Les métiers du jeu de société. Le patron de maison d’édition
Et nous continuons notre panorama des métiers du jeu de société.
Quand on parle d’un éditeur de jeux de société, on pense, à tort, que celui-ci ne fait qu’une seule chose, produire un jeu. Alors que la réalité est bien plus complexe. Un éditeur de jeux doit gérer différentes tâches, différents postes:
Le patron
Le chargé de communication et / ou le community-manager
Le responsable des événements
Nous vous avons déjà présenté le chargé de projet, le chargé de communication et le développeur de jeux. Voici aujourd’hui le patron d’une maison d’édition de jeux de société.
Le patron
Nous avons interrogé deux patrons de maisons d’édition de jeux de société, Matthieu d’Epenoux, patron de Cocktail Games, et Pierre-Yves Franzetti, patron d’Helvetia Games.
Bonjour Matthieu, vous êtes patron de Cocktail Games (L’Ile Interdite, Les Taxis de la Marne), une maison d‘édition de jeux de société. Quelles sont vos missions?
Le mot patron ne me semble pas être le plus adapté dans une PME de 6 personnes où tout le monde est assez polyvalent et le poids de la hiérarchie beaucoup moins fort que dans des structures plus importantes. Je n’ai pas de missions précises mais j’essaye plus de créer les conditions favorables d’épanouissement des gens qui travaillent dans l’entreprise pour que nous allions tous dans la même direction en s’amusant.
Ce qui prime avant tout pour moi c’est que les gens qui bossent chez Cocktailgames soient heureux d’être là, donnent le meilleur d’eux-mêmes et soient prêts à s’investir efficacement autour de nos jeux.
J’ai trop d’exemples autour de moi de structures qui, en grossissant, ont perdu un peu d’humanité et je trouve cela dommage.
Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir patron d’une maison d’édition?
Disons que je n’ai jamais souhaité devenir éditeur de jeux mais que cela s’est passé presque accidentellement. En 1997, je monte INTERLUDE, société spécialisée dans l’animation de séminaires d’entreprise, dont le but premier était d’amener le jeu dans l’entreprise au travers de jeux surdimensionnés qui pouvaient être utilisés dans le cadre d’événements internes ou externes. Après un démarrage un peu poussif, nous sommes parvenus à trouver notre place sur le marché avec un rythme de croisière de 150 prestations par an réalisées pour des entreprises de toutes tailles. Sachant que nous organisions des challenges en équipes (Le Ludotrophy) pour certaines entreprises, il y avait un besoin d’offrir des lots pour les équipes gagnantes et/ou participantes.
C’est dans ce contexte que j’ai été amené à éditer Contrario, qui au départ était un jeu de plateau, s’est allégé et est passé dans une boîte en métal et était destiné initialement qu’à être diffusé au travers de prestations pour les entreprises. Un contact avec Descartes a permis au jeu d’avoir une diffusion nationale et son succès m’a juste donné envie d’en faire d’autres.
Quelles sont les compétences nécessaires pour être un (bon) patron de maison d’édition de jeux de société?
Il me semble que les deux qualités premières requises pour ce métier sont à la fois la curiosité ET l’intuition.
Curiosité parce que c’est un métier qui n’est pas aussi linéaire que ce que l’on pourrait imaginer. Editer des jeux c’est aussi sortir des chemins de traverse pour trouver des OVNI ludiques qui pourront éventuellement rencontrer leur public. Et pour trouver des jeux vraiment originaux, il ne sert à rien de rester dans sa tour d’ivoire en attendant que les propositions arrivent. Être curieux cela veut dire mettre en œuvre les conditions propices pour récupérer des bons jeux en étant en contact avec des auteurs de jeux un peu partout dans le monde. Cela passe par des voyages, des salons, des rencontres à droite et à gauche. Tout cela est assez plaisant…
Intuition parce que l’édition de jeux n’est pas une science exacte et que rien n’est gravé dans le marbre. Dans un secteur en croissance, on a tendance à oublier l’élément le plus important de la chaîne qui est le client. C’est lui qui fera ou pas le succès d’un jeu et j’essaye, dans toutes les décisions que nous prenons, que celui-ci reste au cœur de nos préoccupations. N’oublions pas qu’aujourd’hui et plus que jamais, le client est volage, qu’il a plusieurs maîtresses et que nous devons le séduire en le surprenant pour trouver ou retrouver ses grâces. Anticiper ses envies en lui proposant des produits qui le surprennent, c’est un peu le cœur du métier et çà demande un peu de flair, de bon sens et aussi de chance.
Quelles sont les plus grandes difficultés, les plus grands défis à relever comme patron?
Le démarrage d’une entreprise est le plus souvent assez sportif au départ puisque l’on passe son temps à surmonter une par une des difficultés très diverses qui jalonnent le parcours. Plus le temps passe et plus l’on prend avec philosophie ces contraintes qui paraissaient insurmontables au départ.
Aujourd’hui, les vraies difficultés que l’on peut rencontrer sont très différentes : on est plus sur des problématiques de gestions de stocks, de calendrier de sorties et d’exportation…
Comment est-ce que le métier a évolué en quelques mois, années?
L’offre ludique en France et dans le monde n’a jamais été aussi importante et de bonne qualité. Il y a quelques années on pouvait sortir sur un malentendu un jeu assez moyen et même réussir à le faire marcher.
