Spellbook
Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Spellbook : D’illusions en désillusions

🔮 Accrochez-vous, on décortique Spellbook, le jeu de société qui devait nous ensorceler mais nous a finalement laissés sur notre faim !


Spellbook

⚠️ Avertissement : Pour faire écho à notre article sur le marketing d’influence dans le jeu de société, et dans le cadre d’une démarche de transparence, nous tenons à vous informer que ce jeu nous a été offert par l’éditeur. Notre avis reste toutefois impartial et sincère. Nous vous exposons ici les qualités et les défauts du jeu.


Spellbook, la promesse d’une magie envoûtante

La magie de Spellbook s’évapore vite. Le dernier jeu de l’auteur Phil Walker-Harding chez les Parisiens de Space Cowboys promettait de nous transporter dans des contrées enchantées. Las, sous son vernis chatoyant, se cache un gameplay répétitif qui lasse rapidement. Pourtant, tout avait si bien commencé…

Un packaging ensorcelant

Le pitch : Dans SpellBook, chaque joueur et joueuse dispose d’un grimoire et d’un familier et collecte des Materia qui surgissent d’un grand Vortex pour apprendre des sorts et nourrir son familier (parce qu’un grand magicien ne sort pas sans son familier). Le jeu se termine dès qu’un grimoire ou un familier est entièrement rempli. Le joueur ou la joueuses avec le plus de points l’emporte. Simple ? Pas tant que cela…

Mais sous le vernis magique de Spellbook se cache un défi stratégique qui exige prévoyance et efficacité. Le gameplay met l’accent sur l’optimisation des ressources plutôt que sur la conjuration de… boules de feu. Le thème, passionant, finit rapidement pas s’évanouir au profit d’une course à la collection.

La construction de votre livre de sorts (=Spellbook) ne repose pas sur des connaissances ou des manipulations occultes narratives pertinentes, cohérentes, mais sur un jeu calculé et la construction d’un moteur (=engine-building). Plus on construit, et plus on construit, et plus le jeu fonce, vite.

Spellbook matériel

Des règles accessibles pour novices et experts

À son tour, on traverse trois phases : le matin, dans lequel on pioche un certain nombre de matéria, les ressources du jeu, des micro-jetons en « verre ». Du plastique, en vrai. Puis le midi, dans lequel on peut soit poser l’un de ses jetons sur son familier pour gagner des points de victoire en toute fin de partie, soit effectuer telle ou telle action en fonction des sorts activés et correspondants à la phase, au moment de la journée. Puis enfin le soir, pendant lequel on peut se défausser d’un certain nombre de matéria pour apprendre, activer, débloquer l’un de ses sept sorts disponibles.

Dès que quelqu’un a activé ses sept sorts ou rempli son mini-plateau de familier, on procède à un décompte rapide, fluide et féroce : familier + niveaux de sorts débloqués. Et c’est tout. Et c’est bien ainsi. On est loin d’une « salade de points de victoire ».

Mais le miracle n’opère pas

Spellbook s’inscrit dans cette tendance récente de jeux de « société » en mode solo-multi. On joue ensemble, à plusieurs, mais en réalité tout seul. La preuve, le jeu peut très bien se jouer en solo. L’interaction y est polaire ! Certes, certaines cartes peuvent à peine effleurer un semblant d’interaction, mais Spellbook se résume à piocher des ressources pour soi-même pour activer ses sorts à soi-même pour marquer le plus de points de victoire.

La seul interaction notoire de Spellbook se résume à une course, aux points, à mettre fin à la partie le plus vite possible, avant que les autres n’aient eu le temps d’engranger trop de points.

C’est peu.

C’est froid. Très froid. Si vous aimez les jeux qui vous demandent de faire votre popote dans votre coin, à l’instar de l’excellentissime et récent Earth, vous serez en territoire connu, et apprécié, avec Spellbook. Si vous préférez vos jeux de société avec un peu plus d’emphase sur le mot « société », oubliez Spellbook.

Un gameplay répétitif qui lasse vite

À la base, Spellbook tourne autour d’une course pour compléter votre livre de sorts en apprenant et en lançant sept sorts. Bien que le concept soit simple, l’accomplissement de cette tâche comporte des aspects stratégiques plus profonds. Chaque tour offre des actions limitées en fonction des sorts débloqués, ce qui vous oblige à trouver un équilibre entre l’élargissement de votre répertoire magique et l’optimisation de vos pouvoirs existants. Cela crée un casse-tête permanent, car vous devez maximiser l’efficacité de vos actions dans le cadre des contraintes du jeu.

