
Dossier Spécial Emotions. 😱 La peur et les jeux
Voici le deuxième volet de nos « lundis des émotions ». Après l’émerveillement lundi passé, intéressons-nous aujourd’hui à une vive et négative émotion, la peur.
Qui n’a jamais redouté tomber sur un Profond dans les égouts d’une ville portuaire? Ou se retrouver pourchassé par un tueur en série dans un manoir abandonné? N’ayez pas peur (c’est le cas de le dire), le but de cet article ne sera pas de dresser une liste des jeux qui proposent de ressentir de la peur. Mais plutôt de nous intéresser au rapport que nous entretenons avec le jeu et cette émotion aussi vive qu’universelle.
La peur, une émotion très présente dans nos vies. Il en existe plusieurs: la peur de l’inconnu, la peur de l’autre, la peur des araignées, la peur de la foule. Mais au fond, d’où vient la peur? Et est-ce que la peur est notre ennemie ou… notre amie? Discutons de tout ceci aujourd’hui, et intéressons-nous au rapport que la peur entretient avec les jeux.
Peur?
Tous les animaux, comme les êtres humains, ressentent la peur. Une émotion extrêmement nécessaire puisqu’elle a une fonction de protection. Face à une menace soudaine et fulgurante, la peur entraîne une réaction de survie. Flight or fight. La fuite ou l’affrontement.
La peur se manifeste tout d’abord sur l’organisme de plusieurs manières autonomiques: augmentation du rythme cardiaque, pour préparer le corps à une action immédiate. Accroissement de la sudation, muscles des bras et des jambes suractivés, décharge d’adrénaline par les glandes surrénales. Le but étant de nous alerter, d’augmenter notre éveil, notre capacité attentionnelle pour traiter les informations de notre environnement et réagir de manière adéquate et pertinente. Flight or fight.
Différences?
Quand on parle de peur, on parle d’une situation, et d’une émotion, soudaine et immédiate. Courte dans le temps. L’anxiété, elle, ne correspond pas à l’émotion fulgurante qu’est la peur. L’anxiété, l’angoisse, sont plutôt des humeurs. On n’est moins dans des manifestations physiques immédiates, mais plus dans des états d’esprit. Ces humeurs peuvent également générer des impacts néfastes sur l’organisme, comme l’augmentation du cortisol, l’hormone du stress, qui peut alors provoquer un effet d’usure sur l’organisme.
Les phobies, elles, sont également des peurs, mais liées à un objet, à un événement très spécifique. Les phobies sont un lien entre un objet, une situation contextuelle, et un état émotionnel. Peur des araignées, des serpents, des morsures de chien… Générées par des expériences traumatiques ou ataviques (pour les araignées par exemple). Les expériences traumatiques seront cristallisées par le complexe amygdalien du cerveau, cette zone qui est le centre émotionnel de la peur. Et qui ressemble à une amande, d’où le terme « amygdale ». Amande, en grec. Cette cristallisation va provoquer un « flashbulb memory », un repère temporel dans la mémoire autobiographique. C’est l’exemple des attentats, du 11 septembre 2001 ou du 13 novembre 2015, on se rappelle tous avec grande précision ce qu’on faisait à ce moment-là. Ces événements sont tellement incroyables, et tellement dangereux, qu’ils ont été marqués dans notre système neural.
Habituation?
A force d’être exposé à des situations qui engendrent ou qui devraient engendrer de la peur, notre système va peu à peu s’habituer. Surtout si l’on n’est pas directement concerné. S’engage alors une certaine forme d’accoutumance. Un phénomène psychologique qu’on nomme l’habituation. C’est « l’effet zombie » dans les films d’horreur et dans The Walking Dead. Le premier effraie. Au bout du vingtième, c’est bon, on les a tous vus.
Plaisir?
Déjà vendu à plusieurs millions d’exemplaires, l’épisode 7, le tout nouveau chapitre de la saga du jeu vidéo Resident Evil, vient à peine de sortir jeudi passé. En VR ou pas, une expérience intense et éprouvante. Hier soir, le 24e festival festival du film fantastique et d’horreur de Gérardmer (précédemment à Avoriaz, de 1973 à 1993), lui, vient tout juste de fermer ses portes. Qu’est-ce qui nous pousse à voir des films d’horreur? A aller dans des parcs d’attraction? A jouer à des jeux qui risquent de provoquer de la peur?
On aime avoir peur. On aime se faire peur. C’est une émotion qu’on recherche. On prend même du plaisir à avoir peur.
Mais a-t-on véritablement peur? Ou est-ce qu’exposés à un jeu, à un film, nous sentons que cette pseudo-peur n’est que pseudo, justement? Le plaisir de ne pas avoir une peur réelle. Et peut-être que cette recherche de la peur est également liée à un besoin de confrontation à cette émotion pour en faire l’apprentissage. Pour ensuite mieux gérer la peur, la vraie.
Jeux?
