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Glory – Un jeu de Chevaliers, la chronique du jour

Glory – Un Jeu de Chevaliers est le tout nouveau gros jeu stratégique de Super Meeple. Des joutes, des chevaux, des chevaliers.


Glory – Un Jeu de Chevaliers

Glory, un jeu de chevaliers, vient de sortir il y a quelques jours en août 2021. Il s’agit du tout nouveau, du tout gros jeu chez Super Meeple. Votre but ? Obtenir le plus de gloire, d’où le titre, lors de tournois de joutes, chevaliers contre chevaliers.

Préparez vos rencontres, armez-vous, entraînez-vous, priez les faveurs divines puis jetez-vous dans l’arène dans la joute.

Édité en français par Super Meeple, la VO de Glory est on ne peut plus polono-polonaise : créé par deux auteurs Polonais, édité par un éditeur polonais, fabriqué en Pologne et au thème en lien avec l’histoire médiévale polonaise, il est difficile de faire plus polonais que cela.

Glory se découpe en deux parties. On commence par placer ses ouvriers chevaliers sur le plateau pour activer différentes cases, effectuer diverses actions, comme recevoir des jetons Religion, des jetons Force, pour acheter un meilleur équipement, cheval ou armure, ou d’autres éléments similaires. Une fois cette première phase effectuée, on peut ensuite jouer des cartes, avec des objets, ou même des tournois contre des chevaliers « virtuels » pour obtenir points de victoire et avantages divers.

Arrive enfin la seconde phase, le cœur et piment du jeu, les tournois. Tout se joue à coup de dés : on en jette autant que le niveau de son équipement, on peut en rajouter et en modifier moyennant la défausse de certains jetons, puis on additionne les meilleurs dés par couleur pour opposer la somme à la valeur de l’attaquant. C’est tout. Et comme il s’agit d’une joute médiévale, on combat à deux reprises, aller, puis retour.

Entre gestion de dés, d’objectifs divers et placement d’ouvriers, Glory ravira un public expert, Gamer, avec de multiples voies stratégiques pour remporter des points : objectifs divers, et/ou tournois. Un jeu riche, ample, complet.

Histoire de la joute

Mais au fond, puisque Glory parle de joutes médiévales, on parle de quoi, exactement ?

Si on a tendance à associer la joute à l’idée de chevaliers chevaleresques et de leurs fans invétérées, les véritables racines du sport sont beaucoup plus proches des exploits physiques et dangereux. En réalité, les joutes ont été le premier sport extrême de l’histoire.

Les joutes et d’autres formes d’entraînement aux armes, que l’on retrouve dans Glory, remontent au Moyen Âge et à l’essor de l’utilisation de la cavalerie lourde, les guerriers blindés à cheval, les principales armes que l’on retrouvait sur les champs de bataille de l’époque.

Le système féodal alors en place exigeait que les riches propriétaires terriens et les nobles fournissent des chevaliers pour se battre pour leur roi pendant les guerres. Les joutes ont fourni à ces chevaliers une préparation pratique et pratique en matière d’équitation, de précision et de simulations de combat qui les maintenaient en forme pour le combat entre les batailles.

Ce qui était toutefois initialement conçu uniquement comme un entraînement militaire est rapidement devenu une forme de divertissement pour les foules. La première référence enregistrée à un tournoi de joutes était en 1066, par coïncidence la même année que la bataille d’Hastings et la conquête normande de l’Angleterre, et en un siècle, ils étaient devenus si répandus qu’une série de règlements furent établis limitant le nombre de joutes qui pouvaient être tenues, de peur que les armées du roi ne soient autrement occupées lorsqu’un conflit réel éclatait. LOL. S’amuser, s’entraîner, OK, mais trop non plus.

Ces tournois, comme toutes les célébrations de la cour, étaient des événements très formels. Des mois avant une compétition, les nobles devaient obtenir le permis royal nécessaire, lancer des défis aux autres propriétaires terriens et sélectionner leurs chevaliers les plus qualifiés pour combattre. Dans certains cas, ils engageaient un jouteur qui n’était engagé envers aucun autre maître, ou lige, et était disponible pour se battre au plus offrant.

Ces « employés temporaires » sont devenus connus sous le nom de « indépendants », un terme encore utilisé aujourd’hui. Il était assez courant que les jouteurs à succès deviennent immensément populaires. Les hérauts médiévaux, tout comme les… journalistes sportifs d’aujourd’hui, ont promu les événements à travers des poèmes et des chansons et ont contribué à répandre la renommée des jouteurs.

