La Cli-Fi s’immisce dans le jeu de société
La Cli-Fi, pour Climate Fiction, un thème qui saisit aussi la scène ludique. Du post-apo écologique. Avec quelques titres comme exemples.
La « Cli-Fi », un nouveau thème dans le jeu de société
« Qui aurait pu prédire la crise climatique ? »
Emmanuel Macron
La Cli-Fi, un genre qui fait référence aux changements climatiques, est l’un des thèmes les plus récents et les plus captivants à être intégré aux jeux de plateau. Dans cet article, nous allons examiner comment le Cli-Fi peut être représenté dans les jeux de plateau et comment ces jeux peuvent aider à sensibiliser le public aux enjeux climatiques et, peut-être, qui sait, à encourager un comportement plus écologique ?
La Cli-Fi est un genre littéraire qui combine le climat et la fiction. Il se concentre sur les questions environnementales et la façon dont elles affecteraient le futur. Les histoires Cli-Fi peuvent aborder des sujets tels que le réchauffement climatique, les effets à long terme de la pollution, les conséquences de l’utilisation des énergies fossiles, etc.
Ce genre est devenu de plus en plus populaire ces dernières années, à mesure que de plus en plus de gens prennent conscience des dangers du changement climatique et de son impact potentiel sur nos vies.
La Cli-Fi est un genre littéraire qui explore les conséquences des changements climatiques et la façon dont l’humanité peut réagir à ces changements. Les livres, films et autres formes d’art qui abordent la Cli-Fi offrent une perspective unique sur les changements climatiques et leur impact sur la société. De plus en plus d’auteurs et d’autrices de jeux de plateau s’intéressent à ce thème pour le représenter dans leurs jeux.
Pour tout savoir sur la Cli-Fi
« La Terre fournit assez pour satisfaire les besoins de chaque homme, mais pas l’avidité de chacun. »
Mahatma Gandhi
Ces dernières années, le genre littéraire de fiction populaire connu sous le nom de Cli-Fi, ou Climate Fiction, ou fiction climatique en français, a gagné en popularité. Ce genre de fiction se concentre sur les effets du changement climatique et ses impacts potentiels sur l’humanité. Alors que les gens deviennent de plus en plus conscients du réchauffement climatique, la Cli-Fi offre un puissant moyen d’explorer ces problèmes à travers une narration de manière créative.
Et depuis peu, quelques jeux de plateau s’emparent également de la Cli-Fi. Il faut l’admettre, les jeux de société sont un excellent moyen d’explorer les problématiques soulevées par la Cli-Fi. En jouant à des jeux de société, les joueureuses peuvent en apprendre davantage sur l’écologie, le changement climatique et d’autres sujets connexes de manière amusante, certes, mais active et étageant engageante également.
Les jeux de société peuvent également fournir une plate-forme pour discuter de solutions aux défis posés par le changement climatique. Cela les rend idéales à des fins éducatives et de divertissement. On joue, s’amuse, mais on apprend et on discute, aussi. Entre « serious game » et… game, ou quand la limite s’estompe. Vous trouverez plus bas une liste des jeux que nous recommandons pour explorer la Cli-Fi.
Aux origines de la Cli-Fi
« Nous sommes la première génération à ressentir les effets du changement climatique et la dernière génération qui peut faire quelque chose pour y remédier. »
Barack Obama, ancien président des États-Unis
Au tournant des années 2010, la presse américaine relatait l’apparition d’un nouveau genre littéraire, la « Cli-Fi », terme inventé en 2008 par l’écrivain et blogueur Dan Bloom. Les romans de « fiction climatique » prennent généralement la forme de récits post-apocalyptiques où des personnages évoluent dans un monde ravagé par les effets du changement climatique. Alors oui, la Cli-Fi est du post-apo. Le post-apocalyptique (post-apo) est un genre littéraire, cinématographique et ludique, aussi, qui se concentre sur des civilisations humaines qui ont survécu à une catastrophe, généralement à grande échelle.
La survie de l’humanité est souvent mise en scène à travers des paysages dévastés et des scènes de chaos. Les survivants doivent s’adapter à leur nouvel environnement et apprendre à survivre dans un monde hostile. Les thèmes abordés dans ce genre incluent souvent la survie, la reconstruction, la résilience et la rédemption. Petit aparté, à ce sujet, ne ratez pas l’excellente série HBO The Last of Us, justement commencé il y a quelques quelques semaines et qui est tirée du jeu vidéo éponyme.
