La personnalité d’un auteur de jeux a-t-elle une influence?

Je viens de me brouiller avec un éditeur français. J’entretenais d’excellentes relations avec lui, et puis pouf, comme ça, sans aucune raison, depuis deux mois, cet éditeur ne répond plus à aucun de mes messages, texto, appels, emails… Si j’appréciais avant énormément ses jeux, son irrespect flagrant me pousse à voir ses jeux d’un autre œil. C’est étrange, non? Suis-je teigneux et revanchard?
Cela m’a précédemment fait le même effet quand, dans ma « longue » carrière de joueur, j’ai rencontré l’un ou l’autre auteur pas forcément très sympathique. Ben non, ce n’est pas parce que l’on crée des jeux que l’on est nécessairement agréable / avenant / ouvert / amical / sociable / jovial (entourez le qualificatif requis). Non je ne citerai pas de noms 😉 Les jeux ont ensuite eu un léger goût amer.
Pour être honnête, quand je connais un auteur / éditeur de jeu avec qui le courant ne passe pas forcément (une expression anglaise extraordinaire : »it takes two to tango »…), je regarde ses créations ludiques d’un autre œil et mon appréciation / avis / critique en sort souvent affecté. Je le reconnais, pas facile de faire la part des choses.
Oui, nous sommes humains, autant la vivacité de nos sentiments que les relations que nous entretenons avec nos pairs le prouve. Avouons-le, il n’est pas toujours facile de faire la part des choses et d’apprécier un jeu à sa juste valeur intrinsèque, sans voir l’auteur et sa personnalité derrière.
Car si un jeu peut parfois ainsi souffrir d’une « aura négative », cela peut également être le cas contraire: un auteur / éditeur ma foi fort sympathique pourra lui conférer un rayonnement positif et captivant. Si je présente ci-dessus des exemples plutôt négatifs, le contraire l’est également, je connais des auteurs / éditeurs absolument incroyablement sympathiques et chaleureux. Ce qui me donne ensuite envie de découvrir leurs jeux.
Mais n’est-ce pas également le cas avec d’autres marques / produits ? Comme pour / contre Apple, Ikea, même pour des chanteurs, écrivains, acteurs? Est-ce que tous nos produits de consommation ne seraient-ils pas tous chargés d’une aura sentimentale liée à la personnalité de leurs créateurs ? Prenez l’exemple de l’activisme de Bono, chanteur de U2, ou de Tom Cruise et sa scientologie. Est-ce que leur personnalité, faits ou engagements n’auraient-ils pas un impact sur notre appréciation de leur travail? Parvenons-nous à faire abstraction?
Pour en revenir au monde du jeu, où rencontrer les auteurs / éditeurs ? La plupart du temps sur les salons, Essen, Cannes. Ce sont lors de ces manifestations que les professionnels du jeu entrent directement en contact avec leur « public » / clients / joueurs / fans fidèles. Précisons que ces moments ne sont pas particulièrement propices à des échanges agréables, riches et fructueux car les professionnels sont alors:
- excessivement sollicités de toutes parts
- particulièrement fatigués, et ça se comprend, entre courtes nuits, longs voyages et journées interminables
- très souvent éreintés par des lieux bondés, bruyants et exigus
- généralement sérieusement préoccupés par des soucis de protos à montrer et à faire signer, des ventes à réaliser, des interviews à donner
Bref, tout une bastringue qui peut quelque peu « entacher » la relation, aussi courte et furtive qu’elle puisse être, entre un professionnel et un joueur lambda.
« It takes two to tango » : les auteurs / éditeurs ont tout à gagner à se montrer avenants, tandis que les joueurs devraient chercher à diminuer leur ressenti personnel et s’en remettre à la valeur intrinsèque de l’ouvrage.
Je dis ça je dis rien, car oui, il est souvent plus facile de se rabougrir et de « bouder », rester prisonnier de son cerveau reptilien, que d’aspirer à grandir et de voir au-delà de « l’artiste », de sa personnalité. Personnellement, comme critique de jeux je peux vous assurer qu’il nous est extrêmement difficile de passer outre ce piège mais là réside également tout le défi de l’éviter.
Pour en revenir à l’éditeur cité en ouverture de mon article, je vais désormais essayer d’apprécier ses jeux pour leurs qualités inhérentes sans m’arrêter à ma déception. J’ai dis que je vais essayer.
