension de se lancer dans ce qui avait tout l’air d’une usine à gaz. Thomas Dupont et Arnaud Ladagnous avaient mis la barre très haut. On a donc passé du temps à réfléchir à l’expérience de jeu. Sur ce qui marche… ou moins. Sur pourquoi les joueurs avaient envie de relancer une partie… ou pas. Comment se démarquer des autres scenarios… mais pas trop. Après ça, quand on s’est véritablement lancé, tout a déroulé naturellement.

JEREMY : Là où Thomas (à la structure) et Arnaud (à l’écriture) séparaient les fonctions, nous avons adopté le même fonctionnement que sur nos autres projets : travailler en décalé. On a décidé ensemble de ce que pouvaient être les grandes lignes et la situation de départ mais on redoutait de ne pas avoir le recul nécessaire sur les choix qu’on faisait. Alors on a procédé ainsi : je partais en éclaireur et Yohan me suivait.

YOHAN : Dans ce scénario, on traverse les États Unis de villes en villes. C’est comme si Jeremy travaillait avec un train d’avance. Pendant qu’il défrichait les possibles sur une ville, j’élaguais et étoffais la précédente. Bien sûr, on discutait ensemble de chaque idée, chaque tournure, chaque virgule. Mais progresser en décalé avait l’avantage de garder un œil critique et tenter de ressentir chacun notre tour l’expérience des joueurs, tout en résolvant les problèmes ensemble. Si bien qu’à la fin, on ne sache plus qui avait eu telle idée ou écrit telle ligne. A plusieurs reprises, on s’est même retrouvé à défendre une idée que l’autre avait défendu quelques semaines auparavant.

On peut achever le jeu sur 5 fins possibles. Comment avez-vous procédé pour mettre une telle mécanique en place ?

YOHAN Sur les conseils de Thomas et Simon, nous avons imaginé nos fins avant de commencer. Très vite en a découlé la logique globale et ce qu’on voulait raconter. Puis de là tout s’est mis à s’écrire tout seul. Il faut le reconnaître, l’avantage de se lancer sur un scenario sur les hobos, Charlie Chaplin et Jim Tully, c’est que l’on n’a pas besoin de trouver des idées. Il faut seulement les trier et les organiser. On connaissait Chaplin comme tout le monde, c’est-à-dire pas tellement. Or ce sont des personnages tellement riches, dans une époque tellement incroyable que plus on se documentait plus on était impressionné par leurs vies.

JEREMY : Thomas et Simon ont une idée très claire de ce que doit être Cartaventura. Leur faire confiance et accepter chacune de leur remarque était donc une évidence. La difficulté principale était de faire rentrer tous nos arcs narratifs en 70 cartes et dans un cadre prédéfini. Mais c’est aussi pour ça que l’on fait des scénarios pour les jeux des autres. Il est intéressant, je trouve, de voir si on est capable de respecter les règles tout en poussant un peu les murs pour apporter notre pierre à l’édifice. En gros faire pareil mais en différent… Bien sûr à un moment on se rend compte qu’on n’aura pas la place de tout mettre, alors il faut ruser et rogner partout où ça coince…

Dans Hollywood, vous n’hésitez pas à user de mots vernaculaires, voire parfois… vulgaires. Quel rôle joue la langue dans le jeu ?

YOHAN : C’est Jeremy qui a défini le ton, issu de la lecture du livre de Tully. Mais on est quand même resté modéré par rapport à ce qu’on aurait pu faire. De façon générale, l’écriture dans ce genre de jeu textuel est aussi importante que les illustrations dans un Dixit. On part avec de grandes ambitions et on s’aperçoit vite qu’on ne met pas grand-chose avec 800 caractères par carte. Et quelque part, heureusement. Pour Antoine Bauza, une règle, c’est une règle de trop. (toujours classe de citer un grand penseur dans une dissert’.) Si on l’applique aux jeux textuels : un mot, c’est un mot de trop. On a donc essayé de privilégier les idées aux belles tournures. En bref, on était plus à la recherche de punchlines efficaces que dans l’exercice littéraire attendu.

JEREMY :  Nous avions effectivement la volonté de montrer la dureté de ce milieu et de cette époque pour une tranche de la population marginalisée, dans un pays qui pourtant connaissait une croissance extraordinaire. Nous voulions donc que le ton soit assez rude. Ce n’est pas un voyage de tourisme, c’est une survie de tous les instants. Mais si nous ne voulions pas travestir la dure réalité du thème, d’un autre côté, nous voulions rendre hommage à Chaplin qui réussissait à le faire par le burlesque. C’était donc l’un de nos nombreux desiderata de départ : décrire des situations tragiques par le comique.

Et pendant l’écriture, comme on traite de personnages qui ont influencé toute l’histoire du cinéma jusqu’à nos jours, on s’est amusé a disséminer tout un tas de citations ou scènes de films. Peut-être en as-tu remarqué certaines. Chapeau aux joueurs cinéphiles qui les repèreront toutes. Même l’éditeur ne doit pas toutes les connaître… 😄

Avez-vous des envies, des idées pour d’autres aventures Cartaventura ?

