Jeux de plateau

Catan : avec le confinement, les ventes du jeu explosent !

Dû au confinement, Catan se vend comme des petits pains. Retour sur 25 ans d’histoire du jeu.


Catan

J’ai une révélation à vous faire. Dans les années 90, j’étais un addict. Oui, j’avoue, aujourd’hui en 2020, près de trente ans plus tard, je n’en suis pas très fier. J’essaie de cacher cette vérité. Je me souviens encore de certains lieux interlopes dans lesquels je me rendais dans ma ville natale du canton de Berne. Un bar chelou camouflé sous une église, des hôtels de passe (ou pas), des soirées privés entre gens de mauvaise compagnie. Je m’y rendais à l’époque deux à trois soirs par semaine pour une seule et unique raison, me faire mon fix de Catan ! Il y a pire comme addiction.

Quand Catan est sorti en 1995, d’abord en VO puis deux ans plus tard en VF, ce jeu de société a modifié le paysage du jeu de société en profondeur. C’est depuis ce jeu qu’on s’est mis à parler aujourd’hui de jeu de société… moderne. Des règles courtes, simples, fluides, pour des parties pareilles.

L’histoire finit plutôt bien pour moi. J’ai réussi à guérir de mon addiction. Aujourd’hui, je ne joue plus du tout à Catan. Mais à 600’000 autres jeux de plateau. Tout va bien.

Ce vendredi 7 août dernier, la National Public Radio, abrégé en NPR, a publié un article sur le confinement et son impact sur le marché du jeu de société. NPR est le principal réseau de radiodiffusion de service public aux États-Unis. C’est un peu la Radio et Télévision Suisse et Radio France. Le réseau NPR compte 90 stations de radio à travers les US.

Nous vous proposons ici une traduction de l’article. Il pourrait vous intéresser, que vous jouiez encore à ce dinosaure qu’est Catan ou non. Peut-être que vous avez été comme moi dans les années 90, à écumer des lieux de perdition pour recevoir votre fix.


Article

Rob Schmitz, NPR, vendredi 7 août 2020.

En 1963, Klaus Teuber, 11 ans, a reçu un cadeau qui allait changer sa vie : un jeu de société. « Quand j’ai ouvert la boîte du jeu, j’ai aimé l’odeur du jeu », se souvient-il en inspirant profondément. « Ah, tellement merveilleux ! Il y a de l’aventure dans cette boîte ! »

C’était un jeu de Romains contre Carthaginois. « C’était un jeu de plateau avec de superbes personnages peints, et il fallait lancer les dés pour lutter contre les autres », se souvient Teuber.

Il se souvient avoir joué seul, opposant une armée à l’autre sur un prétendu paysage de rivières, de plaines et de montagnes qu’il avait façonné chez sa famille à Rai-Breitenbach, un village allemand situé au pied d’un château et entouré de forêt. « C’était la toute première étape du développement ultérieur de Catan« , dit-il.

Catan, autrefois connu sous le nom de The Settlers of Catan (NdT : Les Colons de Catane, en VF), allait devenir le chef-d’œuvre de Teuber. C’est un jeu de société de commerce et de développement où les joueurs se disputent des ressources dans une course pour construire des colonies, des villes et des routes. Le développeur le plus performant gagne.

Les entrepreneurs adorent le jeu. Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, est un fan. Le co-fondateur de LinkedIn, Reid Hoffman, y aurait joué lors d’entretiens d’embauche pour évaluer les candidats et comme outil pour conclure des transactions de capital-risque. Dans sa 25e année, Catan a vendu plus de 32 millions d’unités, selon les chiffres de l’entreprise, l’un des jeux de société les plus vendus de tous les temps.

Une photo de famille Teuber de 1994 montre Klaus (à gauche), Benjamin et Guido Teuber jouant à une version test du jeu Catan. Le créateur de Catan, Klaus Teuber, dit que la famille joue toujours ensemble, mais admet qu’il perd généralement. Crédit photo : La famille Teuber

« Catan était révolutionnaire et son impact se poursuit aujourd’hui », déclare Erik Arneson, auteur du livre How to Host a Game Night.

