Jeux de plateau,  Jeux de rôle

Le Livre-Jeu, des pages palpitantes aux épopées épiques à palper

Les Livres-Jeu ne sont jamais morts. En 2021, la bataille, féroce, ne fait que commencer.


Livres-jeu

Si vous êtes, comme moi, né dans les années 70, vous avez passé, comme moi, votre adolescence les yeux rivés, rivetés à ces livres-jeux, ces Livres dont vous les Héros, les LDVEH, comme on les appelle aujourd’hui, avec affection, avec mélancolie.

Le Labyrinthe de la Mort, Le Manoir de l’Enfer, Le Sorcier de la Montagne de Feu, Le Talisman de la Mort, des incunables aux titres, funestes, qui, à leur évocation, chatouillent en nous un spleen, une nostalgie de nos années incandescentes.

Un rien désuets, et pourtant chevaleresques, les livres-jeux, subtil brassage de récit littéraire et aventure ludique, emportent leur lectorat dans une épopée épique, mâtiné d’énigmes, de paragraphes et de pages à palper. Vous allez à droite, ou à gauche ? Les livres-jeux, ce genre de romans, interactifs, au déroulement de l’histoire dépendant de nos choix.

Né dans les années 1960-1970, il devient célèbre en 1982 avec le livre Le Sorcier de la Montagne de feu. Le genre connaît son heure de gloire dans les années 1980 et au début des années 1990 avant de sombrer dans l’oubli, ou presque, les éditeurs abandonnant la réédition de ces livres dont le succès n’est plus au rendez-vous, du fait de la concurrence des jeux vidéo.

Un léger renouveau se fait sentir à partir de 2003, lorsque l’éditeur anglais Wizard Books réédite les livres les plus connus de la série Défis fantastiques, suivi en 2007 par Gallimard en français.

Dans les années 2010, des éditeurs de littérature jeunesse « classique » éditent des livres-jeux en extension de leurs collections habituelles pour épicer leur catalogue. De quoi relancer le phénomène.

Et en 2021, le marché du livre-jeu se porte bien, merci pour lui. On les croyait à l’agonie à la fin des années 90 avec l’irruption des jeux vidéo d’aventure, peut-être plus immersifs. Et pourtant, aujourd’hui, le retour des livres-jeux est flagrant, soutenu et sublimé par la folie des Escape Games.

Escape Book

Dans le sillon de l’émergence, mondiale, des Escape Rooms dans les années 2010, le livre-jeu est sorti de sa torpeur et a secoué ses pages pour revenir sur le devant de la scène ludique, littéraire.

À coup de « sortez, trouvez, fuyez, combattez », les livres-jeux, promesse cathartique, nous emballent aujourd’hui dans une échappée, belle, de notre réalité mouvementée.

Épiphénomène d’une humanité qui savoure les récits, avec les livres-jeux, comme les Escape Games, on se régale à s’enfermer pour mieux s’échapper, soi-même.

Et c’est la clé, de sortie, de compréhension. On lit, on joue, comme on vit, avec défis et difficultés à dénouer, soi-même.

Héros plongé dans une épopée, nous nous sentons transporté, immergé. Et le marché ne s’est pas trompé. Si vous flânez sur les étagères, numériques ou analogiques, vous aurez peut-être été surpris d’observer une foison de propositions. Avec, depuis quelques années, l’émergence d’un nouveau genre, la bande-dessinée dont vous êtes le héros, entre bédé et livre-jeu, donc.

Asmodee, en embuscade

Asmodee, le géant des jeux, vient tout juste cette semaine de s’engouffrer dans la brèche des livres-jeux. Hachette vient jouer sur le turf d’Asmodee en sortant des jeux de sociétés et en rachetant foultitude d’éditeurs ? Qu’à cela ne tienne. Asmodee fera pareil.

Avec des ventes de livres qui ont augmenté lors du premier semestre 2021, Asmodee se devait de ne pas rater le coche. Les revenus tirés de la vente de livres sont en effet en progression depuis le début de l’année dans plusieurs pays d’Europe, avec parfois des hausses de plus de 30%.

L’étude de l’institut allemand GfK qui vient de paraître s’est basée sur les chiffres du marché du livre physique pour le premier semestre 2021 dans huit pays d’Europe et au Brésil, en excluant dans chaque cas les abonnements et les téléchargements.

Quelques données sur le marché du livre durant le premier semestre 2021. [GfK Entertainment GmbH]

Le constat est sans appel. Le livre se porte bien. Dans tous ces pays, les revenus du secteur du livre sur les six premiers mois de l’année en comparaison avec ceux de 2020 sont en hausse. L’augmentation la plus significative a été enregistrée en France avec plus de 43%. Suit l’Espagne (+38,3%), l’Italie (+36,8%) et la Belgique (+33,8%).

