
Kauri : Survie et Stratégie en Terre Maorie
🐦 Île de Nouvelle-Zélande, 1769. Dans le jeu Kauri, incarnez kiwis, possums, Maoris ou colons anglais dans leur lutte pour la survie.
Kauri : Immersion ludique dans la nature de Nouvelle-Zélande
⚠️ Avertissement : Dans un souci de transparence envers notre communauté, nous tenons à préciser que cet article reflète notre opinion personnelle sur le jeu. Nous n’avons reçu aucune contrepartie de la part de l’éditeur du jeu. Nous avons acquis et testé le jeu de façon indépendante, sans lien commercial avec son éditeur. Les avis présentés ici représentent notre analyse honnête et impartiale du jeu, basée sur notre propre expérience.
Kauri est un jeu de société asymétrique passionnant qui se déroule en Nouvelle-Zélande, mettant en scène un combat entre la nature et les humains. Les joueurs et joueuses ont le choix entre quatre factions distinctes : les Kiwis, les Possums, les Maoris et les Anglais.
Ce nouveau jeu, conçu par Charlec Couronnaud, auteur du remarquable La Bête, nous avait déjà séduit par sa capacité à créer une expérience immersive. Nous avons découvert Kauri au Festival International des Jeux de Cannes et il s’est rapidement imposé comme l’une des sorties les plus attendues de l’année. La question demeure : l’attente valait-elle le coup ? La réponse se trouve dans cet article.
Nouvelle-Zélande, un paradis sur Terre
Dans Kauri, les joueurs et joueuses sont transportées sur l’île de Nouvelle-Zélande, située dans l’océan Pacifique. Cette île, formée il y a 30 millions d’années suite à une éruption volcanique, est un sanctuaire pour une multitude de fleurs, d’espèces végétales et animales. Elle est notamment le berceau du Kauri, un gigantesque conifère endémique pouvant atteindre 50 mètres de haut.
Ce paradis, dépourvu de prédateurs terrestres, a conduit certains animaux, comme le trop « mignon » kiwi, à perdre leur capacité à s’enfuir.
L’île a vu l’arrivée des Maoris au VIIIème siècle, qui ont cultivé et honoré cette terre sauvage. Cependant, l’arrivée de l’explorateur anglais James Cook en 1769 a bouleversé cet équilibre idyllique, avec la cartographie de l’île, l’exploitation des forêts de kauris et l’introduction des possums pour leur fourrure.
Les choses ne se passent pas comme prévu, les possums, petits animaux malins, échappent au contrôle des Anglais et se reproduisent massivement, forçant les colons à revoir leurs plans.
Kauri, les règles du jeu
Pour commencer, chaque joueureuse choisit sa faction : Kiwi, Possum, Māori ou Anglais. Comme dans tous les jeux asymétriques, chaque faction se joue différemment et marque des points de victoire de manière spécifique.
La partie se déroule en 5 périodes, chacune composée de 4 tours, soit 20 tours de jeu au total.
Chaque faction a son propre jeu de cartes d’action, avec trois cartes en main au début.
Simultanément, chaque joueureuse choisit une des cartes comme étant son action, la seconde pour déterminer l’ordre du tour et la troisième est gardée pour le tour suivant. Ainsi, une carte est jouée, une est sacrifiée, et la troisième est conservée.
Chaque faction joue ensuite son action selon l’ordre du tour révélé et les avantages prioritaires des factions, puis chacun reprend 2 cartes pour compléter sa main.
Lorsque tous les joueureuses ont épuisé leur deck, c’est la fin d’une période. Les compteurs du temps sont avancés, les épidémies et inondations éventuelles sont retirées du plateau, et les kiwis se trouvant dans une section sans arbre disparaissent.
Les cartes personnelles sont à nouveau mélangées et un nouveau tour commence.
Tous les joueurs et joueuses utilisent leurs jeux de cartes de la même manière, mais les actions des cartes sont différentes, ce qui conduit à diverses stratégies. Les cartes actions peuvent comporter une ou plusieurs actions, certaines nécessitent des prérequis ou sont conditionnées par les autres factions. Elles peuvent également permettre de débloquer des héritages avec des pouvoirs éphémères ou permanents, toujours spécifiques à sa propre faction.
