
Les balbutiements de la réalité augmentée dans le jeu de société. L’exemple d’Escape Game VR, livre-jeu encombré
La réalité augmentée s’immisce dans les jeux de société. L’exemple d’Escape Game VR. Fouillé, mais fouillis et foutraque.
Réalité augmentée
La réalité augmentée est la superposition de la réalité et d’éléments, tels sons, images 2D, 3D, vidéos, etc., calculés par un système informatique, souvent une app, en temps réel.
La réalité augmentée désigne souvent les différentes méthodes qui permettent d’incruster de façon réaliste des objets virtuels dans une séquence d’images via un écran. Ces applications sont multiples et touchent de plus en plus de domaines, tels que les jeux vidéo, l’éducation par le jeu, les chasses, les industries, le champ médical et le jeu de société, donc.
Attention à ne pas confondre réalité augmentée et réalité virtuelle, qui nécessite de porter des lunettes pour accéder à un véritable contenu numérique, visuel.
De nombreuses villes, suisses, notamment, misent sur la réalité augmentée pour promouvoir son patrimoine architectural, historique et culturel via des balades, augmentées, justement. Voir sa ville il y a cent ans ? S’installer sur une place connue et en voir les contours à travers les siècles ? La technologie permet toujours plus de voyages dans l’histoire et les villes suisses s’y mettent les unes après les autres, choisissant méthodes et jalons historiques différents. Le cas notamment de Zurich ou La Chaux-de-Fonds.
Souvenez-vous, c’était en 2016. Une bonne partie de la planète était prise d’hystérie avec le jeu Pokémon Go. Le principe était simple : muni de son smartphone, il fallait partir à la chasse aux Pokémon autour de soi, dans son quartier, en ville, ailleurs, partout. Ce jeu a été l’un des premiers à populariser la réalité augmentée, mélange entre le monde réel et virtuel. On voyait, sur l’écran, ce qui se passait autour de soi au travers de la caméra de son téléphone. Et s’y superposaient des appâts et des Pokémon.
On peut citer également l’app d’Ikea permettant de placer virtuellement ses futurs meubles chez soi. Etsy, la plateforme de vente en ligne d’objets divers et variés, souvent artisanaux, permet par exemple de faire de même avec une œuvre d’art, que l’on peut accrocher sur ses murs en réalité augmentée, avant de l’acquérir. Google et Apple semblent développer de nouvelles fonctions de ce type. En attendant, dans un rayon plus léger, le jeu à succès du confinement de printemps 2020 Animal Crossing a sorti cette année Animal Crossing: Pocket Camp qui vient lui aussi d’intégrer des fonctions de réalité augmentée.
Réalité augmentée et jeux de société
Et nous voici cinq ans plus tard, la frénésie autour de Pokémon Go s’est calmée. Un projet de jeu Catan en réalité augmenté vient même d’être annulé par son développeur, le même que celui de Pokémon Go. Et si quelques jeux ont eux aussi intégré des éléments de réalité augmentée, cette technologie fait beaucoup moins parler d’elle. Et pourtant, nous ne sommes sans doute qu’au début de son utilisation. La récente sortie de 3 livres-jeu en mode Escape Game, Escape Game VR, à propos, en est la preuve. Cette app montre que la réalité augmentée peut être employée à des fins ludiques.
Souvent gadget, la réalité augmentée permet de rajouter un objet par-ci, un indice par-là. Certains éditeurs y voient toutefois une plus-value. C’est le cas par exemple des Unlock!, ces boîtes de jeux constituées d’un paquet de cartes, et puis c’est tout. Assisté par une app, le jeu propose de vivre une aventure, comme un Escape Game mais dans son salon. Et depuis son lancement en février 2017, peut-être inspiré par Pokémon Go, le jeu a souvent intégré un processus de réalité augmentée dans ses mécanismes, dans sa narration. La toute première aventure fut le scénario Insert Coin dans la boîte Heroic Adventures, paru en 2018. Le récit nous plonge dans un jeu vidéo d’arcade, et, univers cohérent, grâce à son écran et à l’appli, certaines cartes révèlent des trésors cachés à l’œil nu, en mode réalité augmentée. D’autres scénarios Unlock! se sont depuis amusés à intégrer cette technologie. Sans réussir à passionner, même Wingspan se décline aujourd’hui en réalité augmentée, en mode (pâle copie de) Pokémon Go.
