Critiques de jeux,  Jeux de plateau

Frutopia, tout fruit, sans flamme

Frutopia. Frais, fruité, fruitier et familial. Un pur filler.


Frutopia, chronique taquine

La plupart des jeux de société modernes s’emparent d’un jeu, d’une mécanique connue pour la réinventer, la sublimer, la modifier. C’est le cas de Frutopia, sorti en septembre chez Gigamic, ou de nombreux autres titres, à l’instar de Kingdomino, qui reprend le domino, ou The Crew, qui reprend le Tarot et le Jass. La liste serait beaucoup trop longue pour être énumérée ici.

Véritable tendance ou réalité, avec autant de jeux qui sortent chaque année, il devient difficile, impossible de réinventer la roue à chaque fois. Et Frutopia est là pour nous le prouver.

Frutopia, des fruits pas si frais

Dans Frutopia, on débarque avec son rafiot sur une île tropicale pour en exploiter les fruits : banane, citron, grenade, orange et mangoustan.

À son tour, on va pouvoir effectuer deux actions : déplacer l’un des jetons Fruit sur son île, et ramasser autant de jeton du fruit correspondant que de cases traversées, et ensuite, on va pouvoir en défausser autant pour honorer des commander. Frutopia est donc, encore, l’un de ces innombrables jeux dits à contrat. Une ressource nécessaire pour un contrat, un objectif, et c’est ainsi que l’on amasse des points de victoire.

Rajoutez quelques jetons aux pouvoirs spéciaux, des bateaux que l’on va pouvoir évacuer pour gagner de la place sur sa plage, son île, de quoi se déplacer plus et ainsi amasser plus de fruits, et vous obtenez Frutopia, un pur filler, un « entre deux », familial, frais, mais sans frou-frou.

À l’instar du frénétique Flash 8 chez le Scorpion Masqué, également écurie Hachette comme Gigamic, Frutopia reprend le fameux casse-tête du taquin pour l’adapter en jeu de plateau. Comme son île est recouverte de jetons Fruits, avec quelques emplacements vides, il va falloir trouver les bons déplacements, les bons arrangements, pour réussir à parcourir le plus de cases vides et ainsi obtenir le plus de fruits. Et ainsi pouvoir honorer le plus de contrats, ou en tout cas les plus… juteux.

Car oui, Frutopia se joue sur son coin d’île, son petit plateau personnel, et on bricole en solo déplacements et cargaison. Ce qui en fait un jeu polaire, les yeux rivés sur ses déplacements, on se soucie à peine des autres, à peine dans les contrats sont pris, une réalité, cruelle, sur laquelle on a finalement peu d’emprise.

Histoire du taquin

Il est difficile de retrouver la date exacte de la création du taquin. On a longtemps attribué, à tort, son origine et création à Sam Loyd en 1878, le plus grand expert américain en casse-têtes et autres énigmes. C’est lui le premier qui a présenté ce jeu. Mais en réalité, on s’est aperçu qu’il s’agissait d’une réinvention d’un autre jeu fabriqué et vendu dix ans plus tôt par la Embossing Company de New York.

Ce casse-tête se composait de 15 pièces carrées numérotées qui pouvaient être glissées dans une boîte carrée assez grande pour contenir 16 pièces. Ces dernières doivent être placées au hasard dans la boîte et le but du jeu réside dans le fait de devoir recomposer, réarranger les pièces dans l’ordre croissant sans sortir les pièces de la boîte. La seule possibilité est donc de faire glisser les pièces, et tout ceci en s’aidant de l’espace vide supplémentaire.

Sam Loyd n’a donc pas inventé le taquin. Il n’avait rien à voir avec sa promotion ou sa popularisation. L’engouement pour le taquin a commencé en janvier 1880 aux États-Unis et en avril de la même année en Europe. L’engouement pour ce casse-tête fut de courte durée, puisque fin juillet 1880 le soufflet retomba.

