
Critique de jeu: Mafiozoo. Gorilles dans la brume
Excellente réinvention de Louis XIV, il faut approcher Mafiozoo comme un jeu de majorité opportuniste et fluide. Chaotique? Ni léger, ni lourd, Mafiozoo se situe juste entre deux. Sortez vos haltères, il va falloir faire de la gymnastique mentale.
Erratum
Attention, une petite coquille s’est glissée dans les règles. Les éditeurs vont le communiquer. Ce qu’il faut changer:
Au début les joueurs prennent 11 gemmes pour le 1er, 11 pour le 2eme, 10 pour le 3eme et 9 pour le 4eme.
Les règles indiquent (mal) qu’il faut laisser 5, 6 et 7 gemmes dans la réserve générale.

Sans connaître cette erreur, nous avons joué avec les fausses règles, et c’est tout à fait praticable. Juste un peu plus tendu, puisqu’on commence la partie avec près de la moitié de gemmes, et avec un mini-mini déséquilibre pour le premier joueur. Car oui, jouer en premier dans un jeu de majorité est toujours moins avantageux.
Bref. Faites bien attention de corriger la règle.
Une réédition?
Mafiozoo est sorti tout début mai 2017 chez Super Meeple (Amun-Re, Tikal), créé par Rüdiger Dorn (Istanbul, Goa), pour 2 à 4 joueurs d’une durée de 60 minutes, dès 12 ans.
Super Meeple est l’éditeur spécialisé dans les rééditions. Leurs trois premiers jeux étaient de somptueuses rééditions de trois « vieux » jeux cultes. Mafiozoo, aussi une réédition? Oui. Non. Presque.
Mafiozoo est en réalité une réinvention de Louis XIV du même auteur, sorti en 2005. Un jeu peu connu puisque jamais traduit en français. Et au matériel original plutôt pourri.
Comme toujours avec Super Meeple (et Origames en back-office), la version de 2017 est somptueuse. Mais il n’y a pas que le matos qui change. Plusieurs changements et améliorations sont proposés par l’auteur.
Ce qui change
le jeu se joue sur un vrai plateau, et non de petites cartes volantes.
les cartes « mission secrètes » sont remplacées par des missions révélées avec un ancrage localisé dans la seconde partie supérieure du plateau, avec connexion et pose d’ouvriers
le scoring est streamliné
le thème est plus… animalier, plus léger, plus sexy aussi
Ce qui ne change pas
C’est toujours un jeu de double majorité: majorité pour obtenir des jetons pendant la partie et majorité pendant le scoring final.
On joue toujours des cartes pour poser ses pions
Il y a toujours un système de déplacement du roi slash parrain au centre de l’aire de jeu
Le système d’attribution des faveurs est pareil: majo, paiement ou nombre minimum de jetons / cristaux
Le nombre de manches, très réduit. Quatre. C’est short.
Même la mise en place est très proche (argent de départ, jetons slash cristaux de départ…)

Mafiozoo, de quoi ça parle?
Comme son titre l’indique, Mafiozoo est un jeu de… mafieux. Des jeux de mafieux, il y en a déjà des tonnes sur le marché du jeu de société. Le but étant le plus souvent d’obtenir de l’influence et de contrôler des quartiers et les marchés illicites.
L’ancêtre de tous les jeux de plateau de mafieux, le plus connu (si vous êtes nés, comme moi, avant les années 80), était le cultissime Super Gang. Tellement bon.
Mais Mafiozoo parvient à réinventer le thème en proposant une variante animalière et chafouine de l’univers mafieux. Le parrain est un morse, les hommes de main divers animaux: chat, chien, autruche, renard… Anthropomorphisme, comme on dit. La Fontaine, Disney, tout ça.
Comment on gagne?
A la fin des quatre manches, ce qui est très, très peu, on révèle les jetons « quartiers » récupérés pendant la partie.
1 PV par jeton « quartier »
1 PV par set de 6 jetons « quartier » différents
1 PV par majo de jetons « quartier »
PV par bâtiments occupés sur le partie supérieure du plateau par ses « gros bras » aka meeples
Voilà.
Toute la baston réside donc dans l’obtention de ces satanés jetons « quartier ». Ou pas, si on préfère se concentrer sur une stratégie uniquement « bâtiments » (mais pas nécessairement lucrative, selon le jeu des autres joueurs).
Et comment on joue?