De tels espaces d’action restreints combinés à des capacités en expansion sont la marque de fabrique de classiques tels que Splendor, ce qui n’est pas un hasard puisqu’il s’agit du même éditeur. Pourtant, Spellbook apporte suffisamment d’idées nouvelles pour se tailler une place à part dans le genre des jeux d’engine-building. Les tours à trois niveaux (matin, midi et soir) rendent le jeu dynamique, tandis que le sac de ressources « stop-ou-encore) ajoute de la rejouabilité grâce à l’aléatoire. Les sorts eux-mêmes offrent une gamme de pouvoirs à explorer, de l’efficacité matérielle à la génération de points.

Mais Spellbook réussit-il à combiner son thème magique et sa profondeur stratégique pour créer une expérience captivante ? Les résultats sont mitigés. D’un point de vue visuel, Spellbook fait mouche, avec des graphismes et des éléments magnifiques qui renforcent le caractère mystique du jeu. Les règles intuitives réduisent les frottements d’entrée de jeu (c’est le cas de le dire). Rendant le jeu accessible aux nouveaux venus comme aux vétérans.

Des innovations ludiques mais une profondeur limitée

Mais sous cette façade magique se cache une formule répétitive, assez peu modifiée par de nouveaux sorts. Le jeu propose en effet 3×7 sorts différents, qu’on peu utiliser tel quel par set, assembler, voire drafter. Finalement, avec seulement sept sorts comme colonne vertébrale, les nouvelles parties révèlent la même structure immuable.

Pour certains publics, le thème et les illustrations évocateurs peuvent masquer cette nature répétitive. Celles et ceux qui recherchent une expérience narrative immersive pourront faire l’impasse sur le jeu, extrêmement froid, extrêmement insipide, extrêmement mécanique. On pioche des (superbes) petites tuiles, et c’est tout. C’est peu.

Les joueuses et joueurs stratégiques, eux, habitués à des systèmes diversifiés et dynamiques seront également désenchantés par une base aussi statique, peu variée et très aléatoire.

Concilier variété et élégance est un immense défi, même pour des auteurs expérimentés comme Phil Walker-Harding. Alors oui, on peut, on doit louer les innovation ludiques de Spellbook (trois phases, trois niveaux, sorts à débloquer) peut être louée.

Les écueils de Spellbook reflètent toutefois une tendance commune : la recherche de l’ingéniosité au détriment de l’élégance dans les mécanismes et le gameplay. L’industrie du jeu de plateau regorge de nouvelles idées ingénieuses qui prennent souvent le pas sur les nuances stratégiques. Les créations les plus convaincantes distillent un gameplay qui se résume à l’essentiel. Une telle élégance n’est pas le fruit d’une chasse aux tendances, mais de la réitération de principes fondamentaux éprouvés.

La magie limitée de Spellbook révèle peut-être des leçons plus importantes sur la nature même de la création d’un jeu. Comme dans toute discipline, les progrès se font par à-coups, avec des détours infructueux et des percées fortuites. L’évaluation des triomphes et des échecs éclaire la voie à suivre. Pour les autrices et auteurs, la tradition rivalise avec la déviation comme source d’inspiration. Pour les éditeurs, des composants attrayants ne peuvent à eux seuls compenser une jouabilité attrayante. Et pour les joueuses et joueurs, l’esthétique n’est pas une garantie de profondeur.

Bien que loin d’être révolutionnaire, Spellbook mérite une place dans les collections des fans de construction de moteurs. Son gameplay accessible et sa présentation attrayante, chatoyante, offrent des moments agréables, même si sa magie s’estompe au fil des parties.

Le véritable test consiste à savoir si les joueuses et les joueurs se sentent transportés dans des royaumes merveilleux ou s’ils seront désenchantés par un potentiel inachevé. De ce point de vue, Spellbook évoque un peu de magie, mais ne parvient pas à jeter un sort puissant.

Mais soyons honnêtes. Nous avons pris énormément de plaisir à jouer à Spellbook. Les premières 3-4 parties. Puis ce plaisir, fugace, évanescent, s’est évanouit au profit d’une répétitivité rédhibitoire.

