Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Intime Conviction. Immersion dans une cour d’assises

Dans Intime Conviction, devenez jurés d’assises. Un jeu de discussion, de déduction. Une belle promesse ludique. Une grande déception.


Intime Conviction

Dans le jeu de société Intime Conviction, jugez une affaire criminelle, analysez les éléments décisifs de l’enquête, faites entendre vos arguments, écoutez ceux des autres jurés. Et pour finir, rendez votre verdict de votre intime conviction.

Dans la réalité, après une enquête judiciaire, les affaires criminelles sont traitées en cours d’assises. Lors du procès, les faits sont évoqués par le juge, la parole est donnée à la défense et à l’accusation. À l’issue du procès, le jury se réunit à huit clos pour délibérer et rendre son verdict.

Intime conviction vous fait vivre ce moment précis du procès.

Argumentez et votez en votre âme et conscience !

Dans Intime Conviction, vous incarnez des jurés d’assises. Après la lecture des premiers faits, vous serez amenés à analyser les faits à charge contre l’accusé. Des votes intermédiaires auront lieu afin de sonder l’avis des jurés et les éléments qui leur semblent probants, à charge ou à décharge avant d’arriver au vote final.

La culpabilité ou non de l’accusé de l’affaire sera décidé à la majorité. Lors de ce vote final vous vous retrouverez seul face à votre intime conviction.

Selon les informations de l’éditeur, toutes les affaires sont tirées de faits réels.

Intime Conviction, comment on joue ?

«  Vous jurez de n’écouter ni la haine ni l’affection, de vous rappeler que l’accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter. Décidez suivant votre conscience et votre intime conviction. Dites : Je le jure ! »

C’est par cette phrase très solennelle, lue par le Président Juré désigné, que va commencer chaque enquête.

Un plateau de jeu est révélé au centre de la table, il contient les premiers éléments de l’enquête (lieu du crime, salle d’autopsie, etc.). Les 12 cartes Juré numérotées sont toutes distribuées. Si vous êtres moins de 12, certains auront plusieurs cartes Juré.

Les cartes sont lues l’une après l’autre à voix haute et donne la dynamique du jeu. Vous y découvrirez progressivement des éléments essentiels à l’enquête et qui seront sujet à débats.

4 fiches d’enquêtes scellées seront également révélées au cours du jeu. À certains moments des délibérés, vous serez invités à un vote intermédiaire afin de sonder votre position, faire entendre votre conviction et étayer vos arguments pour rallier à votre avis les autres membres du jury.

« Qui pense que l’accusé et coupable ou non coupable ? »

La partie se termine lorsque tous les éléments de l’enquête ont été vus et que le vote final conclut à une majorité. Le verdict choisi est alors prononcé et l’enveloppe révélation finale est dévoilée.

Si celle-ci confirme votre vote final, vous avez gagné !

Intime Conviction, les 6 affaires

Nous avons joué aux six affaires d’Intime Conviction disponibles pour l’instant sur le marché. Voici notre chronique.

L’affaire des poissons de Chine – No 1

«Le corps d’une femme est retrouvé au milieu d’un aquarium brisé. Crime passionnel Que s’est-il passé ce soir-là ?»

La première affaire de la série et certainement la plus claire quant à l’issue de l’affaire. Embrouille de couple dans un petit appartement qui tourne mal ? Préméditation ? Agression d’un inconnu ?

Saurez-vous découvrir les faits et faire progresser vos opinions au vu des nouveaux éléments de l’enquête ? Et finalement, quel rôle ont joué les… poissons dans tout ça ?

Pas mal !

Note : 3.5 sur 5.

L’affaire du passeur – No 2

«Un cadavre et 32 orchidées, l’accusé a-t-il prémédité son geste ?»

L’affaire la plus emberlificotée, la moins claire de toutes. On part dans tous les sens, on se perd dans les éléments généalogiques et la résolution de l’enquête n’est pas plus lumineuse.

La moins intéressante et la plus frustrante des affaires. Nous sommes totalement passés à côté, et nous n’en avons éprouvé aucun plaisir.

Non !

Note : 1 sur 5.

L’affaire du bouchon de Liège – No 3

« Mauvaise blague ou vengeance bien orchestrée ? La soirée de Gala avait pourtant commencé dans une atmosphère conviviale.»

Le milieu viticole est un prétexte, et l’on peine à comprendre le sens de l’enquête. Les éléments apportés amènent finalement peu de débats et d’hypothèses. Les échanges patinent et les pistes sont laborieuses.