TOUT LES DEUX: On a pris énormément de plaisir à l’écriture mais également dans les échanges quotidiens avec Thomas et Simon. Forcément, on a toujours le scénario sur la future colonisation de Mars qui dort dans le tiroir. Et les grandes lignes d’un scénario préhistorique dans le tiroir du dessous. On a aussi pas mal évoqué ensemble la possibilité d’un scénario WOODSTOCK 1969 sur l’univers du rock ou TOUR DE FRANCE 1904 mais la difficulté, c’est surtout de dégager du temps pour virtuellement voyager jusque Mars, manger avec Hendrix, transpirer sous la pluie avec un vélo à pignon fixe et jantes en bois ou dormir sous une peau de bête pendant plusieurs mois.

Merci pour vos réponses !

Cartaventura Hollywood, verdict

Cartaventura Hollywood est pour nous un gros, gros coup de cœur de la rédaction ! Malin, immersif, varié, historique, Hollywood nous offre la possibilité de re-re-rejouer pour découvrir plusieurs itinéraires, plusieurs fins.

Et puis soudain, la magie s’opère. Hollywood infuse en nous une vision peu romantique et parfois trash du hobo, héritier lointain et affranchi des itinérants besogneux de la Grande Dépression. Tel un baluchon, on accompagne les péripéties du personnage principal pour, finalement, se prendre au jeu, se prendre pour lui. Et s’inquiéter de son sort, misérable mais magnifique.

Cartaventura Hollywood s’affiche comme une performance ludique, épurée et flamboyante en faisant tenir un tel concentré de récit palpitant sur à peine 70 petites cartes carrées.

Grandiose !

Note : 5 sur 5.

  • Création : Jérémy Fraile, Thomas Dupont, Yohan Servais
  • Édition: Blam !
  • Illustrations : Jeanne Landart, Guillaume Bernon
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 6 (tourne mieux à 1-2)
  • Âge conseillé : Dès 10 ans (pas moins ! Le langage et les contenus sont parfois… crus)
  • Durée : Comptez bien 60′ par itinéraire et fin possibles. x5, si vous voulez tous les découvrir
  • Thème : L’Entre-Deux guerres aux États-Unis
  • Mécaniques principales : Narratif, coopératif. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.

Et encore une chose

Blam! travaille actuellement sur la suite de Cartaventura.

Versailles

Paris, France, 1688.

Vous êtes Julie d’Aubigny, également connue sous le nom de Mademoiselle de Maupin. Vous avez grandi à la cour de Versailles. Vous y avez reçu la même éducation que les pages de la cour : les lettres, le dessin, la danse, mais également l’équitation et l’escrime.

À tout juste seize ans, vous venez d’épouser Monsieur de Maupin. Un mariage arrangé par le comte d’Armagnac, l’employeur de votre père, mais également votre amant. Votre vie semble déjà écrite par les hommes de votre entourage. « Vous êtes une femme à présent, une femme ne se bat pas » vous dit-on. Fort heureusement, le monde ne s’arrête pas aux écuries du Roi. Vous rêvez d’amour et d’aventure. Quels seront vos choix ? Où vous mèneront-ils ? Quelle sera votre vie ?

Versailles introduit deux nouvelles mécaniques :

  • Déguisement possible à chaque action pour changer la réaction
  • Fuite et dissimulation

Sortie prévue pour le printemps 2023.

Cartaventura : Odyssée

Il y a Unlock!, et Unlock Kidz. Il y aura désormais bientôt également Cartaventura, et Cartaventura Kids Odyssée. Cartaventura : Odyssée est en vrai du Cartaventura, mais pour enfants.

Le jeu est conseillé dès 6 ans avec un adulte, 7-8 ans en lecture partagée, avec un adulte ou une grande soeur, et 9 ans en autonomie complète.

Le pitch ?

Cartaventura Odyssée est une collection de jeux de cartes narratifs destinée à toute la famille. Vivez de grandes aventures historiques aux multiples dénouements ! Votre objectif : terminer les 3 chapitres de l’histoire et découvrir les 12 cartes secrètes en faisant les bons choix.

La thématique et les histoires sont plus accessibles, pour que les enfants peuvent suivre. Tout en insérant des dilemmes moraux. Aborder, ne pas aborder un bateau ? Et quid de l’esclavage ? On vote pour, ou pas ?

L’ergonomie a également été travaillée pour aider les enfants à bien suivre le jeu et gérer les différents paquets. Ici, ou là ? Grâce à, notamment, un animal de compagnie, un perroquet, qui va servir de guide.

Enfin, il y a un mécanisme de cartes cachées, des cartes Savoir, 12 cartes bonus à débloquer et obtenir selon les décisions et situations dans le jeu.

La toute première boîte Odyssée est annoncée pour le vendredi 25 novembre. Elle se déroule dans l’univers des pirates. Un thème qui fascine.

Nota Bene

Et enfin, il y a quelques mois, la célèbre chaîne YouTube historique Nota Bene a passé un partenariat avec l’éditeur de Cartaventura pour parler de l’incroyable destin de Bass Reeves, le personnage principal dans Oklahoma. À savourer ici :


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Article écrit par Gus. Rédacteur-en-chef de Gus&Co. Travaille dans le monde du jeu depuis 1989 comme auteur et journaliste. Et comme joueur, surtout. Est également pilote de chasse pour l’armée américaine, top-modèle, bio-généticien spécialiste en résurrection de dinosaures, champion du monde de boxe thaï et de pâtisserie végane, dompteur de tricératops, inventeur de l’iPhone et mythomane.

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