
Comment prendre de meilleures décisions pendant nos parties de jeux de plateau
Une carte, une action, une ressource ? Vous choisissez laquelle ? Comment mieux prendre des décisions pendant nos parties.
Dés cisions
Vous êtes en pleine partie de jeu de plateau. C’est à vous de jouer. Où allez-vous placer votre pion ? Quelle action allez-vous effectuer ? Imaginez que vous avez deux options qui s’offrent à vous :
- Prendre une ressource
- Prendre une carte
Imaginez maintenant que vous avez pesé le pour et le contre. Mais vous avez encore du mal à vous décider. Vous décidez de prendre encore un plus de temps pour y réfléchir un peu plus. Et pendant ce temps, les autres s’impatientent à la table.
En réalité, vous êtes peut-être en train d’en prendre une, de mauvaise décision.
Chaque jour, nous prenons toutes et tous de nombreuses décisions. Des petites, comme quoi manger au petit déjeuner, aux plus grandes, comme choisir une formation, un nouvel emploi. Compte tenu de la fréquence à laquelle nous décidons, chaque jour, nous devrions peut-être tout faire pour améliorer cette compétence. Mais comment y arriver ? Et pourquoi personne ne nous a jamais appris à prendre des décisions ?
Temps VS décisions (simples)
En 2016 sortait une recherche extrêmement intéressante. Au début de l’étude, les participants ont vu des images de différentes collations et ont indiqué combien ils seraient prêts à payer pour chaque article. Ensuite, les participants ont regardé des images contenant des paires d’aliments différents. L’écran affichait par exemple deux différentes barres de chocolat. Ils devaient alors choisir laquelle ils préféraient manger à la fin de l’étude.
Les chercheurs ont constaté que les participants passaient plus de temps à choisir entre des options qui étaient à peu près égales en terme de valeur, qu’entre des options dans lesquelles il y avait une grande disparité de valeur. La « Valeur » signifie ici combien les participants étaient prêts à payer pour chaque élément au début de l’étude. Plus la valeur était élevée et plus l’option représentait une préférence. Les résultats de l’étude ont démontré que les gens mettaient plus de temps pour décider entre deux choix tout aussi attrayants, tout aussi significatifs.
Lorsqu’on leur a montré un aliment désagréable à côté d’un aliment préféré, les participants à l’étude ont choisi rapidement. Sans blague ! Lorsqu’on leur a toutefois montré un aliment préféré aux côtés d’un autre aliment préféré, les gens ont mis plus de temps à décider. Est-ce que ça vous semble rationnel, à vous ? Si deux choix représentent la même attirance, pour la personne qui opère le choix, alors la prise de décision ne devrait pas prendre autant de temps. D’un point de vue de pure rationalité, à valeur égale, selon la personne, la résultat, le plaisir seront pareils.
Pour résumer, lorsque nous prenons des décisions, nous passons trop de temps à choisir entre des options parfois tout aussi agréables.
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Dans une autre étude, les participants ont vu une série d’images contenant deux champs de points (par exemple, 20 points d’un côté de l’écran et 10 points de l’autre). Dans chaque essai, on leur a montré une image différente avec deux champs de points. Les participants devaient décider quel côté contenait le plus de points. Les personnes ont été payées en fonction du nombre d’essais qu’ils ont réussi. Plus elles répondaient aux essais, plus elles étaient payés.
Dans les essais dans lesquels le nombre de points de chaque côté de l’écran était presque égal, les participants ont mis beaucoup plus de temps à choisir que lorsqu’il y avait une nette disparité. Encore une fois, comme dans la recherche précédente, ce comportement est irrationnel. Les participants auraient gagné plus d’argent s’ils prenaient une décision plus rapidement pour passer à l’essai suivant.
Dans certains des essais, les chercheurs ont imposé des contraintes de temps artificielles. Les participants ont pris des décisions plus rapidement et ont donc gagné plus d’argent lorsque les chercheurs leur ont annoncé qu’ils disposaient d’un temps limité pour répondre à chaque essai.
Autrement dit, ce que l’étude a démontré, c’est que si c’est nous qui devons gérer notre temps, nous en attribuons trop pour des décisions faciles.
Décider n’est pas facile
Revenons à l’exemple du début. Si vous choisissez entre deux actions dans un jeu de plateau : prendre une carte ou une ressource. Le choix devrait être facile. Nous ne devrions pas passer beaucoup de temps à décider. Les deux présentent un certain avantage.
Le problème, c’est que pour la plupart d’entre nous, nous passons beaucoup temps à peser les avantages et les inconvénients. Est-ce que cette action serait mieux que celle-là ? C’est tout le dilemme de la décision. Ceci plutôt que cela. Laquelle nous rapportera… plus ? De points de victoire ? D’opportunités ultérieures ? De satisfaction ?
