Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Kodiak, l’ours qui fait plouf

Kodiak, un jeu de plis avec des… ours.


Kodiak

J’aime deux choses dans la vie. Les jeux de plis comme le Tarot, le Jass ou The Crew, et les ours. Sous toutes les formes. Des vrais qui mangent du miel, à ceux en peluche, en passant par les représentations sur papier. Véridique, j’utilise en ce moment-même un stylo avec un ours pour écrire ce texte ! (J’écris encore sur papier avant de passer sur l’ordinateur, je suis un boomer). Alors quand un jeu sort avec des ours, je suis forcément, férocement enthousiaste. Et dans Kodiak, il y a des ours, alors j’ai foncé.

L’ours Kodiak est une sous-espèce de l’ours brun, qui habite l’archipel des îles éponymes, en Alaska. C’est, avec l’ours blanc, le plus grand carnivore terrestre. Il ne faut pas le confondre avec le grizzli, autre sous-espèce de l’ours brun, mais qui est, lui, présent sur le continent nord-américain.

Les ours, les animaux tout cute et mon/notre cerveau

Une partie spécifique de notre cerveau humain est construit pour repérer les animaux, qu’ils soient mignons ou dangereux.

Dans une recherche américaine de l’université de Californie publiée en 20111, les chercheurs ont découvert que les neurones de notre amygdale, un noyau du cerveau connu pour gérer les émotions, réagissent aux images d’animaux.

La réponse des cellules de l’amygdale est indépendante de la charge émotionnelle des images des animaux. Qu’ils soient mignons, laids et dangereux, notre cerveau traite les animaux de la même manière. La recherche a également découvert que seules les cellules de l’amygdale droite étaient sensibles à la vue des animaux.

Selon les chercheurs, cette asymétrie hémisphérique marquée soutient l’idée que, dès le début de l’évolution des vertébrés, l’hémisphère droit s’est spécialisé dans le traitement de stimuli inattendus et pertinents. Cette asymétrie est à mettre en lien avec tout changement qui peut se produire dans l’environnement. Ce qui démontre qu’en termes d’évolution cérébrale, l’amygdale est une structure neurologique très ancienne. Tout au long de notre histoire biologique, les animaux, qui pouvaient représenter soit des prédateurs, soit des proies, ont généré quantité de stimuli pertinents. nécessaires.

Autrement dit, notre cerveau est à l’affût, constant, de son environnement. Et il est capable de repérer les animaux. Question de survie, atavique.

Ce qui n’explique pas encore pourquoi j’aime autant les ours. Et pourquoi les gens développent une telle fascination, une telle affection pour les animaux « cute », en général.

Kawaii et cute

[Attention, ce chapitre sera ponctué d’images d’animaux mignons.]

L’étude ci-dessus me fait penser à un article, séminal, de Stephen Jay Gould (1941-2002), paléontologue américain, professeur de géologie et d’histoire des sciences à l’université Harvard. Le scientifique a beaucoup travaillé sur la théorie de l’évolution.

En 1979, Gould a publié un article édifiant dans Natural History : Mickey rencontre Konrad Lorenz. Konrad Lorenz, ce nom vous dit certainement quelque chose. Il s’agit d’un éthologue et zoologue autrichien extrêmement connu qui a, notamment, travaillé sur le comportement animal.

Dans cet article de 19792, Gould s’est basé sur les recherches du lauréat du prix Nobel Konrad Lorenz montrant que « les humains ressentent de l’affection pour les animaux ayant des caractéristiques juvéniles : grands yeux, crânes bombés, mentons en retrait. Les animaux aux petits yeux et au long museau ne suscitent pas la même réponse.« 

Gould a également retracé l’évolution du personnage de Mickey ainsi : « Comme Mickey se comporte de mieux en mieux au fil des années, son apparence a rajeuni. Les mesures de trois étapes de son développement ont révélé une taille de tête relative plus grande, des yeux plus grands et un crâne élargi, tous des traits de juvénilité. »

Dans une autre recherche de 1985, les chercheurs Robert Hinde  et L. A. Barden ont travaillé sur l’évolution de l’ours en peluche2. ». Comme Gould précédemment, ils ont également découvert qu’au cours du 20ème siècle, les ours en peluche sont passés de longues pattes et un nez trapu à un nez encore plus trapu et à un front plus haut. Des traits juvéniles que Lorenz a découverts et qu’il a qualifiés de « mignons ».

