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Abomination: The Heir of Frankenstein. Le recyclage (de bouts de cadavres) est bon pour la planète

Abomination: The Heir of Frankenstein, de quoi ça parle ?

De Frankenstein. Du roman de Mary Shelly (commencé à… Genève). Enfin, pas vraiment non plus, puisqu’il s’agit de la suite du roman, vingt ans après à Paris. Comme si la créature avait survécu au roman et revient pour demander / obliger des scientifiques (nous !) à lui créer une compagne, comme elle l’avait déjà alors fait avec feu-Victor « à l’époque » dans le roman

Si le jeu propose un réel univers, sombre, fantastique, scientifique, anatomique et littéraire, les mécaniques, très prégnantes dans le jeu, réduisent quelque peu sa part narrative. Dans Abomination: The Heir of Frankenstein il y a beaucoup de trucs, de machins à gérer pendant la partie, ce qui lui confère un ITHEM à 4 sur 5

Et comment on joue?

Abomination: The Heir of Frankenstein est un pur jeu de placement d’ouvriers d’assistants et de scientifiques. À son tour, on place un meeple dans un lieu dispo sur la carte de Paris au 19e siècle, sachant qu’il existe deux types de meeples, assistant et scientifique, et selon le lieu, on pourra envoyer l’un, l’autre ou les deux. Sachant également que certains lieux pourront accueillir plusieurs meeples en même temps, d’autres pas, il faudra d’abord le ou la propriétaire payer pour « bumper », i.e. dégager. Et qu’une fois un certain nombre de meeples bumpés, on ne pourra plus en bouger aucun sur le plateau

L’enjeu du… jeu ? Réussir à assembler un compagnon pour le monstre, en allant récupérer des bouts à travers la ville. Ces bouts de cadavres sont représentés par de simples cubes de couleur, censés représentés les os, la chair ou le sang. Ou au pire, on peut également utiliser des bouts d’animaux, une couleur joker qui fera quand même perdre des points de victoire, parce que faut pas pousser la créature de Frankenstein dans le mixer non plus. Un groin de cochon au milieu de la face, ça le fait moyen-moyen

La mécanique principale est donc : placement d’ouvriers pour récupérer des ressources pour constituer la créature. Voilà, c’est tout

C’est tout, vraiment ?

Oh non !

Le jeu propose encore une foultitude de règles : les ressources récupérées vont peu à peu se dégrader, comprenez par-là pourrir, la réfrigération n’était pas encore au top au début du 19e siècle, même si on peut la ralentir grâce à des cubes de glace, et il faut encore gérer son niveau d’expertise pour réussir à activer certains lieux, obtenir certains éléments dans le jeu. Et rajoutez encore des événements narratifs qui s’enclenchent au tout début de la manche, et des objectifs majeurs que l’on peut poursuivre pendant la partie

Bref

Abomination: The Heir of Frankenstein est un gros jeu, avec beaucoup d’éléments à gérer. Si le concept de base est plutôt évident : placement, ressources, il y a plusieurs facteurs et mécaniques à maîtriser

Et comment on gagne ?

Abomination: The Heir of Frankenstein propose deux fins de partie possibles. Dès qu’un ou une joueuse à réussit à « construire », assembler une créature, la partie finit et on compte les PV : objectifs, parties de créatures assemblées et validées

Ou sinon, quand Robert Walton, également présent dans le roman de Mary Shelley, débarque à Paris pour pécho la créature et empêcher son plan machiavélique. Ce qui intervient après 12 tours de toute façon, et qui fait alors gagner / perdre des points de victoire, selon son avancement, ou pas, sur l’échelle d’humanité. Parce que oui, bon, courir pour obtenir des bouts de cadavres n’est pas super éthique, et que plus on en assemble et plus on perd de son humanité

Pas vraiment de salade de points de victoire. On gagne des points tout au long de la partie sur une piste des scores visible, mais en toute fin de partie, on rajoute plusieurs critères qui empêchent de suivre ce que les autres font et ont comme points. Ni soi-même, d’ailleurs. On fait au mieux, en croisant les doigts (ceux récupérés au cimetière en exhumant une tombe)

Interaction ?

Sur l’IGUS, l’échelle de mesure de l’interaction dans les jeux, Abomination: The Heir of Frankenstein atteint un 4/5

Pourquoi ?

Parce que dans Abomination: The Heir of Frankenstein, vous ne pouvez pas vous en prendre directement aux expérimentations des autres, mais vous pouvez les « bumper » du plateau. Et la course représente également un aspect important du jeu

À combien y jouer ?

Abomination: The Heir of Frankenstein peut se jouer de 2 à 4

À 2, c’est peut-être un peu plat, l’interaction est moins présente, on a les coudées franches sur le plateau, les lieux sont moins saturés. À 4, la tension, la course, les interactions deviennent plus sérieuses et intenses

À partir de quel âge y jouer ?

Le jeu indique 14 ans

Et il est vraiment, vraiment conseillé d’y jouer dès 14, voire même 16, voire même 18 ans. Car dans Abomination: The Heir of Frankenstein, il s’agit d’aller récolter des bouts de cadavre dans le Paris du 19e siècle. Et autant le thème que les illustrations sont bien gores. À ne pas mettre entre toutes les mains (fraîchement rapiécées), donc

Alors, Abomination: The Heir of Frankenstein, c’est bien ?