Amélia’s Secret vient également de sortir cet été, nous promettant de nous plonger dans un récit effrayant, en disséminant des cartes affichant des objets chez soi. Ces cartes s’animent sur son écran pour déployer une expérience horrifique, intense, mais au final plate et creuse.
La réalité augmentée a fait des progrès, certes. Mais c’est une technologie encore peu utilisée sur les smartphones. Avec la puissance accrue des smartphones et la 5G, la réalité augmentée progresse et pourraient lui donner de nouvelles perspectives.
Sans grande profondeur
La plupart des jeux de société qui intègrent aujourd’hui la réalité augmentée, dont cet Escape Game VR que vous allez pouvoir découvrir plus bas, sont vite trahis par leur manque de profondeur, de saveur.
Cette technologie fait souvent office d’écran (c’est le cas de le dire) de fumée, de fumée aux yeux. On essaie de vous en mettre plein la vue, sur son écran, pour, au final, ne proposer qu’une expérience certes douillette, mais surtout pâlotte.
Escape Game VR
Non, décidément, le livre-jeu n’est pas mort et enterré. C’est bien le contraire, en réalité. Né dans les années 1960-1970, il connaît ses titres de noblesse dans les années 80 avec les Livres dont vous le Héros qui ont bercé, et ruiné nos économies, nos années d’ado. Les miennes, en tout cas.
Avec l’émergence des Escape Games, entre roman et jeu, depuis les années 2010, les Livres-Jeu sont revenus sur le devant de la scène. Le cas aujourd’hui de 3 d’entre eux, Escape Game VR, édités par Mango Éditions et qui intègrent une mécanique et application de réalité augmentée.
Mango Éditions a déjà sorti une foultitude de livres-jeu, s’en faisant une véritable spécialité, au point d’intéresser le géant Asmodee qui a signé un accord de partenariat avec eux. Désormais, Mango pourra adapter les « univers » Asmodee en livre-jeu.
Ils en sortent aujourd’hui 3 en même temps, à la couverture rigide, plutôt fins, qui intègrent une appli de réalité augmentée. Comme certains scénarios Unlock!, il faut scanner des pages pour voir tel ou tel objet apparaître à travers son écran, et pouvoir ainsi résoudre des trucs, des bidules. Des énigmes, avant tout.
À l’œil nu, la page du livre affiche parfois un indice en petit, et via l’écran de son téléphone ou de sa tablette, grâce à l’appli, on aperçoit alors ces éléments en détail. D’autres fonctionnalités se rajoutent à l’expérience, comme des images à 360° qui confèrent une vue globale de la pièce, du bâtiment, du lieu.
Escape Game VR, de l’histoire augmentée
Dans ces 3 Escape Game VR, les lieux jouent (et c’est le cas de le dire) un rôle prépondérant. Mango Éditions travaille ici avec HistoPad, un programme, une plateforme de réalité augmentée spécialisée dans les découvertes de patrimoines culturelles en visite, en vision augmentée.
Ces 3 livres-jeu proposent en effet de partir explorer 3 lieux patrimoniaux bigarrés : le Pic du Midi de Bigorre dans les Hautes-Pyrénées, le château de Chambord et Léonard de Vinci, et enfin, le Palais des papes d’Avignon.
Photo-montage à l’appui et recherches historiques, un travail conséquent a été fourni pour respecter une certaine part, une certaine cohérence historique. Le tout saupoudrés d’énigmes tarabiscotées et de voyages dans le temps fantastiques.
Car oui, ces 3 tomes fonctionnent tous sur le même principe. On appartient à une agence secrète de voyage dans le temps, la RADAR, envoyée en mission aux quatre coins de la temporalité pour résoudre telle ou telle affaire.
👉 À lire également : Le voyage dans le temps ne transporte pas les jeux de société
Ces 3 Escape Games VR nous offrent la chance de pouvoir voyager via son écran, de découvrir 3 lieux emblématiques, immergés dans un récit fantastique passionnant. Et plongés depuis une année et demie en pleine crise sanitaire qui s’étire mais ne s’étiole pas, c’est une véritable aubaine et plaisir que de pouvoir voyager par l’entremise de ces ouvrages fouillés, ludiques et captivants.
