Boîte à Outils,  Histoire et Culture,  Jeux de plateau

Les jeux de société de l’Antiquité

On n’a pas attendu le 20e siècle pour jouer aux jeux de société. On jouait aussi dans l’Antiquité.

Histoire et culture

Si vous vous baladez sur notre blog, c’est que vous vous intéressez à la chose ludique, sous toutes ses formes, que nous essayons, depuis plus de 13 ans, de couvrir : psychologie, analyse, gamedesign, critiques, sorties et… histoire.

Tous ces prochains jours, en plus d’autres articles quotidiens, nous vous proposons un cycle spécial, une série d’articles qui explorent l’histoire et la culture du jeu de société.

Voici le programme de ces prochains jours, en détail. Un menu… copieux :

Et comme nous sommes aujourd’hui mercredi, pour mélanger Boîte à Outils du jeu de société du mercredi et ce Cycle Histoire et Culture, voici un article paru sur notre blog en février 2020.

Les jeux de société de l’Antiquité

Voici toute une liste des jeux de société auxquels on jouait dans l’Antiquité.

Il faut relever un fait historique notable, la plupart de ces jeux ont d’abord été pratiqués par les nobles, plus… oisifs, pour finir par se démocratiser ensuite dans toutes les couches sociales.

Senet

Senet Met

Le Senet est peut-être l’un des tous premiers jeux de société connus. Des preuves archéologiques suggèrent qu’il a été joué dès 3’100 avant JC, en pleine dynastie des pharaons dans l’Égypte Antique. Toutankhamon et Néfertiti y auraient joué.

Les planches Senet étaient longues et souples, composées de 30 carrés disposés en trois rangées parallèles de dix. On recevait un certain nombre égal de jetons, généralement entre cinq et sept, et le but était de placer toutes ses pièces au bout du plateau.

Plutôt que de lancer des dés pour déterminer le nombre de cases, on jetait des bâtons (comme dans Nagaraja sorti en 2019) ou des… os, avec une forte interaction puisque on pouvait bloquer l’autre voire même dégager ses pions.

Musée Senet Brooklyn

Le Senet portait une certaine signification symbolique, spirituelle et mystique, puisque le bout du « plateau » représentait Re-Horakhty, le dieu du soleil levant, le moment où des âmes dignes rejoindraient Ra, le dieu du soleil, pour l’éternité. On jouait donc au Senet pour sublimer l’expérience humaine.

Le Jeu Royal d’Ur

Royal Game of Ur

La redécouverte moderne de ce jeu, vieux d’environ 4’500 ans, remonte à l’excavation par Sir Leonard Woolley de l’ancienne ville mésopotamienne du cimetière royal d’Ur entre 1922 et 1934. Woolley a déniché cinq plateaux, dont les plus impressionnantes comprenaient des carrés de plaques de coquillage entourés de bandes de Lapis-lazuli et décoré de motifs géométriques complexes.

Ce plateau, que l’on peut découvrir au British Museum à Londres, est structuré de la même manière que les plateaux du Senet, avec trois rangées de carrés placés en rangées parallèles. Le Jeu Royal d’Ur, au contraire, utilise 20 carrés au lieu de 30. Sa forme, consistant en un bloc de 4 par 3 cases est relié à un autre bloc de 2 par 3 cases par un pont de deux cases. Une forme de plateau plutôt… étrange.

Pour gagner, comme dans Senet, il fallait placer ses jetons à l’extrémité opposée du plateau, en déplaçant ses jetons en fonction des lancers de dés. Certaines cases, celles comportant une « illustration » florale, représentait des cases favorables qui permettaient d’être protégé ou de pouvoir jouer jouer un tour de plus. Le Jeu Royal d’Ur serait-il l’ancêtre du… Monopoly ???

Mehen

Mehen

On jouait au Mehen dans l’Égypte Antique entre 3’100 et 2’300 avant JC. Le Mehen tire son nom d’une divinité serpentine égyptienne, d’où son aspect en galette et spirale qui ressemble à un serpent enroulé.

Le but du Mehen ? Déplacer ses jetons à travers ce circuit en spirale pour arriver le plus rapidement au centre. Encore un autre jeu de course comme les deux précédents.

Nine Men’s Morris

Neuf hommes Morris

Cet en automne 2018 que des fouilles dans la forteresse russe du château de Vyborg ont révélé un plateau de jeu oublié depuis longtemps. Le Nine Men’s Morris semble avoir été joué pour la première fois dès 1’400 avant JC.

Ressemblant en quelque sorte au jeu de Dames moderne, dans Nine Men’s Morris on doit diriger son « armée de neuf hommes » (d’où le nom du jeu) chacun représenté par une pièce de jeu différente, sur un terrain de jeu semblable à une grille.

