
Le jeu du jour : The Shining
The Shining, de quoi ça parle ?
Publié à l’origine en 1977 par l’écrivain d’horreur Stephen King, le cinéaste Stanley Kubrick a adapté le roman The Shining dans un film avec Jack Nicholson trois ans plus tard. Stephen King a ensuite sorti Doctor Sleep, une (première ?) suite exactement trente-six plus tard en 2013, suivie d’une adaptation ciné avec Ewan McGregor l’année passée
Certains films hollywoodiens ont le potentiel de faire de grands jeux vidéo. Et même de sacrés bons jeux de société. L’équipe d’auteurs de jeux Prospero Hall s’en est fait une spécialité, adapter les films hollywoodiens en jeux de plateau. Le cas avec tous les méchants de Disney dans le très connu Villainous, Jaws, Horrified, qui met en scène les films de monstres Universal des années 30-40, ou Les Dents de la Mer, ainsi que l’adaptation de Top Gun (!) pour la sortie du 2 en 2020. Même leur Kero chez les suisses de Hurrican est une sacrée référence à… Mad Max.
Le collectif d’auteurs nous revient cet automne 2020 avec The Shining, l’adaptation du roman de Stephen King. De quoi passer des nuits d’effroi (dans un hôtel perdu sur la montagne en hiver).
The Shining est un jeu de survie coopératif, tiré du film emblématique des années 80 et du livre éponyme. Le jeu The Shining vous emmène dans le tristement célèbre hôtel Overlook, la bâtisse hantée des films et romans (oui, il y en a deux de chaque, The Shining et Doctor Sleep).
Votre but : résister à l’influence néfaste de l’hôtel, sinon vous finissez possédés comme… Jack Nicholson Torrance. Et vous allez alors vous en prendre aux autres et tenter de leur planter une hache ou tout autre objet désagréable entre les clavicules.
Le jeu de plateau The Shining parvient à intégrer de manière palpitante tout ce qui fait le sel du livre, du film : paranoïa malsaine, un hôtel aux salles emblématiques du film, une mécanique cohérente. Il s’agit ici d’une réelle adaptation immersive. De quoi vivre un moment intense et effrayant. Qui va devenir possédé ?
Un 5 sur 5 sur l’ITHEM.

The Shining, comment on joue ?
À son tour, on a droit qu’à une seule action, se déplacer d’une case adjacente, d’un lieu, d’une salle de l’hôtel Overlook, en réalité pour arriver dans une autre et activer son pouvoir spécifique, qui consiste le plus souvent en un seul effet : obtenir un jeton.
On peut également décider de défausser un jeton pris de la réserve pour avancer d’une salle supplémentaire plus éloignée.
Ces jetons représentent la ressource principale et unique du jeu. On en possède une certaine réserve au début selon le nombre de personnes à la table. Une fois cette réserve épuisée, chaque blessure infligée lors d’une attaque est doublée.

Attaque ?
Chaque manche se découpe en trois étapes : on commence par piocher une carte Évènement, qui va affecter le tour en cours, ce qui rend souvent une salle inaccessible. Puis on effectue son tour usuel.
Une fois la manche terminée, une personne après l’autre, on compare le total de la valeur de ses cartes avec celui de ses jetons. Au début de chaque manche, on reçoit en effet deux cartes Shining cachée, avec juste une « fourchette » de valeur inscrite au recto. Entre 2 à 4, par exemple. Personne n’a le droit d’en voir le verso avant le moment fatidique de la fin de manche. Et là, c’est le drame !
Si on a réussi à atteindre ou dépasser ce total avec ses jetons, rien ne se passe. On a su résister au pouvoir maléfique des lieux. On défausse le tout, cartes et jetons, pour la prochaine manche.
Sinon, comme Jack Torrence, on est possédé et on va alors attaquer le pion, la première personne la plus proche. Pour cela, on lance deux dés, tout simplement, et on inflige les blessures correspondantes.
Et comment on gagne ?
On peut jouer à The Shining de deux manières différentes : en mode full coopératif, et dans ce cas-là on perd quand une des personnes perd tous ses points de vue et… meure. Et comme on ne dispose que de 3 points au début du jeu, c’est peu, il va falloir faire extrêmement attention. On gagne si on tient quatre manches, qui correspondent aux quatre mois de gardiennage de l’hôtel.
On peut également y jouer en mode Félon, déconseillé pour une première partie. Dans ce mode, on distribue une carte Rôle secrète à chaque personne en début de jeu. L’une d’elles indique un traître. Il va falloir le retrouver avant qu’il n’ait eu le temps de tuer une personne.
Le jeu est tendu. Pas impossible, mais difficile. L’équilibrage dans The Shining est fin et optimal !
