Jeux de plateau

Jeux de société, l’appropriation, la tendance 2013

yog

Je viens de découvrir un nouveau restaurant à Genève, une yoghourteria (orthographe?). Le concept: vous composez vous-même votre yoghourt, vous choisissez votre type, light, délactosé, etc. et vous y ajoutez ensuite toutes sortes d’ingrédients funky. C’est bon , hip, pas trop cher et cela présente un intérêt majeur : c’est vous-même qui choisissez le goût que vous désirez. Et là vous vous demandez où je veux en venir avec mon histoire de yoghourt. Quand je rentre dans cette yoghourteria (?), je me sens devenir le roi de mon palais (dans la bouche) car je vais pouvoir choisir combinaisons, goûts et couleurs, je deviens le décideur, c’est comme si j’avais tous les pouvoirs, je me sens presque créatif.

zombUne tendance lourde est en train de se développer dans le milieu du jeu de société, une tendance que les éditeurs et auteurs devraient attentivement surveiller, l’appropriation. L’appropriation, c’est quand le joueur / consommateur s’empare du produit et le façonne à son goût, lui apporte quelques modifications, des variantes, des extensions, des ajouts, des scénarios. Bref, quand le consommateur « pimpe » son produit. Oui, un peu comme mon yoghourt.Le jeu de plateau, lancé sur Kickstarter l’année passée (et le 2 cette année) connaît un très vif succès. Et pas nécessairement pour son intérêt ludique, relativement faible (déplacement, fouille, combat).

Ce qui le rend passionnant, c’est surtout que l’on puisse développer ses propres scénarios. Il y en a déjà à foison sur le net (une belle liste ici), et l’éditeur propose sur son site les éléments nécessaires, le template, pour en développer soi-même. Je me souviens d’une partie mythique jouée avec Coco et d’autres filles qui voulaient impérativement jouer avec un poney. Oui, un poney. Du coup paf, j’ai créé une mini-campagne à Zombicide avec un poney à récupérer et à protéger. Un poney.

Le fait de pouvoir s’approprier le jeu, de le rendre « vivant », personnel, de se sentir créatif et moins passif ou consommateur le rend plus intéressant, alors qu’au final, encore une fois, Zombicide ne présente pas un intérêt ludique majeur.spatialL’éditeur américain FFG a lancé X-Wing en 2012 un jeu de combat spatial Star Wars avec figurines. De petits vaisseaux en plastique se déplacent et s’affrontent pour le plus grand plaisir des geeks nostalgiques de la saga de Georges Lucas, en attendant son reboot Disney pour 2015.

Si le jeu n’est pas forcément extraordinaires de prime abord et reprend le système Wings of War (programmation secrète, réglettes de déplacement, personnalisation des vaisseaux), c’est surtout qu’il peut se jouer en scénario et pas seulement en pur dogfight. Et qui dit scénario, comme pour Zombicide, dit forcément création (une liste de scénarios dispo ici par exemple), donc appropriation, et la furieuse impression de devenir scénariste-réalisateur de Star Wars, ce qui rend le jeu encore plus captivant.

mervParler d’appropriation nous oblige à présenter le cas de 7Wonders. Sorti il y a bientôt 3 ans, le jeu à succès d’Antoine Bauze et Repos Prod, bientôt plus de 400’000 unités vendues, connaît non seulement un succès d’estime mais également une communauté forte qui développe moult extensions non-officielles. J’en fais partie. Vous pouvez admirer la quantité, et la qualité de tout ce travail dans la compile d’extensions pour 7Wonders ici, l’un des 5 articles les plus consultés sur notre site. De nombreux amateurs du jeu se l’ont approprié, en passant de nombreuses heures dessus de tests, de développement, de création visuelle (Shima, Corro, Benihime, pour n’en citer que quelques-uns).

diySur le net on peut de plus en plus admirer le travail de fans qui proposent des espaces de rangement améliorés, du thermoformage personnalisé. Il arrive que les éditeurs proposent un jeu pas forcément optimal en terme de rangement; les fans s’approprient alors le matériel et développent leur propre boîte. Do-it-yourself. Je citerai à titre d’exemple Alexis, son blog, son Instagram, qui prouve bien cette manie d’appropriation diy.tendanceCet effet d’appropriation n’expliquerait-il pas le succès actuel du financement participatif, Kickstarter, Ulule, etc? Les consommateurs ont envie de participer plus, de véritablement s’immerger dans le processus de financement et de prises de décision.