Neuf hommes Morris

Des exemples de Nine Men’s Morris ont été retrouvés un peu partout en Europe, en Grèce, en Norvège, en Irlande, en France, en Allemagne, en Angleterre et même dans d’autres pays du monde. Le jeu était particulièrement populaire plus tard dans l’Europe médiévale, et même Shakespeare en parle dans son Un Songe d’une Nuit d’Été.

Tafl

Tafl

L’un des passe-temps les plus populaires de l’ancienne Scandinavie était une famille de jeux de stratégie connus sous le nom de Tafl. Les Nordiques ont joué au Tafl dès 400 après JC.

Le Tafl, également appelé Hnefatafl, est un mélange entre jeu de guerre et de course avec un plateau de jeu en forme de disque sur lequel s’affrontaient deux armées. Le but ? Dégommer le roi adverse, avec la possibilité pour le roi de s’échapper du plateau sur les cases des quatre coins du plateau.

Ludus Latrunculorum

Ludus lantrunculorum

Les Romains jouaient également, et notamment au Ludus Latrunculorum ou Latrunculi. Un jeu de stratégie à deux conçu pour tester les prouesses militaires et tactiques. Joué sur des grilles de tailles différentes, ce jeu était peut-être déjà joué précédemment chez les Grecs et aurait pu être emmené plus tard par les Romains. On n’est pas sûr des règles du jeu de Ludus Latrunculorum, mais on pense qu’il s’agissait d’une sorte de jeu d’Échec dans lequel deux armées s’affrontent avec des pièces qui avancent, reculent ou se déplacent de côté pour « manger » les pièces ennemies.

Une anecdote intéressante : l’étymologie du mot « ludus », ludique aujourd’hui, signifiait également « école » chez les Romains. Le jeu comme école de la vie ? À méditer.

Patolli

Patolli

Ce sont les civilisations Méso-Américaines pré-Colombiennes qui jouaient au Patolli. Le but étant de déplacer des cailloux ou des haricots d’un bout à l’autre d’une piste en forme de croix.

Échecs

Lewis Chessmen

Les Échecs modernes remontent à l’ancien jeu indien du Chaturanga, le jeu, pas la pose de Yoga, dont le nom sanskrit fait référence aux «quatre membres» de l’armée de l’empire Gupta : l’infanterie, la cavalerie, les chars et les éléphants de guerre.

Découvert pour la toute première fois vers le VIe siècle après JC, mais vraisemblablement joué avant, le Chaturanga a opposé quatre personnes, chacun assumant le rôle d’une armée militaire impériale, les uns contre les autres. Les pièces se déplaçaient selon des motifs similaires à ceux des échecs modernes. L’infanterie, par exemple, marchait en avant et capturait en diagonale comme des pions, tandis que la cavalerie voyageait en L comme les cavaliers. Contrairement au jeu d’Échecs, le Chaturanga impliquait un certain élément de chance, puisque on lançait des bâtons pour déterminer le mouvement des pièces.

Les Échecs sont arrivés en Europe par le biais de territoires sous contrôle arabe en Espagne et dans la péninsule ibérique. À la fin du 12ème siècle, les Échecs se sont ensuite rapidement établis en Europe pour devenir « à la mode » et être joués un peu partout.

Backgammon

Jacquet

Difficile de retracer l’origine historique exacte du backgammon, un jeu à deux dans lequel on se dépêche d’arriver de l’autre côté du plateau et dans lequel on peut dégager les pions adverses. Mais on retrouve bien les sources d’inspirations dans le Jeu Royal d’Ur ou le Senet. Fonce et mange !

Des variantes du jeu se sont propagées en Asie, en Méditerranée, au Moyen-Orient et en Europe. Au cours de la période médiévale, pas moins de 25 versions de Backgammon, dont le français Tric-Trac, le suédois Bräde et le britannique Irish, ont fait leur apparition à travers le continent. Il a fallu attendre les années 1640 pour que le Backgammon devienne enfin le… Backgammon moderne, ainsi nommé par la contraction des mots «retour» et «jeu».

Go

Aller

Le Go, alors appelé Weiqi, est né en Chine il y a environ 3’000 ans. Le Go est un jeu d ‘occupation de territoire, avec des joueurs et joueuses qui tour à tour placent des pierres blanches et noires sur plateau composée d’une grille de carrés de 19 par 19. Le but ? Les buts, puisque dans le Go, on doit en même temps capturer les jetons ennemis et contrôler la plus grande surface possible.

Le Weiqi est devenu un incontournable de la culture chinoise au VIe siècle avant JC, lorsque Confucius l’a mentionné dans ses Analectes. Plus tard, le jeu a été inclus comme l’un des quatre arts qui devait être maîtrisé. En plus du Weiqi, les universitaires devaient apprendre la calligraphie, la peinture chinoise ainsi que jouer d’un instrument à sept cordes appelé le guqin.