Nous n’avons pas compris l’issue de l’histoire. Une chose est sûre, on aurait mieux fait de s’ouvrir une bouteille plutôt que de jouer à cette affaire !

Vraiment pas terrible

Note : 1.5 sur 5.

L’affaire de la croque-mort – No 4

« Personne ne pouvait imaginer qu’une chose pareille arriverait un jour au sein de la communauté. Comment en est-on arrivé là ? »

Crime sordide dans une communauté de ferme écologique. Enquête intéressante, des éléments fournis qui activent les débats et les hypothèses. À nouveau la conclusion de l’enquête reste en point d’interrogation.

Sympathique

Note : 3 sur 5.

L’affaire des huîtres – No 5

« Un dîner de Noël, une famille bretonne et le corps d’un comptable retrouvé au bas d’une falaise. Que s’est-il passé chez les Duguenec ce soir-là ? »

Qui est le meurtrier ? Quel est le mobile ? Les liens familiaux vont devoir s’éclaircir.

Cette enquête d’Intime Conviction arrive à garder du sens. Même si l’issue nous a montré que nous nous étions égarés. Au moins, pour une fois, nous avons eu l’impression de comprendre un peu mieux l’histoire, même si quelques détails plus explicites auraient été les bienvenus à la toute fin.

Pas mal !

Note : 3.5 sur 5.

L’affaire des flammèches – No 6

« Le groupe québécois Jazzeur Boréal est en tournée en Europe. La choriste est-elle responsable d’avoir causé un incendie et la mort d’une technicienne de spectacle. »

L’enquête de ce sixième Intime Conviction commençait bien. Lorsque nous nous sommes aperçus que la moitié du matériel appartenait à une autre affaire. Visiblement une erreur au moment de l’empaquetage. Impossible à jouer en l’état. Nous ne pourrons pas donner notre avis sur cette affaire. Mais une grosse déception toutefois.

Injouable

Note : 0 sur 5.

Intime conviction, verdict

Intime Conviction propose une thématique unique en vous glissant dans la peau d’un juré d’assises. Les interactions sont fortes pour peu qu’on « joue le jeu ».

Les affaires sont prévues pour 2 à 12 personnes. L’idéal se trouve entre 6 à 8. À moins, on perd de l’intérêt dans les échanges et les argumentations différentes. À plus, on glisse dans un grand brouhaha difficile à canaliser et où les personnalités plus introverties auront tendance à se mettre en retrait. Voire à se retirer totalement des débats au profit des personnalités plus enclines à faire entendre leur voix et arguments.

Il est proposé de tester le jeu à 2 en faisant durer le suspense sur 1 semaine. Je ne suis pas certaine que le stress du quotidien s’y prête vraiment. Mais pourquoi pas. À tester lors d’une semaine de vacances ?

Coté packaging, j’ai tout de suite eu le coup de cœur. Une petite enveloppe en papier kraft qui peut être postée, un matériel sobre mais de qualité avec des illustrations agréables. Tout cela dans une démarche locale très intéressante. Mais la love story s’est arrêtée là. Je vais y revenir.

La première édition du jeu a été faite de manière artisanale, entièrement conçue, fabriquée et assemblée à la main par deux amis, à la base de l’édition FIKA.

Les enquêtes sont plus ou moins intéressantes selon leur thématique et les accroches plutôt personnelles. Les thèmes sont suffisamment variés pour toucher un large public.

À noter que pour ce type de jeu, une grande part de la réussite d’une bonne soirée vient des personnes avec lesquelles on le partage. Ce qui rend Intime Conviction intéressant est justement la conviction que toutes les personnes en jeu vont se mettre à jouer leur rôle, à enrichir les débats, à prendre le temps de convaincre les autres, trouver les bons arguments, etc.

Évitez toutes les pauses pipi en plein débat, les consultations intempestives du téléphone ou des échanges hors-jeu en cuisine. Pour qu’Intime Conviction fonctionne, il doit vraiment être joué en huis-clos. Personne ne sort, personne ne bouge. Mais tout le monde parle, tout le monde parle participe !

Passons maintenant au jeu en lui-même. Ce qui fait d’Intime Conviction un jeu décevant et frustrant, vient, à mon sens, d’une énorme erreur de communication sur le sens du jeu. En effet, on s’attend à juger une enquête aboutie dont on connaitra l’issue au terme de celle-ci. Finalement, on se retrouve dans la même position qu’un vrai juré, rempli de doute, sans aucune certitude sur nos votes en fin de jugement, en fin de partie.

Les différentes phases du jeu sont plus ou moins intéressantes pour toutes les raisons évoquées plus haut. En revanche, c’est vraiment au moment de la révélation finale que le jeu fait un grand FLOP !