Voici un article de 500 mots sur le problème de l’aléa excessif dans les jeux, en prenant Spellbook comme exemple :

Le hasard, un allié capricieux des jeux de société

Rares sont les jeux de plateau totalement exempts d’aléa. Un zeste d’imprévisibilité permet d’introduire du piment et de la rejouabilité dans des mécanismes parfois très calculés. Mais attention, trop… d’aléa tue l’aléa ! Quand le hasard prend le pas sur la réflexion, le jeu vire au chaos incontrôlable. Le cas de ce Spellbook, dernier titre de Space Cowboys, illustre bien ce risque.

Dans ce jeu au vernis magique, l’objectif est de compléter son grimoire de sorts avant les autres joueurs. Sur le principe, rien de révolutionnaire : on accumule des ressources pour apprendre et activer des sorts, dans un esprit d’optimisation proche d’un Splendor. Cependant, à la différence de ce classique, Spellbook mise énormément sur l’aléatoire, au point de rendre toute stratégie bien fragile.

Cette omniprésence du hasard se manifeste à plusieurs niveaux. D’abord, les ressources sont piochées dans un sac opaque, empêchant d’anticiper les prochains coups. Difficile dans ces conditions de bâtir un plan d’action viable !

Certes, l’aléa insuffle du dynamisme et de la tension dans la partie. Mais à trop forte dose, il la rend erratique, frustrante. Toute décision stratégique est balayée par la prochaine pioche hasardeuse. Impossible dans ces conditions de savourer la satisfaction d’un coup d’éclat tactique !

Spellbook aurait gagné à mieux doser hasard et stratégie. Splendor y parvient brillamment en combinant pioche de tuiles, réserves / marché de cartes visibles et pouvoirs prévisibles. L’aléa n’y oblitère jamais la réflexion, mais la stimule. Un équilibre subtil, gage de parties palpitantes.

Soyons clairs : l’aléa a sa place dans le jeu de société. À petites doses, il pimente le gameplay. Mais quand il prend le dessus, gare à l’overdose : parties erratiques, frustration et manque de profondeur stratégique. Un rappel que le hasard demeure un allié capricieux, qu’il convient de manier avec discernement.

Un auteur talentueux mais une formule manquée

Qu’importe ! Ce bilan mitigé n’enlève rien au talent de Walker-Harding pour créer des jeux qui comblent le fossé entre les publics occasionnels et les invétérés. Ses créations distillent les règles pour révéler le plaisir de jouer. Space Cowboys continue d’innover en matière de composants et de qualité artistique, nous transportant vers de nouveaux mondes. Si Spellbook n’est pas en soi une révélation en matière de jeu, le talent qui se cache derrière reste indéniable.

Spellbook tisse une histoire intemporelle sur l’attrait et la vacuité de la conception d’un jeu, où l’art masque un gameplay répétitif. Une esthétique frappante attire l’attention, mais ne peut compenser une base décevante.

Spellbook, verdict

Spellbook, le dernier jeu du célèbre concepteur Phil Walker-Harding, nous embarque dans un jeu fantasque avec ses illustrations envoûtantes et son gameplay fluide et prenant. Pourtant, derrière ce vernis se cache un gameplay quelque peu répétitif qui peut lasser rapidement.

Dans ce jeu d’optimisation de ressources et de collection, le but est de compléter en premier son livre de sorts en apprenant et en lançant 7 sorts différents. Chaque tour offre des actions limitées basées sur les sorts débloqués, forçant des arbitrages cornéliens. Mais tactiques.

Si ce casse-tête à base d’actions restreintes rappelle des classiques du genre, Spellbook y ajoute quelques idées bienvenues. Les tours à 3 niveaux dynamisent le gameplay, tandis que le sac dans lequel on pioche deux tuiles apporte de l’aléatoire. Surtout, les 7 sorts ont des pouvoirs variés, de l’efficacité brute à la génération de points.

Cependant, ces nouveautés ne suffisent pas à masquer la nature fondamentalement statique du jeu. Avec seulement 7 sorts formant l’épine dorsale de Spellbook, chaque partie suit la même structure immuable. Le verdict est sans appel : un gameplay fluide, tendu, tenace, mais extrêmement répétitif, le but étant de collecter des matéria / jetons de couleurs, le plus possible de la même couleur, et le plus rapidement pour activer, débloquer des sorts.