L’attrait du jeu réside dans son interaction et la nécessité de surveiller étroitement les adversaires pour parfois perturber la stratégie de la faction dominante. Des négociations ou des alliances entre les différents joueurs et joueuses d’une même partie peuvent aussi avoir lieu, chacun devant être conscient des enjeux du conflit global.
À la fin de la 5ème période, la partie se termine et l’on passe au décompte des points pour désigner le ou la vainqueur(e).
L’attrait de l’asymétrie
Les jeux asymétriques connaissent un intérêt grandissant. Ils offrent une profondeur stratégique et une rejouabilité accrue. L’asymétrie implique que chaque joueureuse a des capacités et des stratégies uniques, ce qui enrichit l’expérience de jeu. Cependant, l’équilibre est crucial pour garantir que chaque faction ait une chance de gagner.
Les années 70-80 ont vu fleurir des jeux asymétriques cultes comme Dune (1979), Rencontre Cosmique (1977) ou Ogre (1977). Le succès du Seigneur des Anneaux a également boosté ce type de jeux avec la sortie de War of the Ring (2011).
Aujourd’hui, l’asymétrie est devenue un mécanisme central dans de nombreux jeux. Citons par exemple :
- Spirit Island : Un jeu coopératif et asymétrique où les joueureuses contrôlent différents esprits, chacun avec des pouvoirs uniques, pour défendre leur île contre des envahisseurs colonisateurs.
- Rencontre Cosmique : Les joueureuses contrôlent chacun une espèce extraterrestre unique avec des pouvoirs spéciaux, visant à coloniser d’autres planètes, connu pour sa grande variété d’espèces extraterrestres et sa valeur de rejouabilité élevée.
- Twilight Struggle : Un jeu de simulation de la Guerre Froide pour deux où les joueureuses ont des rôles distincts en tant que les États-Unis ou l’URSS, avec un gameplay impliquant des coups d’état et la propagation de l’influence.
- Smallworld : On se bat pour la conquête et le contrôle d’un plateau de jeu trop petit pour les accueillir tous, avec différentes races associées à des pouvoirs spéciaux aléatoires, rendant chaque partie unique.
- Star Wars: Rebellion : Un jeu en tête-à-tête on prend les rôles de l’Empire Galactique et de l’Alliance Rebelle, avec un gameplay reflétant la stratégie et la politique de la trilogie originale de Star Wars.
- Mr Jack (publié à… Genève #chauvinisme) : C’est un jeu asymétrique pour deux, une personne jouant Jack l’Éventreur qui tente de s’échapper de Londres, et l’autre jouant l’enquêteur dont la mission est de le capturer avant qu’il ne soit trop tard. Chaque personne a des objectifs et des stratégies différentes, ce qui crée une tension et une expérience de jeu fun et dynamique.
- Root : Un jeu de guerre stratégique dans lequel on lutte pour le contrôle d’une vaste forêt. Chaque faction dispose des capacités, des styles de jeu et des objectifs de victoire très différents, ce qui entraîne une dynamique de jeu profondément stratégique et variable à chaque partie.
- Disney Villainous : Dans ce jeu de cartes captivant et bourré d’extensions, chaque personne prend le rôle d’un méchant iconique de Disney et a son propre objectif de victoire unique. Chaque méchant a des capacités spéciales, des stratégies, et même son propre deck de cartes, reflétant les histoires et les capacités de personnages tels que Maléfique, Ursula ou le Capitaine Crochet. Cela crée une expérience de jeu asymétrique où les joueureuses doivent non seulement poursuivre leurs propres objectifs mais aussi contrecarrer les plans des autres méchants.
L’asymétrie présente de nombreux avantages :
- Elle augmente la rejouabilité car on peut expérimenter chaque rôle/faction.
- Elle pousse à développer différentes stratégies en fonction de ses capacités. Le gameplay est donc plus riche.
- L’immersion est accrue quand on incarne vraiment un personnage au lieu d’une simple pièce générique.
- Les interactions asymétriques génèrent des dynamiques inédites.
Bien sûr, concevoir un jeu asymétrique équilibré est un défi. Il faut veiller à ce que chaque rôle/faction ait une chance raisonnable de gagner. Et souvent, lors des tests, des parties, on a l’impression que telle ou telle faction est déséquilibrée, plus ou moins balèze.
