Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Cities Skylines, Gérez Votre Ville, Une Tuile Après L’autre

Cities Skylines, de quoi ça parle ?

Cities Skylines vous dit peut-être quelque chose. C’est ce jeu vidéo, cette sorte de Sim City sorti chez Paradox en 2015 et en plus élaboré. Dans ce jeu vidéo vous participez à la construction et à la gestion d’une… ville. Depuis 2015, de nombreuses extensions sont sorties : Catastrophes naturelles (2016), chute de neige (2016), Ville verte (2017), Industries (2018)… et la dernière en date, Parklife enfin (2019), pour introduire des… parcs dans sa ville.

Un jeu vidéo qui a connu un petit succès, au point de motiver l’éditeur du jeu vidéo et Kosmos à signer une adaptation en jeu de plateau cinq ans plus tard.

Dans Cities Skylines, même si on passe sa partie à jouer des cartes et poser des tuiles polyomino (encore ???), le jeu tente de proposer des variables cohérentes, notamment les multiples jauges qui évoluent en fonction des tuiles, des bâtiments placés : pollution, crime, énergie, trafic, etc.

Un 3 sur 5 sur l’ITHEM.

Et comment on joue ?

Le jeu commence avec trois plateaux de terrain, le nombre exact variant en fonction du scénario. L’objectif est de franchir un certain nombre de jalons et de rendre les habitants et habitantes de votre ville heureuses. 

Au début de chaque jalon, on obtient un plateau supplémentaire qu’on bascule alors de son côté « sauvage » slash naturel à son côté développé, de quoi agrandir ses quartiers et pouvoir poser plus de tuiles et bâtiments.

À son tour, on a le choix entre trois actions :

  • Mettre fin à la manche en cours. Les jauges ont alors un impact sur le jeu, sur le bonheur. On peut effectuer cette action trois fois au cours de la partie. À la troisième, on met fin à la partie.
  • Échanger, piocher une nouvelle carte en payant un coût.
  • Le cœur du jeu : jouer une carte et poser la tuile polyomino correspondante sur le plateau commun. Selon le type de bâtiment, on peut choisir la forme de la tuile. Selon la carte, la tuile, le bâtiment posé, on paie son coût et on adapte la ou les jauges correspondantes : plus ou moins de trafic, de pollution, d’énergie, d’eau potable, de bonheur…

Des règles plutôt fluides et évidentes, une fois qu’on a saisi les multiples pictos qui inondent les cartes.

Et comment on gagne ?

Lors de chaque manche achevée, le niveau des jauges fait gagner, ou perdre un niveau de bonheur général, les points de « victoire » du jeu.

Une fois les trois manches passées, on adapte encore le bonheur général en fonction des dernières jauges, et on compare son niveau de bonheur général au tableau présent dans les règles. Selon le résultat, on a réussi à construire, à accomplir telle ou telle ville : une ville dortoir, une ville idéale…

Interaction ?

Sur l’IGUS, l’échelle de mesure de l’interaction dans les jeux, Cities Skylines atteint un 5/5.

Pourquoi ?

Parce que dans Cities Skylines, plutôt qu’un jeu compétitif à la Suburbia (tellement bon) ou Between Two Cities (moins bon), Cities: Skylines est coopératif. Pour autant qu’on n’y joue pas en solo, il va falloir… coopérer.

Dans Cities Skylines, il va bien falloir gérer les 2-3 prochains tours de toute la table pour savoir qui place quelle tuile quand, et où. L’équipe va devoir discuter et planifier ensemble de la meilleure façon de développer la ville. Comment gérer le ramassage des poubelles, la criminalité, la pollution, les hôpitaux, le trafic, les zones industrielles, commerciales, résidentielles, tout ça.

Si tout le monde joue pour soi, sans se soucier des cartes, des actions des autres, la partie sera vite pliée.

À combien y jouer ?

Le jeu est prévu de 1 à 4. Le jeu peut se jouer en solo, et il est très bon dans cette configuration.

La seule adaptation selon le nombre de personnes tient dans la quantité de cartes en main. Plus on est à la table, et moins on en a.

Le jeu tourne bien en solo, donc, et également à 2 et 3.

À 4, le jeu devient indigeste au possible ! Les discussions et planifications s’éternisent, qui risquent bien de résulter à un blocage du jeu. Qui fait quoi, quand, et où. Si c’est possible de planifier à 2-3, à 4 cela devient compliqué, très compliqué, trop compliqué. Oubliez !

À partir de quel âge y jouer ?