Oui, mais
Ça serait vous mentir que de vous dire que l’expérience est optimale. Ce n’est pas le cas. Ces 3 Escape Games VR ne sont pas dénués d’écueils et de lourdeurs, loin de là ! Au point de rendre leur pratique pénible et fastidieuse.
Plutôt que de m’arrêter sur un ouvrage, lieu ou jeu spécifique, je vais plutôt m’intéresser à examiner, à disséquer les 3 ouvrages dans leur globalité.
Parlons de l’appli, d’abord. Elle n’est pas aussi fluide et ergonomique que celle d’Unlock!, par exemple. Pour accéder au contenu augmenté, il faut scanner certaines pages. Et cela ne marche pas toujours du premier coup, il faut s’y essayer à plusieurs reprises. À relever que comme il s’agit d’une page pleine, et que le livre est relié, rigide, il faut parvenir à réduire le pli de la page nécessaire pour activer l’appli. Et tout ceci en évitant de parasiter la tentative de scan de ses doigts qui tentent, parfois vainement, de plier, déplier, replier, la page.
Rajoutez à cela des conditions de luminosité qu’il faut optimales pour activer l’appli, et toute l’expérience en devient clunky, comme on dit en anglais, maladroite, poussive. Et comme chaque ouvrage propose une dizaine de scan à effectuer, c’est parfois, souvent pénible.
Rajoutons que chaque livre ne propose qu’une trentaine de pages. Trente pages de jeu, c’est peu. Alors certes, la réalité augmentée vient… augmenter le tout, mais l’expérience est très courte. On fait le tour du pâté de maison, château ou montagne en une trentaine de minutes. Et après ? Pur jeu Kleenex, une fois le jeu joué, il est jeté. Ou recyclé, ou refilé, ou revendu.
Enfin, et non des moindres, les illustrations sont plates, souvent numériques, peu organiques et si assombries qu’elles parviennent peu à passionner, à transporter, tout le but des illustrations dans un jeu.
Escape Game VR, verdict
Au final, on obtient un jeu, 3 livres, une expérience certes à l’histoire fouillées, mais barbouillée, qui bafouille, fouillis et foutraque. On doit passer d’une appli parfois maladroites, d’indices en réalité augmenté à des pages pleines parfois bourrées de texte lourdingues à consulter, tout en circulant parmi des pages qui nous font découvrir des bribes de récit encore cachées qui nous divulgâchent le tout.
Rajoutez à tout cela la nécessité d’accéder à internet pour télécharger l’appli et les contenus, et vous obtenez un produit peu jouable, peu convaincant.
Bof bof. Plus brouillon que brillant
- Date de sortie : 2021
- Langue : Française
- Imprimé au : Portugal
- ITHEM : 5 sur 5. Pour en savoir plus sur l’ITHEM dans les jeux de société, c’est ici.
- IGUS : 5 sur 5. Pour en savoir plus sur l’IGUS dans les jeux de société, c’est ici.
- ECOSCORE : A. Pour en savoir plus sur l’EcoScore dans les jeux de société, c’est ici.

- Auteus et autrice : Mélanie Vives, Rémi Prieur
- Éditeur : Mango Éditions
- Illustrateur : Benjamin Bouwyn
- Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 2 (tourne mieux en solo pour mieux suivre, voir la réalité augmentée)
- Âge conseillé : Dès 12 ans (pas moins ! Certaines énigmes ne sont pas piquées de vers !)
- Durée : 30-45′ par ouvrage
- Thème : Histoire, voyage dans le temps
- Mécaniques principales : Énigmes, réalité augmentée, narratif, Escape Game, livre-jeu
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One Comment
Originar
On oublie trop souvent le coût environnemental astronomique de tout le « virtuel »… Il s’agit d’une des plus grosses menaces sur notre environnement, à cause du coût exorbitant en électricité, en métaux, en terres rares, etc. Quand vous avez des informations dans le « cloud », il n’est pas rare qu’elles soient copiées dans 6 endroits différents pour être certain de vous assurer la meilleure « expérience utilisateur », mais à quel prix ?? (pour l’environnement, j’entends…)
Si cette pollution colossale commence également à infecter le monde du jeu, alors autant directement se mettre à jouer en ligne…