Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Pourquoi jouons-nous ? Pour créer du lien

Si la prochaine fois que vous êtes assis et assises à une table de jeu et que vous demandez aux autres la raison pour laquelle ils et elles aiment jouer, il y a de très fortes chances pour qu’on vous réponde que c’est pour se retrouver ensemble, pour partager un moment à plusieurs, entre potes ou inconnues

Aujourd’hui, les yeux sans cesse rivetés à nos écrans, nous pourrions presque dire que le portable est la nouvelle clope, nous avons la fâcheuse et cruelle tendance à oublier une vérité: nous sommes des créatures sociales

N’empêche

Chassez le naturel et il revient au galop. D’où l’essor des Escape Games, par exemple, qui nous permettent justement de nous retrouver à plusieurs autour d’une situation, de problèmes à devoir résoudre

Il faut relever que nous avons un profond désir d’entrer en contact avec d’autres personnes, et pas seulement sur les réseaux sociaux. Liker une photo sur Insta, commenter un post sur Facebook ou retweeter ne remplaceront jamais le véritable et passionnant contact humain

Nous aspirons à nous sentir valorisé.e.s et soutenu.e.s, entouré.e.s. Nous aspirons à partager nos pensées, nos émotions et notre vie avec les autres. Et nous aspirons à nous sentir utiles aux autres. Ces désirs reflètent un besoin humain fondamental, non seulement d’être dans en présence physique avec autrui, mais également de ressentir un besoin d’appartenance

Le besoin inné de rechercher des liens sociaux et des liens avec les autres est une caractéristique humaine durable tout au long de la vie. Et le jeu de société à vivre en vrai à plusieurs constitue de formidables vecteurs et plateformes de contact social

D’où vient ce sentiment d’appartenance, comment se développe-t-il dans la vie et quel impact a-t-il à différentes étapes de notre vie?

Au début

Du point de vue de l’évolution, le contact et la connexion avec les autres présente des avantages évidents. Les liens tribaux augmentaient la probabilité de trouver de la nourriture, offraient une protection contre les prédateurs et permettaient la reproduction. Fun

Du coup, oui, la motivation innée pour la connexion est profondément ancrée dans notre constitution biologique. L’appartenance commence avant la naissance, par le biais du lien psychophysiologique qui existe entre la mère et l’embryon en croissance

Après la naissance, les nourrissons ne pourraient pas survivre sans les soins de leurs parents ou de leurs gardiens. Demandez à ces grosses flemmes d’aller acheter leurs propres couches au supermarché du coin, et vous verrez ce qu’ils vous répondront (spoiler: rien, parce qu’ils ne savent pas encore parler. Les branleurs)

Des preuves de la cognition sociale peuvent être trouvées dès 2 semaines. De 6 à 8 semaines, les parents observent généralement le comportement social de leur nouveau-né: sourire, échanges verbaux réciproques. Ces premiers signes sociaux suggèrent un désir de se connecter avec les autres et de nouer des relations sociales

L’enfance

Dans la petite enfance, les enfants développent des comportements sociaux et développent une compréhension de soi par rapport aux autres. De 14 à 18 mois, les enfants commencent à avoir un comportement qui incite à l’aide aux autres. Les enfants d’âge préscolaire commencent à se conformer aux normes sociales et à adopter des comportements en fonction, en relation aux autres, pairs, parents, adultes, pour augmenter leurs chances, et besoin d’appartenance et le sentiment d’être inclus

Les premières années sont importantes pour le développement de compétences sociales qui aident à compenser les soucis qui peuvent ensuite émerger tout au long de la vie

Les enfants en développement typiques commencent à développer une compréhension des pensées, des sentiments et des intentions des autres vers l’âge de 5 ans. Cela établit les bases de l’empathie, de l’acceptation et de la tolérance des autres. Et également du mensonge… Les enfants comprennent souvent rapidement l’approbation et l’inclusion de leurs potes une fois qu’ils commencent l’école

C’est souvent pendant l’enfance qu’on découvre les jeux de société, à l’école, en famille. Ils permettent de faire l’apprentissage des règles, de la pensée, de la stratégie, et surtout, des règles de la vie en commun: apprendre à faire preuve de patience pour laisser les autres jouer, ne pas tricher, apprendre à perdre, à gagner, suivre des règles sociales, fondements de notre société

>>> À lire ici: notre sélection des meilleurs jeux de société actuels pour enfants

Ado

De la fin de l’enfance à l’adolescence, les groupes, les bandes de potes deviennent de plus en plus importants, offrant des possibilités d’appartenance et une identité sociale. Les enseignants jouent un rôle essentiel dans le renforcement du sentiment d’appartenance et de la connexion à l’apprentissage (je dis surtout ça parce que je suis prof… 😜)