Si la Chine est le berceau du Go, ce sont les Japonais qui s’en sont approprié au 11e siècle, en l’appelant I-go. Pour devenir enfin Go au 17e.

Mancala

Mancala

Le Mancala, du mot arabe naqala, qui signifie «se déplacer», n’est pas un seul jeu unique, mais plutôt toute une ribambelle de jeux unis par plusieurs caractéristiques communes, à savoir, déplacer des haricots, des graines ou des jetons de forme similaire sur une planche remplie de trous plus ou moins profonds. Cette famille de jeux a émergé entre environ 3’000 et 1’000 avant JC, avec des exemples de rangées de trous de type Mancala apparaissant sur des sites archéologiques en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud.

L’objectif du Mancala est généralement de capturer plus de graines que son rival en comptant et en calculant les déplacements, tout ça en égrenant ses pièces sur le plateau. Oui, c’est Five Tribes. Et Super Meeple nous propose la VF de « Pour une Poignée de Meeples« , un Mancala en mode placement d’ouvriers dans le Far-West.

Votre réaction sur l'article ?
+1
2
+1
3
+1
1
+1
0
+1
0
+1
1

4 Comments

  • Odryse

    Super article, une fois encore! Merci! 😉
    Je sors cependant ma casquette de prof de français, latin et grec, j’espère que vous ne m’en voudrez pas!
    « Une anecdote intéressante : l’étymologie du mot « ludus », ludique aujourd’hui, signifiait également « école » chez les Romains.  »
    Une remarque pour commencer: ici, il y confusion entre « sens/ traduction », et « étymologie ». Une formulation plus rigoureuse, et donc juste, serait: L’adjectif français « ludique » a pour étymon (ou comme racine, pour le dire plus simplement) le mot latin « ludus », qui signifie « jeu ».

    Concernant la polysémie de « ludus », qui effectivement signifie à la fois « jeu » et « école », on peut même préciser que ce mot désignait plus spécifiquement l’enseignement qu’on appellerait primaire aujourd’hui: on y apprenait à lire, écrire, et compter. Ceci dit, les pédagogies étaient moins bienveillantes qu’aujourd’hui (gare aux coups de bâton ou à la fessée si le travail n’était pas fait correctement!) et surtout moins fun: cela consistait surtout à lire l’Iliade, l’Odyssée, et l’Énéide, à en recopier des passages, à les apprendre par cœur. Pour ce qui est du calcul, euh… Quiconque sait lire les chiffres romains comprend bien que les maths romaines n’étaient pas les plus poussées et les plus intéressantes de l’époque! 😉 Il n’y avait à notre connaissance en tout cas aucune pédagogie par le jeu dans ce cadre.

    Le lien, qui peut sembler surprenant de prime abord, entre ludus/ école et ludus/jeu pourrait s’expliquer par le fait que quand un enfant était à l’école, il n’était pas à la maison, et ne pouvait donc se rendre utile auprès de ses parents…aller à l’école relevait en quelque sorte du loisir. Et là, on peut bifurquer sur le mot grec « scholè » (σχολή), qui est à l’origine de notre mot « école », en latin « schola », et qui signifie justement ‘repos, loisir, occupation, étude ».

    Voilou! Je range ma casquette… 😉

    • Gus

      Oh magnifique !!! Ça faisait des années que je rêvais une explication complète et raisonnée de cette différence.

      Puis-je vous engager et payer en quintal de fondue suisse pour publier un article un poil plus étoffé sur le sujet ? Je suis persuadé que la communauté pourrait véritablement profiter de votre expertise sur le sujet.

      Vous êtes partant ?

      • Odryse

        Coucou! Alors, moi, c’est Audrey, et mon pronom, c’est « elle »! 😉
        On peut se tutoyer même si ça te va (en fait, je ne savais pas si derrière l’auteur « Gus » il y a un ou plusieurs auteurs, je l’avoue…)!
        Ton idée ce serait quoi? Un article sur le jeu dans l’antiquité? Le tien est déjà super…;-) Je ne suis pas spécialiste, tu sais, je suis seulement une humble enseignante de collège! Dis-moi ce que tu aimerais, on peut en discuter par mail, j’envoie d’ailleurs tout de suite un message sur le formulaire de contact pour te donner mon adresse mail!

        • Gus

          Merci Audrey. Un message via le formulaire sera idéal !

          Je pense à un article sur le sens, sur sens de ludus. Tu sembles en posséder une impressionnante expertise !

À vous de jouer ! Participez à la discussion

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d blogueurs aiment cette page :