
Critique de jeu: Le Bien et le Malt. Tout bu, or not to bu
Malgré une mécanique principale pétillante, Le Bien et Le Malt est un jeu sans vie. Inutile
- Date de sortie : octobre 2017
- Auteur : Michael Kiesling (qui collabore très souvent avec Wolfgang Kramer) et Andreas Schmidt
- Illustrateur : Christian Fiore
- Editeur : Plan B pour la VF
- Nombre de joueurs : 2 à 4 (optimum à 3)
- Age conseillé : dès 12 ans
- Durée : 90 minutes.
- Mécaniques principales : tuiles, placement d’ouvriers, objectifs
Le Bien et le Malt, ça parle de quoi?
De Moyen-âge et de production de bière. Par les moines
Car oui, dans l’histoire, en Europe au Moyen-âge les moines étaient reconnus et spécialisés dans la fabrication de la bière. D’où le titre en VF, le Bien et le Malt, ou en VO, Heaven and Ale, deux jeux de mots qui mélangent foi et bière. En France, c’est même Charlemagne qui conféra le monopole de la brasserie aux moines
Maintenant, soyons lucides
Même si le jeu repose sur une réalité historique, le thème n’est ni immersif ni cohérent ou exploité. Un thème plaqué, donc
On passe sa partie à obtenir des tuiles, à les placer sur son plateau personnel et à activer des ressources. Un pur jeu à l’allemande. Mécanique, tactique et froid
Et comment on joue?
On joue un certain nombre de manches selon le nombre de joueuses et joueurs
Le Bien et le Malt propose une mécanique intéressante déjà vue par-ci par-là, notamment dans Caylus ou Egizia. Une piste d’actions
A son tour, on doit poser sa figurine sur une roue d’actions dans le sens horaire, impossible de rester sur place, de revenir en arrière ou de se poser sur une action impossible. Et oui, on peut être plusieurs sur la même action, du moment que l’action peut être activée
Quand tout le monde est arrivé à la fin de la piste pour déterminer l’ordre de jeu du prochain tour, on re-remplit la piste et on recommence
La piste propose différentes actions:
Tuiles: on achète des tuiles « ressources » (houblon, levure, orge… Bref, de quoi faire de la bière), un certain prix qu’on placera sur son plateau. Sachant que son plateau personnel, son champ, possède deux parties. Une partie ensoleillée, fertile, et une ombragée, moins lucrative. Le prix de la ou les tuiles achetées varient en fonction de l’emplacement
Moines: on achète une tuile moine qu’on pose sur son plateau personnel, avec un prix qui varie en fonction de l’emplacement, comme pour les ressources, côté ensoleillé ou ombragé
Activation. Le cœur du jeu. Quand on place sa figurine ici on va pouvoir activer ses tuiles, ressources ou moines, et recevoir les ressources correspondantes: argent ou avancée sur sa piste de ressources selon si la tuile activée est placée côté ensoleillé ou ombragé. Avec un côté Colons de Catane mais sans le dé
Barils. Les barils sont les objectifs. Les commandes. Quand on pose sa figurine ici on obtient un baril qui fournira des PV en fin de partie
Et encore une chose: quand sur son plateau perso un emplacement « site de construction » est complètement entouré par des tuiles « moines » ou « ressources », un bâtiment vient s’y glisser
Des règles extrêmement fluides, claires, instinctives
C’est le décompte qui coince
Et comment on gagne?
C’est là que ça se gâte. Comment expliquer un jeu? Toujours un exercice délicat. Le mieux est encore de commencer par les conditions de victoire
Dans Le Bien et le Malt, bien comprendre les enjeux est crucial, au risque de se balader pendant la partie et de faire un peu n’importe quoi
A la toute fin de partie, on commence par appliquer un taux d’échange pour avancer et/ou reculer sur les pistes de ressources. Puis l’argent encore en banque qui permet aussi de grimper
Et c’est maintenant que ça se complique
Le marqueur ressource le moins avancé indique un nombre qui est alors multiplié par le nombre indiqué par son maître brasseur
En gros, deux pistes sur lesquelles il va falloir avancer pendant la partie en activant les tuiles posées. Et si on se concentre uniquement sur l’une ou l’autre ressource, c’est le drame. Les ressources doivent donc être équilibrées
Et enfin, on rajoute les PV de ses barils obtenus slash commandes honorées slash objectifs communs atteints
Alambiqué et tendu. Qui pousse les joueuses et joueurs à bien suivre son développement et ses pistes de ressources. Ce qui ne favorise pas franchement l’interaction

Parlons interaction, justement
Froide
Et chaude en même temps
Froide, car tout un chacun aura le nez rivé sur son plateau perso pour bien placer ses tuiles. Côté ensoleillé? Ombragé? Moines? Ressources? Pistes? Le danger réside de jouer en mode « bulle » et ne pas s’intéresser aux autres
Mais chaude en même temps, car la piste permet de rafler des actions aux autres sur la piste. Ne pas lever le nez de son plateau pour ralentir les autres pourraient s’avérer risqué. Sans jouer en mode « enfoiré » non plus en piquant à chaque fois une action désirée
Et à combien y jouer?
