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Décorum. L’enfer du décor

La cuisine, on la peint de quelle couleur ? Décorum, un jeu coopératif dans lequel vous décorez, ensemble, votre appart. Fun ? Pas vraiment.


Décorum

Décorum est un jeu de société coopératif à informations cachées sorti en anglais il y a quelques mois déjà. Dans ce jeu, vous décidez d’emménager ensemble. Vous allez donc devoir vous entendre, sans vraiment parler, pour savoir quel meuble placer où, quelle couleur choisir pour peindre quelle pièce.

Placé dans un grosse boîte, le matériel de Décorum impressionne ! Le jeu propose une multitude de pièces en bois multicolores, censées représenter les différents meubles. Ces meubles présentent trois catégories : couleur, type (insolite, commun…) et fonction (lampe, tableau…). Ainsi que quelques plateaux, dont celui de l’appartement, le cœur du jeu. Cet appartement se compose de quatre pièces, réparties sur deux étages.

Mais surtout, ce qui détone, dans Décorum, ce sont ces myriades d’enveloppes scellées aux formats variés. Des enveloppes pour des parties à deux, d’autres pour des parties à trois-quatre, aux difficultés différentes.

Chacune de ces enveloppes renferme un scénario, une partie spécifique de Décorum. On y trouve un mini-pitch, la description de la partie, ainsi que la mise en place propre à la partie. Avec les conditions, les instructions, les objectifs individuels à atteindre, qui doivent rester secrets. Ce meuble-ci dans cet pièce-là, surtout pas cette couleur de peinture murale, pas plus de sept objets, etc.

Décorum, comme on gagne ?

À son tour, on dispose d’une seule et unique action. On peut ajouter à l’appartement un meuble ou une couleur de peinture murale, en retirer un élément de l’appartement, procéder à un échange, ou passer. Et c’est tout. Puis on annonce si on a atteint tous ses objectifs. Si, à la suite de cette action, on a réussi à valider tous ses objectifs, on l’annonce. Si c’est alors également le cas de tout le monde à la table, la partie est aussitôt remportée. Sinon, on passe à la prochaine phase, le commentaire.

Après cette action, on peut commenter la nouvelle décoration de l’appartement. Au moyen d’un commentaire positif, « je kiffe ! », « trop cool ! », pour indiquer que l’action va dans le sens de son ou ses objectifs. Ou neutre : « pas mal », « OK, pourquoi pas ». Ou négatif : « question déco, t’as vraiment des goûts de chiotte ».

Puis on passe à la prochaine personne.

À mesure que la partie avance, on tombe sur des moments d’échange, pendant lesquels on dévoile ses conditions aux autres. De quoi leur fournir une bribe d’information.

Enfin, si toute la table n’a pas réussi à s’entendre, à atteindre tous ses objectifs avant la fin de la partie, limitée, on finit par compter ses points. Et c’est tout. Le but étant alors d’en obtenir le plus possible. Et c’est tout. Dans Décorum, au contraire de la plupart des jeux de société coopératifs, au pire, on ne perd pas vraiment. On ne gagne pas. Et c’est tout.

En coloc

Décorum, un jeu coopératif ? Tout au long de la partie, on ne fait que commenter l’action de l’autre. On ne discute pas de stratégie. Le cœur du jeu repose sur les commentaires. Qui vont finir par orienter les décisions futures.

Si c’est positif, on sait qu’on va dans le bon sens. Qu’on s’approche, qu’on répond aux objectifs secrets des autres. Neutre ? Aucun changement. Négatif ? La bourde. On s’en éloigne.

Décorum appartient à la catégorie des jeux coopératifs que l’on appelle « à communication limitée ». On coopère, certes, mais très peu. Mais surtout, on a le droit de parler, mais de manière contrainte, réglementée. Dis ceci, mais pas cela. On se croirait dans le jeu de plis The Crew ou Hanabi, deux jeux à succès.

Si vous aimez le format, vous aimerez Décorum. Ou pas.

Décorum, verdict

Avec son matériel varié et évolutif, son thème, cocasse, taquin et original, j’aurais voulu aimer Décorum . Mais voilà. Après deux-trois parties, le jeu s’essouffle vite. Les parties s’enchaînent et se ressemblent. Même si la mise en place de départ est différente. Même si les objectifs le sont également. On finit par toujours faire la même chose : un meuble par-ci, une couleur par-là. C’est peu. Le jeu devient répétitif et peu engageant. C’est drôle deux minutes. Et encore. Ni jeu d’ambiance, ni jeu tactique, on y joue, sans conviction, sans passion.

Mais surtout, le gros écueil, un écueil inhérent à ce genre de jeux, c’est que la communication est… limitée. On a le droit de dire ceci, comme cela, mais pas ceci, ainsi. Les commentaires doivent rester vagues, et finissent par toutes se ressembler : « j’aime », « OK », ou « je n’aime pas ».

Mais comme il est formellement interdit de préciser pourquoi on aime, ou pas, de spécifier une couleur ou un objet, au risque de déflorer ses objectifs, le jeu reste creux et ne décolle jamais. Et soyons lucides, il y a bien quelqu’un à la table qui finira par mettre les pieds dans le plat et lâcher une bribe d’information par-ci par-là. Par maladresse, ou pas. De quoi flinguer la partie en cours. De quoi rendre le jeu fragile, bancal.

Le jeu nous ment. Il nous vend du rêve. On y parle de cohabitation, de coopération. Alors qu’en vrai, dans Décorum, il n’est aucunement question de communication. Sa partie se résume à ne faire que lâcher des petits commentaires, vagues, censés conférer un semblant d’indice. C’est peu. C’est plat.

Enfin, un autre gros écueil de Décorum, c’est qu’on peut passer sa partie à faire du ping-pong. À placer, enlever, remplacer, échanger les mêmes éléments de décor de l’appart, tour après tour, tout ça pour espérer atteindre la bonne config.

Ce qui me fait arriver au nombre idéal de joueurs et de joueuses. À deux, c’est l’optimum. On contrôle plus et on s’amuse plus. Pour autant qu’on puisse parler de… « s’amuser ». Mais à 4, le jeu devient brouillon. Et la mécanique de ping-pong s’en trouve renforcée.

À 3, c’est peut-être la pire des configurations. On joue comme à 4, mais on rajoute des objectifs par personne. C’est la pire des solutions, hybride.

Encore une fois, j’aurais aimé aimer ce jeu au thème, au matériel détonants, plaisants. Mais finalement, Décorum n’est pas un jeu qu’on voudra emmener avec soi lorsqu’on emménagera avec ses colocs.

Bof bof. Déçu, décevant.

Note : 1.5 sur 5.

  • Création : Charlie Mackin, Drew Tenenbaum, Harry Mackin
  • Illustrations : Michael Mateyko
  • Édition : Floodgate Games
  • Nombre de joueurs et joueuses : 2 à 4 (tourne mieux à 2)
  • Âge conseillé : Dès 13 ans (bonne estimation)
  • Durée : 45 minutes
  • Thème : Décoration d’appartement (ça c’est un thème !)
  • Mécaniques principales : Coopératif, objectifs secrets, communication limitée. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.

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Article écrit par Gus. Rédacteur-en-chef de Gus&Co. Travaille dans le monde du jeu depuis 1989 comme auteur et journaliste. Et comme joueur, surtout. Est également pilote de chasse pour l’armée américaine, top-modèle, bio-généticien spécialiste en résurrection de dinosaures, champion du monde de boxe thaï et de pâtisserie végane, dompteur de tricératops, inventeur de l’iPhone et mythomane.

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