Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Le jeu du jour : [Kosmopoli:t]

[Kosmopoli:t], de quoi ça parle ?

Dans [Kosmopoli:t], on joue le personnel d’un resto, avec des clientes et clients qui s’attablent et qui passent commande. Il va falloir se dépêcher et coopérer pour apporter tous les plats à temps. On a six minutes pour servir le tout, montre / appli en main !

Je travaille dans la restauration depuis les années 90. D’abord serveur, puis barmaid, enfin, gérant du Bar à Jeux de Genève entre 2007 et 2017 (j’ai cédé la gérance à mon équipe il y a deux ans). En jouant à [Kosmopoli:t], j’ai découvert les mêmes sensations que dans la restauration : des clientes et clients stressés, exigeants, et surtout, des commandes pas toujours claires et audibles à prendre dans la précipitation

Pas toujours claires et audibles. C’est toute la subtilité de [Kosmopoli:t] ! On y reviendra plus bas ⬇️

[Kosmopoli:t] est un party-game qui réussit le pari de placer un thème fort, immersif et cohérent. C’est rare ! Un 5 sur 5 sur l’ITHEM

Et comment on joue ?

[Kosmopoli:t] est un jeu coopératif. On commence par distribuer les trois types de rôles :

  • Une serveuse, qui prend les commandes. Elle va devoir utiliser des écouteurs reliés au portable, à l’appli
  • Un maître d’hôtel, qui note les commandes sur un bloc-notes
  • Les autres sont les cuistots, qui doivent préparer les repas, les faire remonter au maître d’hôtel qui le donne ensuite à la serveuse qui les apporte enfin aux clientes et clients. Ils se répartissent les cartes « ingrédients » et les cartes « origine géographique »

Tout se joue au moyen de cartes, d’un bloc-notes pour inscrire les commandes et d’une appli

Une appli ?

Oui, gratuite, dispo sur iOS et Android

L’appli permet de :

  • Suivre ses parties, avec les niveaux qui se débloquent au fil des parties, des points acquis, des réussites
  • Sélectionner la partie, sa difficulté (= le nombre de tables à servir), le nombre de joueurs et joueuses à la table et les deux pays des langues et repas spécifiques. Une fois ces choix effectués, on peut lancer la partie. Et là, c’est le drame !
  • Entendre les commandes. En effet, la serveuse met ses écouteurs et clique sur, écoute les clients et clientes annoncer leur commande. Elle les répète, énonce alors à haute voix les commandes pour que le maître d’hôtel puisse les noter et les passer alors aux cuistots, qui doivent retrouver l’ingrédient énoncé dans la langue de l’origine géographique

Facile !

Sauf que

Tout le jeu se joue en temps réel, avec des clientes et clients qui débarquent et s’impatientent, et surtout, le chrono qui avance. Six minutes, c’est tout ce qui permis

La vidéo de l’appli :

Sauf que

Et c’est là que réside toute la subtilité, l’intérêt et la beauté du jeu, [Kosmopoli:t] ne se contente pas d’énoncer des commandes avec des ingrédients en français. Ooooooh non. Tout est dit au moyen de langues anciennes, traditionnelles, des dialectes et autres patois locaux pour la plupart inconnus et pour certains en méchante voie d’extinction. Donc les entendre et devoir les répéter pour se faire comprendre, pour composer les plats est une sacré gageure… fun. Vraiment fun !

Et comment on gagne ?

En toute fin de partie, après six minutes, donc, on obtient un certain nombre de points selon si on a réussi à honorer toutes les commandes dans les temps, ou pas, ou si on a demandé des indices, des aides à l’appli et aux clients et clientes

Franchement, les points on s’en cogne un peu ! Le but est juste de s’amuser et de réussir à composer le plus de repas, de satisfaire le plus de tables possibles en moins de six minutes

Ces points acquis permettent de débloquer des niveaux, et même d’utiliser un second paquet de cartes au début « interdit » et fermé, en attendant de passer les niveaux correspondants. Un jeu un brin évolutif, donc. Qui devient de plus en plus chaud à mesure que l’on progresse

Interaction ?

Sur l’IGUS, l’échelle de mesure de l’interaction dans les jeux, [Kosmopoli:t] atteint un 5/5

Pourquoi ?

Parce que dans [Kosmopoli:t], il faut s’écouter, communiquer, se coordonner. Bref, en un mot, coopérer

D’ailleurs, qu’est-ce qui nous motive à coopérer ? Six raisons et des biscuits…

À combien y jouer ?

[Kosmopoli:t] peut se jouer de 4 à 8. Selon le nombre de joueuses et de joueurs, on adapte le nombre de rôles, d’origines géographiques. Toutes les configurations sont bonnes, de 4 à 8

Mais comme on dit dans la restauration, « plus on est de fours et plus on riz. » Autrement dit, à 8 ça devient vraiment le chaos à la table. Donc gros fous rires et tension, véritable coup de feu, le moment le plus intense et affairé dans un resto

À partir de quel âge y jouer ?