Pas une question facile dans Le Bien et le Malt
A deux joueurs, l’interaction et la tension sur la piste d’action est faible. Mais le contrôle et l’observation du jeu de l’autre est augmenté
A quatre joueurs, le chaos, le côté « au petit bonheur la chance » est renforcé, la tension aussi. Et le temps de jeu aussi, sachant que l’on joue plus de manches à 4 qu’à moins
A trois, c’est la parfaite config, le rapport optimal entre tension, interaction et contrôle
Alors, Le Bien et Le Malt, c’est bien?
C’est surtout un jeu très froid. Le thème est plaqué, incohérent. Acheter des moines, vraiment?
Après, la mécanique principale qui repose sur la piste d’action à la Egizia est intéressante mais implique toutefois un aspect tactique opportuniste parfois détestable. Impossible de prévoir quoi que ce soit puisque les actions disponibles dépendent du choix des autres à la table. Donc il s’agira de faire preuve de flexibilité et d’agilité mentale
Et les illustrations et le matériel sont superbes. Si on vit en autarcie quelque part en Corée du Nord et qu’on n’a jamais vu d’autres jeux de société modernes récents. En 2017, côté matos, Eggertspiele, racheté en juin 2017 par l’éditeur Québécois et ex-Filosofia Plan B, assure ici un service minimum
Pour généraliser et sur-simplifier, il est intéressant de relever les trois tendances sur le marché du jeu de société, avec des jeux américains qui proposent un déluge de fig, des jeux français ou belges avec des visuels léchés (exemple cette année avec la Citadelle du Temps ou When I Dream), et enfin des jeux allemands ou Italiens qui assurent un service minimum esthétique très eighties (un autre exemple criant en 2017, Rajas du Ganges). On aime ou on aime pas. Disons plutôt le deuxième
Pas un mauvais jeu, mais de loin pas un jeu extraordinaire et nécessaire
Encore un jeu qui vient s’ajouter à la trèèèèès longue liste des nouveautés de cette rentrée ludiques 2017. Malgré sa mécanique principale de piste d’action, Le Bien et Le Malt est un jeu sans vie. Inutile
Vous pouvez trouver le jeu chez Philibert,
Et si vous habitez en Suisse, chez Helvétia Games Shop


6 Comments
Max
Tranché, on pourrait dire rudement honnête ton article, sans concession, j’ai vachement aimé. Un Suisse est en train de prendre la place (dans mon cœur ludique) du grand barbu. Tiens bon !
Gus
Merci Max
Le barbu et moi sommes complémentaires et différents. Il fait la promo du jeu de société. Il communique, transmets l’info. C’est l’ambassadeur, la vitrine de notre hobby / passion. Il endosse un rôle important, nécessaire, même si parfois pour se faire entendre il choisit d’adopter des comportements odieux et totalement déplacés
Moi je critique des jeux et apporte un éclairage plus méta du marché
Nous sommes:
Différents
Complémentaires
Différents
Ni mieux ni bien
Juste différents
Trouver TT ou Gus&Co plus mieux bien, c’est comme comparer un lavabo à une paire de chaussettes. T’as besoin des deux mais ils servent fondamentalement à autre chose.
Essaie Max de marcher avec deux lavabos aux pieds. Ou de te laver avec ta chaussette gauche
Merci pour ton avis aussi tranché Max. Et merci pour ta fidélité à la communauté Gus&Co
beri
Si on ne se sent pas dans le thème pendant la partie, j’aime la façon dont le décompte final rend honneur au savoir-faire du maître brasseur : un bon maître brasseur peut rattraper des ingrédients médiocres et un mauvais fera un résultat moyen avec des ingrédients de qualité.
damien
Hello,
Ah, dommage, je trouvais le thème sympa. Dans le même esprit, avez vous déjà essayé Brew Crafters ?
Gus
Nope, désolé Damien
Cédric
Brew crafter est inspiré d’agricola au niveau mécanique. La thématique est plutôt bien rendue. On passe un bon moment. La mise en place est par contre fastidieuse.