Aujourd’hui, il n’y a plus de place pour l’improvisation et l’amateurisme…. C’est presque dommage parce que j’ai le sentiment que l’on formate plus des jeux pour le marché que l’on édite des jeux qui nous plaisent. Même si l’on est dans un environnement concurrentiel fort, je me refuse d’entrer dans cette logique commerciale qui tue toute spontanéité. L’édition c’est aussi fonctionner avec ses tripes et pas simplement son porte-monnaie, prendre des risques et respecter le client en faisant des jeux efficaces et pas des simples promesses alimentées par un buzz efficace.
Racontez-nous une journée professionnelle type.
Généralement, elle commence par un peu de course à pied (entre 5 et 10Km suivant la motivation et juste pour se vider la tête), se poursuit pat la lecture des Echos (j’adore ce journal, si, si !!!) et puis la rédaction/ consultation d’une « To do list » avec un certain nombre de tâches à réaliser dans la journée que je vais m’efforcer de réaliser les unes derrière les autres. Comme je suis bordélique et très désorganisé, disons que cela reste un bon fil conducteur qui me donnera bonne conscience si j’arrive à réaliser 50% du cahier des charges.
On est dans un métier de contacts où l’on aura des échanges téléphoniques et/ou physiques avec des distributeurs, des boutiques, des auteurs, des fabricants… Nos interlocuteurs sont très différents et les sujets de discussion très variés ce qui fait la richesse de la chose et évite de tomber dans la routine. Quand une nouvelle journée commence, elle ne sera jamais en tous points identiques à celle qui l’a précédé.
Merci Matthieu pour vos réponses.
Bonjour Pierre-Yves, vous êtes patron d’Helvetia Games (Unita, Helvetia Cup), une maison d‘édition de jeux de société. Quelles sont vos missions?
Bonjour Gus, sympa d’avoir pensé à moi. Mes missions… ça fait très sérieux tout ça… disons que j’essaie de trouver des jeux qui sont originaux, nouveaux, de les développer et de les amener sur le marché, pour le plaisir des joueurs expérimentés, mais pas seulement. J’associe à chaque fois une variante FAMILY du jeu pour permettre à tout le monde de s’y essayer.
Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir patron d’une maison d’édition?
Le hasard, et surtout l’envie. J’avais des gens autour de moi qui créaient des jeux, de très bons jeux à mon sens, et il me semblait important de les rendre disponible pour le plus grand nombre.
Quelles sont les compétences nécessaires pour être un (bon) patron de maison d’édition de jeux de société?
Ouh la… un peu de flair, beaucoup de passion, une pincée de management et surtout trois cuillères à soupe de gestion de projet. Mais le cœur du travail, c’est la collaboration, et il faut dire que je suis entouré d’une équipe incroyable.
Quelles sont les plus grandes difficultés, les plus grands défis à relever comme patron?
Le défi, c’est à chaque fois d’essayer de coller au marché. De faire un jeu qui plaise et qui soit acheté. Car l’aspect financier est un problème quotidien à gérer. Non pas par appât du gain, mais simplement pour avoir les fonds nécessaires à l’édition d’un autre jeu.
Comment est-ce que le métier a évolué en quelques mois, années?
Je suis presque trop jeune dans la profession pour avoir du recul, je constate que le marché est hyper compétitif, donc très motivant, et que les joueurs sont de plus en plus nombreux, ce qui est réjouissant.
Racontez-nous une journée professionnelle type.
C’est difficile, car les journées ne se ressemblent pas. Cela dépend du processus d’édition, de l’étape à laquelle on se trouve. Mais disons qu’il y a une petite heure d’administratif le matin, avant de s’assurer de l’avancée des travaux jusqu’à la mi-journée. L’après-midi est consacrée à la création, que ce soit sur de nouveaux jeux, sur le contrôle des documents des jeux en cours d’éditions, ou plus simplement sur tout ce qui accompagne un jeu: affiche, flyers, salons, etc.
Enfin, la soirée est normalement prévue pour le jeu, que ce soit pour découvrir des protos, que ce soit pour jouer à des nouveautés du marché, pour affiner des mécaniques de jeux en développement ou en tester l’ergonomie finale.
Merci Pierre-Yves pour ces réponses.

2 Comments
thegoodthebadandthemeeple
« N’oublions pas qu’aujourd’hui et plus que jamais, le client est volage, qu’il a plusieurs maîtresses et que nous devons le séduire en le surprenant pour trouver ou retrouver ses grâces. Anticiper ses envies en lui proposant des produits qui le surprennent, c’est un peu le cœur du métier et çà demande un peu de flair, de bon sens et aussi de chance. »
Juste collector Matthieu 😀
Encore un superbe article
Desmaison
Bonjour! petite question! En faisant des recherches pour éditer mon nouveau jeux, je découvre un monde très réservé et presque désintéressé, par d’éventuels propositions d’auteur. j’en conviens d’une telle prudence, car un jeux véritablement drôle, attractif,offrant des perspective populaire, ne ce trouve pas tous les jours et du jour au lendemain.
Cependant vue que mon jeux réunis un sujet d’intérêt particulièrement motivant pour les participants,j’ai de ce point de vu l’assurance qu’une demande va ce propager plus ou moins rapidement,avec des versions aux coûts très divers.je ne voudrai pas négliger,la possibilité de l’éditer moi même!ce qui sous entend de le fabriquer moi même. l’édition avec un seul sujet, n’est elle pas un risque financier? je souhaiterai récolter quelques conseilles Merci!