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Le Monde de Reterra : Un jeu entre deux mondes

🌄 Plongez dans l’univers post-apo du Monde de Reterra, le nouveau jeu d’Eric Lang. Mélange de tactique et d’accessibilité, mais pas sans défauts.


Le Monde de Reterra

Avertissement : Dans un souci de transparence envers notre communauté, nous tenons à préciser que cet article reflète notre opinion personnelle sur le jeu. Nous n’avons reçu aucune contrepartie de la part de l’éditeur du jeu. Nous avons acquis et testé le jeu de façon indépendante, sans lien commercial avec son éditeur. Les avis présentés ici représentent notre analyse honnête et impartiale du jeu, basée sur notre propre expérience.


Aujourd’hui, je vous proposer de plonger ensemble dans les méandres d’un nouveau jeu qui fait grand bruit : Le Monde de Reterra. On vous en parlait déjà il y a quelques jours.

Co-créé par le célèbre auteur de jeux Eric M. Lang (Blood Rage), en collaboration avec Ken Gruhl et l’éditeur Hasbro, oui, Hasbro, ce jeu se veut être un pont entre les jeux « casual » (comprenez par-là, familial, léger, accessible, pour non joueurs) et les jeux plus complexes pour joueurs et joueuses expérimentées. Mais réussit-il son pari ? C’est ce que nous allons découvrir ensemble ! (Spoiler alert : la réponse est… NON 😥).

Un thème post-apocalyptique original (mais pas révolutionnaire)

Le Monde de Reterra nous propulse 200 à 300 ans dans le futur, dans une société post-apocalyptique qui tente de se reconstruire de manière plus durable. Le thème est accrocheur et les illus sont charmantes, mélangeant habilement des éléments de la nature avec des vestiges de notre civilisation actuelle. On apprécie les petits détails, comme une école construite dans les… restes d’un avion. LOL.

Mais bon. Le thème post-apo écolo n’est pas non plus une révolution et on a un peu l’impression d’avoir déjà vu ça ailleurs. Oui, le post-apo, le cli-fi, c’est un peu branchouille en 2020-2024 (alors que l’expression « branchouille », elle, ne l’est plus du tout depuis 2004 !). Le cli-fi, c’est le médiéval dans des années 2000 dans les jeux de société. On en tartinait un peu partout.

Un mélange de mécaniques connues avec une pointe de nouveauté

Le cœur du jeu repose sur un mécanisme de placement de tuiles, qui rappellera forcément des classiques comme Carcassonne (pose un élément sur la tuile que tu viens tout juste de placer) ou Kingdomino (pour le côté matriciel et territoires). Voire Les Aventuriers du Rail pour son marché aux cartes wagon tuiles.

Dans le Monde de Reterra, à son tour, on sélectionne une tuile terrain parmi une offre limitée pour l’ajouter à sa communauté en construction, en faisant bien attention à ce que les types de terrain correspondent.

Ou pas. Parce qu’en vrai, rien ne nous y oblige !

Si on le fait, on agrandit alors ses terrains connexes, on parvient également à placer des symboles engrenages en adjacence, mais on n’est jamais obligés de se la jouer en mode (King)domino. Jusque là, rien de bien nouveau sous le soleil post-apo.

La petite touche d’originalité vient des tuiles Bâtiment, qu’on peut placer sur son terrain sous certaines conditions (avoir réussi à placer un nombre d’engrenages et en un certain agencement sur le même terrain…) pour marquer des points supplémentaires ou obtenir des capacités spéciales.

C’est là que le jeu gagne en profondeur stratégique, puisqu’il faut bien réfléchir au bon moment pour prendre le bâtiment qu’on veut, avant qu’un adversaire ne nous le pique sous le nez ! Parce que oui, le marché des bâtiments est plutôt limité (mais pas de ouf non plus, il y en a un certain stock tout de même).

Une interaction limitée mais une vraie compétition pour les tuiles

D’ailleurs, en parlant d’interaction, c’est un peu le point faible de Le Monde de Reterra à mon sens. Certes, il y a une certaine tension et des dilemmes intéressants quand plusieurs personnes convoitent la même tuile du marché. Mais au final, chacun développe son petit bout de terrain dans son coin, sans trop se préoccuper de ce que font les autres.

Seuls quelques bâtiments, comme la ferme, permettent d’interagir directement avec les adversaires en posant des jetons « bric-à-brac » sur leur terrain pour leur couvrir des symboles reliques apparents et ainsi réduire leurs points finaux (-1 par jeton bric-à-brac et pas +1 pour le symbole relique recouvert). C’est toujours ça de pris pour mettre un peu… d’animation, mais ça reste assez anecdotique dans l’ensemble.

