Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Vous aimez les jeux de bluff ? La technique infaillible pour repérer quand on vous ment

Plus ils en disent, moins ils en cachent. Comment repérer un mensonge dans un jeu de bluff (et dans la vie, aussi).


La plupart des gens mentent, plus ou moins souvent. Selon une étude de l’université d’Amherst au Massachusetts parue en 2002, 60% d’entre nous, adultes, mentons en tout cas une fois toutes les dix minutes de conversation. Ces mensonges sont souvent triviaux et sans conséquence. Comme, et c’est de saison, dire merci pour un cadeau tout… pourri à mamie, par exemple. Mais dans d’autres contextes, le mensonge peut être plus grave et néfaste. Et comment les repérer dans les jeux de société ? Nombreux sont les jeux de société, d’enfoirés, de bluff. Ces jeux nous demandent de dissimuler ou de transformer une information pour arriver à ses fins. Le cas notamment des Loups-Garous-like, par exemple.

Malheureusement, il est difficile de détecter les mensonges avec précision. Il existe évidemment les détecteurs de mensonges, tels que les polygraphes, qui mesurent le niveau d’anxiété d’un sujet pendant qu’il répond à plusieurs questions. Selon des études, la fiabilité de ces « détecteurs de mensonges » est douteuse et remise en question. On peut se trouver dans un état d’anxiété, et pourtant sans mentir. Si vous avez traversé une douane il n’y a pas longtemps, vous savez de quoi je parle… Et de toute façon, sortir un polygraphe en pleine partie de jeu de société rien que pour tester la véracité des aveux d’une personne à la table, est, comment dire, quelque peu… exagéré.

Mensonge et AIM

Une toute nouvelle approche vient d’être développée en juin de cette année. Cette technique rejoint une nouvelle génération de méthodes cognitives de détection des mensonges. Ces approches postulent que les processus mentaux et stratégiques adoptés par les personnes qui disent la vérité diffèrent de manière considérable de celles qui profèrent un mensonge. En utilisant des techniques spécifiques, ces différences peuvent être aujourd’hui amplifiées et détectées.

L’une de ces approches est la technique de gestion asymétrique de l’information, ou AIM en anglais, pour Asymmetric Information Management. L’AIM est conçu pour fournir aux suspects un moyen clair de démontrer leur innocence, ou leur culpabilité, en fournissant des informations plus ou moins détaillées. Dans les enquêtes policières et médico-légales, les petits détails représentent l’élément-clé.

L’AIM, cette technique pour repérer un mensonge, repose sur le postulat suivant : les énoncés plus longs et plus détaillés contiennent généralement plus d’indices sur un mensonge que de brefs énoncés. À lire à ce sujet une étude approfondie de 2007. Autrement dit, plus une personne parle, et plus elle se livre.

La recherche de juin 2020 démontre que lorsque les suspects sont informés de la technique AIM, ils se comportent de manière différente selon qu’ils disent la vérité ou non. De manière générale, les personnes qui disent la vérité cherchent à démontrer leur innocence et fournissent des informations plus détaillées.

En revanche, les personnes qui mentent préfèrent dissimuler leur culpabilité. Cela signifie qu’elles sont plus susceptibles de retenir des informations stratégiques en réponse aux instructions de l’AIM. Leur hypothèse, correcte, insiste sur le fait que fournir plus d’informations permettra de détecter plus facilement leur mensonge. La quantité d’informations révélées peut s’avérer périlleuse.

Cette asymétrie dans les réponses suggère la conclusion suivante : plus une personne parle longtemps et fournit des informations détaillées, et moins il y a de risques qu’elle mente. Et vice versa.

La recherche

Dans la recherche de juin 2020, 104 personnes ont été recrutées pour participer à la recherche. On a demandé à la moitié d’entre elles de proférer un mensonge, et à l’autre de prouver son innocence. Ces personnes ont été ensuite interrogées. On a alors employé la technique AIM pour tenter de repérer les mensonges. Les conclusions ont été nettes.