Asmodee vient donc jouer dans le pré carré d’Hachette. Désormais, Asmodee déclinera tout son « Asmodee Extended Universe » sous format de livres-jeux.

Le distributeur de jeux français a en effet annoncé cette semaine avoir signé un partenariat avec l’éditeur de livres-jeux Mango Éditions (Le Manoir Maudit, le Temple Maya).

Mango est une marque éditoriale de Fleurus Édition, un des pôles édition de Média-Participations, parmi les tous premiers à avoir mélangé Escape Game et livres-jeux. Même si le concept de s’enfuir d’une montagne de feu et éviter un sorcier existe depuis plus de 40 ans. On repassera pour le preums.

Le distributeur, avec l’éditeur, compte désormais dérouler ses jeux et personnages emblématiques sous format livres : Professeur Noside d’UnIock! ou Les Loups-Garous de Thiercelieux.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Asmodee se lance sur le marché des livres-jeux, ils ont déjà signé un premier partenariat avec l’éditeur Rageot pour deux tomes Unlock : Échappe-toi des Catacombes et Échappe-toi du Cimetière. On attend : Échappe-toi du Sars-Cov-2.

Mais au fond, c’est quoi, un bon Livre-Jeu ?

Comme son nom l’indique, un bon livre de jeu incorpore des éléments à la fois d’un roman et d’un jeu. Les livres-jeux, les bons livres-jeux, ont besoin des deux pour réussir.

Les livres-jeux sont à la fois plus faciles et plus difficiles à écrire que les romans. La nature même d’un livre-jeu, avec des intrigues ramifiées et des choix laissés au lectorat, rend de manière intrinsèque la construction d’un récit plus difficile qu’elle ne le serait avec une pure fiction. Le ou la protagoniste du récit, vous, dans le jeu, a besoin d’évoluer, à son rythme, dans une aventure scriptée qui se découpe en choix et en défis.

Dans le même temps, les livres-jeux sont, peut-être, plus indulgents que les romans. L’écriture, soyons honnêtes, n’est pas toujours la plus raffinée. Et pourtant, certains livres-jeux, coucou Le Manoir de l’Enfer ou le Sorcier de la Montagne de Feu, restent encore aujourd’hui parmi les plus grands succès, parmi les titres les plus populaires.

Cela dit, si les critères d’exigence ne sont pas les mêmes que pour un roman, cela ne veut pas dire que le récit doit être bâclé.

Un bon livre-jeu, c’est un objet qui immerge son lectorat dans un récit, et qui lui offre en même temps l’opportunité de briller par ses choix. En invoquant contrôle et compétences.

Et, à l’instar d’un roman, plus un récit est fulgurant et plus il galvanise.

Toutefois, raconter une bonne histoire ne constitue que la moitié d’un livre-jeu. L’interactivité en est l’âme. Qu’on se le dise, tous les livres de jeux ne doivent pas être des œuvres d’art pour gagner en valeur. Certains d’entre eux peuvent être des jeux, des expériences divertissantes. Ou, dans le meilleur des cas, ils peuvent être les deux.

De nombreux livres-jeux contiennent également d’autres mécanismes, que l’on retrouve dans les jeux de plateau, de rôle, bien sûr, et vidéo, aussi : un inventaire à gérer, des combats à mener, de la magie à manipuler.

Et pourtant, tous les livres-jeu partagent le mécanisme de base des choix narratifs. Il s’agit d’un « jeu » car l’ensemble est un problème à résoudre. La solution est la « meilleure » fin possible. Le problème est de s’y retrouver dans le dédale des choix narratifs.

Pour que l’expérience soit divertissante, surtout, mémorable, même, les choix en cours de route doivent être intéressants, significatifs et pertinents. Le lectorat, joueur ou joueuse, doit recevoir suffisamment d’informations pour avoir une chance de réussir sans avoir à dilapider des tentatives, sans que, toutefois, la solution ne paraisse évidente.

Au final, un bon livre-jeu doit réussir le grand écart entre roman et expérience ludique dont le but premier est de divertir.

Et encore une chose

Ce site vous permet de revivre, avec nostalgie, tous les livres dont vous êtes le héros de notre jeunesse. Magique !

Et vous, est-ce que vous lisez des Livres-jeu ? Avec vos enfants, peut-être ? Racontez-nous ça en commentaire.

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One Comment

  • Un amateur

    Un peu en retard sur l’article, mais étant avide de la collection avec mes deux enfants, je recommande vivement Ma Première Aventure. Ce sont des livres à choix multiples mais de progression linéaire (on ouvre un volet sur 3).

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