Interaction ?
Sur l’IGUS, l’échelle de mesure de l’interaction dans les jeux, The Shining atteint 4 sur 5.

Pourquoi ?
Parce que dans The Shining, même si on est en mode coopératif, qu’il faut tenir le plus longtemps ensemble, et qu’on finit souvent par s’attaquer parmi, le cœur du jeu réside dans le fait d’obtenir des jetons personnels pour tenter d’atteindre ou dépasser la valeur de ses cartes. On finit donc un peu par se balader dans les lieux pour remplir son objectif.
Comme tout jeu coopératif, on peut, on doit discuter, élaborer des stratégies communes, mais au final, on est aux prises avec ses cartes, ses jetons. Un solide 4 sur 5 sur l’IGUS.
La tragédie des biens communs
The Shining exploite le principe de la tragédie des biens communs, un principe étudié en psychologie, en écologie et en économie. Bref, un peu partout.
L’expression a été popularisée par un article du biologiste Garrett Hardin paru dans Science en 1968, intitulé « The Tragedy of the Commons » et considéré comme une contribution majeure de la pensée écologique moderne.
Les biens qui présentent une non-exclusion d’usage mais une rivalité dans leur consommation sont appelés biens communs. La tragédie des biens communs doit se produire dans une situation de compétition pour l’accès à une ressource limitée, créant un conflit entre l’intérêt individuel et le bien commun. Souvent utilisés par une communauté, ces biens seraient voués à être surexploités. Une coopération peut émerger et ainsi éviter leur « tragédie ». Sinon, c’est perdant-perdant.
Dans The Shining, cette théorie constitue la fondation du jeu. Une réserve de jeton générale, les « biens communs », et le besoin impérieux et constant de s’en saisir pour remplir son objectif personnel. Toute la subtilité du jeu, et du monde, réside dans la recherche perpétuelle, cruciale et douloureuse d’équilibre entre le commun partagé et l’individuel personnel.
Et plus que jamais, en pleine pandémie et résurgence mondiale, la tragédie des bien communs n’a jamais été aussi criante de nécessité. Pour vaincre la COVID-19, nous devons reconnaître notre interdépendance.
Prenez l’exemple du papier toilette et des « pénuries » de ce printemps. Dès qu’un ou une amie vous annonçait en avoir trouvé dans un certain magasin, même si vous n’aviez pas prévu de vous y rendre, il y a de fortes chances que vous braviez le risque pour vous y rendre. Était-ce pour n’en acheter juste qu’un seul rouleau, qu’un seul paquet ?
Pour chaque paquet que vous n’achetez pas, quelqu’un d’autre aurait pu en acheter. Le principe fonctionne aussi pour du gel désinfectant, rare et précieux au début de la pandémie de ce printemps.
Si nous voulons vaincre la pandémie de COVID-19 et minimiser ses conséquences économiques et sociales, nous devons comprendre et gérer la tragédie des biens communs. Dans les sociétés humaines où les individus sont encouragés à maximiser leurs ressources personnelles, plutôt que de penser à la santé écologique globale de leur société, il y aura des ramifications catastrophiques, telles que des pénuries d’eau et de nourriture. Et des changements climatiques.
Nous devons reconnaître que nous avons un intérêt personnel à ce que tous les autres membres de notre communauté aient ce dont ils ont besoin. En d’autres termes, lorsque les individus agissent pour maximiser leur propre part, nous finissons par souffrir lorsque d’autres n’ont pas de nourriture, d’abri ou de soins.
Nous pouvons voir clairement comment la tragédie des biens communs se produit pendant cette pandémie. De nombreuses personnes ne sont pas alarmées, ne se sentent pas concernées et ignorent les recommandations des autorités sanitaires : gestes barrières, masques, etc.
Se rendre dans des lieux publics bondés et ne pas suivre les recommandations sont des comportements à risque qui peuvent mettre toute la société à mal. Il suffit d’observer la deuxième vague, avec des chiffres de contamination et d’hospitalisation qui explosent partout dans le monde. La société souffre lorsque trop de gens ne pensent qu’à eux-mêmes et non au plus grand bien.
Pareil avec les ressources et leur utilisation. Et les jetons dans The Shining. Nous accumulons des biens de peur qu’ils ne s’épuisent. Mais lorsque trop de gens se concentrent sur la maximisation de leurs propres bénéfices, les ressources essentielles s’épuisent et la société en souffre. Le PQ, tout ça.
D’où l’intérêt de communiquer autour de la responsabilité personnelle et commune. Act local, think global. Agissons en individuel pour avoir impact général. Cette pandémie nous démontre bien à quel point notre société peut se montrer égoïste. Le plaisir individuel VS le bien commun.