À bien des égards, ces chevaliers étaient les… athlètes vedettes de leur époque. Tout comme avec les athlètes d’aujourd’hui, des rivalités se sont rapidement formées alors que les chevaliers se sont battus encore et encore tout en parcourant le « circuit » des joutes. Mais les chevaliers ne jouaient pas seulement pour la fierté et la gloire, comme dans Glory le jeu de plateau, il y avait plus en jeu. Les jouteurs les plus accomplis pouvaient recevoir des dons d’argent, de terres et de titres d’un lige reconnaissant.

Les chevaliers n’étaient pas les seuls hommes attirés par la gloire du terrain de jeu. Au 14ème siècle, de nombreux membres de la noblesse, y compris des rois, s’étaient lancés dans les joutes pour montrer leur courage, leurs compétences et leurs talents, et le sport s’est avéré tout aussi dangereux pour un roi qu’un chevalier. C’est ainsi que le roi d’Angleterre Henri VIII a subi une grave blessure à la jambe lorsqu’un cheval est tombé sur lui lors d’un tournoi, mettant fin à la carrière de joute du monarque de 44 ans et le laissant avec des blessures qui affecteraient sa santé pour le reste de sa vie. Pas cool.

La mort la plus célèbre des joutes royales était le roi Henri II de France. Alors qu’il participait à une joute de 1559 pour célébrer le mariage de sa fille avec le roi d’Espagne, il reçut une blessure mortelle lorsqu’un éclat de la lance de son adversaire se brisa et le transperça dans l’œil, un événement fatal que certains croient avoir été prophétisé par ce coquin de… Nostradamus.

L’un des développements les plus importants au cours des joutes de l’époque médiévale a été la création de la liste, l’enceinte entourée de cordes qui sert de terrain de jeu. La liste a mis de l’ordre dans le chaos. Avant son introduction, les premiers jouteurs et leurs chevaux se chargeaient de front, sans diviseur, entraînant des collisions dangereuses et mortelles. Ce qui n’était initialement qu’un tissu s’étirant le long du centre du terrain est finalement devenu une barrière en bois connue sous le nom de « tilt », en anglais.

Le développement des armes à feu et des mousquets au XVIe siècle a considérablement diminué à la fois le rôle du chevalier militaire et l’importance des joutes comme forme d’entraînement au combat. Les joutes compétitives sont rapidement tombées en disgrâce et le sport est devenu davantage un spectacle de cour, avec des routines chorégraphiées qui offraient plus de divertissement que de sensations fortes.

Au fur et à mesure que le rôle de ces joutes de la Renaissance changeait, la protection portée par ses concurrents changeait également. Au départ, les jouteurs ne portaient guère plus que de la cotte de mailles ou même du cuir bouilli pour se protéger. Les premières innovations ont entraîné l’utilisation de casques lourds et de matériaux plus robustes et, dans les années 1500, l’armure intégrale que nous reconnaissons aujourd’hui était utilisée. Connues sous le nom de harnais, ces combinaisons peuvent peser jusqu’à… 50 kilos. Léger…

Comme cette armure a été spécialement créée pour les joutes de divertissement, et non pour les combats traditionnels, elle a été été conçue pour offrir une protection maximale, mais une mobilité limitée.

Au milieu du XVIIe siècle, les tournois de joutes traditionnels appartenaient au passé, même si certaines traces de ce sport ont continué en Europe et ont été transplantées dans les colonies européennes d’Amérique du Nord.

À noter que chaque année à la fin août, et ceci depuis 350 ans (!) la ville de Sète, au sud de la France, a conservé la joute, comme d’autres villes ailleurs dans l’Hérault ou en Alsace, pour la transposer sur des canaux, avec deux barques et des jouteurs qui s’affrontent. Avec, oui, parfois, des chutes épiques dans l’eau.

Et les chevaleresses, dans tout ça ?

Dans Glory, on retrouve 1-2 représentations de femmes chevaliers, plutôt déguisées en homme pour l’occasion. Est-ce que les femmes, qui constituent quand même, au Moyen Âge comme en 2021, aux derniers recensements, et on a tendance à l’oublier, 50% de la population mondiale, participaient elles aussi aux joutes ? Oui.

Guerrières et combattantes, les chevalières chevaleresses ont bel et bien existé, intégrant parfois des ordres combattants, des bataillons de croisés.

France Culture a parlé de ces femmes combattantes en septembre de l’année passée ici. Super intéressant !