Bien que les conflits avec les parents tendent à augmenter, ceux-ci constituent une base et une source de soutien importantes. Si vous avez des ados à la maison, vous savez à quel point il n’est pas facile tous les jours de les gérer, mais à quel point ils ont (quand même) besoin de nous pour les entourer

Ce sont souvent les ados qui se lancent, entre potes, dans la découvert des jeux immersifs. C’est ado que j’ai commencé à jouer à mes tous premiers jeux de société en mode « sérieux », comme le jeu de rôle par exemple, deux soirs par weekend tous les weekends pendant mes années de lycée. Le jeu devient prétexte pour passer du temps ensemble autour d’une activité, que ça soit du sport ou un… jeu, justement

L’âge adulte

À l’âge adulte, les relations jouent un rôle important dans la santé physique et mentale, bien que tout se modifie très souvent. Les amitiés viennent et repartent, rencontres amoureuses, professionnelles, etc. Les groupes groupes sociaux se cristallisent autour d’intérêts sociaux communs, comme le jeu de plateau et de rôle, par exemple, pareil pour les intérêts familiaux communs

Pour beaucoup, le travail devient une source importante d’appartenance à autrui, par le biais d’intérêts partagés avec des collègues, d’un sens du but que l’on retrouve dans son travail et offrant des interactions sociales avec les autres (je dis ça parce que la fin de l’année scolaire est blindée en réunions. cérémonies et soupers entre collègues)

Le jeu de société permet de se retrouver, et l’espace d’une soirée, de se distancier des soucis quotidiens. Autour d’un plateau, nous nous inventons une nouvelle vie, et surtout, nous pouvons partager du temps à plusieurs en tant qu’adultes en retrouvant un peu son esprit d’enfant, en lâchant quelque peu les masques qui nous habillent le reste du temps

C’est peut-être bien pour cela que le jeu de société est en plein essor depuis 5-10 ans, car il suit les évolutions digitales de notre société, de plus en plus connectée et en même temps, ironie du sort, déconnectée. Le besoin de se retrouver entre humains, sans écran

Seniors

Le sentiment d’appartenance reste important à un âge plus avancé. Les relations sociales favorisent le vieillissement en bonne santé, en aidant à atténuer les sentiments de solitude, d’isolement et les conséquences négatives qui peuvent en découler. Plus une personne âgée est et se sent entourée et plus sa longévité est accrue

C’est d’ailleurs prouvé, les liens sociaux sont l’un des facteurs de longévité

Pour les seniors, les amis et la famille sont très importants et les groupes sociaux peuvent constituer une source de connexion

Une étude publiée le 30 janvier 2017 et réalisée dans le Minnesota (US) auprès de 2’000 personnes âgées de 70 ans et plus, entre 2006 et 2016, a eu comme objectif de déterminer si certaines activités intellectuelles, comme jouer à des jeux de société, utiliser un ordinateur ou bricoler, avaient un impact sur l’état mental et les dégénérescences cognitives liées à l’âge. Et les résultats sont significatifs

Jouer diminuerait les risques de déficits cognitifs légers de 22%. Les déficits cognitifs légers (DCL. Ou MCI, en anglais) sont intermédiaires entre les changements cognitifs liés à l’âge et les pathologies dégénératives responsables de troubles cognitifs évolutifs, en particulier la maladie d’Alzheimer

En effet, quand nous jouons, nous réfléchissons, nous devons mémoriser, travailler les connexions mentales et conserver une certaine agilité et plasticité neurale. Tout un exercice vital pour garder son cerveau en pleine forme et éviter les dégénérescences

Etre entouré.e, en contact avec les autres, c’est surtout un shot d’ocytocine, l’hormone du « bonheur ». En plus d’une vie et d’une alimentation saine, les personnes qui peuvent compter sur un cercle d’amis ont une durée de vie rallongée. Et jouer, c’est faire partie d’une association, d’un groupe d’amis, se rendre dans les bars à jeux. Etre entouré.e, donc

Donc oui

Les liens humains sont importants tout au long de la vie. Ils commencent tôt, évoluent constamment et s’étendent ensuite jusqu’à la vieillesse. Et en ça, le jeu de société permet de partager du temps ensemble, au point de se demander si ces bouts de carton, de plastique, de papier ne sont pas juste de merveilleux prétextes pour se retrouver, pour échanger, pour créer un contact, un lien, nécessaire

Bon dimanche. Profitez-en pour vous retrouver ensemble et pour… jouer

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One Comment

  • Chrys M

    Totalement, et le jeu est totalement inclusif et inter-générationnel.
    La grosse majorité peuvent être joués à partir de 10 / 14 ans.
    Le cinéma, les jeux vidéo, la musique etc ne sont pas des loisirs aussi inclusifs que le jeu de société.

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