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Une personne sur deux éprouve une « fatigue informationnelle »

Comment vous tenez-vous informés de l’actualité ludique ? Une personne sur deux dit ressentir une fatigue informationnelle.


Informations ludiques

Comme la rentrée scolaire et littéraire, ça y est, nous sommes entrés de plain-pied dans l’autre rentrée, la rentrée ludique. En même temps que les livres garnissent les rayons des libraires, c’est également en septembre et octobre que le gros des sorties de jeux de société déboule sur les étagères des boutiques de jeux. En ligne ou en « dur ».

Et qui dit rentrée ludique, dit forcément annonces. Cet auteur va bientôt sortir ce jeu-ci, une prochaine campagne de précommande participative va être lancée d’ici sous peu, un éditeur va bientôt publier ce titre-là. Comment vous tenez-vous informés de l’actualité ludique ?

Médiasphère ludique

La médiasphère ludique est foisonnante. C’est le moins que l’on puisse dire. Avec le web, les canaux d’information, gratuits, sont pléthoriques. Chaînes YouTube, podcasts, comptes Instagram, Facebook, Twitter, sites, blogs (comme le nôtre), l’offre n’a pas de limite. Sauf celle de notre attention.

Consultez le web, suivre le fil de l’actu prend du temps, et de l’énergie. Une étude publiée la semaine dernière par la Fondation Jean-Jaurès avec Arte et l’Observatoire société et consommation met le doigt sur une réalité. Une personne interrogée sur deux éprouve parfois, ou souvent, une fatigue informationnelle, une difficulté à trouver l’information, à la suivre ou à s’y intéresser. On parle bien ici d’informations générales, et bien entendu pas que ludique. Mais le lien n’est pas loin.

Rajoutez à cela le FOMO, et vous obtenez un cocktail… explosif, exténuant.

Parmi les différentes explications au phénomène, selon l’étude, trois principales sont à relever : le caractère répétitif de l’information et le fait que l’une chasse l’autre dans un rythme effréné. Leur restitution polémique dans l’espace public. Et, troisième point, le caractère déprimant, voire déprimogène de ce que les médias donnent à lire, entendre ou voir à leur public.

Même si, les deux dernières catégories, et la dernière plus précisément, ne touchent pas l’information ludique.

L’étude publie plusieurs graphiques pertinents, dont ces deux que nous avons relevés.

L’étude se penche également sur les différents profils des publics.

Cinq profils de Français

Pour mieux comprendre qui sont ces Français fatigués, les analyses statistiques de l’étude permettent de dégager cinq profils. Ceux-ci se distinguent à la fois par leur engagement dans la consommation d’information et par le degré de fatigue informationnelle qu’ils disent éprouver.

Les « hyperconnectés épuisés » représentent 17% de la population

Ce profil regroupe surtout des jeunes, urbains et diplômés ayant une forte consommation médiatique, notamment via internet et les réseaux sociaux où ils sont relativement actifs. Ils se démarquent aussi par des pratiques très intenses, voire compulsives vis-à-vis de l’information et sont fortement touchés par la fatigue informationnelle.

Les « défiants oppressés » représentent 35% de la population

Ce profil est plutôt féminin avec un niveau de vie modeste et un engagement moyen dans l’information, mais avec le sentiment de la subir, d’avoir du mal à se faire une opinion, de se sentir dépassé par l’information. Très affectées par cette situation, les personnes de ce groupe sont souvent en recherche d’alternatives (fact-checking). Elles ressentent une fatigue informationnelle intense et se distinguent aussi par une défiance très forte vis-à-vis des médias.

Les « hyperinformés en contrôle » représentent 11% de la population

Plus âgé, plutôt masculin, ce profil rassemble des personnes souvent retraitées et aisées ayant une pratique informationnelle intense, notamment de médias traditionnels, très en contrôle et non exposées à la fatigue.

Les « défiants distants » représentent 18% de la population

Ce profil est plutôt masculin, davantage issu de catégories modestes et a un engagement assez moyen dans les pratiques d’information. Les individus qui en sont issus expriment une forte défiance vis-à-vis des médias comme du politique, mais une assez forte confiance en eux-mêmes. Ils sont très négatifs sur la situation collective (le monde, la société, la démocratie), ont un fort sentiment d’impuissance et l’impression de subir, de ne pas avoir la liberté et le contrôle sur leur avenir.

