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Number Drop, Tetris roll and write retro

Number Drop, une sorte de Tetris en jeu de société en mode roll and write.


Number Drop

Pour les gens qui, comme moi, ont grandi dans les années 80, Tetris est un classique du jeu vidéo. Nous y avons passé des heures dessus, d’abord sur Game Boy, puis, plus tard, en réseau avec Tetrinet. Le niveau s’est alors méchamment corsé. Il fallait gérer les blocs envoyer par les adversaires, en plus des blocs du jeu. Et réussir à être plus rapide, et plus malin que les autres. On retrouve un peu tout ça dans Number Drop.

C’est donc cette ambiance survoltée que cherche à reproduire Number drop (la rapidité en moins). “Retro roll and write“, Number drop joue sur la nostalgie, avec un concept simple mais efficace.

Tetris, Number Drop, même combat

Puisqu’on va parler aujourd’hui de Number Drop, un jeu de société récent qui ressemble quelque peu à Tetris, peut-être vaut-il la peine de se pencher sur l’histoire et l’évolution de ce jeu vidéo, mythique. D’autant que son histoire est plutôt… singulière.

Au début du commencement

Ce qu’on retient aujourd’hui de Tetris, ce sont ses graphismes, simples, et ses règles, toutes aussi nigaudes : faire pivoter des pièces de puzzle qui tombent à plus ou moins grande vitesse sur son écran, pour réussir à les assembler et créer des lignes complètes. Qui disparaissent ensuite. Répétez, à l’infini.

Tetris fut extrêmement populaire dans les années 80 et 90. Et même aujourd’hui, il continue à faire rager et captiver des gamers aux yeux rivés à leur écran, aux pouces rivetés à leur portable. Pourtant, le jeu ne propose aucun visuel chatoyant, aucun récit immersif. Juste des briques, des blocs, de formes diverses et variées, qui tombent, et c’est tout.

Mais si le jeu semble simple et… benêt, son histoire ne l’est pas du tout ! Elle regorge de jalons et de rebondissements épiques, ancrés dans un contexte historique tendu. Comme aujourd’hui.

Tu t’appelleras Tetris, mon fils

Est-ce que vous vous êtes déjà demandé d’où provenait le nom du jeu ? De la contraction entre « tétra » et… « tennis ».

Remontons aux origines du jeu. Tout a commencé avec un ingénieur en informatique qui aimait les puzzles et les énigmes nommé Alexey Pajitnov. C’est lui qui a créé Tetris en 1984 alors qu’il travaillait pour le centre de calcul Dorodnitsyn de l’Académie soviétique des sciences, un centre de recherche et développement à Moscou créé par le gouvernement.

Pajitnov n’avait pas l’intention de tirer profit de sa création. Comme Wordle aujourd’hui, Pajitnov a conçu le jeu pour le fun. Juste pour essayer. Juste pour voir s’il en était capable. On parle bien ici des années 80, bien avant Windows 95.

Pajitnov s’est inspiré d’un jeu de puzzle appelé « Pentominos », dans lequel différentes formes en bois composées de cinq carrés égaux sont assemblées dans une boîte. Pajitnov imaginait ces formes tombant d’en-haut dans un verre. Il fallait alors manœuvrer ces formes pour les guider et les positionner. Pajitnov a adapté les formes à quatre carrés chacun et a programmé le jeu sur son temps libre. C’est lui qui l’a surnommé Tetris. Le nom combinait le mot latin « tétra », le préfixe numérique « quatre », pour les quatre carrés de chaque pièce du puzzle, et « tennis », le jeu préféré de Pajitnov. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Et quand il a partagé le jeu avec ses collègues, ils ont commencé à y jouer. Et n’ont plus réussi à s’en passer. Ces premiers joueurs ont copié et partagé Tetris sur des disquettes de l’époque, et le jeu s’est rapidement répandu à Moscou.

Une rencontre inopinée

Quand Pajitnov a envoyé une copie à un collègue en Hongrie, également soviétique à l’époque, le jeu s’est retrouvé présenté dans une exposition de logiciels à l’Institut hongrois de technologie. C’est là qu’il a attiré l’attention du Britannique Robert Stein, propriétaire d’Andromeda Software Ltd., qui visitait alors l’exposition.

Tetris a aussitôt captivé Stein. Il a retrouvé Pajitnov à Moscou. Mais finalement, le sort du jeu était entre les mains d’une nouvelle agence soviétique, Elektronorgtechnica (Elorg), créée pour superviser la distribution à l’étranger de logiciels de fabrication soviétique. Elorg a vendu la licence du jeu à Stein, qui l’a ensuite lui-même cédé à des distributeurs aux États-Unis et au Royaume-Uni, respectivement Spectrum HoloByte et Mirrorsoft Ltd. Tetris fut le tout premier logiciel créé en Union Soviétique et revendu aux US.

L’accord de Stein avec Elorg couvrait les licences Tetris uniquement pour les ordinateurs personnels, et non pour les machines à pièces d’arcade ou les appareils portables. De l’époque, je précise. Mais Stein a annoncé au distributeur britannique Mirrorsoft que ces droits seraient bientôt acquis. Et Mirrorsoft a donc conclu des accords de licence avec les éditeurs de jeux vidéo Atari et Sega au Japon pour les bornes d’arcade et les consoles de jeux. Les bœufs, la peau, la charrue et l’ours, tout ça.

Nippon ni mauvais

Henk Rogers de BulletProof Software lorgnait également pour négocier les droits de Tetris au Japon, une nation alors férue de jeux vidéo. C’est par l’intermédiaire du distributeur américain Spectrum HoloByte que Rogers obtenu les droits de distribution du jeu sur les ordinateurs et les consoles pour Nintendo.