Au cours de ses deux décennies d’écriture sur les jeux de société, Arneson n’a jamais rien vu de tel que Catan. Un jeu modulaire où le plateau, composé d’hexagones individuels représentant une gamme de ressources allant du bois au mouton en passant par la brique, est différent à chaque fois que vous y jouez, et dont le but n’est pas d’anéantir vos adversaires, mais d’échanger avec eux.

« Chaque joueur est impliqué tout au long de la partie, même lorsque ce sont les tours des autres joueurs, vous n’êtes pas assis à attendre », déclare Arneson. « Les parties sont toujours serrées. Personne n’est jamais éliminé. C’est juste une réalisation remarquable de création de jeu. »

Une version test de 1994 de The Settlers of Catan avant sa sortie un an plus tard en Allemagne. Le jeu a été un succès instantané. Aujourd’hui, Catan a vendu plus de 32 millions d’unités et est l’un des jeux de société les plus vendus de tous les temps. Crédit photo : La famille Teuber

Teuber a maintenant 68 ans et vient de publier son autobiographie My Way to Catan pour marquer le 25e anniversaire du jeu.

C’était un prothésiste dentaire qui s’ennuyait dans son travail lorsqu’il a commencé à créer des jeux dans son sous-sol dans les années 1980. « J’avais beaucoup de frustration », dit Teuber. « C’était, pour moi, un peu comme des vacances d’être à la maison et de développer des jeux et de créer mes propres mondes. »

Ses premiers jeux ont rencontré un beau succès : il a remporté trois prix Spiel des Jahres, un prix très convoité dans l’industrie du jeu de société. Puis, au début des années 1990, il est inspiré par l’histoire des Vikings et de l’ère des découvertes. « J’étais fasciné qu’ils naviguent en haute mer et explorent de nouvelles terres comme l’Islande, le Groenland ou l’Amérique, et dans mon imagination, j’ai réfléchi à ce qu’ils auraient fait quand ils étaient venus en Islande. Ils auraient eu besoin de bois, ils auraient eu besoin de récolter de la nourriture. Et cela m’a donné l’idée de créer un jeu d’exploration et d’occupation », dit-il.

Teuber a donc commencé à travailler sur Catan. Le premier projet « était très gros », dit-il, et il comprenait plusieurs îles et navires remplis de colons explorant de nouvelles terres. Il lui a fallu près de quatre ans pour réduire le jeu à une seule île prête à être explorée et développée par les joueurs (la partie d’exploration de la mer a ensuite été vendue comme une extension du jeu original).

Quand il est sorti en Allemagne en 1995 sous le nom de Die Siedler von Catan, ce fut un succès instantané. Il a également remporté le Spiel des Jahres. Les ventes n’ont pas diminué après quelques années, comme pour ses précédents jeux primés. Les ventes de Catan ont bondi après sa sortie aux États-Unis en 1996 et ont continué à augmenter, ce qui l’a incité à quitter son emploi quotidien.

Teuber a une théorie sur les raisons pour lesquelles le jeu est devenu si populaire. « Tout d’abord, c’est variable. A chaque fois, c’est un nouveau jeu. On ne peut pas détruire les bâtiments de quelqu’un. C’est impossible », explique-t-il. « Et vous devez communiquer. Je pense que ce sont en fait des facteurs que les femmes apprécient. À mon avis, une partie du succès est que les femmes jouent ensemble dans la famille avec leurs maris et leurs enfants. » (NdT : cette phrase, plutôt sexiste, dépassée et… cucul sort de la bouche de l’auteur du jeu et non du journaliste…).

Alors que les familles se confinent en raison de la pandémie de coronavirus, les ventes de Catan ont augmenté. Alors que l’économie mondiale dégringole, la société affirme que les ventes ont grimpé en flèche de 144% pour les cinq premiers mois de cette année.