Le premier article de Sam Loyd sur le taquin ne fut publié que seize ans plus tard, en janvier 1896. Loyd a d’abord affirmé en 1891 qu’il avait inventé le casse-tête, et il a continué jusqu’à sa mort une campagne qui aura duré 20 ans pour s’attribuer la création du jeu. À tort, et en vain. Son véritable inventeur était Noyes Chapman, un postier de la petite bourgade de Canastota dans l’État de New York. C’est là qu’il y a a déposé une demande de brevet en mars 1880.

Depuis le célèbre casse-tête « de » Sam Loyd, des milliers de jeux différents sont fabriqués. La plupart d’entre eux forment une image lorsqu’ils sont résolus. Ce sont souvent les entreprises qui en ont sorti un pour se faire de la publicité, avec leur logo décomposé, à recomposer, comme petit cadeau à leur clientèle.

Carrées au préalable, il a toutefois fallu attendre les années 1910 pour voir l’idée apparaître d’utiliser des pièces rectangulaires. Ces taquins rectangulaires deviennent alors beaucoup plus complexes à résoudre.

Frutopia, et d’autres jeux de société modernes, reprend donc cette mécanique. Une matrice presque remplie, avec quelques cases vides, et des déplacements à effectuer pour trouver le meilleur arrangement possible. Si dans le véritable jeu du taquin on essaie de recomposer, réarranger les chiffres, dans Frutopia tout est question de réussir à traverser le plus de cases, vides, pour obtenir le plus de jetons fruits. Et ainsi honorer le plus de contrats, avant les autres.

Frutopia, verdict

Frutopia est l’un de ces nombreux jeux ni bons, ni mauvais. On y jouera 2-3 fois, et puis c’est tout. Il lui manque la même patine qu’on trouvait dans Finca, un autre jeu à contrats sur le thème des fruits, qui avait au moins le mérite de mettre tout le monde aux prises avec un plateau et une rondelle à ressources en commun.

Dans Frutopia, le fait de jouer dans son coin demande un sacré effort d’imagination pour parler de véritable jeu de… société. On résout son casse-tête, en solo, avec soudain des contrats qui disparaissent, et c’est tout. Un jeu peu vitaminé.

À mentionner toutefois deux aspects qui relèvent le jeu : une variante, plus complexe, qui rajoute une usine à… jus de fruits, et qui demande de se développer, d’avancer sur une piste, et enfin, un superbe matériel composé de… « meeplefruit ».

Sympathique

Frutopia, un jeu qui se joue aussi vite qu’il s’oublie.

Note : 3 sur 5.
  • Auteur : Christian Stöhr
  • Éditeur : Gigamic
  • Illustratrice : Annika Heller
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 4 (tourne bien à toutes les configurations)
  • Âge conseillé : Dès 10 ans (bonne estimation)
  • Durée : 45’ (bonne estimation)
  • Thème : Fruits
  • Mécaniques principales : Taquin, contrats

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2 Comments

  • Xavier Mornard

    J’ai joué à Frutopia et franchement l’intéraction est présente puisque le partage du marché influence beaucoup ses actions; dans ma partie, ma partenaire s’était focalisé sur les marchands de glace à mes dépends, j’ai dû revoir toute ma stratégie pour la remplacer par du placement de bâtiments pour faire des points, et donc multiplier les livraisons pour gagner de la place…donc franchement, le jeu est beaucoup plus interactif que de nombreux autres jeux avec des plateaux personnels.
    De toute façon, c’est actuellement la grande mode des jeux avec son propre plateau, son propre terrain…alors rien de très neuf avec ce jeu. J’espère d’ailleurs que cette mode passera, qu’on refasse un peu plus société…

  • Steph

    Même si l’impression de jouer dans son coin est certes présente, la course aux éléments centraux et les possibilités de blocages dans la variante experte apporte un peu d’interactivité. Sans compter que la course aux points en toute fin de jeu permet à certains d’accélérer la partie avant que les autres ne scorent. Joué en configuration 3 et 4, plutôt passé un bon moment alors que je suis plutôt gros joueur, et des retours positifs de la part des joueurs l’ayant testé dans mon asso. Frutopia n’est pas le jeu de l’année, c’est sûr, et sa courbe d’apprentissage n’est pas énorme, c’est vrai, mais le jeu me semble moins polaire que vous l’indiquez.

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