Selon les vendeurs de l’époque, les ours ainsi « mignonifiés » (ne cherchez pas ce mot dans le dictionnaire, je viens de l’inventer) étaient de plus en plus préférés par les gens. Ce qui a poussé les ours en peluche à évoluer ainsi, par la pression de la clientèle, de la demande. 

En plus des recherches citées ici sur la manière dont nous concevons les animaux, il en existe également d’autres sur notre manière de percevoir les bébés. Humains, je précise. Une recherche de 20093 explique que des caractéristiques physiques spécifiques aux enfants, telles que le visage rond et les grands yeux, sont perçues comme mignonnes. Cute, en anglais.

Conclusion animale

Nous réagissons aux animaux de toutes sortes de manières. Toutes les études citées plus haut nous apportent quelques bribes d’explication sur les raisons qui nous motivent à trouver tel ou tel animal mignon. Dans la Team Gus&Co, Aline aime les chiens. Gus aime les chats. Coco aime les chevaux. Moi, j’aime les ours.

Retour à Kodiak

Kodiak, le jeu avec des ours, donc, est un jeu de plis. Qui n’a qu’un lointain rapport avec l’ours du même nom.

Chaque personne va recevoir 15 cartes, qui se répartissent ainsi :

  • 9 cartes saumon, valant de 1 à 5. Ce sont les points de victoire, les cartes qu’il va falloir récupérer ou garder.
  • 5 cartes prédateurs, avec une vitesse allant de 1 à 60. Les prédateurs vont chasser les cartes saumon, du plus rapide au plus lent. Le plus lent étant celui avec la plus grande… vitesse…
  • 1 carte visiteur, qui ralentira un prédateur

Les joueurs et joueuses vont avoir les 15 cartes en main, et à chaque tour, ils devront en choisir une, qu’ils déposeront face cachée. Quand tout le monde a choisi une carte, on les retourne.

  • S’il n’y a pas de carte saumon, les cartes sont défaussées et on passe au tour suivant.
  • S’il n’y a pas de prédateur, les cartes visiteurs sont défaussées, et les cartes saumon restent sur la table pour le tour suivant
  • S’il y a des prédateurs, les joueurs ou joueuses les ayant placés vont alors, dans le sens inverse de la vitesse des prédateurs, prendre une carte saumon sur la table et les mettre dans leur réserve de points. S’il n’y a plus de carte saumon à son tour, le prédateur est bredouille. Si, au contraire, il reste des saumons à la fin du tour, leurs propriétaires les récupèrent et les mettent dans leur réserve de points.

Il faut noter que le prédateur le plus fort, le vieil ours, rafle tous les saumons restants. C’est donc une carte puissante, qu’il faut jouer au bon moment.

Mais la cascade ?

Si vous avez bien observé, vous avez noté la présence d’une cascade sur les images. Cette cascade, si elle est jolie, est complètement anecdotique dans le jeu.

Elle va servir à départager les cas où il y a plusieurs prédateurs de même vitesse jouées en même temps, selon un système de montée descente. Plutôt gadget.

Une fois que les 15 cartes ont été jouées, on compte le nombre de saumons dans sa réserve de points, on le note, et une nouvelle manche peut commencer. On jouera autant de manches qu’il y a de personnes autour de la table, le ou la gagnante étant celle qui a le plus gros score à la fin du jeu.

Kodiak, verdict

Soyons honnêtes, Kodiak n’est pas fou-fou. Et ça n’est pas son (pseudo) thème qui va le sauver. Malgré la présence d’ours.

Le jeu est beau, toutefois. Il y a un vrai effort au niveau du graphisme. Le matériel est attractif, même la cascade… gadget (on pourrait même dire qu’il s’agit d’une… cascadget)

Mais.

Mais le mécanisme de jeu est trop léger. Il suffit de compter les cartes des autres, surtout s’ils ou elles ne sont pas spécialistes des jeux de plis, pour savoir quand jouer son vieil ours ou les autres prédateurs. Et finalement, la carte visiteur n’a que peu ou pas d’intérêt. Elle peut servir à pénaliser quelqu’un d’autre, mais elle n’apporte pas d’avantage à la personne qui la joue.