Klaus Teuber, dont les fils Benjamin et Guido travaillent pour Catan Inc., dit qu’il joue toujours au jeu avec sa famille.

Mais il admet qu’il n’est pas très bon dans ce domaine et qu’il gagne rarement. Son fils Benjamin l’emporte généralement.

Ce que Klaus Teuber apprécie le plus, c’est le processus de jouer, dit-il, et d’être là avec sa famille, quelque chose que des millions d’autres familles apprécient apparemment aussi.


Vous pouvez écouter le reportage audio de NPR sur le sujet en anglais ici :

Et hop, un chouette et court documentaire sur l’auteur sorti il y a 4 ans :

Vous pouvez trouver Catan sur Philibert ici.

Et également chez Magic Bazar.


Et encore une chose

Vous connaissez peut-être l’excellente série comique américaine Parks and Recreation qui existait entre 2009 et 2015. En version faux documentaire, caméra à l’épaule, elle mettait en scène le quotidien des employés du département des parcs et des loisirs dans la ville fictive de Pawnee. L’intrigue est centrée sur sa directrice adjointe, Leslie Knope, et de ses ambitions professionnelles et politiques. Le 30 avril dernier, il y a même eu un Parks and Recreation Special, un épisode inédit, avec une réunion des personnages cinq ans plus tard.

Et pourquoi on vous parle de cette excellentissime série ici ? Parce que dans Parks and Recreation, l’un des personnages principaux, Ben Wyatt (Adam Scott) et petit ami de Leslie crée un jeu, aujourd’hui devenu « culte », les Cônes de Dunshire. Une parodie des jeux de plateau modernes.

Ces Cônes de Dunshire reprennent plusieurs mécaniques de Catan. Et tenez-vous bien, pour créer le jeu, l’éditeur américain de Catan de l’époque Mayfair a été engagé pour développer ce jeu très ouate de phoque.

Et vous, est-ce que vous jouez encore à Catan aujourd’hui ? Que pensez-vous du jeu ?

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5 Comments

  • Ange

    Catan est un jeu auquel il arrive qu’on joue encore, souvent avec la version découverte plutôt que l’ile de base. On a eu l’extension pêche (issue d’un journal, jeux et stratégie ?) mais on ne la pratique en fait jamais…
    En tout cas, ce fut un de nos premiers « grands » jeux, non classique (avant c’était monopoly, richesse du monde et risk, voir diplomacy). Ces premiers ont disparus (pas de l’armoire à jeux, mais de notre table de jeu), seul Catan ressort de temps en temps…

  • Romain

    Presque 200 jeux, et jamais joué aux colons de Catane. Faut dire qu’il se jouait à 3, et qu’aujourd’hui encore je privilégie les jeux jouables à 2 ! Sinon, dans le sous-titre : se vent -> se vend

  • Cédric

    Je ne comprends toujours pas pourquoi on ne commence pas « l’Histoire des jeux de société « modernes » » par Donjons & Dragons ! Peut-être que cela changera si l’engouement pour les jeux « narratifs » persiste ..?

  • Cédric

    Sinon, pour ce qui est des ventes « qui décollent », il me semble que « beaucoup » de gens (des américains ?) y ont joué par webcams interposées durant le confinement : Une partie à 4 ça peut facilement faire 2-3 achats du jeu pour l’organisation non ?

  • Xavier Mornard

    Je pense que ce sont en fait des facteurs que les femmes apprécient. À mon avis, une partie du succès est que les femmes jouent ensemble dans la famille avec leurs maris et leurs enfants. » (NdT : cette phrase, plutôt sexiste, dépassée et… cucul sort de la bouche de l’auteur du jeu et non du journaliste…: pas si faux que ça; les sims ont eu le succès que l’on connaît principalement grâce aux femmes…

À vous de jouer ! Participez à la discussion

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