Jeux de plateau

Quand ton hobby devient ton job, interviews, dernier chapitre

Bang bang bang bang, Flickr, by abrinsky
Bang bang bang bang, Flickr, by abrinsky

Voici la suite des interviews des professionnels du monde du jeu : auteurs, éditeurs, vendeurs.

Pour accéder au chapitre 1, le chapitre 2, le chapitre 3, le chapitre 4.

Nous voulions savoir ce qui se passait quand on transformait son hobby, ici les jeux de société, pour en faire son job.

Après Bruno Faidutti, Sébastien Pauchon, Emmanuel Beltrando, Christian Lemay, Mathilde Spriet, Monsieur Phal, Antoine Bauza…

Voici Cyril Demaegd, patron des éditions Ystari Games (Spyrium, Myrmes)

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1. Jouais-tu aux jeux de société avant de devenir professionnel-le (auteur ou éditeur) ?

Bien sûr mais comme tout le monde je crois. Du Monopoly, Cluedo les classiques avant de découvrir le JdR puis les gros améritrash (Civ, Dune, RpR,…)
et enfin le jeu allemand. Un parcours somme toute classique…

2. Qu’est-ce qui t’a fait passer pro ?

L’envie de faire mon propre jeu « pour voir ». Le but était dans un premier temps de le faire éditer, mais les éditeurs intéressés le trouvaient trop « core » et voulaient en faire quelque chose de plus familial. Ma volonté était de le conserver en l’état car je pensais qu’il y avait un marché pour ce genre de jeu, donc je n’ai pas eu trop le choix. Et puis il y avait la curiosité de se lancer dans l’aventure de l’édition pour maitriser tous les aspects de la conception d’un jeu de A à Z. Au début c’était pour un one shot, mais je suis toujours là 10 ans après 😉

3. Hormis un salaire exorbitant que même Bill Gates envie, quels sont les avantages d’être devenu pro ?

La liberté ! Avant j’étais dans l’informatique sur de gros projets dont on ne voyait jamais le bout, maillon d’une chaine interminable à se demander parfois pourquoi on prenait telle ou telle décision. Maintenant je suis indépendant et je conduis les projets qui me plaisent de la façon dont je l’entends. Le jeu peut être un succès ou un échec mais c’est ma responsabilité entière. C’est beaucoup plus grisant !
4. Quels sont les désavantages ?

En fait, on ne joue pas autant qu’on le croirait ou qu’on le voudrait. D’abord diriger sa propre entreprise, c’est tout de même beaucoup gérer de la compta et de la paperasse. Ensuite pour un seul jeu, nous mettons beaucoup d’énergie et de tests. Un jeu « core » ne sort pas bien réglé tout seul et il faut y mettre beaucoup d’énergie et passer par des phases ou rien ne marche. C’est parfois très frustrant mais c’est le prix à payer. En tout cas tester et développer un jeu ne s’apparente pas du tout à y jouer contrairement à ce que l’on pourrait penser. Je joue donc beaucoup moins qu’avant par manque de temps.

5. T’arrive-t-il encore de jouer juste pour le plaisir ?

Oui, mais sur de petites plages de temps pour les raisons que je viens d’évoquer. Par contre quand cela m’arrive, j’essaye autant que possible de ne pas me mettre dans la peau de l’éditeur et de chercher la petite bête. J’essaye vraiment d’être un simple joueur. Donc je ne « teste » pas les jeux des autres mais j’y « joue ». c’est une notion importante à mon avis qui est trop souvent oubliée sur les forums.

Merci Cyril pour tes réponses !

Voici les réponses de Gilles Lehmann, auteur de jeux (Diavolo, Mousquetaires du Roy)

Gilles

1. Jouais-tu aux jeux de société avant de devenir professionnel-le (auteur ou éditeur) ?

Naturellement. C’est la pratique du JDS qui m’a conduit à la création. J’ai commencé, enfant, avec mes grands-pères par les dames et la manille essentiellement, puis adolescent j’ai tâté des échecs et suis devenu accroc au tarot. Parallèlement, je jouais avec mon frère au Cluedo, au Monopoly, au Scrabble, à Risk, à Mastermind. Le jeu qui me laisse un goût de madeleine de Proust c’est L’Autoroute, The funny road d’Edmond Dujardin (1949 pour la première édition), dans lequel j’adorais incarner le gangster. Jeune adulte, j’ai découvert le jeu vidéo et lassé au bout de deux ou trois ans, j’ai commencé à faire un tour en boutique spécialisée. Féru d’histoire, j’ai commencé par les excellents Montjoie! de Pascal Bernard et Castel de Bruno Faidutti et Serge Laget. Avec un petit groupe d’amis nous avons usé ces deux jeux jusqu’à l’os avant d’en pratiquer de nombreux autres.