Alors, l’appropriation, une tendance pour 2013-2014? Certainement. Car le jeu de société moderne (jeux de société moderne VS jeux de société traditionnels) est bien implanté depuis plus d’une dizaine d’années, et les joueurs commencent à vouloir plus que simplement consommer, ils ont envie, besoin d’intégrer le marché: podcasts, blogs, prototypes, vidéos, extensions, scénarios, etc. Plus que jamais, je pense que les joueurs ont envie de se sentir créer et pas seulement acheter.

Les éditeurs, pour rendre leurs jeux plus passionnants, devraient penser à les rendre « pimp-friendly », voire même en lançant des concours officiels, le cas d’EDGE par exemple pour Zombicide ou X-Wing, voire même d’Ystari qui publie ces jours la 18e affaire pour leur jeu à succès Sherlock Holmes Détective Conseil, 18e affaire écrite par Stéphane Anquetil, un fan qui a remporté le concours d’écriture en 2012.

Les éditeurs auraient tout à y gagner à adopter une ligne éditoriale participative et ouverte, car cet effet d’appropriation interactive avec le consommateur développe réellement un attachement au produit et une base solide de fans.

Je me réjouis d’ores et déjà de Rampage, le prochain jeu d’Antoine Bauza et Ludovic Maublanc chez Repos Prod, un « bête » jeu de pichenette dans lequel on lance ses meeples contre des bâtiments à détruire. Rien d’extraordinaire, mais je suis déjà sûr que ce jeu permettra aux joueurs de développer leurs propres scénarios et mises en place fun et originaux.

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8 Comments

  • UltraLord

    Bravo Gus. Maintenant, je vais être obligé de terminer mes articles sur mes boites de rangement en cartons … Comme si je ne manquais pas déjà de temps pour jouer … 😉 En tout cas, merci pour le petit coup de projecteur.

    Quant à cette tendance, je pense effectivement qu’elle va se développer encore. Beaucoup de gens veulent être auteur. Malheureusement, les places sont de plus en plus chères, ne serait ce que parce que le nombre de jeux édités grossis toujours et encore. Tu en parlais d’ailleurs dans un article en début d’année où tu prônais le « éditer/jouer moins pour éditer/jouer mieux ».

    Du coup, les gens se rabattent sur des options moins frustrantes où ils restent maitre de bout en bout. Le plaisir de faire comme les auteurs sans les contraintes. La possibilité de créer son histoire et de la jouer, sans devoir la tester 100 fois avec des groupes différents pour valider toutes les options scénaristiques …

    Et même hors du domaine du jeu de société, le #DIY est en pleine expansion. Faire comme on veut avec les moyens du bord. Pouvoir s’arrêter au milieu de sa création ou au contraire, passer des années à la fignoler. Récupérer utile ce que l’on croyait inutile. Transformer, créer et tout ça avec juste ses petites mains.

    Le partage communautaire aussi. Les gens comprennent qu’en partageant, on avance plus vite, parce qu’on croise toujours quelqu’un qui sait mieux faire, qui aura un petit conseil … Et le plaisir de donner, de recevoir en retour …

    Bref, la réappropriation des choses par les gens. Parce qu’au final, on peut presque tout faire soi-même : son yaourt, ses meubles, ses jeux, ses films, ses campagnes de jeu de rôle. La seule chose qu’il vous faudra, c’est du temps et du courage …

    Le temps, on ne l’a pas, on le prend … Quant au courage, c’est à vous de voir … 😉

  • Stephane Anquetil

    Tiens, Gus parle de mon enquête.
    Je te rejoins, d’ailleurs j’en parle aussi dans la face B du prochain billet proxijeu sur les jeux comme Naufragés, SHDC, Andor, ou Demeures de l’épouvantes. Ceci dit, il faut bien se dire que certains jeu sont plus durs à personnaliser/inventer des histoires que d’autres, que ce soit à cause de mécanismes contraignants, d’absence de cartes/templates pour les personnaliser facilement. Bref, ça reste encore un peu un truc de créatifs passionnés, même s’il est certain que la tendance à une histoire/légende/scénario personnelisable est en marche.

    • Gus

      Antoine Bauze c’est en fait le cousin éloigné d’Antoine Bauza, sans cheveux longs par contre 😉

      Mais heureusement qu’il y a encore des lecteurs sur Gus&Co pour corriger nos phautes.

      Merci Virgine ! Si jamais on peut lancer un CDI comme correcteur/correctrice. On paie en bisous et/ou sourires, c’est selon.

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