Post-apo pas jojo
« L’avenir est radieux. Continuez juste à faire du shopping. »
Paolo Bacigalupi
La Cli-Fi est donc un sous-genre du post-apo. Elle constitue toutefois une certaine rupture, puisqu’elle accorde à la nature le rôle de personnage principal, ainsi que celui d’ennemi redoutable.
Les romans de Cli-Fi sont à la fois destinés à alerter sur le danger du changement climatique et à se pencher sur les conséquences possibles de ce dernier sur l’avenir de l’humanité. La fiction climatique offre ainsi aux lecteurices l’occasion de s’identifier à des personnages confrontés à des situations dramatiques, et de s’interroger sur la responsabilité de l’être humain dans le réchauffement climatique.
Cette forme de fiction se veut être un outil d’éducation pour les lecteurices, afin de les sensibiliser aux enjeux du changement climatique. Elle permet d’imaginer l’avenir, et de prendre conscience des conséquences que pourrait avoir le réchauffement climatique sur notre planète.
Dans la littérature de science-fiction, la question des dangers d’une surexploitation de la nature et du rêve de terraformation d’autres planètes est souvent abordée, à l’image de Dune (1965) de Frank Herbert et de Sécheresse (1964) de J.G. Ballard. Mais les dangers de la surexploitation de la nature sont abordés depuis plus longtemps encore, comme en témoigne Les Raisins de la colère (1939) de John Steinbeck, qui décrit les conséquences sociales de l’épisode climatique du Dust Bowl des années 1930 et dont l’origine se trouve dans des techniques agricoles délétères.
Paolo Bacigalupi est un auteur américain qui a été couronné en 2010 par les prix Nebula et Hugo pour son premier roman La Fille Automate. Son œuvre est influencée par sa carrière antérieure en tant que journaliste pour High Country News, une revue écologiste. Dans La Fille Automate, le monde est frappé par une pénurie des ressources pétrolières et une montée des niveaux des océans due au réchauffement climatique.
En 2015, Bacigalupi a publié un second roman de Cli-Fi, The Water Knife, qui décrit la lutte qui oppose les États du Sud-Ouest américain pour l’accès à l’eau de la rivière Colorado. Dans ce roman, les habitants de Phoenix sont réduits à boire leur… urine recyclée (oui, comme les Fremens dans Dune) et les plus fortunés survivent confortablement sous des dômes recréant artificiellement des écosystèmes paradisiaques.
Les ouvrages de Bacigalupi dénoncent le capitalisme et les rêves de géo-ingénierie des firmes multinationales, et illustrent la frange de la Cli-Fi la plus politisée et la plus investie par la question des responsabilités humaines dans les dérèglements climatiques. Ces œuvres, littéraires, cinématographiques, ludiques, comme nous allons en parler ici plus bas, proposent un regard original et profond sur les changements climatiques et leurs conséquences.
L’utilisation de la fiction climatique s’inscrit dans un contexte de prise de conscience grandissante des risques liés au changement climatique. Les multiples cris d’alarme des chercheurs, les rapports du GIEC et les campagnes de sensibilisation ne sont pas suffisants pour contraindre les gouvernements et les multinationales à agir. Aussi, la Cli-Fi peut-elle s’avérer être une arme efficace de prise de conscience.
En peuplant les imaginaires, la Cli-Fi devient de plus en plus difficile à ignorer, et il est à espérer qu’elle jouera un rôle important dans la prise de conscience de la gravité de la crise environnementale et civilisationnelle liée au changement climatique.
Changements climatiques et représentation dans les jeux
Les changements climatiques peuvent être représentés dans les jeux de plateau de diverses manières. Certains jeux mettent en scène des catastrophes naturelles ou des événements météorologiques extrêmes, tels que des tempêtes, des inondations ou des sécheresses et pénuries d’eau (comme nous avons connu en Europe l’été passé).
D’autres jeux se concentrent sur l’adaptation aux changements climatiques et à leurs conséquences, par exemple en encourageant les joueureuses à réduire leur empreinte carbone ou à prendre des mesures pour limiter les impacts négatifs. Il existe également des jeux qui explorent les aspects politiques et économiques du Cli-Fi, tels que l’impact des technologies propres ou la gestion des ressources naturelles.