Prenez l’incroyable saga des Resident Evil, vieille de plus de vingt ans et toujours active, du succès indéniable du jeu de rôle Cthulhu qui va bientôt souffler ses quarante bougies, ou de la sortie fin-décembre 2017 de la seconde version des Demeures de l’Épouvante (tout est dans le titre). Les jeux qui font peur continuent à « hanter » le marché du loisir ludique.
Jeux vidéo, jeux de plateau, jeux de rôle, jeux de rôle grandeur nature. La peur fait vendre. Comme la peur est une puissante émotion, elle provoque chez le joueur une expérience intense et profonde. Certains jeux, quel que soit leur format, plongent le joueur dans une réalité alternée, effrayante et émotionnellement exigeante. Et c’est justement ce qui est recherché. C’est d’ailleurs ce qui manque aujourd’hui aux jeux de plateau, des émotions. Quand des jeux placent le joueur devant la peur, ils remportent un certain succès. Parce qu’ils proposent de vivre une expérience forte, immersive.
Comme vu plus haut, on aime à se faire peur, on en tire un certain plaisir. Depuis tout petit déjà, avec le fameux cache-cache. Partir se cacher et attendre, fébrile et effrayé, que l’autre vous découvre. Le plaisir du cache-cache réside dans cette attente, cet inconnu. Quand va-t-on être trouvé? Une forme d’apprentissage, comme un entraînement ludique, contrôlé et sans danger. C’est d’ailleurs la grande différence entre épouvante et horreur, deux états émotionnels qui vont tous deux provoquer la peur. L’épouvante, c’est l’attente. Générée par le mystère, instiguée par l’imagination. L’horreur, c’est la confrontation à l’indicible, le repoussant, l’effrayant, le fatal.
Peur et jeux peuvent aller de pair. Le jeu permet la pratique factice d’une activité, l’incursion dans une autre réalité: on s’essaie à l’élevage bovin (Great Western Trail), aux conquêtes antiques (Mare Nostrum) ou aux manipulations et mensonges mafieux (Mafia de cuba). Les jeunes enfants, sans autre occupation que celle de jouer, ne le font pas pour s’amuser, c’est clairement faux. Ils jouent pour s’entraîner, pour apprendre. « Les enfants n’ont point d’affaires plus sérieuses que leurs jeux », Michel de Montaigne. Ou aussi « jeu après jeu, l’enfant devient « je » », Arnaud Gazagnes. Le jeu est simulation. Et rien de tel que le jeu pour apprendre à avoir peur. A ressentir cette vive émotion. Ne dit-on justement pas « jouer à se faire peur »?
Moyens?
Au contraire des jeux vidéo ou des jeux de rôle grandeur nature, immersifs, ou des jeux de rôle sur table, imaginatifs, les jeux de plateau, eux, doivent surpasser de nombreux défis pour parvenir à effrayer le joueur. Pas facile pour un jeu de plateau d’instiguer la peur. Comment y parvenir, avec quelques bouts de carton, des cartes et des figurines en plastique? Le matériel est souvent là comme béquille, comme vecteur. Les règles de jeux y contribuent à moindre mesure. Ou en exploitant la mécanique de surprise. C’est le thème, servi par l’esthétique du jeu, qui immerge le joueur dans un univers. Univers qui pourrait alors susciter cette émotion.
Laissez-nous un commentaire en bas et racontez-nous quels jeux vous font / ont fait peur. Et si vous aimez ça, avoir peur.
Rendez-vous lundi prochain pour le troisième Dossier Spécial Jeux & Émotions. Avec une nouvelle émotion débattue.
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Si cette thématique de la peur vous intéresse, sachez que l’excellent Musée de la Main à Lausanne en Suisse présente une exposition sur la peur jusqu’au 23 avril.
Et pour vous, quels sont les jeux qui vous ont fait peur? Êtes-vous friands de films d’horreur? Des maisons hantées dans les parcs d’attraction? Est-ce une émotion que vous recherchez?


6 Comments
vbourdeix
Pour ma part, aucun jeu de société ne me fait vraiment peur à proprement parler, mais beaucoup d’entre eux me mettent en situation de stress, de « peur » que quelqu’un me pique une tuile importante pour ma stratégie avant mon prochain tour par exemple, de peur que ma stratégie mise en place depuis plusieurs tours ne soit ruinée si quelqu’un découvre mon dessein…
thegoodthebadandthemeeple
pour son stress incroyable, il y a le tres curieux Escape from the aliens in outer space. Un jeu de traque, qui vous prend aux tripes.
Sinon se faire piquer une tuile c est pas de la peur mais de l’excitation ^^
vbourdeix
Oui tu as raison, la peur n’est peut être pas le bon terme, mais peur ou excitation le résultat final, c’est du (bon) stress !
pako loko
Salut, qui est l’auteur de la superbe illustration du début de l’article? merci
Gus
Wootha, sur Deviantart
pako loko
merci!