Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Les Tours Ambulantes. Bonneteau à tours

Les Tours Ambulantes est un jeu de mémoire et de déplacement dynamique où vous devrez déplacer des tours. Fun !


Les Tours Ambulantes

Les Tours Ambulantes a été créé par un duo d’auteurs allemands reconnus. Leur collaboration dure depuis… 25 ans exactement.

Quels sont les duos les plus célèbres de la culture pop ? On pourrait citer des duos célèbres du cinéma ou de la fiction, les duos inséparables de la chanson comme Alain Souchon et Laurent Voulzy,  Bruce Willis et Samuel L. Jackson, Starsky et Hutch, Batman et Robin, Mario et Luigi, Astérix et Obélix, Harry Potter et Hermione ou Mickey et Minnie.

Et, dans le jeu de société, il y a… K&K, Wolfgang Kramer et Michael Kiesling. Depuis leur toute première collaboration il y a 25 ans en 1997, les deux auteurs allemands ont sorti plus de 30 jeux ensemble !

  • Haste Worte, 1997
  • Der Dreizehnte Holz Wurm, 1998
  • Jump!, 1998
  • Pepper, 1998
  • Evergreen, 1999
  • Torres, 1999
  • Tikal, 1999
  • Java, 2000
  • Mexica, 2002
  • Pueblo, 2002
  • Maharaja, 2004
  • Versunkene Stadt (Sunken City), 2004
  • That’s Life! (Verflixxt!), 2005
  • Australia, 2005
  • Celtica, 2006
  • Tikal II, 2010
  • Asara, 2010
  • Artus et la Table Ronde, 2011
  • Les Palais de Carrara, 2012
  • Gueules noires, 2013
  • Nauticus, 2013
  • 40!, 2014
  • Linko !, 2014
  • DOG Cards, 2014
  • Porta Nigra, 2015
  • Odyssée-Land, 2015
  • Nautico, 2016
  • Reworld, 2017
  • Okavango, 2018
  • Ghosts of the Moor », 2018
  • Cuzco, 2018
  • Paris, 2020
  • Maharaja, 2020
  • Renature, 2021
  • Savannah Park, 2022

Après avoir sorti Savannah Park, chroniqué ici chez l’éditeur français Super Meeple il y a quelques mois, le duo K&K sort également cette année Les Tours Ambulantes, la VF chez Oya de Die Wandelnden Türme.

Les Tours Ambulantes, petit traité d’archi

Le jeu Les Tours Ambulantes parle de magiciens. Qui tentent de rejoindre une tour, magique, sombre. La Tour Corbeau.

Le « plateau » est concentrique, constitué de cases qui forment un cercle. Lors de la mise en place, on commence par placer la Tour Corbeau, l’objectif final dans lequel on tente de placer tous ses magiciens avant les autres. Puis, à la suite, on place 9 autres tours sur lesquelles on égrène ses meeples magiciens. On reçoit enfin trois cartes de déplacement, et puis c’est tout.

À son tour, on joue deux de ses cartes. On peut soit déplacer l’un de ses meeple visible, soit l’une des 9 tours, le tout du nombre affiché sur la carte. Et voilà. Le but étant de s’approcher le plus possible de la Tour Corbeau, l’objectif final.

Tout est donc dans le titre. Les Tours Ambulantes. Car les tours sur le plateau passent leur temps à se déplacer sur le plateau en respectant le sens horaire. Comme dans la vraie vie ??? Ne cherchez pas.

Et comme ces tours peuvent « atterrir » sur d’autres tours, pour les agrandir, on finit par « écraser », couvrir, cacher les meeples magiciens. Vous voyez le problème. On va pouvoir bloquer les autres magiciens, freiner leur progression en direction de la Tour obscure et sombre (Isabelle s’est cognée…). Car à son tour, comme expliqué plus haut, on ne peut déplacer que ses magiciens visibles. Et tant pis pour les autres.

Et comment on gagne ?

La partie s’arrête dès qu’une personne a réussi à rentrer tous ses pions, tout simplement. Les Tours Ambulantes est donc un pur jeu de course autour de ce plateau, de cette arène concentrique. Avec la mémoire en plus. Mais où sont passés mes foutus magiciens ? C’est la phrase qu’on ne cesse de se répéter toute la partie.