Ces dernières années, plusieurs jeux de plateau ont été publiés qui font référence aux changements climatiques. Certains exemples incluent CO₂: Second Chance, dans lequel on doit gérer, et limiter ses rejets de pollution, ou Kyoto dans lequel on se retrouve à devoir négocier les contrats-carbone entre plusieurs pays.
Les jeux de plateau peuvent ouvrir la voie à un apprentissage, une sensibilisation, une prise de conscience intéressante, différente, pour représenter les changements climatiques car ils offrent une expérience interactive. Mais soyons lucides. Ils présentent également certains inconvénients. Par exemple, les jeux peuvent être simplifiés ou caricaturaux pour faciliter la compréhension et l’accessibilité, ce qui peut réduire la profondeur du sujet abordé. Et certains mettent l’aspect ludique en avant au détriment du thème. On joue, on s’éclate et les enjeux liés au thème sont relégués au deuxième plan, en arrière-plan.
Les jeux de plateau peuvent-ils aider à sensibiliser le public aux enjeux climatiques ? À mon avis, la réponse est oui. Les jeux offrent une occasion unique d’aborder des sujets complexes tels que les changements climatiques d’une manière divertissante et engageante qui peut aider à faire passer le message aux joueureuses. De plus, les jeux donnent l’occasion d’explorer différentes solutions possibles aux problèmes climatiques et de prendre part à des débats constructifs autour du sujet. L’exemple avec Kyoto ci-dessus, et bientôt Daybreak.
Jeux de plateau et influence
« Les hommes discutent. La nature agit. »
Voltaire
Les jeux de plateau non seulement peuvent aider à sensibiliser le public aux enjeux climatiques, mais ils peuvent également encourager un comportement plus écologique. En jouant à des jeux axés sur la Cli-Fi, on peut prendre conscience des impacts négatifs que nous avons sur l’environnement. Et, peut-être, apprendre à adopter un comportement plus durable. Par exemple, certains jeux encouragent à réduire notre consommation d’énergie ou à investir dans des technologies propres. D’autres jeux encouragent à prendre soin de nos ressources naturelles, limitées, on ne va pas se le cacher, et à adopter des comportements respectueux de l’environnement.
Les jeux de plateau peuvent également nous encourager à trouver des solutions aux problèmes environnementaux. Les jeux peuvent simuler des scénarios réels dans lesquels il est impératif, impérieux, de trouver des moyens innovants pour résoudre des problèmes tels que la pollution ou la destruction des habitats naturels. Cette pratique, ludique, nous permet alors d’explorer et d’expérimenter différentes stratégies et nous aide à développer une meilleure compréhension des problèmes environnementaux et des solutions possibles.
En résumé, la Cli-Fi est donc une sorte de pré-post-apo. Qui aurait cru qu’il suffisait d’une petite phrase pour résumer l’avenir de l’humanité ?
Notre sélection de quelques titres de jeux Cli-Fi
Des jeux post-apo, il en existe plusieurs centaines. Des jeux avec un thème écologique, quelques-uns également. Voici une petite sélection de certains excellents jeux qui adaptent, intègrent ou infusent la Cli-Fi. En commentaires, n’hésitez pas à rajouter d’autres titres que nous n’aurions pas cités ici.
Les Tribus du Vent
Dans un futur apocalyptique, polluée, la surface du sol est devenue stérile. Vous êtes le Guide d’une des Tribus du Vent. De la Cli-Fi ludique passionnante !
Le pitch du jeu :
Le monde est bien mal en point. La pollution a recouvert les ruines des civilisations passées. Seules restent les Tribus du Vent qui planent de cimes en cimes pour dépolluer et reverdir ces Terres Abandonnées.
Toute ressemblance avec un futur possible ne saurait être que fortuite…
Après des siècles d’exploitation de la nature, l’humanité a provoqué l’apparition d’une nouvelle forme de pollution qui s’est étendue sur la planète entière, en détruisant toute forme de vie sur son passage. Survivants dans des petites zones forestières encore épargnées par ce fléau, des groupes d’hommes et de femmes se sont réfugiés dans des cités construites sur les cimes des arbres. On les appelle Les Tribus du Vent, car ils se déplacent en volant, pour éviter tout contact avec la pollution.