Vous est-il déjà arrivé d’éviter de jouer à un jeu ou de le trouver médiocre car le courant entre vous et l’auteur / éditeur n’a pas passé? (Inutile de citer des noms, ça ne ferait pas avancer la discussion…)

6 Comments
Axel Reymond
Oui, cela m’est arrivé quelques fois, en effet. Parfois je préfère ne pas connaître l’auteur et je reste dans mon ressenti direct. Ce n’est pas toujours évident quand l’auteur est connu. Et comme le jeu est lié à une émotion (en général le plaisir) difficile de faire abstraction des éléments liés qui englobent le jeu et teintent les divers ressentis. C’est un tout. Parfois quand de l’eau a coulé sous les ponts, y revenir permets de changer d’avis, ou d’avoir une confirmation de son ressenti. Et comme plaire à tout le monde est impossible, ce n’est pas la peine de trop se prendre la tête, non plus. C’est peut-être juste pas le bon moment.
kryshk
Même si n’ai pas souvenir d’avoir eu ce probléme, mais au même titre qu’un réalisateur de film peut me faire fuir, le créateur de jeu (voir l’éditeur) étant un créatif comme un autre, il me semble évident qu’un nom peut être un repoussoir.
En revanche c’est rarement la personnalité du créateur qui est un frein, mais plus la qualité de son travail. Il m’est souvent arrivé de lire certains auteurs dont je déteste la mentalité/personnalité mais dont la qualité de travail étant telle que j’en fais abstraction (L’écrivain « Céline » en étant un parfait exemple).
Maintenant je me place en tant qu’acheteur, mais j’imagine que dans votre cas où vous avez aussi un rôle de « faiseur d’opinion » (« influenceur »(?) comme on dis dans les milieux), en revanche je comprends parfaitement qu’il y ai une réticence à ne pas vouloir mettre en avant.
lian00
Ben, je suis auteur de BD et je chronique sur mon blog les albums de mes confrères – les albums que j’aime en général. Je connais de plus en plus d’auteurs/collègues et il y en a que j’aime beaucoup humainement mais dont le travail ne me transporte pas et d’autres qui se sont révélés pas géniaux lors de mes rencontres mais dont j’aime le travail. J’essaie de faire la part des choses et je précise « copinage » quand je chronique un album d’un copain. En règle générale, je suis suffisamment rugueux comme type pour me faire une idée en faisant abstraction de mes sentiments personnels. Ce n’est pas un comportement très social mais les gens qui me supportent ont tendance à faire confiance dans mes jugements. J’aurai tendance à dire que si vous prenez aussi à coeur vos rapports humains dans la critique, il vaut mieux faire autre chose. Ou alors préciser à chaque fois vos états d’âme avant de parler d’un jeu. Je suis un peu brutal ? 🙂 C’est ce que je viens d’expliquer :-))
vaddum
Adepte de jeux depuis plusieurs années, je ne me suis jamais intéressé directement aux états d’âme de l’auteur ou de l’éditeur (ça c’est dit). Ce que je recherche avant tout, c’est un thème qui me plait, une mécanique bien huilée, une réalisation de qualité et de l’interaction avec les autres joueurs (confrontation ou coopération).
Bien évidement, à force d’achat, on se fait un avis sur les différents éditeurs et des noms d’auteurs reviennent régulièrement, mais pour la bonne ou mauvaise qualité du produit uniquement.
Vous l’aurez compris, mes choix se limitent au seul contenu de la boîte, même s’il faut admettre que le logo et le nom inscrits dessus pourront, plus ou moins, éveiller ma curiosité.
Bardatir
En voici une intéressante chronique… etant de pres affilie a la presse ludique, a la creation, et a une casquette ludotheque associative, je connais beaucoup d’auteurs et d’editeurs.
Et j’avoue que leur contact me fait toujours regarder une boite différemment.
Y jouer ne me gene pas outre mesure et je saurai faire abstraction, mais certains auteurs ont des manies quand ils creent qui me donnent des a priori (qu’ils soient antipathiques je m’en fiche). Il en est de meme pour les editeurs lorsqu’il s’agit de materiel mais aussi de traduction et de marketing.
Quand je dois acheter, les affinites evoquees au dessus m’orientent souvent, je l’avoue. J’ai envie de recompenser les personnes que j’estime par mon achat et non celles qui meme si elles creeent/editent de bons jeux, ne le font pas selon mon ethique personnelle…
La presentation d’un jeu sur un salon, c’est la moitie de la premiere appreciation. Avis aux animateurs/editeurs ! (dont je fais partie…)
Thomas Munier
Avec la mention : « Le monde du jeu est-il trop petit pour jouer à un jeu sans connaître son auteur ? », j »ai partagé cet article sur le réseau d’Outsider Daily (créateur de folklore, auteur indépendant. Autoédition d’un livre par mois. Laboratoire de la créativité) : https://twitter.com/Outsider_Daily