Au début de la manche on reçoit une main de 5 cartes. On va en jouer 4, pas la dernière. A son tour, on joue une carte pour placer un de ses cristaux sur le personnage correspondant à la carte. Le but étant d’obtenir la majorité de cristaux qui va alors fournir une faveur. La faveur étant souvent l’obtention de jetons d’influence ou de pépètes.
La carte jouée permet de poser de 1 à 3 cristaux sur le personnage correspondant, et également sur les personnages adjacents, l’effet « boule de neige ». Ce qui permet de mieux distribuer son influence et de jongler avec les majorités.
Jetons d’influence?
Ils permettront de placer ses meeples sur autre section du plateau. Les bâtiments. Bâtiments qui permettront eux aussi d’obtenir des avantages. Mais permanents, au contraire des majo et des faveurs accordés par les personnages. De quoi comboter dans la joie et la bonne humeur.
Le gameplay est simple, on maîtrise les règles après quelques minutes. C’est fluide et instinctif, et tout est indiqué sur le plateau, pas besoin de garder le nez dans les règles.
Interaction
Comme Mafiozoo est un jeu de majorité, l’interaction est donc extrêmement forte puisque la lutte est âpre. Ca va chouiner. Surtout avec la double majorité, pendant et en fin de partie.
Et à combien y jouer?
A 4. Clairement à 4.
A 2, les règles proposent une adaptation avec un « homme de paille », une sorte d’IA indigeste et superflue. Autant éviter, tout simplement. A 3, l’interaction est moins forte, on a toujours de la place pour s’étaler. A 4, le jeu devient vraiment tendu du slip.
Alors, Mafiozoo, c’est bien?
Oui:
le matériel est somptueux. Les cristaux, notamment, le petit plus chatoyant et totalement inutile, donc indispensable (dans Louis XIV c’était de simples pièces en bois)
le thème, une adaptation originale de l’univers mafieux
les illustrations, superbes, très Disney-Noir. On se croirait dans une adaptation cartoon du Faucon Maltais
les règles, simples, fluides et instinctives
l’interaction, forte
la rejouabilité, grâce notamment aux faveurs et à leurs deux faces qui peuvent changer à chaque partie
des parties plutôt courtes (4 manches) et tendues. Pas le temps de s’embêter, de trouver le jeu répétitif. 4 manches, c’était déjà le cas dans Louis XIV, l’auteur et l’éditeur ont bien fait de conserver ce format
La partie supérieure avec les bâtiments et les faveur permanentes. Connexion, placement et combo. Des choix cruciaux et douloureux
Mais.
Mais.
Mafiozoo s’adresse à un public de joueurs bien particuliers. Ceux qui apprécient la tactique, s’adapter aux circonstances, faire preuve d’opportunisme. Dans Mafiozoo, tout est extrêmement fluide.
Jeu de majorité, tout change constamment. Vous voulez obtenir CE jeton tant espéré pour atteindre votre objectif? Vous pourrez faire tout ce que vous pouvez pour y parvenir, mais vous ne serez jamais à l’abri d’un retournement de situation et d’une majorité perdue, ce qui vous mettrait alors des bâtons dans les roues et vous obligerait à revoir vos plans. Ça peut refroidir et frustrer certains joueurs, plus stratèges. Et surtout sur 4 manches.
Pour éviter toute déconvenue, il faudra alors être prêt à prévoir un plan B, un plan C, un plan D (non, je n’ai pas dit un plan Q)… Juste au cas où. Dans Mafiozoo, tout est question de préparation. S’il est difficile de prévoir quoi que ce soit, il sera par contre plus facile de se préparer à toute éventualité. S’il y a bien un soft-skill / compétence sociale que Mafiozoo développe, c’est l’adaptation, la flexibilité.
Excellente réinvention de Louis XIV, il faut approcher Mafiozoo comme un jeu de majorité opportuniste et fluide. Chaotique? Ni léger, ni lourd, Mafiozoo se situe juste entre deux, Sortez vos haltères, il va falloir faire de la gymnastique mentale.
Si vous aimez les jeux toujours très tactiques de Bruno Cathala, Yamataï, Five Tribes, vous apprécierez Mafiozoo.
Mais encore
Nous allons tout bientôt publier un article avec 3 conseils pour bien commencer vos parties de Mafiozoo. A paraître tout prochainement. Stay tuned.
Vous pouvez trouver Mafiozoo chez Philibert,