Mais pas seulement.

On commence la partie avec un certain nombre de fioles de potion, vides. Dès qu’on écrase, cache un ou plusieurs magiciens adverses au moyen d’un tour, on retourne l’une de ses fioles pour la remplir. La partie s’arrête non seulement quand on a rentré tous ses pions, mais également quand toutes ses fioles ont été remplies. De quoi augmenter l’interaction. Pour gagner, il faut courir et enfouir.

Et c’est tout ?

Non. C’était sans compter sans le brio de K&K. Les Tours Ambulantes introduit une mécanique subtile, savoureuse et… bordélique. Dès que quelqu’un atteint la tour pour y jeter l’un de ses pions, la Tour Corbeau se déplace à son tour (c’est le cas de le dire) sur la piste concentrique.

Elle peut sauter, littéralement, par-dessus d’autres tours. Elle change donc d’emplacement. De quoi devoir revoir toute sa stratégie. On l’espérait à 1-2 cases de son prochain magicien, quand paf ! Quelqu’un y rentre avant et la fait se déplacer parfois (très) (beaucoup) plus loin. Et là, c’est le drame. Sortez la coquille d’œuf, parce que ça va chouiner à table.

Rajoutez encore à cela quelques pouvoirs, actions spécifiques que l’on peut activer à son tour grâce à ses fioles remplies, comme avancer plus ou coller un autre pion.

À relever que Les Tours Ambulantes propose deux modes de jeu. Un mode simple, pour jeunes publics, avec des pouvoirs et des règles de base, et un mode avancé, avec de nouveaux pouvoirs plus élaborés et quelques variantes de règles supplémentaires.

On peut même y jouer par équipe, voire en… solo. Ce qui n’a, à mon sens, aucun intérêt. Voire plus bas.

Les Tours Ambulantes, à combien y jouer ?

C’est toute la question. On peut y jouer de 1 à 6. Une sacrée amplitude ! En solo, on perd tout l’intérêt du jeu, tout son piment, toute son interaction. À deux, on gagne en contrôle puisqu’on suit plus le jeu et le jeu des tours. On se rappelle où on a « rangé » ses foutus magiciens. À 3-4, on est dans un format hybride. Ni trop, ni trop peu.

À 5-6, le jeu devient vraiment, vraiment chaotique. On a toutes les peines du monde à suivre le déplacement des tours et les emplacements exacts de ses magiciens. Où sont-ils, mais surtout, à quel étage sont-ils. Mais surtout, le Tour Corbeau ne cesse de gambader, de sautiller. Les Tours Ambulantes en deviendrait presque un jeu d’ambiance, loufoque.

C’est dans cette configuration, cocasse, chaotique, que je préfère le jeu. Dans les autres, on essaie toujours de garder un certain contrôle sur ses déplacements, sur ses emplacements, sur celles des 10 tours, 9+1. Mais finalement, Les Tours Ambulantes reste un jeu tactique, opportuniste et fluide, foutraque. Tout bouge, tout virevolte. Autant y aller à fond et s’amuser, en mode bonneteau. Il est où, mon magicien. Sous cette tour ou sous celle-ci ?

Enfin, si la version par équipe est alléchante, détrompez-vous. Le jeu ralentit puis s’enlise. Chaque décision devra être soupesée, calculée, pour en faire bénéficier sa ou son coéquipier. De quoi plomber la partie. On a peu apprécié.

Le bonneteau à travers l’Histoire

Puisque Les Tours Ambulantes place un semblant de bonneteau, intéressons-nous à retracer ici l’histoire de ce jeu, souvent employé comme arnaque de rue. Par ailleurs interdit dans plusieurs villes, dont chez nous à Genève.

Le jeu du bonneteau remonte au Moyen-Age. À cette époque, le bonneteur jouait avec une noix, une boule le liège, appelée « escamot », ou encore une fève dissimulés sous des gobelets ou coquilles. La représentation la plus ancienne de cette arnaque est une huile sur bois réalisée entre 1475 et 1505 par Jérôme Bosch, un peintre néerlandais, et intitulé « L’escamoteur ».