Mais.

Pendant ce temps, le propriétaire légal de Tetris, l’agence soviétique Elorg, ne savait rien du tout de ces accords. Le seul contrat que l’agence avait signé était avec Stein, couvrant les droits informatiques. Et rien d’autre.

Et là, patatras

Le lièvre a été levé quand Rogers a rencontré des responsables d’Elorg à Moscou sur la licence « Tetris » pour les consoles portables. Nous sommes en 1989. Nintendo venait tout juste de lancer la Game Boy. Rogers leur a alors montré une cartouche Tetris pour la NES. Les Soviétiques ont été… scandalisés. Mais Rogers a réussi à les convaincre que la licence pourrait devenir très rentable. Pour tout le monde.

Elorg a convenu que Rogers pouvait sécuriser les droits du jeu portable avec Nintendo, avec les droits pour les bornes d’arcade et console ajoutés plus tard. Malgré des protestations d’Atari, qui avait déjà une version à eux. Une bataille juridique entre les deux éditeurs de jeux rivaux s’ensuivit. Et c’est finalement Nintendo qui a remporté le procès.

Pour faire la promotion de leur nouvelle console, et voyant la popularité du jeu, pour chaque console Nintendo vendue, l’éditeur nippon fournissait une copie de Tetris avec.

Comme Monopoly, mais avec des carrés qui tombent

L’histoire des premiers jeux de société est pavée d’arnaques et autres contrats miteux signés avec leurs auteurs. À l’instar du Monopoly et de son autrice Elizabeth Magie…

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Pour Tetris, c’est pareil. D’importantes sommes d’argent ont changé de mains au cours des différentes négo. Mais Pajitnov, le créateur du jeu, n’a jamais fait partie d’aucune de ces négociations. Il n’en a reçu aucun bénéfice. Avec toutes ces reventes de licences, selon les calculs, il aurait dû recevoir… 40 millions de dollars.

Et ils vécurent heureux

Toutes ces histoires n’ont pas empêché Pajitnov et Rogers de devenir amis. Et avec l’aide de Rogers, Pajitnov a pu émigrer en Amérique en 1991. Il s’est alors consacré à la création de jeux vidéo, d’abord pour sa propre entreprise puis ensuit pour Microsoft.

Et en 1996, lorsque Elorg fut dissoute, Rogers est retourné à Moscou pour mener une dernière série de négociations pour que la propriété de Tetris puisse retourner à Pajitnov, l’homme qui l’a inventé.

Retour à Number Drop

Après cette « petite » digression historique sur Tetris, dont Number Drop s’inspire, parlons du jeu de société. Chaque personne à la table va chercher à remplir au mieux une grille de 14 x 7 case. Et tout ceci en effectuant des combinaisons. Des suites ou des égalités.

La contrainte ? Les formes sont tirées aléatoirement, ainsi que les chiffres qui les composent. Et comme dans Tetris, les formes doivent « tomber » dans la grille. Mais elles restent ensuite entières, elles ne disparaissent pas.

À chaque tour, une personne va lancer les cinq dés : un pour la forme et quatre pour les chiffres (de 1 à 7) qui vont la composer. Chaque personne va alors placer la forme sur sa grille, en mettant les chiffres dans l’ordre souhaité.

Une fois la forme placée, on peut valider une et une seule combinaison par tour. Les combinaisons sont formées de cases adjacentes qui sont soit égales, soit forment une suite. La première personne qui a validé deux combinaisons de même valeur à son tour, si les dés lui sont propices, peut envoyer une forme à tous les autres à la table qui n’ont pas validé leurs 2 combinaisons. De quoi mettre des bâtons formes dans le jeu et augmenter ainsi l’interaction.

Le jeu s’arrête quand une a dépassé la 11e ligne de la grille. On compte alors les points, avec des bonus par ligne complète, des malus pour les blocs au-dessus de la ligne indiquant Game Over, et des points pour les combinaisons validées.

Number Drop, verdict

Comme dit précédemment, Number drop joue sur la nostalgie de nos années Tetris. Et ça marche. Un mélange de Tetris et de Yahtzee, qui aura aussi occupé un certain nombre de nos soirées, le tout dans des couleurs pastel.

Un petit bémol toutefois dans les règles. Et en particulier dans la présentation du décompte. L’explication n’est pas très claire en français. En anglais, elle l’est toutefois plus limpide. Un comble pour un jeu créé par un éditeur et deux auteurs francophones ! Idem pour le mécanisme de « slide », caché tout au fond de la dernière page. Parce que oui, on peut slider, en fait.

Number Drop est un roll and write efficace, qui titille la fibre nostalgique. Quelques petits défauts qui font à peine baisser la note, mais n’enlèvent pas le plaisir de jouer.

Note : 4 sur 5.

  • Auteurs : Florian Siriex et Benoit Turpin
  • Illustratrice : Lucie Hourdequin
  • Éditeur : Débacle jeux
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 6 (tourne bien à toutes les configurations)
  • Âge conseillé : Dès 10 ans (bonne estimation)
  • Durée : 20′
  • Thème : Tetris
  • Mécaniques principales : Roll and write

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Article écrit par Clément de la Team Gus&Co. Adepte des jeux rapides, son pire ennemi est le paralyseur. Spécialiste des jeux de plis, des casse-têtes et des ours. Il a deux chats, trop de plantes et une mémoire défaillante. Devise : « Faut que ça poppe ! »

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