Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Le Tsundoku, une tendance qui guette aussi le jeu de société

Septembre n’est pas seulement la rentrée des classes et la rentrée littéraire, c’est également la rentrée des jeux de société. Avec la Gen Con dans quelques jours, suivie deux mois plus tard par Essen, comme chaque année, et de plus en plus, les prochains mois et jusqu’à Noël vont être de le folie. Avec le gros des sorties qui se concentre sur ces trois derniers mois de l’année

Et qui dit sorties, dit achats

Et qui dit achats, dit peut-être Tsundoku

Tsundoku?

Tsundoku est un mot japonais, un mélange entre « doku », le fait de lire, et « tsun », de « tsumu », qui signifie « empiler »

Autrement dit, Tsundoku, c’est le fait d’acheter des bouquins et de ne jamais les lire

On achète, on collectionne, on stocke, mais on n’en fait rien

Et pour les jeux de société, ça existe aussi?

Alors oui, pour être précis, vu la traduction, le terme de Tsundoku ne concerne que les livres. Pour parler des jeux de plateau, il faudrait utiliser le mot japonais « Asobimasu », jouer. Donc Tsunasobimasu

Ça le fait quand même beaucoup moins que Tsundoku

Ça vous rappelle quelque chose? Quelqu’un? Un·e ami·e? Vous-même?

Et pourquoi

Pourquoi « tsundoker »? Quel est l’intérêt d’acheter un jeu et de ne jamais y jouer?

Plusieurs raisons à cela:

La néophilie

La nouveauté passionne. Nous sommes toutes et tous néophiles. La nouveauté passionne, parce qu’elle nous permet de nous sortir de train-train quotidien. Un nouveau livre, un nouveau film, une nouvelle série, une nouvelle destination de vacances (c’est de saison), un nouveau jeu

Tout ce qui nous permet de nous sortir, de nous « échapper » de la routine

Est-ce de l’escapisme? Une fuite malsaine? Non. Un bol d’air nécessaire. Partir pour mieux revenir, pas pour fuir

Et la nouveauté est addictive, car elle créé un shot de dopamine. Monsieur Phal, mon dealer.

 

La rareté

Vous voulez acheter une nouvelle voiture. Vous entrez chez un concessionnaire. Il vous montre deux-trois modèles, deux-trois différentes

Et là, pouf, il vous annonce que: « dépêchez-vous, c’est la dernière qui me reste, et un autre client est aussi intéressé ». Mais quelle coïncidence, c’est dingue!

Du coup, vous craquez pour ce modèle et cette couleur-là. Même si elle est plus chère que votre budget. Même si la couleur n’est pas exactement celle que vous auriez voulue. Mais vous avez réalisé une super affaire, tout ça parce que ça serait vraiment trop bête de passer à côté

Vous les connaissez déjà toutes, ces techniques de vente. Qui peuvent aussi d’ailleurs s’appliquer au marché du jeu de société

C’est l’effet Booking.com

Je viens tout juste de lancer une recherche pour une chambre d’hôtel dans ma ville, Genève, pour ce weekend. Il m’est sorti ça comme offre:

Vite vite, une opportunité incroyable, plus que 2 disponibles, en plus avec un prix cassé de ouf moins cher que gratuit et des couleurs qui chatoient pour capturer le regarder

Résultat? On se rue sur l’offre

Les jeux de société, c’est pareil. Vite, vite, un nouveau jeu va/vient de sortir, en boutique ou sur KS. Il faut saisir l’opportunité, avec des SG de dingue, le jeu va peut-être être épuisé ensuite

C’était d’ailleurs tout le plan comm lancé par le 7e Continent. Un jeu qui ne sortira que sur KS et jamais, jamais ailleurs. Bien joué Serious Poulp. Du coup, les backeurs et backeuses se sont rués sur la seconde campagne (7 millions levés par 43’000 personnes. Joli)

Pareil avec les soldes, finalement. Qui fonctionnent de la même manière. Des prix de ouf, une opportunité incroyable. Faudrait vraiment être bête pour rater ça!