Dans Spellbook, on s’éclate les 1-2 premières parties, puis un sentiment mitigé nous envahit. On subit le hasard de la pioche. On ne peut rien préparer, rien planifier. On espère ceci, on obtient cela. Extrêmement tactique, le jeu finit par lasser.

Certes, l’accessibilité des règles et la qualité artistique atténuent dans une certaine mesure ces défauts. Mais pour les fans des jeux de construction de moteurs, qu’on appelle également engine-building dans le milieu du jeu de société, ce manque de profondeur et de dynamisme à long terme s’avère quelque peu rédhibitoire.

Une appli… magique

Pour accompagner vos parties, les Space Cowboys sortent également une appli sur iOS and Android, l’application vous permet de créer, de personnaliser et de partager votre set de sorts unique. L’appli permet de générer des sets de sorts aléatoirement ou manuellement, d’approfondir votre compréhension de chaque sort grâce à des descriptions détaillées et enfin de partager le tout sur les médias sociaux.

L’objectif de l’application compagnon est d’améliorer l’expérience de jeu en fournissant un outil qui permet de créer et de personnaliser facilement ses decks, et de partager ses créations et ses résultats avec d’autres. Pratique !

Une conclusion, pour conclure

Si Spellbook rate quelque peu sa magie, il n’enlève rien au talent de l’auteur australien Walker-Harding, décidément extrêmement présent en 2022-2023. Ses meilleures créations allient accessibilité et subtilité stratégique. Ici, la quête d’originalité l’emporte au détriment du raffinement du gameplay. Rajoutons que le travail de l’éditeur parisien Space Cowboys qui signe ici un jeu purement original est un pur sans fautes : matériel, règle, développement. Un véritable plaisir !

Pour finir, Spellbook symbolise parfaitement les écueils de nombreux jeux récents. Sous des dehors attractifs se dissimule souvent un gameplay à la profondeur limitée, faute d’un équilibre subtil entre mécaniques ciselées et recherche effrénée d’originalité.

Spellbook n’en reste pas moins un ajout honorable aux ludothèques des fans d’optimisation de ressources qui ne rechignent pas devant la tactique et la forte présence de hasard. S’il ne deviendra probablement pas un classique intemporel, il rappelle que la véritable magie d’un jeu réside dans l’alchimie de ses règles, bien plus que dans son esthétique.

Un accueil mitigé.

Note : 3 sur 5.

  • Création : Phil Walker-Harding
  • Illustrations : Cyrille Bertin
  • Édition : Space Cowboys
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 4 (tourne bien à toutes les configurations. Il s’agit d’un jeu Solo-Multi, donc c’est finalement un peu égal si on est 1 ou 4…)
  • Âge conseillé : Dès 12 ans (bonne estimation)
  • Durée : 45 minutes
  • Thème : Magie, fantastique
  • Mécaniques principales : Collection, cartes. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.

Rejoignez notre communauté :

Rejoignez notre chaîne WhatsApp


2007. Wahou ! Nous avons de la peine à croire que cela fait depuis 2007 que nous sommes derrière l’écran à écrire sur ce blog que nous aimons tant ! Cela n’aurait pas été possible sans votre fidélité.

Pour vous offrir une expérience de lecture plus agréable, nous vous proposons un site sans aucune publicité. Comme nous entretenons des relations d’affiliation avec Philibert et Play-in, nous touchons une petite commission lorsque vous achetez un jeu depuis notre site. Ce qui nous permet d’acheter des jeux que nous pouvons ensuite vous présenter.

Aujourd’hui, nous vous demandons votre soutien pour nous aider à continuer à produire du contenu que vous appréciez. Chaque contribution, petite ou grande, nous permet de continuer à faire ce que nous aimons et de vous offrir la meilleure expérience possible. Vous pouvez nous aider à soutenir le blog directement en faisant un don avec Tipee.

Nous vous remercions du fond du cœur pour votre soutien et avons hâte de partager encore de nombreuses années avec vous.

Soutenez Gus&Co sur Tipeee

Article écrit par Amélie. Passionnée de jeux de société. A commencé à jouer à des jeux de société à l’âge de 1 année, environ, et n’a jamais cessé depuis. Kiffe les jeux de plateau, coopératifs, narratifs et d’autres qui finissent aussi en « tif ». Adore partager sa passion et aider les autres à découvrir les top et éviter les flop.

Votre réaction sur l'article ?
+1
7
+1
0
+1
2
+1
0
+1
4
+1
1

À vous de jouer ! Participez à la discussion

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d