Analyses & psychologie du jeu,  Éducation & jeux en classe

À Genève, l’école joue le jeu

L’école genevoise introduit désormais un temps de jeu. Officiel. Ou quand les vertus du jeu s’affirment et s’invitent dans les programmes.


Le jeu à l’école

Prêcher un convaincu. Prêcher des convaincus. Si vous lisez ces quelques lignes sur notre blog, vous connaissez les atouts du jeu. On y développe des compétences, cruciales, essentielles. Désormais, le jeu s’invite à l’école. Et de manière officielle, dans les programmes.

Alors certes, on ne parle pas ici véritablement de plages horaires attribuées au jeu de société, ou au jeu de rôle. Comme cela se fait déjà ailleurs en Suisse par exemple.

Non. On parle ici de jeu symbolique. On fait semblant, « comme si ». Telle la marchande par exemple. La fonction symbolique de ce genre de jeu traduit la capacité d’évoquer des objets, des comportements ou des situations non visibles au moyen de symboles ou de signes.

Le jeu symbolique est une manifestation de la fonction symbolique. Il apparaît entre 18 mois et 2 ans, lorsque l’enfant commence à faire semblant d’exécuter une action de sa vie, en dehors de son contexte L’imitation différée lui permet ensuite d’évoquer un modèle, absent.

Le processus se poursuit par des jeux de « faire semblant », au cours desquels l’enfant attribue lui-même des rôles aux objets et aux personnages qu’il s’invente ou qu’il manipule. Il assimile ainsi la réalité.

Apparaissent ensuite des scénarisations de plus en plus complexes. Ce processus permet à l’enfant de résoudre ses conflits internes pour une adaptation harmonieuse au monde dans lequel il évolue. Il y développe une « conscience de l’autre » soutenue par le recours au langage.

Tout au long de ce processus d’élaboration, l’enfant développe ses fonctions exécutives, fonctions
mentales indispensables pour développer les aptitudes liées à l’apprentissage. Il y développe
par ailleurs ses compétences motrices, cognitives, et sociales.

Pour faire court, le jeu, symbolique, c’est ouf !

L’école au service du jeu. Ou vice versa

L’école enfantine emploie couramment le jeu comme méthode d’enseignement. Au niveau primaire, il commence à apparaître, tout comme aux niveaux secondaire et tertiaire, de manière certes encore assez parcimonieuse. Les formes les plus utilisées y sont les jeux de rôle et de simulations, ainsi que les défis cognitifs.

Quels sont les principaux avantages et inconvénients de l’apprentissage par le jeu ? D’abord, le fort pouvoir de motivation de cette technique, amusante. Cela s’avère particulièrement utile pour les tâches répétitives ou la mémorisation d’une longue liste d’éléments.

Du côté des inconvénients, le jeu n’est pas forcément adapté à tous les types de personnalités. Il peut par exemple créer des blocages chez les personnes les plus introverties par exemple. Et bien évidemment, il sera plus complexe de trouver une activité ludique pour certains cours, pour certains sujets.

Jeu et psychologie

Tous les psychologues vous le diront. Jouer est crucial pour le développement des enfants. Les recherches sur toutes les espèces montrent l’importance du jeu pour le développement. C’est ce qui ressort de cette recherche de 2019 dans l’International Journal of Comparative Psychology, la « Domestication and the role of social play on the development of socio-cognitive skills in rats ». Oui, vous avez bien lu, chez les… rats.

OK, nos enfants ne sont pas des rats, mais des humains.

N’empêche.

Cet article a de nouveau souligné l’importance du jeu comme une activité essentielle pour toutes les espèces à mesure qu’elles grandissent. Les auteurs de cette recherche ont non seulement relevé l’importance du jeu, mais également le type de jeu qui s’avérait important pour les enfants de toutes les espèces. 

Dans cet article, les chercheurs abordent spécifiquement les rats ainsi que différents types de jeux auxquels nos « amis » les rats se livrent à la fois dans des environnements domestiques et dans la nature. Dans les deux situations, grâce au jeu, les rats ont clairement acquis les compétences spécifiques dont ils auraient besoin pour mener une vie adulte adéquate, épanouie.

Ce que ces auteurs ont également abordé, c’est que leurs recherches ont conforté l’idée selon laquelle le jeu permet aux jeunes de différentes espèces de mettre en pratique les compétences dont ils auront besoin pour gérer efficacement les situations sociales en grandissant

Certains domaines sociaux les plus touchés par le jeu ont été d’apprendre à interagir efficacement avec d’autres personnes et à apprendre à partager et à jouer à tour de rôle. Si vous avez des enfants, vous savez à quel point cet élément, capital, est difficile à tenir pour eux. La recherche a également prouvé que le jeu aide à renforcer les compétences cognitives, comme le raisonnement, tactique ou stratégique, et la mémoire, à mesure que les enfants grandissent.

Un grand nombre d’autres études confirment l’importance du jeu chez de nombreuses espèces. Ce que cette recherche montre, c’est l’importance du jeu qui semble enracinée dans les éléments fondamentaux de notre développement social et neurologique. Parce que oui, le jeu, c’est du sérieux !

Compétences et appétence

La recherche ci-dessus démontre également que le jeu profite aux jeunes individus de toutes les espèces (les rats, les humains). En les aidant à acquérir les compétences dont ils auront besoin pour communiquer efficacement avec les autres membres de l’espèce en grandissant.

Le jeu présente donc de sérieux avantages. Car il permet aux enfants d’acquérir des compétences très importantes, sociales et cognitives, et savoir comment agir en cas de non-respect de ces règles. Le jeu est essentiel.

Pour toutes ces raisons, le DIP, le Département de l’Instruction Publique de Genève a décidé de faire de la place pour le jeu, de manière officielle. La place du jeu symbolique dans les premiers degrés s’est amoindrie à cause des nouveaux programmes. Ce qui a été précédemment négligé, c’est l’apprentissage par le jeu et via les émotions qu’il permet de découvrir, si fondamental pour le développement cognitif. On ne parle pas de laisser des élèves livrés à eux-mêmes, mais de jeux guidés, structurés, pensés avec des objectifs pédagogiques.

Certes, les enseignantes et enseignants n’ont pas attendu cette refonte des programmes et ce changement de posture pour introduire le jeu dans leur classes. Certaines et certains employaient déjà le jeu depuis des… lustres.

Mais ce qui change désormais, c’est qu’une instance publique, politique, officielle, institutionnelle, reconnaisse l’important du jeu. Pour apprendre le « vivre-ensemble », pour développer des compétences sociales, humaines, les fameux « soft-skills« . Et grâce au jeu, on apprend, autrement. Vivement la prochaine rentrée !


Hier, mercredi 12 octobre, la Tribune de Genève, le quotidien régional, a publié un long article pour parler de cette initiative. À découvrir ici :


Article écrit par Gus. Rédacteur-en-chef de Gus&Co. Travaille dans le monde du jeu depuis 1989 comme auteur et journaliste. Et comme joueur, surtout. Est également pilote de chasse pour l’armée américaine, top-modèle, bio-généticien spécialiste en résurrection de dinosaures, champion du monde de boxe thaï et de pâtisserie végane, dompteur de tricératops, inventeur de l’iPhone et mythomane.


Et vous, que pensez-vous de cette initiative d’introduire le jeu de manière officielle à l’école ?

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