Les taux de précision de détection des mensonges sont passés de 48 %, sans la technique AIM, à 81 % avec. Grâce à cette technique, les chercheurs ont pu déterminer que les personnes qui disaient la vérité, qui tentaient de prouver leur innocence et véracité, fournissaient beaucoup plus d’informations. Les personnes qui mentaient en révélaient moins, pour mieux se cacher et mentir. En d’autres termes, la technique AIM s’est avérée efficace et pertinente.

AIM et jeux de société

De nombreux jeux de société sur le marché mettent plus ou moins le mensonge en avant. Il peut même alors constituer l’une des pierres d’achoppement de la carcasse du jeu. C’est le cas notamment des jeux de bluff.

Dans ces jeux, il va falloir alors dissimuler, modifier et arranger la vérité, ses propres objectifs et ses stratégies pour arriver à ses fins.

Comment alors exploiter cette toute nouvelle technique AIM pour repérer une personne qui vous ment ? La prochaine fois que vous jouez aux Loups-Garous, à Resistance (bien mieux), à Secret Hitler ou à Among Us en ligne, et que vous devez tirer les vers du nez à votre adversaire pour déjouer son mensonge et en savoir plus sur son identité et sur ses objectifs, procédez de la sorte :

  1. Commencez par lui poser une question, innocente, ouverte. Laissez la personne parler.
  2. Écoutez avec attention ce qu’elle vous dit. Est-ce que son explication était longue et détaillée, ou plutôt courte et évasive ?
  3. Patientez avant de tirer une conclusion trop rapide.
  4. Rebondissez sur ce qu’elle vous dit. Posez une autre question sur l’un des éléments énoncés.
  5. Répétez 2 à 4.
  6. Quand les explications de la personne vous semblent détaillées et cohérentes, ou pas, vous pourriez arriver à une conclusion. On vous ment, ou on vous dit la vérité.

Essayez d’appliquer cette technique AIM lors de votre prochaine partie, et lâchez-nous un petit commentaire pour nous dire si elle vous a aidé à dévoiler un mensonge.

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6 Comments

  • Laidzep

    Une étude ne suffit pas à démontrer la robustesse de l’expérience, loin de là, d’autant que le postulat de départ s’appuie sur une notion de sens commun (double biais possible, la double négation s’interpretant comme une expérience appuyant le postulat plutôt qu’en le réfutant doublement). Bref, attention, avec ce genre d’étude, à la fois isolée, et auto-référente. Identifier le mensonge est un fantasme vieux comme le monde… Il n’existe pas un mensonge, mais de multiples façons de mentir, et encore davantage de raisons de pratiquer le mensonge, le panel des enjeux modifiant à loisir les modalités et les formes du mensonge. La connaissance de vos partenaires vous aidera bien plus que n’importe quelle étude orientée ici, comme plus sérieuse ailleurs.
    On notera qu’en considérant naïvement valide la méthode AIM, il reste le biais du contexte, le jeu et ses règles qui induisent des comportements déviants quant à la notion de mensonge, utilisée ici comme moteur ludique, comme une fin en soi, et qui de fait change le paradigme et l’enjeu d’un mensonge (tout comme dans l’étude menée d’ailleurs). Comprendre qu’on ne ment d’une unique façon selon le contexte.

    • Gus

      Très juste, merci pour votre réaction.

      Je vous renvoie à l’étude de juin 2020 citée dans l’article qui expose tout le dispositif et indique le pourtour des biais que vous évoquez.

  • seta

    mmm pas certain que cela fonctionne toujours. Personnellement quand je joue à un jeu de bluff, même si je dit la vérité, sous la pression de l’interrogatoire, mes explications peuvent devenir incohérente et pas claires…alors que je ne mens absolument pas…

    • Adrian

      Merci pour l article 🙂 je comprends mieux pourquoi je m en sors plutôt bien quand je bluffe : je fournis toujours plein de détails pour prouver « mon innocence ».

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