Les Tribus du Vent est un jeu de gestion asymétrique dans un thème de sensibilisation à la préservation de notre planète. Une des très belles surprises ludiques, Cli-Fi, de la fin d’année 2022.
👉 Découvrez notre chronique complète ici.
CloudAge
CloudAge nous propulse dans un univers dystopique dans lequel une catastrophe écologique et terroriste a eu lieu. Des raffineries de pétrole ont explosé et la déforestation a été phénoménale. Les conséquences environnementales catastrophiques ont dévasté la planète. Plus rien ne pousse. L’eau est alors devenue la plus précieuse des ressources. Des milices errent et terrorisent les villes qui tentent de survivre tant bien que mal. Du pur Cli-Fi !
C’est dans ce contexte écologique que vous incarnez des survivants. Vous vous déplacez de ville en ville dans les cieux et en dirigeable. Parce que c’est moins bruyant, parce que c’est moins polluant, parce que c’est plus pratique.
Comme Maracaibo du même auteur, CloudAge vous propose d’y jouer en mode « normal », ou en mode campagne, immersif, narratif et évolutif. En mode normal, le jeu dure une bonne et grosse heure. En mode campagne, on enchaîne les parties, les scénarios, avec des choix narratifs à prendre qui vont affecter le jeu, le plateau, le matériel.
Si les règles sont denses et… indigestes, soyons honnêtes, le jeu est beaucoup plus fluide qu’il n’y paraît au premier coup d’œil. On commence par une phase d’ajustement, événement, ressources, puis une phase de déplacement de son dirigeable sur le plateau, et enfin, une dernière phase d’action. Cette phase d’action vous permet soit d’acquérir de nouvelles ressources, et une nouvelle carte au passage, soit d’améliorer votre dirigeable : de meilleures capacités de combat contre les milices ou un déplacement amélioré.
Le jeu mêle quelques mécaniques connues, dont le deck-building, avec un soupçon fun de cartes à piocher à moitié dissimulée par des… nuages (dans des sleeves). Un jeu narratif, immersif et disruptif.
Revive
Revive était sans conteste l’un des gros cartons d’Essen en octobre 2022. Un gros, gros jeu, intense, passionnant. La VF est annoncée chez Matagot en avril.
Revive est un jeu de civilisation de la même équipe qui a sorti le jeu de gestion de cirque fantastique The Magnificent.
Dans Revive, faites… revivre la civilisation, 5 000 ans après que tout a été détruit en mode Cli-Fi. Dirigez votre tribu et explorez la terre gelée. Exploitez ses ressources. Recrutez des survivants de la surface pour votre cause. Construisez des usines avec des machines puissantes. Et peuplez des sites antiques pour réapprendre les technologies oubliées de votre tribu. Tout un programme.
Revive est un jeu pour 1 à 4 avec des pouvoirs asymétriques, une configuration très variable et sans combat ni conflit direct.
À relever que Revive se déploie à travers une campagne en 5 parties, avec du contenu à débloquer. Une fois la campagne terminée, on peut néanmoins re-re-rejouer au jeu.
Un jeu qui buzze. Il faut préciser que le quatuor d’auteurs y travaille depuis plusieurs années. Vivement avril 2023 pour voir la VF.
Frostpunk
Frostpunk est l’adaptation du jeu fameux jeu vidéo sorti en 2018. Dans Frostpunk: le Jeu de Plateau, jusqu’à quatre joueureuses jouent le rôle de dirigeants d’une petite colonie de survivants dans un monde post-apocalyptique touché par une ère glaciaire.
Tout comme le jeu vidéo, la version jeu de plateau de Frostpunk inclut une variété de scénarios, chacun offrant un objectif et un niveau de difficulté différents. Là où Frostpunk diverge vraiment du jeu vidéo, ce sont les aspects multi-joueurs du jeu de société. Chaque personne assumera la seule responsabilité des différentes facettes de l’opération de colonisation. Une personne sera responsable des opérations de chauffage / générateur, une autre s’occupera des conseillers du contremaître et la dernière sera responsable des aspects sociaux de la colonie.
Ensemble, tout le monde devra se coordonner de manière efficace pour maintenir leurs citoyens en vie. Eh oui, on peut aussi jouer à Frostpunk en solo, en assumant alors tous les rôles en même temps. La seule vraie différence entre jouer seul ou avec d’autres personnes est le processus de prise de décision dynamique qui apparaîtra comme une conséquence naturelle d’avoir des opinions divergentes. Le tir à la corde, la Tragédie des Biens Communs, tout ça !