Le jeu indique dès 10 ans. C’est une bonne estimation, sachant qu’il faut être capable de lire, d’écouter, de répéter, de communiquer, le tout dans la précipitation

[Kosmopoli:t] se joue difficilement plus jeune

Alors, [Kosmopoli:t], c’est bien ?

Oh oui, c’est vraiment, vraiment bien

« Bête » party-game de rapidité, [Kosmopoli:t] implique et développe de nombreuses compétences : l’écoute, la communication, la coordination, la coopération, la déduction

Mais surtout, [Kosmopoli:t] est un outil linguistique et culturel, le tout sous couvert d’un jeu de rapidité bourré de fun. En effet, il aura fallu une année du travail d’une linguiste pour retrouver toutes les langues locales et parfois en extinction pour composer les plats. Et parlons des plats. En effet, on n’a pas juste ici une liste de repas basiques, mais de plats réels traditionnels

Et il faut le relever, [Kosmopoli:t] est accompagné d’un épais livret pédagogique rédigé par le laboratoire dynamique du langage du CNRS, une véritable documentation scientifique, culturelle et linguistique. Une riche présentation de ce que sont, de ce que font les langues sur notre planète

Au fond, [Kosmopoli:t] est peut-être le tout premier serious-party-game. Notre jeu de l’année 2020 (même si bon, nous ne sommes qu’en février…). Il a sa place au chaud dans notre sélection des meilleurs jeux de l’année que nous publions en fin d’année (comme celle de 2019, par exemple)

🔴 [Kosmopoli:t], score final : 5/5

Note : 5 sur 5.

Ce qui nous a plu ❤️️

✅ Un party-game intelligent, avec un énorme travail de recherche culturelle, alimentaire et linguistique derrière

✅ Une appli fluide et bien faite, qui sait se montrer (relativement) discrète. Elle est là pour assister le jeu, pas pour prendre trop de place

✅ Un jeu ultra-fun

✅ L’aspect évolutif du jeu. On commence en version light, et plus on joue et plus on débloque des niveaux avec de nouvelles cartes que l’on utilise

✅ 60 langues locales et parfois en voie d’extinction, (très) peu connues et archivées dans et grâce à ce jeu. On joue, certes, on se divertit, certes, mais grâce à [Kosmopoli:t] on découvre une mosaïque de langues hallucinantes et inconnues

✅ Un jeu qui sert de plateforme, de vecteur pour ouvrir une discussion, une réflexion plus large sur des questions anthropologiques et ethnographiques liées aux langues et à leur évolution (et parfois extinction…)

✅ De superbes illustrations qui font quelque peu penser à l’univers visuel chafouin de Burger Quiz, un autre jeu fun dans la restauration

Ce qui nous a moins plu ⛔️

❌ Rien. Mais vraiment rien. C’est suffisamment rare pour être relevé !

❌ Ha si, quelque chose ne nous a pas plu. Que le jeu ne soit pas nommé pour l’As d’Or 2020. Il aurait dû, il aurait pu gagner. Mais WTF le jury ??? [Kosmopoli:t] aurait fait un magnifique As d’Or, fun, culturel et… intelligent. C’est peut-être au fond ce qui a dérangé le jury ? Que le jeu soit trop… intelligent ??? Mais vraiment, vraiment dommage 😔 La sélection de 2020 est belle, certes, mais très, trop lisse

Et encore une chose

Vous pouvez trouver [Kosmopoli:t] chez Philibert ici

Et chez Magic Bazar ici

Pour une lecture plus agréable, plus confortable, notre blog ne vous propose aucune publicité, aucun contenu sponsorisé ! Nous espérons que vous appréciez. Dans un souci de transparence, pour votre information, Gus&Co entretient des relations d’affiliation avec Philibert et Magic Bazar. Ainsi, si vous achetez un jeu en cliquant sur nos liens, nous pouvons obtenir une (minuscule) part des revenus, ce qui nous permet d’acheter d’autres jeux et de continuer à pouvoir vous proposer de nouveaux articles.

Et si vous habitez en Suisse, chez Helvétia Games shop ici.