Nous sommes en mai. Dans deux mois commencent les vacances. Pour autant que cette année on puisse en prendre, bien sûr, coucou COVID. Si je vous dis que vous devez choisir entre, disons, Pyongyang, la capitale de la Corée du Nord, et… Barcelone. Le choix sera facile et rapide. Cela devrait également être le cas si vous devez choisir entre Barcelone et Rome. Ou Nice et Naples. Ou Genève et Lausanne. Ou Paris et Bruxelles. Bref, vous avez compris le principe.
De même, des recherches suggèrent que les gens mettent plus de temps à faire la distinction entre deux nombres lorsqu’il y a un petit écart que lorsqu’il y en a un grand. Par exemple, les gens mettent plus de temps à déterminer quel nombre est plus grand entre 47 contre 49 que pour 12 contre 35. C’est ce que cette étude de 2020 révèle. Des valeurs numériques similaires ou proches sont difficiles à distinguer, mais les performances de différenciation sont améliorées à mesure que les deux valeurs sont différentes ou distantes. C’est ce qu’on appelle en français l’effet de distance en cognition numérique.
C’est peut-être, sans doute, ce qui explique pourquoi en pleine partie de jeu de plateau nous avons souvent tendance à prendre si longtemps à choisir entre deux options avec des gains à peu près égaux. Une carte, plutôt qu’une ressource, ou vice versa. De la même manière que nous avons du mal à distinguer des nombres de valeur presque égale, nous avons également du mal à choisir entre des options, deux actions à peu près tout aussi avantageuses.
Maintenant, pour après
Dans une partie de jeu, et dans la vie, aussi, nous examinons, pesons, analysons chaque action, chaque décision, et leurs conséquences. Nous modélisons ces informations, alors qu’en réalité, il y a beaucoup, beaucoup d’informations cachées, inconnues. Il y a beaucoup de choses que nous ne pouvons pas voir. Pas encore. Il y a beaucoup d’informations que nous n’avons pas. Nous ne pouvons pas connaître les actions des autres personnes, à la table ou dans la vie. Nous ne pouvons pas considérer notre propre position selon la, selon les décisions prises.
Il y a beaucoup d’avenirs possibles qui pourraient se produire, certains avantageux, d’autres moins, certains avec une probabilité plus élevée, certains avec une probabilité plus faible. Mais nous ne pouvons pas savoir comment ça va se passer. D’où la difficulté de prendre une décision, une « bonne » décision.
Toute prise de décision implique une action sur la chance. On tente d’améliorer la probabilité d’obtenir de bons résultats en améliorant notre prise de décision. Cela augmente les chances d’obtenir de bons résultats. Sans garantie ! L’un des biais qui affecte notre prise de décision, c’est la comparaison. Pas avec les autres, mais avec soi-même et son « historique » personnel de prise de décision. J’ai pris cette décision avant, j’ai effectué cette action, j’ai pris cette carte, posé ce pion ici, cela c’est plutôt bien passé, je vais recommencer. Oscar Wilde le disait lui-même : l’expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs. Ou autrement dit, l’expérience est la somme de ses erreurs.
En pleine partie, ce que nous faisons, en règle générale, c’est parier. Nous parions sur l’avenir dans le présent, en anticipant les conséquences en fonction de nos choix, de nos actions, de nos décisions. Selon ce que nous décidons, nous espérons obtenir certains avantages. Chaque décision est un pari, donc. Sur ce qui nous pourrait nous ramener plus de satisfaction, et, ou de points de victoire.
Mais alors, comment faire pour trouver LA bonne décision, LA bonne action à effectuer ? Comment maximiser ses « chances » de réussir ce, son pari ? Voici quelques outils, méthodes :
Trouvez un modèle. Formalisez la décision
La première méthode consiste à utiliser la raison dans votre processus de prise de décision. C’est souvent utile lorsque votre intuition est en conflit avec votre raison, ou qu’il y a des questions quantitatives à considérer que votre intuition pourrait ne pas prendre en compte. Si, et on le sait bien, l’intuition est cruciale dans nos parties de jeux de plateau (et dans la vraie vie… aussi ?), parfois elle rentre en conflit « ouvert » avec notre raison.
Comment se dépatouiller ? En établissant un modèle.
Votre modèle de réflexion et de prise de décision consiste à peser les pour et les contre, à tenter d’imaginer les ramifications de votre, de vos décisions. C’est souvent ce que l’on tente de faire, parfois en vain, souvent en laissant en fin de compte parler ses « tripes », parce que c’est plus simple. Construire une méthode et vous y appuyer pour prendre une décision pourra vous aider à choisir en tout état de cause, raisonnée.
Suivez votre instinct. Puis vérifiez-le
Comme dit plus haut, l’instinct, en soi, n’est pas une vilaine chose. Le suivre pourrait toutefois ressembler à une stratégie de prise de décision… paresseuse ? Cependant, les suppositions intuitives reposent sur des constructions mentales sophistiquées et plus élaborées que l’on imagine. Et souvent, ça passe !
Une des raisons pour lesquelles cela fonctionne est que nos intuitions encodent nos expériences passées. Ainsi, nous raisonnons souvent à partir de modèles élaborés qui ne nous sont pas « visibles » de manière consciente. Les intuitions nous aident également à éviter les problèmes de signalisation consciente de soi, de sorte que nous pouvons choisir l’option que nous «voulons» vraiment davantage, même si nous ne pouvons pas la justifier de manière rationnelle.