Le jeu indique dès 10 ans. C’est une bonne estimation. Sans être un jeu trop compliqué, il y a quand même plusieurs facteurs et jauges à gérer.

Alors, Cities Skylines, c’est bien ?

Lieu d’habitation, cristallisation d’espoirs, de fantasmes et d’angoisses, la ville a toujours exercé une certaine fascination sur les industries culturelles. On la retrouve par exemple comme personnage principal dans de nombreux films, dont le tout premier peut-être, Metropolis de Fritz Lang de 1927.

On retrouve également la ville dans plusieurs jeux vidéo, avec Sim City bien sûr, sorti en 1989 et qui tourne encore aujourd’hui avec plusieurs épisodes successifs. Cities Skylines de 2015 en reprend les fondamentaux : construction de bâtiments, gestion de différentes jauges.

Les jeux de société ne sont pas en reste. On retrouve la ville et sa construction dans très nombreux jeux plus ou moins récents. On pourra en citer quelques-uns : Quadropolis, Suburbia (déjà cité plus haut) ou Minivilles, dont une version Legacy est sortie il y a peu.

En tant que géographe, spécialisé en géographie et sociologie urbaines, les jeux de construction et de gestion de ville m’ont toujours attiré. Les jeux sont souvent le témoin d’une époque. Plus qu’un divertissement, ils témoignent souvent d’un instantané. Que disent ces jeux sur nos sociétés, nos modernités et nos représentions, nos relations avec notre environnement, bâti et humanisé ?

Cities Skylines, cette adaptation d’un jeu vidéo en jeu de plateau, est plutôt fidèle au matériau de base. Il l’est également dans les faits, urbains. En posant un centre commercial j’augmente le trafic. En plaçant un poste de police, je fais diminuer la criminalité (ça fonctionne aussi avec les écoles. Ouvrir une école, c’est fermer une prison…).

Bon alors, Cities Skylines, c’est bien ou pas ?

Non, mais alors vraiment pas !

Si le jeu est fidèle au jeu vidéo, et à une certaine réalité, en soi, le jeu de plateau n’est pas bon. Parce qu’il donne l’illusion du choix.

En anglais, en gamedesign notamment, on parle d’agency. Terme traduit par agentivité, notamment au Canada, il s’agit de la faculté d’action, de sa capacité à agir sur le monde, les choses, les êtres, à les transformer ou les influencer. L’agency, ou agentivité, est la capacité d’agir ou d’exercer un pouvoir.

Dans Cities Skylines, on n’en a pas ! On subit le jeu. Toute la partie, on pioche des cartes et on attend une carte, un bâtiment. On doit composer et gérer et planifier la construction de sa ville avec ce que l’on a, avec ce que l’on pioche, mais on ne maîtrise pas grand-chose. Et même les plus fins stratèges pourraient perdre une partie si les cartes ne sortent pas, ou en tout cas pas au moment opportun.

Dans Cities Skylines, tout est question de timing. Posez une carte, un bâtiment maintenant, puis un autre plus tard qui permettra de récolter les fruits du premier bâtiment posé. Pour autant qu’il y ait parfois adjacence. Si les concordances ne fonctionnent pas, le jeu est faussé, bloqué, et on patine, à attendre LA carte nécessaire. On fait ce que l’on peut avec ce que l’on a. Mais cela ne suffit pas.

Ce sont souvent les bâtiments de service (hôpital, commissariat, école ou transport public…), onéreux, qui génèrent des synergies, et qui n’apparaissent jamais quand on en a besoin.

Dans un jeu vidéo, on clique sur une option, sur un bâtiment, et pour autant qu’on dispose des moyens pour le construire, on peut le placer et ainsi développer sa ville. Dans cette adaptation en jeu de plateau, les bâtiments disponibles débarquent au hasard, dans le tirage des cartes. Si la chance n’existe pas, le hasard, oui. Et dans Cities Skylines, il est omniprésent, punitif et rédhibitoire.

Alors bien sûr, dans le but de générer des parties toutes différentes, le jeu de plateau était « obligé » de se reposer sur une telle mécanique, pour éviter de toujours reproduire les mêmes patterns. Sauf qu’au final, sous couvert de coopération et de planification, on pense avoir une certaine agentivité dans le jeu, ce qui n’est pas le cas.