De la survie, de la gestion, de la négociation dans un futur post-apo en mode Cli-Fi glacial. Frostpunk donne déjà très envie ! Le jeu est annoncé chez Asyncron dans quelques jours en février.
Les jeux de société peuvent-ils nous apprendre des choses sur la crise climatique ?
Hier samedi 28 janvier, le média britannique The Guardian a consacré un article sur le sujet qui nous intéresse ici aujourd’hui. Pour compléter notre chronique, nous vous en proposons ici une traduction.
Samedi 28 janvier 2023, The Guardian, par Zoe Dutton.
Les jeux de société peuvent-ils nous apprendre des choses sur la crise climatique ? Les auteurs de jeux pensent que oui
L’Europe plante des arbres pour compenser ses émissions, mais elle est rapidement touchée par des incendies massifs de forêt. Les États-Unis investissent dans l’exploitation minière à l’étranger pour se sevrer des combustibles fossiles, mais s’inquiètent de faire du commerce avec un gouvernement abusif. Pendant ce temps, une coalition de pays du sud du monde doit décider s’il faut accepter des prêts à la construction de la Chine ou des États-Unis.
Il ne s’agit pas de conversations lors d’un autre sommet mondial très médiatisé, mais de scénarios imaginés dans le jeu de société Daybreak, qui sort sur les étagères ce printemps. Quatre joueureuses – les États-Unis, la Chine, l’Europe et le « monde majoritaire », qui comprend le Sud de la planète – travaillent ensemble pour parvenir à des émissions nulles avant que le réchauffement de 2 degrés ne soit atteint ou que trop de communautés ne soient poussées dans la crise.
« Nous avons réalisé que le jeu devait représenter la souffrance humaine et les pertes causées par la crise climatique, et que le défi n’était pas seulement une guerre contre le carbone », explique le co-créateur Matt Leacock.
Dans le monde des jeux de société, la plupart des titres impliquent une victoire totale sur les adversaires dans des compétitions à somme nulle. Dans le nouveau genre de jeux sur le thème du climat, des créateurs comme Matt Leacock font de la collaboration la clé du succès.
Leacock, qui a conçu le jeu à succès Pandemic, a déclaré que lui et son collègue Matteo Menapace avaient initialement basé Daybreak sur un modèle de manuel du cycle des émissions atmosphériques ; des conversations avec des groupes d’aide les ont incités à adopter une approche plus centrée sur l’humain. Les créateurs de Daybreak, qui ont trouvé des adeptes sur le site de crowdfunding BackerKit, se sont engagés à reverser une partie de leurs bénéfices à des organisations de défense du climat. (Ils ont également déclaré qu’ils n’utiliseraient pas de plastique dans le jeu).
Selon le groupe d’études de marché Euromonitor International, les jeux de société et les puzzles représentent une industrie de 11 milliards de dollars, qui connaîtra une croissance de 20 % entre 2019 et 2021, alimentée en partie par l’ennui lié à la pandémie et la fatigue numérique.
Les jeux de rôle et les aventures de construction d’empire comme Catan ont progressivement transformé les jeux de société, qui sont passés d’un loisir pour enfants dominé par des marques comme Hasbro et Mattel à un marché tentaculaire et diversifié dans lequel de plus petits éditeurs créent des jeux pour adultes. Ces dernières années, ces éditeurs ont publié des jeux sur le thème du climat et de la biodiversité, tels que Wingspan, Cascadia et Daybreak.
« Le public souhaite de plus en plus s’engager dans la lutte contre le changement climatique de manière tangible », explique l’auteur Matt Parker, qui a également donné des cours sur le développement de jeux. « Souvent, les gens ne veulent pas s’occuper du changement climatique ou se sentent impuissants face à sa complexité. Mais une grande partie du plaisir ressenti dans les jeux de société réside dans l’engagement de systèmes complexes avec d’autres personnes. »
En 2020, Wingspan, dans lequel les joueureuses développent des habitats d’oiseaux dans leurs biotopes, a été nommé meilleur jeu de stratégie aux American Tabletop Awards. Le jeu a été évalué par la revue scientifique Nature, ainsi que par des publications plus traditionnelles sur les jeux, et s’est vendu à plus de 750 000 exemplaires la première année.