Mais quand c’est réussi, l’asymétrie apporte une tension et une variété de parties qui expliquent le succès croissant de ce type de jeux auprès des publics ludiques les plus exigeants.
Kauri, immersion réussie ?
Comme dans son précédent jeu, Charlec a créé Kauri sur la base de l’événement historique de la colonisation néo-zélandaise par les Anglais.
Quelle que soit la faction choisie, on se retrouve projeté dans une réflexion sur le déséquilibre écologique provoqué par l’arrivée des Européens dans cette île auparavant paisible.
Kauri propose plus qu’un jeu, c’est une réelle immersion, une sensibilisation aux enjeux environnementaux qui se jouent quotidiennement sur notre planète.
Incarnant tour à tour le kiwi en lutte pour sa survie, le possum proliférant sans contrôle, le Māori gardien de l’île s’adaptant aux bouleversements, ou l’Anglais obligé de revoir ses plans, ce sont de véritables expériences marquantes dont on ne ressort pas indemne.
Matériel
La qualité du matériel est vraiment à saluer. Les pions personnalisés en bois représentant chaque faction sont du plus bel effet une fois disposés sur le plateau. Chaque personnage a son propre tableau de jeu, ses propres jetons et une aide de jeu spécifique qui précise clairement et simplement ses actions.
En proposant des règles permettant une installation et une prise en main rapides, couplées à une aide de jeu individuelle, une carte rappel des tours et un décompte des points, Kauri fait office d’exemple en termes d’ergonomie ludique. Ce soin apporté aux détails rend le jeu accessible et vraiment plaisant à jouer pour le plus grand nombre.
Les illustrations esthétiques et colorées ajoutent une touche qualitative supplémentaire à ce jeu qui coche déjà toutes les cases de la réalisation.
Kauri, un jeu exclusivement pour 4 personnes ?
Kauri est annoncé pour 2 à 4 joueurs et joueuses. Il est donc jouable en théorie dans toutes ces configurations. Néanmoins, en dessous de 3 personnes il perd beaucoup de son intérêt et de sa saveur stratégique. En effet, plusieurs interactions clés entre les différentes factions sont perdues, et certains effets de cartes conçus pour créer du lien entre factions n’ont presque plus d’intérêt.
C’est notamment le cas d’une des cartes anglaises, qui normalement permet de voler des ressources aux autres. À deux ou trois, son effet est grandement diminué. De plus, le kiwi, l’une des factions, voit sa survie grandement facilitée puisqu’il n’est plus autant chassé par les autres. En vrai, seul l’anglais est l’ennemi du kiwi en coupant ses arbres fétiches.
Kauri semble avoir été pensé spécifiquement pour 4. Même si une partie à deux ou trois reste divertissante, elle ne met pas en valeur toutes les subtilités du jeu.
Je conseille donc vivement de réunir 4 joueurs et joueuses pour ne pas passer à côté de la véritable saveur de Kauri.
Kauri, un bon jeu ?
Kauri vise à offrir un jeu familial avec des choix simples et des stratégies uniques, le tout dans un thème bien représenté et une interaction entre joueurs captivante.
Pour moi, ce jeu est une vraie réussite. Au-delà de la qualité de sa réalisation, de son aspect historique et immersif, il faut souligner sa grande fluidité.
Le fait qu’une partie du jeu se joue en simultané et l’autre à tour de rôle évite les temps morts et laisse la place aux interactions entre factions, pour équilibrer leur puissance. Chacun joue pour faire gagner son camp mais c’est impossible de l’emporter seul face aux autres.
L’équilibre des pouvoirs de chaque faction est très bien fait. À condition que les joueurs soient de niveau équivalent, les scores finaux sont très serrés.
Kauri donne vraiment envie de rejouer, signe positif d’un bon jeu asymétrique. En fin de partie, on a envie soit de rejouer pour peaufiner sa propre stratégie, soit de changer de faction pour mieux comprendre la subtilité des adversaires. Voir les autres déployer des tactiques auxquelles on n’aurait pas pensé enrichit les parties suivantes.
Kauri est parfois comparé à Root, à juste titre selon moi, pour un plaisir accessible et tout aussi satisfaisant.