Il y a des jeux auxquels vous jouez une fois, et plus vous y jouez, plus vous les appréciez. Pour Cities Skylines, c’est tout le contraire. La première partie est plutôt intéressante, on s’amuse à essayer ceci, cela, on tente d’atteindre et d’offrir à nos citoyennes et citoyens le bonheur le plus élevé. On y croit. Et puis forcément, on n’y arrive pas. On se dit qu’on va mieux jouer ensuite lors de la prochaine partie. On sait comment jouer, maintenant. Et puis pas du tout. On se rend bien vite compte qu’on est trop dépendant de la pioche. Ce qui finit par générer des situations de blocages invivables et pénibles. En fait, plus on joue au jeu et plus on a envie de le… jeter / brûler (mais ce n’est pas très écolo).

Le caractère aléatoire du jeu est tel que vous ne contrôlez rien, jamais. Et surtout, que vous ne pouvez rien prévoir ni planifier. Un comble pour un jeu de gestion et de planification (urbaine).

Soudain, on se retrouve à perdre, des ressources, des points de bonheur, parce qu’on n’a jamais pioché la carte, le bâtiment nécessaire pour remonter la pente. C’est aussi simple et bête et méchant et crétin que cela.

Et les bâtiments de service qui permettent de reprendre des « forces », de faire diminuer les jauges quand elles sont dans le rouge, sont en très, trop petit nombre. Par exemple, il n’y a que 3 bâtiments qui fournissent de l’énergie. Noyés dans plus de 100 cartes dans le jeu. L’aiguille, la botte, le foin, tout ça.

Passer plus d’une heure sur un jeu tellement bancal et hasardeux est une pure perte de temps. D’argent, aussi.

Si vous ne tombez pas rapidement sur les cartes nécessaires, vous allez avoir toutes les peines du monde pour maintenir la tête hors de l’eau. Tout ceci avec difficulté et agacement. Et pourquoi ? Parce que vous n’aurez pas tiré la carte, les bonnes cartes au bon moment. Rageant ! Bâclé.

Au final, plutôt que de perdre son temps avec ce Cities Skylines, autant jouer à pile ou face. C’est tout autant fun, moins cher, beaucoup plus court et moins pénible.

🔴 Cities Skylines, score final :

Note : 1.5 sur 5.

Ce qui nous a moins plu ⛔️

Beaucoup trop de hasard dans la pioche des cartes, des bâtiments

❌ Des règles denses, écrites au kilomètres et peu didactiques

❌ Une esthétique très 90s, très laide

❌ Un jeu bâclé, qui ressemble plus à une exploitation de licence à succès (ici, un jeu vidéo) sortie à la va-vite qu’à un jeu développé, pensé, fignolé

❌ Un jeu destiné à quel public ? Beaucoup trop hasardeux pour les Core, trop complexe pour les Casu / Familles

❌ Un jeu très, trop proche de My City. Qui, lui, est réussi. Également édité par… IELLO

❌ Jouer au petit bonheur la chance. On pose ça, maintenant, ici, et on espère piocher la bonne carte plus tard, peut-être

❌ Au final, un jeu qui se subit plus qu’il ne s’apprécie

Ce qui nous a plu ❤️️

✅ Les jauges à gérer

✅ Le compteur de points en forme de gratte-ciel, aussi inutile qu’indispensable

✅ Un très bon jeu à pratiquer en solo

✅ La cohérence des bâtiments et leur impact sur le jeu, la ville

✅ Les règles, bourrées d’exemples

✅ Les différents « scénarios » supplémentaires disponibles, des variantes, des mini-extensions qui peuvent se rajouter : des personnages aux différents pouvoirs, de nouveau bâtiments, des événements, etc. De quoi rajouter plus de complexité, mais aussi plus de chaos au jeu

✅ Le bonheur, comme point de « victoire » pour sa ville. C’est beau. On dirait le Rapport mondial du bonheur, la publication annuelle de l’ONU, qui contient des classements nationaux du bonheur et l’analyse des données provenant de diverses perspectives. En 2019, la Finlande était au top. Notre pays la Suisse en 6e. La France, 24e…

Et encore une chose

Vous pouvez trouver Cities Skylines en français chez Philibert ici.

Et également chez Magic Bazar ici.

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  • Auteur : Rustan Håkansson
  • Illustrateur : Fiore GmbH
  • Éditeur : IELLO pour la VF, Kosmos pour la VO
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 4 (optimal de 1 à 3. Évitez d’y jouer à 4 !)
  • Âge conseillé : Dès 10 ans (bonne estimation)
  • Durée : 60-90′
  • Thème : Ville
  • Mécaniques principales : Tuiles polyomino, coopératif, gestion
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