C’est le groupe qui, par rapport à la confiance dont il témoigne aux médias, a le différentiel de confiance le plus important entre les médias en général (forte défiance) et ceux qu’ils utilisent.

Les « NSP-NC » (ne sait pas/non concernés) représentent 20% de la population

Habitants du périurbain et des communes peu denses, ce sont des actifs occupés d’âge intermédiaire avec enfants. Ils consomment peu d’informations. Ils ne sont ni engagés dans la recherche d’information, ni impactés par une forme de fatigue à cet égard. Ils mènent leur vie et en sont relativement satisfaits. Ils ne sont pas du tout intéressés par la politique, ne se sentent pas représentés sans être pour autant défiants.

Au regard de cette typologie, il existe, on le voit, deux groupes qui, au-delà de ce qui les rassemble (l’importance qu’ils donnent au fait de s’informer, le fait d’être plutôt diplômés et/ou relativement aisés), témoignent clairement de l’évolution de l’écosystème médiatique. L’un très engagé dans les médias avec une consommation classique, l’autre bien plus engagé dans les médias et les pratiques numériques.

Ce faisant, les « hyperconnectés épuisés » mettent en évidence les défis d’un nouvel écosystème informationnel dans lequel le centre de gravité de la composition de l’information s’est déplacé vers l’individu avec une nécessité d’orchestrer l’information, d’y contribuer, de la hiérarchiser depuis lui-même en se reposant sur une moindre délégation. Avec la pression qui en résulte.

On notera deux autres groupes qui se caractérisent avant tout par leur défiance, dont l’un (les « défiants oppressés ») manifeste de façon évidente une souffrance résultant de cette défiance. Tout se passe pour eux comme si la fatigue informationnelle venait renforcer un cercle vicieux produisant des effets invalidants tant sur la personne elle-même que sur sa capacité à se sentir arrimée à un collectif. L’autre groupe défiant (les « défiants distants ») parvient à tout le moins à se préserver dans son intégrité individuelle au prix de son rapport aux institutions (médiatiques, politiques…).

Quant au dernier groupe (les « NSP-NC »), sans acrimonie spécifique ni rejet, mais à l’écart, il semble finalement incarner et entériner la déconnexion tant commentée entre les Français, ces mêmes institutions et les représentations que celles-ci véhiculent.

Ces « défiants oppressés », ces « défiants distants » et ces « NSP-NC » sont clairement les profils qu’il appartient aux médias, aux pouvoirs publics et à l’ensemble de l’écosystème démocratico-médiatique d’aller reconquérir.

L’information, les informations

Encore une fois, se tenir informés de l’actualité ludique prend du temps. Beaucoup de temps. En général, on a ses blogs, ses podcasts, ses réseaux sociaux « chouchous », favoris, que l’on consulte avec une certaine régularité et assiduité. Mais cela demande un certain effort.

Et chaque année, la rentrée ludique, entre septembre et octobre, qui s’étend même jusqu’en novembre et avant les fêtes de fin d’année, l’information devient encore plus importante, massive. Peut-on alors parler d’infobésité ludique ? De surcharge informationnelle qui peut alors susciter une certaine surcharge, et donc fatigue, cognitives ? L’étude, même si elle s’intéresse à l’information générale, tend à le démontrer. Trop d’information tue l’information.


Article écrit par Gus. Rédacteur-en-chef de Gus&Co. Travaille dans le monde du jeu depuis 1989 comme auteur et journaliste. Et comme joueur, surtout. Est également pilote de chasse pour l’armée américaine, top-modèle, bio-généticien spécialiste en résurrection de dinosaures, champion du monde de boxe thaï et de pâtisserie végane, dompteur de tricératops, inventeur de l’iPhone et mythomane.


Et vous, est-ce que vous ressentez cette fatigue informationnelle ludique ? À quelle fréquence vous tenez-vous informés de l’actualité, des sorties, des annonces de jeux ? Racontez-nous ça, on se réjouit de vous lire.

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