Les escamoteurs ou bateleurs étaient des illusionnistes de rue qui pratiquaient l’équivalent du “jeu de bonnette”. Il existe 5 versions de ce tableau et des scènes d’escamoteurs ont été plusieurs fois reprises au cours de l’Histoire.

Le bonneteau

Les bonneteurs s’installent souvent, l’été, dans les rues des villes très fréquentées par les touristes. Neuf fois sur dix, c’est un touriste étranger qui se fait arnaquer par le bonneteau.

Principe de l’arnaque au bonneteau

Autour du bonneteur, le manipulateur de cartes, il y a 4 ou 5 « barons » qui sont ses complices. Pour faire en sorte que les badauds misent, deux à trois de ces « barons » parient et gagnent à tour de rôle. Au même moment, les autres complices rabattent les potentiels parieurs, surveillent l’arrivée éventuelle de la Police ou repoussent les perdants énervés. Quand ce sont les complices qui misent, le bonneteur manipule les cartes pour que la reine rouge soit facilement identifiable.

En même temps, ils ne cessent de répéter assez fort « Où est la reine, vite, vite ? » pour éveiller la curiosité des passants dans la rue ou sur la place souvent bruyante. Comme ils sont en confiance par le jeu de dupes du bonneteur et des complices, les passants n’hésitent pas à miser un billet. Souvent 20, 50 voire 100 euros pour les plus confiants ! À ce moment, le bonneteur ne jette plus la carte de la dame rouge (qui est en dessous) en premier sur la table, mais celle du dessus. La victime peut difficilement percevoir cette… manipulation astucieuse.

Si par hasard, le joueur gagne alors les complices lui demandent expressément de rejouer ou le bonneteur veille éventuellement à lui donner un faux billet. L’escroquerie est donc bien orchestrée : complices du bonneteur dans la foule, mises en confiance au début par une manipulation lente des cartes et enfin, tour de passe-passe des cartes.

Dans Les Tours Ambulantes, on est loin de cette arnaque de rue. Mais on passera tout de même sa partie à répéter, hilare : « il est où le magicien ? Sous quelle tour, à quel étage ? Ici ou là ? »

Les Tours Ambulantes, verdict

Avec ses tours à monter (littéralement) en 3D, Les Tours Ambulantes détone et captive.

Comme dit plus haut, Les Tours Ambulantes lorgne du côté du jeu d’ambiance. Et c’est vraiment ainsi qu’il devrait être joué. Si on le prend pour ce qu’il n’est pas, à savoir un jeu stratégique dans lequel on peut compter et anticiper ses prochains déplacements, ses prochains tours, on finit désappointés.

Alors oui, le jeu fait du kingmaker (= on peut offrir la victoire à quelqu’un, par inadvertance). Alors oui, le jeu est chaotique, on ne peut se préparer à rien, tout bouge, tout change, tout le temps. Alors oui, il y a beaucoup de hasard dans la pioche de ses trois maigres cartes. Mais finalement, il faut plutôt considérer le jeu comme un formidable tremplin pour déclencher surprenants rebondissements et hilarité générale.

On y passe et partage alors un moment intense, chaleureux, bouillant, brouillon et bruyant. Tout ce qu’on aime ! On y joue plus pour jouer que pour gagner. Comme dans la vraie vie, somme toute. Un excellent jeu à sortir en ludo, en bar à jeux et à grands groupes.

Grandiose à 5-6. Chaotique et creux à moins.

Note : 4 sur 5.

  • Création : Wolfgang Kramer, Michael Kiesling
  • Illustrations : Michael Menzel
  • Édition : Oya
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 6 (tourne mieux à 5-6)
  • Âge conseillé : Dès 8 ans (bonne estimation)
  • Durée : 20-30 minutes
  • Thème : Magie
  • Mécaniques principales : Course, mémoire. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.

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Article écrit par Gus. Rédacteur-en-chef de Gus&Co. Travaille dans le monde du jeu depuis 1989 comme auteur et journaliste.

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