Je vois trois publics et trois réactions au jeu :

  • Joueurs et joueuses de plis confirmés uniquement : le jeu va être tendu, avec beaucoup à gagner ou perdre, mais pas très original et lassant rapidement.
  • Joueurs et joueuses novices uniquement (enfants y compris) : le jeu risque de ne pas avoir de stratégie possible, avec un jeu trop ouvert. Pas beaucoup de fun en perspective.
  • Joueurs et joueuses mixtes : Les joueurs qui comptent seront fortement avantagés et gagneront. Les autres ne s’amuseront pas beaucoup.

Pas une grande réussite, malgré des règles simples et un bon matériel.

Note : 2.5 sur 5.
  • Auteur : Didier Jacobée
  • Illustrateurs : Ann&seb
  • Éditeur : Multivers
  • Nombre de joueurs et joueuses : 2 à 6 (tourne mieux à 4-5)
  • Âge conseillé : Dès 7 ans (bonne estimation)
  • Durée : 20′
  • Thème : Ours, pêche
  • Mécaniques principales : Plis

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One Comment

  • Zigzag

    Essayez « Salmon Run », trop méconnu, de chez Gryphon Game, un jeu de course de …saumons !
    Avec des meeples ours pour vous embêter.
    Les sensations sont très proche d’un Flamme rouge. (Course avec un deck de cartes + fatigue)

    Extrait de la règle VF disponible sur BGG.
    « SALMON RUN est un jeu de course rapide pour toute la famille. Déplacez votre saumon en évitant les obstacles en amont et en sautant par-dessus les cascades. Contestez l’immense puissance des courants de la rivière ! Évitez les ours féroces ! Méfiez-vous des aigles furtifs qui attendent pour vous arracher la victoire des mains ! Mais surtout, ménagez votre rythme pour éviter la fatigue.
    Les particularités de SALMON RUN :
    Deck-building – Choisissez votre parcours en amont ! Cela déterminera quelle carte vous pourrez ajouter à votre deck (paquet) de Nage. Augmentez vos capacités de nage en acquérant les cartes les plus puissantes.
    Interaction entre les joueurs – Récupérez des cartes pour lâcher des aigles ou des ours affamés sur les saumons adverses ! Contrôlez le pouvoir des rapides déchaînés et des courants puissants de la rivière !
    Fatigue – Evitez le surmenage ! Cela peut mener à l’augmentation de la fatigue, ce qui vous ralentirait fortement ! Plateaux modulaires – Découvrez une rivière différente à chaque partie ! Vous pouvez choisir à votre convenance la longueur et la difficulté de chaque course !
    OBJECTIF : Être le premier joueur dont le saumon atteint le lieu de reproduction, perpétuant ainsi le cycle de la vie.

    VUE D’ENSEMBLE DU JEU Salmon Run est une course. Le but est d’être le premier à atteindre le lieu de reproduction, en ayant accumuler le minimum de fatigue. Chaque joueur commence la partie avec un deck de base, qu’il pourra utiliser pour se déplacer et réaliser d’autres actions. Chaque carte jouée par un joueur va dans sa défausse personnelle, à coté de sa pioche. Quand la pioche d’un joueur est vide, celui-ci mélange simplement la défausse pour reformer une nouvelle pioche.
    Bien gérer son deck de Nage est vital pour bien progresser dans le jeu. Comme la partie avance, d’autres cartes seront ajoutées (ou retirées) dans les decks des joueurs, ce qui, en fonction de la carte, sera un bénéfice ou un handicap.
    Chaque joueur va utiliser des cartes Swim pour traverser le plateau et atteindre le lieu de reproduction. Les cartes Nage (Swim) sont constituées de cartes Swim basiques (Swim Left, Swim Right, et Swim Forward), de cartes Double Swim (Double Swim Right, Double Swim Left, et Double Swim Forward) et de cartes Wild.
    Les Saumons ne sont très malins et ne nagent que vers l’avant. Le long de leur parcours, ils rencontreront des obstacles variés comme des rochers ou des cascades qu’ils devront contourner ou franchir. Il y aura aussi des hexagones spéciaux qui permettront d’ajouter (ou retirer) des cartes dans les decks des joueurs. Certaines des cartes spéciales permettront d’améliorer la capacité de nage, tandis que d’autres permettront de s’attaquer aux adversaires « 

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