Mais suivre notre instinct n’est pas toujours facile.
Une façon de le vérifier consiste à utiliser ce qu’on appelle de manière informelle un « Flip freudien« . Cette technique nous dit d’attribuer chaque décision à un tirage d’une pièce pour faire pile ou face ou à un lancer de dés. Puis retournez le lancer, le résultat. Une fois la décision «prise», demandez-vous si vous regrettez de ne pas pouvoir en prendre une autre. Si vous ressentez une certaine forme soulagement, c’est dans cette direction que votre intuition pointe. Si vous ressentez des regrets, cela indique le… contraire.
Simulez la décision. Faites vos recherches
Les décisions difficiles peuvent ne pas accepter des tentatives et des erreurs, mais elles permettent souvent des recherches préalables. Que va-t-il se passer ensuite ? Observez les autres, et déterminez ce qui leur est arrivé quand ils ont pris la décision, l’action sur laquelle vous hésitez.
Avez-vous recueilli des informations sur ce qui allait alors arriver, vous arriver ? Faire des recherches au préalable permet ainsi d’appuyer votre prise de décision sur des valeurs « sûres », construites, quantifiables.
Est-ce que la personne qui a pris cette décision le referait ?
Nous aimons penser que nous sommes différents. Que nous avons nos propres préférences, ce qui nous sépare des autres et rend nos choix uniques.
La réalité est plus banale et triviale que cela. Nous sommes pour la plupart les… mêmes. Nos points communs nous unissent plus que nos différences nous rendent uniques, nous pouvons donc en tirer parti pour imaginer les résultats de nos décisions.
Demandez aux autres joueurs et joueuses qui ont pris la décision, l’action que vous envisagez de faire à nouveau de la même manière. Mieux encore, demandez aux gens des deux côtés, ceux qui l’ont fait, et les autres. La plupart des gens justifient leurs décisions passées de manière intuitive, mais vous pouvez voir des différences entre les attentes.
Investiguez votre contexte
Notre contexte influence nos décisions. Les croyances et les choix sont façonnés par des facteurs relatifs. Les facteurs contextuels peuvent modifier nos croyances sur le monde qui nous entoure, ainsi que sur nos choix. Ces facteurs contextuels ont un impact sur la prise de décision.
De tels facteurs peuvent avoir de bonnes ou de mauvaises conséquences. Mais le contexte peut également être utilisé comme un coup de pouce, un… nudge pour nous aider à prendre de meilleures décisions.
La prise de décision est soutenue par d’autres processus cognitifs, tels que la mémoire et l’attention. Ces processus ont des limites. Par exemple, il est difficile de conserver de nombreuses informations dans notre esprit en même temps, comme toutes les règles de jeu, les picto, etc. en raison de la capacité limitée de la « mémoire vive » de notre esprit. Les facteurs contextuels affectent ces processus cognitifs plus basiques avec pour conséquence en aval d’influencer nos choix.
Les effets de contexte ne sont donc pas une chose bizarre dans la prise de décision, mais le résultat de la façon dont nos esprits humains fonctionnent à un niveau plus… élémentaire. Comprendre comment le contexte influence les processus cognitifs de base nous permet de prédire comment nous pourrions agir dans de nouvelles situations.
Demandez à l’avenir si c’est une bonne idée.
Parfois, les décisions sont difficiles, non pas parce qu’un choix n’est pas meilleur, mais parce que le choix difficile est aussi le bon. Nous, êtres humains, sommes myopes, nous ne voyons bien que ce qui est proche de nous. En partie c’est également vrai ! Nous avons plus de facilité à imaginer, anticiper, voir les toutes prochaines actions possibles. Parfois le choix facile est tentant, même si ce n’est pas celui que nous aurions souhaité avoir poursuivi plus tard.
Voir à plus long terme est une procédure qui vous demande de considérer les deux options et de vous demander ce que votre futur vous dirait, ces cinq, dix, peut-être vingt tours plus tards. Bien qu’il s’agisse également d’une simulation, l’avantage est qu’en effectuant un zoom avant puis arrière, vous évitez la « myopie » qui vient fausser le « jeu » en nous appuyant trop sur ce qui est plus agréable, lucratif, facile en ce moment présent, court.
Alors oui, soyons lucides, le mode de pensée lointain a ses propres défauts. À savoir, lorsque vous effectuez un zoom avant, nous prenons le risque d’ignorer toute la complexité du jeu et avons tendance à penser en termes de décisions idéalisées. Donc, ce zoom a ses propres défauts, préjugés. Il a toutefois l’avantage d’anticiper, même si c’est « à vide ».
Une vidéo TED qui pourrait vous intéresser sur la prise de décision, en se basant sur le poker :
Et vous, quelles vos stratégies de prise de décision dans les jeux ? Pourquoi cette carte, cette action plutôt qu’une autre ? Comment faites-vous pour choisir ?