2. Qu’est-ce qui t’a fait passer pro ?

Professionnel au sens où tu l’entends, c’est acteur de la profession, car pour le reste je suis toujours amateur du fait que mes droits d’auteur ne me permettent absolument pas de quitter mon travail d’enseignant. Mon hobby est plus un second job que mon job, ce qui est d’ailleurs problématique, parce qu’ il ne faut pas manquer d’énergie pour concilier le tout en termes de temps.

Ce qui m’a amené à la création ludique, c’est, d’un point de vue général, mes envies de création en tous genres. J’aime créer, écrire, concevoir, réfléchir, construire, et travailler l’abstraction. Pour le concret, je suis moins bon, j’ai plus de facilité à casser un mur qu’à le remonter.

D’un point de vue particulier, je me suis attelé à mon premier jeu après une partie de Draco & Co de Bruno Faidutti et Michael Schacht. J’ai trouvé le jeu si peu à mon goût et tellement décevant par rapport à Castel et d’autres créations faiduttesque que je me suis fait le pari d’effacer cette amertume en prenant la place de l’auteur.

3. Hormis un salaire exorbitant que même Bill Gates envie, quels sont les avantages d’être devenu pro ?

Côté salaire, je ne te fais pas un dessin. Si je compte bien, en 10 ans de carrière et avec 5 jeux édités seul ou en collaboration avec François Combe ou Corentin Lebrat (soit approximativement 50 000 boîtes produites et peut-être 40 000 de vendues à ce jour), j’ai touché en moyenne 100 euros par mois avant impôt. Si tu réfléchis au temps passé et aux frais de matériel, ça reste du hobby. Non ?

Les avantages, ils sont surtout du côté de la fierté de sortir des jeux bien ciselés, du plaisir des rencontres, du sentiment de ne plus être simple consommateur. Demeure aussi, dans l’esprit du joueur que je suis, le rêve de sortir un jour un jeu universel, un bestseller.

4. Quels sont les désavantages ?

Les nuits trop courtes, le bordel dans le salon, les tests à rallonge. Des détails finalement au regard des avantages.

5. T’arrive-t-il encore de jouer juste pour le plaisir ?

Beaucoup trop rarement hélas. La plupart des soirées jeux tournent aux tests de prototypes. J’ai la chance d’avoir de vrais amis qui veulent bien passer du temps sur mes créations. Heureusement, je peux également jouer avec mes enfants et découvrir régulièrement quelques classiques et quelques nouveautés.

Merci Gilles pour tes réponses!

Voici les réponses de Sébastien Dujardin, auteur (La Venise du Nord, Troyes) et patron des éditions des Pearl Games (Tournay, Bruxelles 1893)

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1.       Jouais-tu aux jeux de société avant de devenir professionnel-le (auteur ou éditeur) ?

Oui! après avoir beaucoup joué aux « grands classiques » durant ma jeunesse, je jouais beaucoup depuis 4-5 ans.

2.       Qu’est-ce qui t’a fait passer pro ?

Un boulot d’ingénieur qui ne me plaisait plus au point de le perdre et le bon accueil de Troyes! Je ne pensais vraiment pas me destiner au jeu de société à la sortie de ce dernier…

3.       Hormis un salaire exorbitant que même Bill Gates envie, quels sont les avantages d’être devenu pro ?

Être éditeur, c’est pouvoir penser au jeu 24h sur 24. Il y a beaucoup de bons moments depuis les prémices du développement d’un jeu à sa fabrication. Je suis particulièrement fan des premiers contacts avec le matériel final et des premières parties avec celui-ci, quand on se rend compte qu’on a fait ceux qu’on avait en tête! L’accueil du public est particulièrement agréable à vivre, surtout à Essen, si ça se passe bien!

4.       Quels sont les désavantages ?

Être éditeur, c’est pouvoir penser au jeu 24h sur 24. Outre le salaire de misère, il y a des aspects plus rédhibitoires à base de comptabilité, de marketing et de rentabilité… Je suis très heureux de pouvoir développer des jeux tels que je les aime mais le public est finalement assez restreint et la concurrence est telle qu’on a pas le droit à l’erreur. J’ai choisi de consacrer un maximum de temps pour privilégier la qualité à la quantité, j’espère ne pas le regretter! Je ne suis pas non plus le meilleur pour gérer le stress de fin de projet, quand il faut envoyer les fichiers à l’imprimeur….

5.       T’arrive-t-il encore de jouer juste pour le plaisir ?

Je joue beaucoup avec mon épouse joueuse! Cela reste de loin mon loisir préféré et j’essaie de jouer à un maximum de jeux édités par d’autres pour le plaisir.

Merci Seb pour tes réponses.

Merci à tous les auteurs, éditeurs et vendeurs dans les magasins spécialisés de jeux. Toutes les réponses ont été super intéressantes. Ça nous / me permet d’avoir un aperçu plus clair sur la question.

Et vous, avez-vous déjà envisagé quitter votre emploi pour transformer votre hobby en job?

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