L’année dernière, Cascadia, dans lequel les joueureuses s’affrontent pour créer « l’écosystème le plus harmonieux » dans le nord-ouest du Pacifique, a remporté le prestigieux prix du jeu de l’année (Ndt : Spiel des Jahres) ainsi que le concours du meilleur jeu de stratégie aux American Tabletop Awards.
Parmi les autres titres récents, citons Kyoto, où les joueureuses jouent le rôle de négociateurs du climat, Renature, où l’objectif est de restaurer une vallée polluée, et Tipping Point, où les joueureuses construisent des villes qui doivent s’adapter au réchauffement climatique.
Les recherches montrent que ces jeux font plus que simplement divertir. Les jeux de simulation peuvent faciliter de manière mesurable l’apprentissage de la politique climatique internationale, selon une étude de 2018 publiée dans la revue Climatic Change. Les auteurs ont constaté que le fait de jouer un seul tour du jeu climatique Keep Cool augmentait le sens de la responsabilité environnementale des participantes et participants et leur confiance dans la coopération climatique.
Une autre étude de 2020 publiée dans Simulation & Gaming est parvenue à des conclusions similaires. Les chercheurs ont constaté que les jeux constituent une « alternative simplifiée à la communication scientifique trop compliquée » et que « la représentation de la réalité d’une manière très concentrée et simplifiée » aide les joueureuses à conceptualiser la crise climatique d’une manière tangible.
Si beaucoup de ces jeux, comme Daybreak, imaginent des scénarios climatiques futurs, certains remontent dans le temps et explorent les injustices passées.
Rising Waters, publié par Central Michigan University Press, dépeint la grande crue du Mississippi de 1927, qui a fait des centaines de morts et déplacé quelque 700 000 personnes.
Cette inondation a été l’une des plus destructrices de l’histoire américaine. Elle a touché de manière disproportionnée les communautés noires des basses terres du delta, communautés qui étaient largement exclues des programmes de secours gouvernementaux. Les joueureuses du jeu, qui est disponible en version numérique dès maintenant et sera livré physiquement en mai, coopèrent pour sauver leurs familles de l’inondation et de la violence des justiciers blancs.
Elizabeth « Scout » Blum, professeur d’histoire de l’environnement à l’université de Troy en Alabama, a créé Rising Waters avec une équipe de collaborateurs et de conseillers historiques, ludiques et artistiques.
« Vous êtes confrontés à des questions qui donnent à réfléchir. À tel point que lorsque nous concevons des situations, nous réfléchissons à la manière de ne pas être insensibles ou de ne pas déclencher les gens tout en incluant ces questions vraiment importantes », a déclaré Blum, notant que le jeu aborde des sujets difficiles comme l’insécurité alimentaire et le lynchage auxquels les gens ne veulent souvent pas penser – ce qui n’est pas sans rappeler la crise climatique. « L’espoir est que le jeu puisse enseigner l’empathie et la compréhension, ou susciter l’indignation et les questions, selon le cas. »
Selon Mme Blum, les jeux peuvent offrir aux étudiants et au grand public un espace pour explorer des questions difficiles. Ils sont également des outils de décision importants utilisés aux plus hauts niveaux de pouvoir.
Ed McGrady, ingénieur chimiste de formation, a organisé des wargames pour un certain nombre d’agences gouvernementales, dont la Maison Blanche. Chargé de cours adjoint au Center for a New American Security, M. McGrady affirme que les jeux peuvent aider les joueurs à anticiper les conflits et les urgences à venir et à planifier en conséquence.
« Cette interaction compétitive avec un être humain vivant – cela vous fait vous soucier et penser de manière créative à la question en jeu, plus que tout type de rapport ou de dispositif d’apprentissage ou de mécanisme de briefing ne le pourrait jamais », a déclaré McGrady.
Lors de la conférence des Nations unies sur le changement climatique de 2015 à Paris, il a organisé un jeu pour explorer l’impact du changement climatique sur la sécurité mondiale. Les joueurs ont constaté que le réchauffement des températures déclencherait des flux migratoires vers l’Europe et les États-Unis, entraînant un mécontentement populaire et une hausse de la gouvernance autoritaire. À l’époque, M. McGrady a déclaré que lui et d’autres experts avaient été surpris par la portée des résultats du jeu. Mais après la montée des leaders d’extrême droite dans les années qui ont suivi, le jeu s’est avéré prémonitoire.