  • Date de sortie : Début 2020
  • Langue : Française
  • Assemblé en : France. C’est la marque de fabrique des jeux Opla, être produits, assemblés en France. C’est le cheval de bataille du très sympathique éditeur Florent Toscano, prôner des valeurs écologiques et éthiques du jeu de société. Il donne d’ailleurs à ce sujet une conférence au festival Ludesco
  • Ecoscore : A. Pour en savoir plus sur l’EcoScore dans les jeux de société, c’est ici
  • Auteurs : Julien Prothière, Florent Toscano
  • Illustrateur : Stéphane Escapa
  • Éditeur : Opla
  • Nombre de joueurs et joueuses : 4 à 8 (top à toutes les configurations, avec un coup de coeur à 7-8 pour une ambiance frénétique à la table)
  • Âge conseillé : Dès 10 ans
  • Durée : 6 minutes, pas plus. Mais vraiment
  • Thème : Restauration
  • Mécaniques principales : Party-game, coopération, observation, écoute, communication, rapidité
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12 Comments

  • abysse Hobby

    Bon ce n’est pas très original mais… On est en phase complète sur ce jeu et sur la démarche qui aurait mérité un paragraphe complet^^ On peut faire un vrai jeu, avec une vraie qualité ludique dans une démarche écoresponsable. Tellement d’accord aussi qu’il mériterait une belle exposition ludique par l’intermédiaire d’un prix prestigieux.
    Un moyen dans notre métier, plutôt consommateur de CO2, de mettre en lumière que oui on peut faire autrement sans sacrifier le coté ludique….Arrêtons de méditer et agissons 😉

      • abysse Hobby

        Chacun à son niveau, les éditeurs parce que oui Opla nous montre que c’est possible de faire de vrais bons jeux qui transpirent le ludique, le partage, le plaisir….l’humain tout en produisant responsable. Nous distributeurs en mettant en avant ces jeux, en par exemple réduisant notre marge sur ceux qui respectent ces critères de fabrication, en incitent nos éditeurs à penser à ce mode d’édition, nos dirigeants peut être en instaurant une TVA réduite la aussi sur ces mêmes critères, les boutiques en en faisant de vrais arguments de référencement et de vente, les consommateurs… en acceptant peut être un coût un peu plus élevé, un carton un peu moins épais, une boite un peu rayée parce que non filmée….Bref chacun à son niveau peu agir, vous aussi les reviewers/blogueurs/influenceurs en offrant un espace, une visiblité de choix comme dans ce cas précis ou tout est réuni quant au plaisir ludique… ca semble utopique mais petit à petit c’est possible, Opla et d’autres ouvrent la voix, à nous de les suivre 😉

  • Ange

    Tous les sites ludiques que je fréquente régulièrement (ici, le passe-temps, jeuxsoc,…) encensent ce jeu !?! Bon faut qu’on arrive à être au moins 4 pour le tester ! Mon fils m’a confirmé qu’il ne prenait pas la tête (j’avais peur au bruit d’ambiance pour celui qui transmet les commandes)

  • Nicolas

    Allez, un petit bémol. nous avons trouvé le jeu intéressant, mais pas fun du tout (nous étions quatre adultes : deux gros joueurs, un joueur moyen et un joueur léger). Personne n’a accroché.

    • Vincent Chaillou

      Pour jeu qui se veut purement party game et tous ses cousins, il faut généralement que la table soit homogène. J’ai joué à des jeux que j’ai trouvé très fun pour ensuite m’ennuyer à mourir sur le même jeu juste en fonction de qui était à la table.

      Les joueurs finalement c est un peu comme l’alcool, il faut s’y connaître pour faire de bons mélanges :p

    • Benjamin Bigot

      Chez moi c’est aussi tombé à plat.
      Le serveur a décoché rapidement ses 6 commandes et les cuistot ont galérés du coup ça a vraiment capoté, ça s’ennuyait sec…

      • Gus

        Merci Benjamin pour votre retour.

        Oui vous avez raison. C’est souvent l’écueil principal des party-games. Selon l’équipe, le moment, le lieu, l’humeur, le jeu peut tomber à plat

        Ça nous est parfois également arrivé 😔

          • Gus

            Très juste Benjamin ! C’est souvent le cas. Je me permets de partager avec vous notre toute première partie de Top Ten, un autre party game.

            Début de soirée. Les gens super contents de se retrouver avec 3 mois de confinement. Ambiance survoltée. Équipe hyper ouverte, hyper sympa. Joué sur la terrasse (COVID oblige). Temps magnifique. Apéro. Tous les facteurs idéals pour que la partie passe bien. Et la partie s’est super bien passée ! J’imagine maintenant tous les facteurs opposés, avec des gens de mauvaise humeur, fatigués, avec une météo de m, en fin de soirée, SANS apéro, et paf. Le jeu tombe à plat. Et plus jamais aucune envie d’y rejouer. Parfois, il suffit de « peu » pour qu’un jeu passe, ou ne passe pas. Évidemment, au sein de notre rédaction, et c’est notre taf, nous essayons de redonner plusieurs chances aux jeux. Mais je peux tout à faire comprendre que Kosmopolit n’ait pas marché chez vous. Encore une fois, c’est le « danger » des party games d’accrocher, ou pas, selon les humeurs, les ambiances.

            Merci pour vos retours Benjamin !

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