Le thème est exploité de manière cohérente et intéressante. Kauri demande de modifier régulièrement sa stratégie, impossible de gagner sans s’adapter aux transformations du plateau. Chaque partie est unique et offre une grande rejouabilité.
Il faut aussi composer avec le hasard du tirage des cartes actions qui ne facilitent pas toujours la tâche.
Conclusion
Un jeu asymétrique immersif et accessible, un matériel esthétique et qualitatif, seul petit bémol – désormais prévenus – il vaut mieux le jouer à 4 pour en apprécier toutes les subtilités.

Excellent !
- Date de sortie : Octobre 2023
- Langue : Française
- Assemblé en : Chine
- ITHEM : 5 sur 5. Pour en savoir plus sur l’ITHEM dans les jeux de société, c’est ici.
- IGUS : 4 sur 5. Pour en savoir plus sur l’IGUS dans les jeux de société, c’est ici.
- EcoScore : C. Si vous voulez en savoir plus sur l’EcoScore dans les jeux de société, c’est ici
- Création : Charlec Couronnaud
- Illustrations : Jérémie Fleury
- Édition : Débâcle Jeux
- Nombre de joueurs et joueuses : 2 à 4 (tourne mieux à 4)
- Âge conseillé : dès 10 ans (bonne estimation)
- Durée : 45 à 60 minutes
- Thème : Exploration
- Mécaniques principales : Majorité, asymétrie, pouvoirs. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.
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Soutenez Gus&Co sur TipeeeArticle écrit par Aline. Elle travaille dans le domaine social. Elle est tombée toute petite dans la marmite du jeu sous toutes ses formes (plateau, jeux vidéo, escape room, murder). Écrire sur le blog lui permet de découvrir de nouveaux jeux et partager de vrais coups de cœur.


5 Comments
Laurent de Nantes
En effet: un très bon (et beau!) jeu et pour moi et mon cercle de jeu aussi la meilleure surprise de cette année. Il s’agit bien d’un Root « light », presque familial, qui se joue en une petite heure. Autant Root, dont je suis toqué, a un ticket d’entrée élevé, avec ses désormais 10 (!) factions différentes (presque le double si on compte les différents vagabonds comme autant de factions) et ses ‘grosses’ et souvent subtiles règles, autant Kauri est simple à aborder, à jouer et donc à sortir, tout en donnant des sensations de jeu similaires à celles que donne Root.
En effet aussi: mieux vaut y jouer à 4 ou 3. La configuration à 2 n’est pas désagréable (correction au passage: l’Anglais s’y joue de façon automatisée sans ses cartes et avec un seul pion, alternativement utilisé d’abord par le joueur des Possums, puis par celui des Kiwis), mais plus limitée, comme c’est du reste aussi le cas à Root.
Bleimor
Ma meilleure découverte 2023 ; 5 étoiles.
Mais ce jeu est pour 4 joueurs ; ne nous mentons pas. On sent que le créateur a brodé une règle pour 2 et 3 joueurs. Qu’il soit un jeu familial a peut-être, marketing oblige, « interdit » au créateur d’en faire un « 4 joueurs strict » sur le modèle de La Famiglia.
Gilles
Merci pour cet article. J’avoue je l’attendais, le jeu me faisant de l’oeil et vos critique étant en général pertinantes.
amnesix77
Merci pour votre article, je l’attendais avant d’acheter le jeu et de pouvoir le découvrir en famille à Noël. C’est vrai que j’ai adoré Root mais je n’arrive jamais à le sortir au regard de sa complexité. Ce sera une très bonne alternative.
J’espère que Charlec poursuivra dans ce double domaine de l’asymétrie et du contexte historique qui sont 2 aspects que j’affectionne particulièrement notamment en raison de l’immersion qu’ils permettent. Ce sont souvent des parties qui racontent des histoires et dont on a plaisir à se remémorer. Tiens en passant dans les jeux asymétriques, on pourrait également citer les 1 contre tous, avec « not Alone » qui offre la meilleure immersion et le plus grand plaisir de jeu autour de la table chez moi.
Hagrael
Un matériel de qualité à l’esthétique irréprochable! C’est, je crois, ce que vous souhaitiez dire. Merci pour l’article.