La création de jeux est également une forme de narration. Selon une analyse, plus de 96 % des concepteurs des jeux de société les mieux classés étaient des hommes blancs. En apportant plus de diversité dans le domaine de la création de jeux, on peut raconter une histoire plus riche sur la crise climatique et la biodiversité.
L’illustratrice de Rising Waters, Makiyah Alexander, a déclaré qu’en grandissant, elle aspirait à voir des histoires mettant en scène des personnes de couleur. Si Rising Waters dépeint les souffrances des Noirs américains à la suite de l’inondation de 1927, il identifie également des poches d’action et de résistance. Makiyah Alexander a conçu la pioche commune dans lequel les joueurs doivent prendre des cartes pour survivre au jeu, et qui sont étiquetées avec des sources de pouvoir telles que le blues, les animaux de la ferme, l’église, le jardin, la famille et l’éducation.
« J’ai pensé qu’il était important de partager quelque chose de nous, de nos valeurs d’unité et d’égalité avec les autres », explique l’autrice inuite Thomassie Mangiok. « Même nos équipes de chiens de traîneau sont considérées comme des partenaires, et non des animaux de compagnie ».
Mangiok, un administrateur scolaire, a créé un jeu appelé Nunami – « sur la terre » en inuktitut (Ndt : L’Inuktitut est une langue eskimo-aleutienne parlée par les Inuits du Canada et du Groenland. Elle est parlée par plus de 65 000 personnes, principalement dans les régions nordiques du Canada, et comprend un certain nombre de dialectes. L’Inuktitut est la langue officielle des territoires du Nunavut et du Nunavik.) – comme un moyen de partager les traditions de son village d’Ivujivik, la colonie la plus septentrionale du Canada. Les joueureuses collaborent pour équilibrer les éléments naturels et humains de la toundra arctique avant que leurs personnages ne meurent de faim.
« Le message que j’essaie de faire passer à travers mon jeu est de coopérer afin de créer un meilleur environnement pour tous », a-t-il déclaré. « Nous nous souvenons comment coopérer, et à travers le jeu, nous pouvons le montrer. »
Et encore une chose
Nous avons présentés plusieurs jeux de plateau qui intègrent la Cli-Fi. Voici cinq films parmi les plus populaires également avec ce thème.
Interstellar (2014)
L’avenir de la Terre est criblé de catastrophes, de famines et de sécheresses. Il n’y a qu’un seul moyen d’assurer la survie de l’humanité : le voyage interstellaire. Un trou de ver récemment découvert aux confins de notre système solaire permet à une équipe d’astronautes d’aller là où aucun homme n’est allé auparavant, une planète qui pourrait avoir l’environnement adéquat pour soutenir la vie humaine…
Mad Max Fury Road (2015)
Dans un désert post-apocalyptique, une femme se rebelle contre un dirigeant tyrannique à la recherche de sa patrie avec l’aide d’un groupe de prisonnières, une adoratrice psychotique et un vagabond nommé Max.
Snowpiercer: Le Transperceneige (2013)
Dans un futur où une expérience de changement climatique ratée a tué toute vie sur Terre, à l’exception de quelques chanceux qui ont embarqué dans le Snowpiercer, le transperceneige, un train où a surgi une hiérarchie des classes et qui voyage autour du globe.
Le jour d’après (2004)
Jack Hall, paléo climatologue, doit faire le long voyage de Washington à New York pour rejoindre son fils pris au piège d’une soudaine tempête qui plonge la planète dans une nouvelle ère glaciaire.
Soleil Vert (1973)
Dans le monde ravagé par l’effet de serre et la surpopulation, un détective de la police de New York enquête sur le meurtre du PDG d’une grande entreprise.
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Article écrit par Andariel, chroniqueuse et rôliste (JDR, GN) queer qui se consacre au jeux de rôle, aux jeux narratifs et aux sujets LGBTQ+. Elle s’implique pour valoriser la présence des personnes marginalisées dans l’industrie du jeu.
Et selon vous, est-ce que cette nouvelle tendance de jeux qui incorporent la Cli-Fi peut avoir un impact sur nos consciences ?
One Comment
Leo
Outlive évidemment !!