On est loin du côté « cut-throat » et hautement interactif d’autres jeux de placement comme le cultissime Tigre & Euphrate / Yellow And Yangtze de Reiner Knizia, qui introduit plus de baston, plus d’interaction. En ce sens, Le Monde de Reterra rejoint les trois précédents titres cités comme source d’inspiration : Carcassonne, Kingdomino, Les Aventuriers du Rail, dans lesquels l’interaction est somme toute… distante.

Un jeu accessible (mais qui manque de fluidité)

Hasbro et le duo d’auteurs ont clairement voulu faire de Le Monde de Reterra un jeu accessible au grand public, tout en offrant une expérience plus riche que les sempiternels Monopoly et autres Cluedo. Bien que pour le Monopoly, on repassera pour le côté « accessible au grand public ». Sur le papier, c’est plutôt réussi. Les règles sont bien expliquées, avec un livret qui accompagne les joueurs et joueuses pas à pas lors des premières parties. Les iconographies sont claires et parlantes. Par ailleurs, elles ont finalement peu d’impact dans le jeu. Il y a beaucoup de textes explicatifs sur les cartes justement pour éviter l’écueil de les truffer de picto et ainsi, peut-être, certainement, perdre un certain public / clientèle peu habituée à de tels emplois.

Mais sur la table, force est de constater que le jeu manque (parfois) de fluidité et de rythme. Les tours de jeu ont tendance à s’éterniser, chaque joueur et joueuse passant de longues minutes à relire les pouvoirs des différents bâtiments pour optimiser son choix. Pareil avec le choix de la tuile. Au marché ? De sa main ? Et laquelle poser, et où ?

Surtout en fin de partie, où les possibilités deviennent multiples, on frôle parfois le redouté « syndrome de la paralysie analytique » (Analysis Paralysis en anglais), ce moment où les joueurs et joueuses se perdent en conjectures et en calculs pour prendre la meilleure décision. Pas franchement l’idéal pour un jeu qui se veut familial et grand public !

Le facteur chance qui fausse la donne stratégique

Un autre point qui peut diviser, c’est la part de hasard introduite par le marché des tuiles. Certes, cet élément de variabilité assure une bonne rejouabilité, aucune partie ne ressemblant à la précédente. Mais il peut aussi être frustrant de voir ses plans savamment échafaudés tomber à l’eau parce que la tuile ou le bâtiment dont on avait cruellement besoin n’apparaît pas au bon moment. Ce fut clairement mon cas !

Les joueurs et les joueuses les plus stratèges et calculatrices risquent de trouver l’expérience un brin… aléatoire, limitant la portée de leurs choix et réduisant leur contrôle sur le déroulement de la partie. Après tout, difficile de se projeter à long terme quand on ne sait pas de quoi sera fait le prochain tour de jeu !

Un matériel de (grande) qualité

Côté matériel, Le Monde de Reterra est plutôt soigné, comme on pouvait s’y attendre de la part d’Hasbro. Les tuiles sont épaisses et agréables à manipuler, les illustrations colorées et lisibles. Petit bémol toutefois sur le tableau individuel. Quand sa communauté s’agrandit, ça devient vite le joyeux bazar pour poser ses tuiles sans tout faire valdinguer ! Mais c’est un détail, puisque ce n’est pas vraiment dû à Hasbro.

Côté matos, et rangement, c’est clairement un sans faute. Toutes les cartes par niveau et bâtiments correspondants se rangent dans des mini-thermo fermés bien pratiques lorsqu’on place le tout dans la boîte. Cet insert thermoformé sur mesure permet de s’y retrouver facilement et de lancer la partie en quelques nano secondes (voire moins). Chouette !

Le Monde de Reterra : Un jeu sympathique mais pas indispensable

Au final, que faut-il retenir de Le Monde de Reterra ? Indéniablement, le jeu a des qualités. Son thème plutôt bien intégré (reconstruire une société sur un terrain précédemment détruit), son matériel soigné et son système de jeu hybride casual/intermédiaire en font un OLNI (ovni ludique) intrigant. On sent la patte d’Eric Lang et sa volonté de bousculer les codes pour créer des ponts entre les différents publics de joueurs et de joueuses.