Tout ça pour finalement générer du Tsudoku. On achète vite, parce que c’est rare. Avec le risque d’acheter beaucoup (trop?) de jeux plus ou moins bons, et de n’avoir ensuite pas le temps d’y jouer. C’est tout l’intérêt du Slow-Gaming. Acheter peu, jouer plus

Tiens, un #gusgraf. Ça faisait longtemps:

La moitié

Faute avouée est à moitié pardonnée

Avec le Tsudoku, c’est plutôt « achat effectué est à moitié utilisé »

On s’imagine slash espère qu’il suffit d’acheter, de posséder, pour presque y avoir joué. On a le jeu, c’est déjà pas mal

Sauf que

A force d’empiler, de « tsundoker », on a de moins en moins de temps pour jouer. Les boîtes s’accumulent, que d’autres nouveautés buzzent déjà et sont en approche

La Tribune de Genève vient d’ailleurs de consacrer un dossier spécial sur la « collectionnite », sur des gens qui se lancent dans des collections complètement improbables: chaussures, effigies de vaches, skate et… jeux de société

Vous pouvez lire l’article de la Tribune sur la collection de jeux de société ici

Combien de jeux avez-vous encore sous blister dans votre ludothèque? Zéro? Soyez honnêtes 😄 Entre 1 et 5? Entre 6 et 10? Plus?

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13 Comments

  • CargoToaster

    Très bon article ! Qui reflète bien mon groupe de joueurs.
    1 seul jeu non joué chez moi, par contre un sacré paquet joué que 1 ou 2 fois seulement..

  • Alexandre P.

    Je déballe tout à réception ou presque (les cartes restent dans leur emballage jusqu’àa ce que j’ai les sleeves), par contre j’ai suffisamment de jeux non-joués pour les compter en pourcentage.

    – des petits jeux achetés à mes débuts quand j’ignorais que je pouvais trouver des notes de joueurs en ligne,
    – des « jeux d’apéros » pour lesquels je n’ai plus d’intérêt,
    – des KS arrivés après la disparition de l’intérêt pour un jeu,
    – des jeux arrivés après tellement de « bad buzz » que je ne ressens plus l’envie d’y consacrer de l’énergie,
    – des jeux pour lesquels j’ai surestimé la facilité à convaincre mes amis (à cause de l’anglais ou du thème),
    – des jeux qui s’avèrent logistiquement compliqué à jouer (par exemple j’avais pris tout Blood Rage et je me suis rendu compte que ma table n’y permettais d’y jouer qu’à 3),
    – un groupe de joueurs qui perd son intérêt pour un type de jeux,
    – moi qui perd mon intérêt pour un groupe/lieu de jeu,
    ….

    P.S :
    Pour quoi est-ce que la mention de la non-disponibilité du 7ème continent en boutique est présenté (comme à d’autres endroits) comme un plan com’ ? Compte-tenu des marges de tous les intermédiaires et de la quantité de matériel du jeu, l’argument « trop cher donc invendable en boutique » n’est-il pas crédible ?

    • Gus

      Merci pour votre commentaire Alex

      Pour répondre à votre question:

      « Pour quoi est-ce que la mention de la non-disponibilité du 7ème continent en boutique est présenté (comme à d’autres endroits) comme un plan com’ ? Compte-tenu des marges de tous les intermédiaires et de la quantité de matériel du jeu, l’argument « trop cher donc invendable en boutique » n’est-il pas crédible ? »

      Quelle que soit la raison, justifiée ou non, c’est quand même un sacré coup de com, ne trouvez-vous pas? Que l’on retrouve aussi ailleurs (offre moins chère sur le net, sur appli, etc)

  • stef

    Perso, j’ai commencé à acheter compulsivement. Faut dire que je mettais dans les jeux l’argent que je ne mettais plus dans les clopes. Mais au bout d’un moment trop de jeux et pas assez le temps d’y jouer. Plus le temps de creuser un jeu, chercher de nouvelles tactiques pour finir par épuiser tout ce qu’il peut proposer. Je ne faisais qu’effleurer les jeux. Aujourd’hui j’ai fait une pause. Mon budget ne s’en porte pas plus mal et on joue tout autant.
    (bon… Faut dire qu’autour de moi j’ai une bande de tarés qui comptent leur ludothèques en mètres cubes…. Et c’est bien sûr à celui qui a la plus grosse. )
    (Moi elle est pas grosse mais je m’en sers beaucoup….)


    Désolé………

  • Karl Rozen

    Allez j’avoue : j’ai moi aussi quelques jeux achetés sous le coup de la collectionnite en me disant « ce jeu est devenu introuvable, achète-le et quand bien même, tu pourras le revendre ». Sauf qu’à force d’attendre, le jeu rare et disparu fini par être réédité dans une nouvelle édition « plus mieux bien ». Résultat : ma rareté est devenue invendable et en plus ma collectionnite me titille pour acheter la nouvelle édition d’un jeu auquel, je le rappelle, je n’ai jamais joué… Mais j’ai récemment développé une parade. Comment ? En créant un jeu « Boardgame Stalker » dans lequel le but est d’acheter, de chiner, de kickstarter, afin d’avoir la plus grande collection de jeux ! si possible sous blister 😉