Toutes les personnes avec lesquelles j’ai testé ces pochettes de jeu, à commencer par moi, s’attendaient, en fin de partie, à obtenir la vraie issue de l’enquête : coupable ou non coupable. Or, les dernières révélations sont tellement peu claires que l’on ne sait finalement pas assurément si on a condamné un innocent à tort, ou laissé en liberté un coupable.

Ce qui fait de ce jeu une immersion totale et réussie dans la vraie réalité d’un jury votant en son âme et conscience sans certitude absolue est également ce qui marque son plantage ludique. On veut savoir ce qu’il s’est vraiment passé. Et comme ce n’est pas le cas pour la quasi-totalité des affaires, cela ne passe vraiment pas ! Le réalisme est poussé trop loin. Personnellement, je n’y ai pas éprouvé un quelconque plaisir.

Au pire, on se serait contenté d’un épilogue sur ce que le vrai jury a décidé, les fortes présomptions qui les ont amenés à cela, les révélations quelques années plus tard, etc. On est prêt à lire n’importe quoi pour mettre fin à ce doute, qui finit par devenir une frustration. Mais rien. Aucune trace d’explication en fin de jeu. Juste nous, avec notre désarroi.

C’est vraiment cette fin que je trouve complétement bâclée en mode « débrouillez-vous pour comprendre » qui annule totalement une proposition ludique pourtant fantastique. Tellement dommage.

La vraie force d’Intime Conviction est, en revanche, au-delà du jeu. C’est un support parfait pour éveiller les consciences sur les enjeux d’un débat, sur la responsabilité d’un jury d’assises, sur les conséquences d’une erreur judiciaire. Parfait donc pour des apprentis avocats.

Mais pour cela, une vraie clarification en préambule sur le sens du jeu devrait impérativement être énoncée.

12 Hommes en colère

Et pour celles et ceux que ces aspects titillent, je vous suggère de voir ou de revoir l’excellent film 12 Hommes en Colère (12 Angry Men) de Sidney Lumet qui date de 1957. Impossible de ne pas y penser en jouant à Intime Conviction. Ce film est, selon moi, un chef d’œuvre cinématographique, intemporel, sur l’art oratoire, les biais psychologiques et les enjeux d’une cour d’assises.

Un jeune homme d’origine modeste est accusé du meurtre de son père et risque la peine de mort. Le jury, composé de douze hommes, se retire pour délibérer et procède immédiatement à un vote : onze votent coupable. Or, la décision doit être prise à l’unanimité.

Le juré qui a voté non-coupable, sommé de se justifier, explique qu’il a un doute et que la vie d’un homme mérite tout de même quelques heures de discussion. Il s’emploie alors à convaincre un par un les onze autres membres du jury.

Dans ce film, 12 Hommes en Colère ne présente pas un combat entre deux convictions contraires. Mais entre une conviction et un doute. La dynamique n’est pas la même. La plupart veulent prouver qu’ils auraient raison de juger l’accusé coupable, alors qu’un des personnages veut s’assurer qu’il n’aurait pas tort de juger l’accusé coupable. Nuance.

C’est toute la subtilité du film et du traitement du sujet. Même si, finalement, et sans ne rien divulgâcher sur l’issue des débats, tout est résolu par délibération via des techniques d’argumentation. Et non via des faits irréfutables. Le procédé est… discutable.

Dans Intime Conviction, on retrouve l’ambiance du film. On peut apprécier les jeux de négociation, de discussion, de coopération, de déduction, ou pas. Là n’est pas la question. Dans Intime Conviction, ce qui m’a personnellement gênée, c’est de n’avoir jamais le fin mot de l’histoire. Il n’y a aucune résolution. Le jeu finit par tomber à plat. Une tellement belle promesse ludique qui s’achève sur une grande déception.


  • Création : Celia Ducaju, Céline Pieters, Raphaël Vanleemputten, Céline Pieters
  • Illustrations : Celia Ducaju
  • Édition : Fika
  • Nombre de joueurs et joueuses : 2 à 12 (toutes les affaires tournent mieux à 6-8)
  • Âge conseillé : Dès 15 ans (bonne estimation. Les affaires sont souvent… lugubres)
  • Durée : 45 min à… 1 semaine
  • Mécaniques principales : Déduction, coopération

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Article écrit par Aline. Elle travaille dans le domaine social. Elle est tombée toute petite dans la marmite du jeu sous toutes ses formes (plateau, jeux vidéo, escape room, murder). Écrire sur le blog lui permet de découvrir de nouveaux jeux et partager de vrais coups de cœur.

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