Mais pour être honnête, le résultat n’est pas entièrement convaincant. Malgré de bonnes idées, Le Monde de Reterra souffre de quelques défauts qui viennent gâcher l’expérience : manque de fluidité, paralysie analytique, part de hasard frustrante… Autant de petits grains de sable qui enrayent la mécanique pourtant bien huilée sur le papier.

Le Monde de Reterra cherche donc à relier le fossé qui sépare deux types de public. Y parvenir tient de la prouesse. Un pur travail d’équilibriste. Néanmoins, selon moi, Le Monde de Reterra n’est pas assez flexible pour réussir le grand écart. Avec le cul entre deux chaises, c’est la chute ! Trop complexe pour les publics plus débutants, trop légers et aléatoires pour les autres, Le Monde de Reterra ne parvient pas à contenter tout le monde. Pire, en voulant le faire, il finit par convaincre… personne !

Loin de moi l’idée de déconseiller totalement ce jeu. Si le thème vous plaît et que vous cherchez un jeu familial un peu plus étoffé que la moyenne, Le Monde de Reterra est un choix honorable qui vous fera passer de bons moments. Mais ne vous attendez pas non plus à une révolution ou à un jeu qui va s’imposer durablement dans votre ludothèque. Mais en l’état, Le Monde de Reterra reste un jeu sympathique et intéressant, sans être pour autant indispensable.

Le Monde de Reterra matos

Le Monde de Reterra, verdict

Lorsqu’Hasbro s’associe à Eric Lang, l’auteur de jeux à succès comme Blood Rage, on ne peut qu’être curieux du résultat. Le Monde de Reterra se présente comme une tentative de marier la simplicité d’un jeu familial avec la profondeur d’un Eurogame. Malheureusement, le pari n’est que partiellement réussi.

D’un côté, le concept de base reste sympathique. Poser des tuiles pour construire sa communauté post-apocalyptique a son charme, et l’ajout de bâtiments ajoute une petite dose de stratégie bienvenue. Mais voilà, c’est bien là que le bât blesse. Car cette stratégie, justement, tourne parfois à l’analyse paralysante.

Entre la gestion des points finaux à (essayer de décompter) grappiller, l’optimisation de son tableau (4×4) et le choix cornélien des bâtiments à acquérir, on se retrouve vite submergé par les possibilités offertes. Loin de l’expérience fluide et intuitive promise, on passe son temps à relire les effets de chaque construction, hésitant sans cesse sur la meilleure option.

Pire encore, le marché des bâtiments introduit une part de hasard qui vient entacher la dimension stratégique. Se voir voler une construction convoitée par un adversaire plus rapide peut laisser un goût amer, surtout lorsque celle-ci était cruciale pour notre plan de jeu.

Certes, la rejouabilité est assurée grâce à la modularité des éléments. Mais on ne peut s’empêcher de penser que ce mélange de mécaniques ambitieuses nuit finalement à l’expérience globale.

Le Monde de Reterra n’en reste pas moins une tentative intéressante d’Hasbro pour s’extirper de sa zone de confort. Mais entre un manque de fluidité et une profondeur qui semble parfois mal maîtrisée, on reste sur une impression mitigée. Un jeu sympathique, sans plus, qui peine à (me) convaincre réellement.

Sympathique. Sans plus. Clairement pas indispensable !

Note : 3 sur 5.

  • Création : Eric M. Lang, Ken Gruhl
  • Illustrations : Hugo Cuellar
  • Édition : Hasbro
  • Nombre de joueurs et joueuses : 2 à 4 (tourne mieux à 3-4)
  • Âge conseillé : Dès 10 ans (bonne estimation)
  • Durée : 30 – 45 minutes
  • Thème : Post-apo
  • Mécaniques principales : Tuiles, placement. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.

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Article écrit par Loïc. Breton d’origine et exilé depuis peu en Suisse (pour son chocolat, surtout), Loïc vit et respire jeux de société. Il est toujours prêt à sortir cartes et plateaux pour s’amuser et partager sa passion débordante. Joueur dans l’âme, sa devise est « Une petite partie, entre deux arrêts de bus ? ».

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2 Comments

  • gilgam

    essayé à cannes et en effet malgré une belle présentation enthousiaste et une rencontre avec l’auteur, on a trouvé cela assez plat sans surprises. Pas emballés.

    • Gus

      Chez nous aussi il a fait pschitt . On s’attend à un jeu de ouf, vu l’auteur, et… pschitt. Rien de plus. Comme le dit notre chroniqueur Loïc, entre Kingdomino et Carcassonne (et les Aventuriers du Ral), le jeu est poussif, pas fun. Sympathique, sans plus.

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