Dans The Shining donc, on retrouve cette théorie, cette tragédie. Pour avancer plus vite dans l’hôtel Overlook, on peut taper dans la réserve commune de jetons. Et une fois épuisée, les conséquences sont désastreuses. On se serre également de jetons pour éviter de finir hanté, réduisant ainsi peu à peu la réserve générale. Si on ne gère pas cette réserve ensemble, la partie risque de prendre une vilaine tournure.
The Shining, à combien y jouer ?
On peut y jouer de 3 à 5. Plus on est de fous (c’est le cas de le dire dans le jeu) et plus on rit meurt. À 3, le jeu est plat. C’est à 4-5 que l’ambiance et la tension sont les plus vives.
À partir de quel âge y jouer ?
Le jeu indique 14 ans, c’est une bonne estimation. Si la mécanique de jeu est plus que simple et accessible, un enfant de 8 ans pourrait y jouer : un déplacement, c’est tout, avec des jetons à récupérer pour atteindre le total de ses cartes. Oui mais.
Le thème, l’univers et les illustrations du jeu sont inquiétants. The Shining est un livre, un film, et à présent un jeu de plateau angoissants et malsains, à ne pas mettre dans les mains d’un jeune public.
The Shining, verdict
Si les mécaniques et l’ambiance du jeu respectent bien le thème et parviennent à nous plonger dans l’univers du livre, du film, il faut dire ce qu’il est : qu’est-ce qu’on finit par s’y ennuyer !
Les deux premières manches, la première partie sont peut-être intenses, mais tout finit par être chétif et répétitif : un déplacement, un jeton. On finit même souvent par passer sa manche à vaquer aller et retour entre deux lieux pour activer leur effet respectif. Avec une promesse et des prémices immersifs et palpitants, le jeu finit par devenir morne et plat.
The Shining me fait vraiment penser au jeu précédent du même collectif d’auteurs Prospero Hall Les Dents de la Mer. Un thème fort, adapté d’une œuvre culturelle culte et marquante. Mais un jeu décevant après 2-3 manches, 2-3 parties. Comme on dit, l’habit ne fait pas le moine. Ici, dans The Shining, le thème ne fait pas le jeu.
Verdict final
Sympa !
Ce qui nous a moins plu ⛔️
❌ Le jeu finit par devenir répétitif et plat. On finit pas s’y ennuyer
❌ Des parties répétitives qui se ressemblent trop
❌ Et si Prospero Hall était surcoté ?
❌ Une mini-coquille sur l’action expliquée sur le plateau à la vue de tout le monde. C’est dommage, ça fait peu sérieux
❌ Les pions, qui font très cheap, alors que tout le reste du matériel est somptueux. Ca détonne et pique les yeux. Pourquoi ne pas y avoir proposé des figurines ?
❌ Le hasard, omniprésent : la valeur finale des cartes, des jetons piochés, des dés lancés. On n’a que peu de prise et d’emprise sur le jeu. Autant ne rien faire et jouer à pile ou face…
Ce qui nous a plu ❤️️
✅ Une adaptation cohérente et palpitante
✅ Une exploitation intelligente de la tragédie des biens communs, une théorie économique, sociale et écologique (et sanitaire, coucou COVID)
✅ Se glisser dans la peau de Jack Nicholson Torrance
✅ L’intégration des armes, dangereuses
✅ Une mécanique simple et accessible : un déplacement, une action
✅ Le matériel (hormis les pions…) : le plateau, superbe, le verso des cartes, effrayant, on se croirait dans Greenville 1989, la clé de la chambre 237 qui fait vrai, le motif du tapis emblématique que l’on retrouve partout dans le film, dans le jeu
✅ La présence de l’ascenseur possédé, comme dans le livre et le film, pour se déplacer plus vite, mais avec un risque
✅ Un équilibrage tendu. Pas facile de gagner et de tenir quatre manches
✅ La variante avec le Félon, pour augmenter l’interaction et la paranoïa à la table
Et encore une chose
Vous pouvez trouver The Shining chez Philibert ici
Et également chez Magic Bazar ici
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- Date de sortie : Octobre 2020
- Langue : Française
- Assemblé en : Chine
- Ecoscore : C. Pour en savoir plus sur l’EcoScore dans les jeux de société, c’est ici

- Auteur : Prospero Hall
- Illustratrice : Claire Donaldson
- Éditeur : Asmodee pour la VF
- Nombre de joueurs et joueuses : 3 à 5 (tourne mieux de 4 à 5)
- Âge conseillé : Dès 14 ans (pas moins, au vu du thème angoissant)
- Durée : 45-60′ (bonne estimation)
- Thème : The Shining, le livre et le film
- Mécaniques principales : Coopératif, objectifs