  • CirDerf

    Excellent article, je ne connaissais pas le terme. Pas facile à placer en soirée.
    Pour ma part, pas de jeu non joués qui s’entassent, je suis trop passionné par les mécanismes et les systèmes pour ne pas essorer un jeu avant de passer à un autre. Mais je subis la tendance actuelle ([vieux ronchon] c’était pas comme ça de mon temps [/vieux ronchon]) qui fait que j’ai du mal à motivés mes camarades à rejouer à des jeux déjà « connus » (2/3 parties dans certains cas !).
    L’époque est à la superficialité et à la nouveauté permanente, pas forcément très rassurant quand on se penche sur les précédents historiques, le futurisme par exemple.

  • Rob

    Merci pour cet article ! À un moment, j’étais très clairement dans cette mouvance. Je me rendais compte que posséder le jeu me procurait plus de plaisir que d’y jouer… ce qui est quelque peu problématique. Depuis, j’ai revendu pas mal de mes jeux pour ne garder que l’essentiel (une trentaine de boîtes) et ça va beaucoup mieux. 🙂
    Et puis, en vrai, on finit toujours pas ressortir les mêmes jeux, non ?

  • Paul

    Ah là, tout à fait d’accord avec toi Rob. On finit toujours par ressortir les mêmes jeux.

    Les « vieux » jeux comme les nouveaux ne ressortiront, après deux mois, que s’ils sont appréciés. Et du coup ces nouveaux jeux appréciés deviendront des vieux jeux.

    Pour ma part, comme la plupart de ceux ayant commenté sur cet article, tous mes jeux sont déballés à achat/réception. Et ils sont joués au moins une fois dans le mois qui suit mais clairement certains ne passeront pas le cap de cette unique partie.

    Mais je n’ai pas la collectionnite !
    Je suis attiré par le nouveau mais je me raisonne :
    – je me force à attendre plusieurs avis de mes sites/forums préférés
    – j’essaie de raisonner si ce jeu :
    1) complète intelligemment ma ludothèque
    2) comprend des mécaniques qui m’attirent vraiment
    3) attirera/intéressera les joueurs de mon entourage (que ce soit famille ou club de jeux) parce qu’en général (qu’on me jette la 1ère pierre) il faut être plusieurs pour jouer à un jeu de société

    Une approche froide que je tente de maintenir, contrairement à certains de mon entourage qui adorent kickstarter tous ces magniques jeux avec 200 figurines en prenant l’option all-in et qui se ramènent des fois avec 5 boites énormes pour un seul jeu qui 3 fois sur 4 ne sont pas utilisées lors d’une soirée et me disent qu’ils ont encore des boites non ouvertes ou n’ont pas encore pris le temps de lire les règles de plusieurs de leurs jeux…

  • coludik (@coludik)

    Super article dans l’air du temps. Et le sujet commence à devenir trop récurrent. Mais je crois qu’après avoir fait X fois le constat il faut commencer à apporter un jugement de valeur que personne ne dit encore vraiment. Dans l’ensemble nous avons un gros gros problème de comportement qui amènera inévitablement à la catastrophe (et là je ne parle pas des jeux mais bien en général). Surconsommation, addiction, divertissement servile pour un shoot de bonheur dans ce monde de brutes: voilà les mots. Personnellement je suis dans une phase de la vie où cela devient écoeurant. Je n’en peux plus. J’ai acheté trop de jeux et j’ai dit ça suffit. Gus, tu me vois venir, tu me connais par ça. J’ai lancé la plateforme Coludik. Et pour l’instant, force est de reconnaitre qu’elle ne prend pas. Le step est trop haut pour qu’un joueur se dise « à partir de maintenant, je vais acheter une boite avec d’autres joueurs ». Alors à partir de la rentrée, je vais aller plus loin pour soigner un peu plus/mieux le bobo, surtout que quelques joueurs me l’ont demandé explicitement. Et je te le dis en primeur ici. Dès la rentrée je vais bosser sur la fonctionnalité de partage des jeux qu’on possède déjà (alors que je voulais limiter Coludik aux cofinancements et aux partages de ceux-ci exclusivement). Et pour ma part, je m’engage à mettre TOUS mes jeux comme étant empruntables sur la plateforme. Et tout nouveau jeu, le sera aussi. Mais je m’engage aussi à aller emprunter ceux des autres et à créer un nouveau plaisir du non-achat. À partir de là, petit à petit, ceux qui seront venus pour le prêt/emprunt verront peut-être le plaisir et l’utilité de la fonction de base du site: le partage du coût. L’expérience le dira.

À vous de jouer ! Participez à la discussion

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