Oui, le jeu est vraiment bon, car il propose une véritable intégration du thème : niveau d’expertise scientifique nécessaire, différents types de meeples, événements qui proposent une portion narrative incrustée dans le livret de règle, et des ressources qui se dégradent avec le temps

Mais

Le jeu essaie de faire le grand écart entre narration et mécaniques de jeu, et y arrive à peine. Avec tant d’éléments mécaniques, la part narrative et immersive finit par céder sa place à l’aspect ludique plus froid

Et les quelques éléments hasardeux, les lancers de dés pour déterminer l’énergie, l’électricité pour raviver les corps, la pioche d’événements en début de manche et celle des personnages dispo rendent le tout… confus. Comme si l’auteurs, l’éditeur avaient voulu réussir à tout mettre dans le jeu, peut-être un peu trop, ce qui charge la barque, au risque de la couler

Abomination: The Heir of Frankenstein est un bon jeu, un très bon jeu, mais qui parvient à peine à contenter tous ses publics : trop narratif et pas assez stratégique pour certains, pas assez immersif pour d’autres. Faut-il l’appréhender comme une expérience fictionnelle, ou comme gros jeu de gestion ?

🔴 score final : 4/5

Ce qui nous a plu ❤️️

✅ Un thème littéraire original. Prolonger la « vie » de Frankenstein, sa vie, son oeuvre, celle de Mary Shelley

✅ Un matériel, des illustrations très dark-punk, gores

✅ Un jeu à la limite du narratif (mais c’est également ce qui le dessert)

✅ La mécanique des ressources / bouts de cadavres qui pourrissent

✅ Les deux fins possibles, avec des points qui changent en fonction

✅ Un jeu qui essaie de proposer des mécaniques cohérentes

Ce qui nous a moins plu ⛔️

❌ Un jeu qui essaie d’être à la fois narratif (l’univers, les événements), à la fois mécanique, mais qui n’arrive au final pas à convaincre, ni dans l’un, ni dans l’autre

❌ Le hasard peut-être un peu trop présent pour un si gros jeu qui se veut stratégique : lancers de dé, pioche de personnages et événements

❌ Un décompte final difficile à suivre pendant la partie, et ceci malgré une piste des scores qui confère une certaine visibilité (trompeuse) au fil de la partie. Un peu à la Ticket to Ride. On pense avoir l’avantage est être devant, et pouf, on se fait rattraper juste avant l’arrivée

❌ Une mise en place touffue

❌ Beaucoup de règles, beaucoup de trucs, de machins à gérer, à manipuler en même temps. Less, is more. Ici c’est exactement le contraire, la barque est chargée / pleine !

Et encore une chose

En attendant la VF, qui ne devrait pas tarder, Q1 2020 certainement, vous pouvez déjà consulter les règles du jeu en anglais ici

Et attention, pour jouer à Abomination: The Heir of Frankenstein il faut vraiment maîtriser l’anglais. En effet il y a beaucoup de texte à lire, à comprendre : les événements, les cartes, et les règles, bien sûr, plutôt denses

Vous pouvez trouver Abomination: The Heir of Frankenstein chez Philibert en anglais ici

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  • Auteur : Dan Blanchett
  • Illustrateurs : Tony Sart, Mikhail Palamarchuk
  • Éditeur : Plaid Hat Games
  • Nombre de joueurs et joueuses : 2 à 4 (mais comptez plutôt 3 à 4)
  • Age conseillé : Dès 14 ans (jamais moins)
  • Durée : 90′
  • Thème : Frankenstein
  • Mécaniques principales : Placement d’ouvriers, ressources, objectifs, course
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One Comment

  • Lordsavoy

    Pas tout à fait d’accord sur les critiques :

    Lancer des dés lorsqu’on essaye de faire vivre un organe/membre d’un corps c’est thématique et il ya des cartes pour relancer des dés et jouer sur les résultats. Une fois que l’on a fait une partie, on sait a peu prêt ce qui se cache dans le cimetière, dans la morgue etc donc le hasard n’est pas si présent sachant que les cartes cadavres permettent de piocher des cubes de notre choix en +. Ayant testé pas mal de jeux de gestion, celui l’est très bien thématisé et le coté narratif présent dans les cartes évènements et rencontres (la encore le hasard n’est pas vraiment gênant) est bien intégré et fait tout son sens. Pour moi et mon épouse c’est tout à fait convaincant. Pour le suivi du score, pas de problème de notre coté non +. On voit les roues des autres (surtout à 2J) les bonus pris. Coté mise en place, si celle-ci est touffue, alors que dire d’un Anachrony, d’un Gallerist etc. Pas d’accord, y a 5/6 piles de carte a faire, régler ses 3 roues, prendre ses meeples en gros ca s’arrête la rien de bien long. Pour les règles, elles manquent de clarté sur certains points (comme souvent) mais je ne les trouve pas longues ou ave + de trucs qu’un autre jeu expert du même acabit.
    De notre coté, on a beaucoup appréciée notre 1ère partie. A voir sur la durée. Je sais que la team Geeklette est fan de son coté.

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