Glory, les choses qui fâchent

Maintenant que cette parenthèse culturelle, historique est fermée, revenons à nos moutons pions.

Si Glory est un gros jeu stratégique, ample, riche, il n’est pas dénué d’écueils, pénibles, fastidieux, rédhibitoires. Petit tour d’horizon de tout ce qui fâche, de tout ce qui gêne à l’encolure.

Les règles, peu didactiques

Les règles, bien écrites, bien traduites, ce n’est pas la question, sont écrites « au kilomètre ». Si leur « ventilation » et découpages sont plutôt didactiques, intro avec picto, annexes avec moult explications de cartes, de tuiles, tout y est écrit au kilomètres, au texte touffu, rébarbatif.

Les informations sont tellement denses qu’elles en deviennent difficiles à trouver. Non, décidément, pour la millième fois, il n’est pas facile d’écrire de bonnes règles de jeu !

La boîte, pas pratique

Avec un matériel, pléthorique, rarement un jeu aura un tel déluge de jetons et de cartes divers et variés. Et la boîte ne contient aucun thermo. OK, pourquoi pas. C’est meilleur pour la planète. Mais la boîte ne contient à peine que 2-3 maigres ziplocks qui se courent après. Mais alors comment ranger tout le matériel du jeu pour le séparer ? Alors comment faire ? Tout jeter dans la boîte, et passer mille heures à tout séparer pour la prochaine partie ?

La mise en place, laborieuse

Parfois, lors de la mise en place d’un jeu de plateau, on aurait envie de pouvoir presser un bouton et paf, tout est déjà fait. D’où, parfois, l’intérêt de jouer à certaines adaptations de jeux de plateau en numérique, comme sur Tabletop Simulator, par exemple.

Dans Glory, cette mise en place prend des plombes, surtout à séparer toute la myriade de jetons et de cartes. Surtout si, et ça pique, vous avez jeté tout le matériel dans la boîte, sans aucun espace ou système de rangement prévu.

Un jeu saccadé, pénible

Lors de multiples tournois, sur les cartes jouées ou lors de chacune des trois fins de manche, on joue souvent dans son coin à lancer des dés, ou, dans le meilleur des cas, à un contre un. Et les autres, pendant ce temps, se tournent les pouces. Mini-jeu dans le jeu, le flux, le flot, le fun s’interrompt lors de ces joutes, nombreuses et laborieuses.

Ces phases cassent le rythme, le jeu, pour finir par le ralentir. Et si elles sont épiques pour les personnes qui les vivent, les autres qui ne sont pas impliquées n’ont qu’une chose à faire, attendre et s’impatienter. C’est parfois long. C’est souvent pénible.

Une mécanique rédhibitoire

Au final, le cœur du jeu de Glory repose sur les joutes, effectuées à coup de dés. Et comme tout jeu, tout jet de dés, il y a du hasard. Alors certes, on peut gérer ce hasard et quelque peu le lisser en jouant un jeton par-ci, une relique par-là. Mais en fin de compte, tout se joue sur un jet de dés. On aura passé sa première phase du jeu à se préparer, pour réussir, ou foirer un lancer.

Autant nous avions surkiffé le tout dernier jeu de Super Meeple, Paper Dungeons, un Roll & Write épique et tonique, autant ce Glory nous a déçus. Au final, après 90’ de jeu, quand tout se passe bien, on se dit : tout ça pour ça.

Consacrer plusieurs heures de notre vie à jeu de plateau repose sur plusieurs raisons, cumulables ou uniques : rire, penser à autre chose, avoir du plaisir, s’amuser, explorer des éléments universels à notre condition humaine, être totalement absorbé, être enthousiasmé ou surpris par une mécanique de jeu. De toutes ces raisons, Glory n’en offre aucune.

Glory, verdict

Bof bof. Vraiment pas convaincu, encore moins emballé

Note : 2 sur 5.
  • Auteurs : Marcin Wisthal, Dominik Mucha
  • Éditeur : Super Meeple pour la VF
  • Illustratrices et illustrateurs : Jarek Nocoń, Sandra Guja, Radosław Jaszczuk, Tymoteusz Chliszcz, Milek Jakubiec
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 4 (tourne « mieux » à 1-2)
  • Âge conseillé : Dès 14 (pas moins !)
  • Durée : 60′-90′ (bonne estimation)
  • Thème : Historique
  • Mécaniques principales : Dés, placement d’ouvriers, objectifs

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