
Le jeu du jour : Alubari
Alubari, de quoi ça parle ?
De thé. Du développement de la culture du thé dans le sous-continent indien au XIXe siècle, entre et infrastructure et agriculture
Ne nous leurrons pas, Alubari est un pur jeu « à l’allemande », dans lequel le thème n’est pas prioritaire, les mécaniques de jeu, oui
Alubari est un jeu plutôt froid qui n’invite pas à l’immersion ou la narration mais qui tente toutefois de saupoudrer son jeu de quelques cohérences historiques
Un 2 sur 5 sur l’ITHEM

Et comment on joue ?
Alubari est un pur jeu de placement d’ouvriers. Autrement dit, à son tour on ne fait que placer l’un de ses deux ouvriers sur une case d’action disponible, et ceci dans le tour de jeu. Une fois tous ses ouvriers placés, on résout case après case, action après action
Ces actions permettent de :
- Enlever des gravats de terrain agricole, pour poser l’un de ses jetons et récolter du thé plus tard
- Construire une gare en payant les ressources nécessaires
- Acheter un équipement, souvent un train qui permettra d’obtenir des bonus pendant la partie
- Échanger du thé contre du chai
- Prendre trois cubes ressources de l’entrepôt
- Améliorer ses ressources en… d’autres ressource
- Poser une ou plusieurs voies de chemin de fer sur le plateau, en posant l’un de ses jetons sur une case « voie », en payant le nombre de ressources nécessaires
- Prendre une carte contrat, qui confère un mini-bonus, mais surtout, des points en fin de partie si on a réussit à remplir ses conditions
Voilà, c’est tout
Alubari repose sur une grammaire somme toute très, très classique : ouvriers, placement, action successive, ressources, objectifs. N’y cherchez pas ici d’innovation ou de surprise. Tout a déjà été vu partout ailleurs
Un jeu plutôt complexe, mais sans être trop exigeant non plus. Comptez bien 10-15′ d’explication de règles

Alubari, un jeu bourré de subtilité !
Sous bien des aspects, mécaniques et classiques, Alubari parvient à surprendre par de multiples finesses et subtilités tellement bien imbriquées et ripolinées qu’elles finissent par passionner !
➡️ La mécanique du chai, une ressource particulière et plutôt rare permet d’améliorer chaque action entreprise. Malin !
➡️ Les événements, plus ou moins prévisibles qui peuvent se déclencher lors du tirage de cubes « ressources » en début de manche, et qui font avancer le jeu tout seul (voies, gravats…)
➡️ La météo, qui va influer sur le jeu, et qu’on peut prévoir à deux manches. Idéal pour planifier ses prochaines actions
➡️ La récolte, qui intervient de manière plus ou moins régulière, mais pas vraiment non plus, tout dépend de la météo. Comme dans la vraie vie…
Et comment on gagne ?
Dès qu’on a réussi à rejoindre la ville de Darjeeling avec le chemin de fer, i.e. qu’on a réussi à poser des pions dans tous les disques de voies, on finit la manche en cours et on décompte les points
Attention, salade de points de victoire !
Il y a des points de tous les côtés sur tout le plateau. En réalité, chaque action ou une action sur deux permet d’obtenir des points. On peut chercher à grapiller des petits points, souvent, ou prendre plus de temps pour en décrocher plus
Mais au final, lors du décompte de fin, il y a des points à additionner de tous les côtés pour tous ses jetons posés par-ci, par-là (gares, voies, terrains agricoles, équipement, etc.)
Et qui dit « salade de points de victoire » dit également impossibilité de savoir à combien on en est dans les points, ni même les autres. Au final, on essaie de faire au mieux, et advienne que pourra. La fin de partie sonne comme un « tadaaaa », et surprise pour tout le monde. On appréciera, ou pas
Interaction ?
Sur l’IGUS, l’échelle de mesure de l’interaction dans les jeux, Alubari atteint un 2/5

Pourquoi ?
Parce que dans Alubari, la seule interaction « directe » présente consiste à bloquer les autres, en leur « piquant » une action, une carte, une ressource dans l’entrepôt, un emplacement pour y poser son jeton. Sinon, c’est tout
Pas de majorités, pas d’affrontement, on passe sa partie à gérer ses tactiques et stratégies de son côté en s’adaptant à celles des autres. Donc un IGUS plutôt froid et minime
À combien y jouer ?
Le jeu est prévu de 1 à 5
En solo, le jeu tourne très bien, avec quelques ajustements et des scores finaux à atteindre
De 2 à 4, c’est l’idéal. Comme l’IGUS se situe plutôt au ras des paquerettes, le nombre de personnes à la table ne change pas énormément. À relever que le jeu s’adapte en fonction du nombre de joueuses et joueurs présents
À 5, mieux vaut éviter Alubaru, le jeu ralentit et s’enlise
À partir de quel âge y jouer ?
Le jeu est prévu dès 14 ans, c’est une bonne estimation tellement il y a d’éléments à gérer
Et comment apprendre à jouer à Alubari ?
En ouvrant la lourde boîte d’Alubari, on se trouve aussitôt noyés sous un déluge de ressources et de cartes disparates. Un jeu copieux, accompagné de règles plutôt denses. Comment faire, par où commencer ?
Il y a une autre solution que de lire et apprendre le jeu via les actions disponibles, en mode listing. La très grande majorité des jeux propose ce genre de règles. Règles qui finissent par noyer le cerveau sous un déluge d’informations successives et protocolaires. Fais ça, et après ceci, et après cela, et enfin ça…
Une fois le livret de règles ouvert et la mise en place observée, le tout premier objectif est généralement de comprendre le fonctionnement d’un tour. Qui va jouer en premier ? Pour faire quoi ? Comment ? Dans quel but ? Et comment gagner (surtout) ?
Pour apprendre à jouer à Alubari, et surtout, pour expliquer le jeu, essayez plutôt cette technique, toute bête, toute simple, qui va pouvoir faciliter le processus d’apprentissage de ce gros jeu : renversez le processus de pensée !
Relevez, indiquez quelles ressources / pièces / matériaux sont nécessaires pour un certain mouvement, pour une certaine action
Vous pourrez alors rapidement déterminer si c’est possible et surtout, comment
Il devient alors beaucoup plus rapide, et facile, d’absorber ainsi de nouvelles informations, de nouvelles règles de jeu, en se concentrant sur son coût
Disposez-vous de la ressource X ? Non ? Pour l’instant, il n’est pas fondamentalement important de savoir quelle action elle propose ou réalise. Ça, ça vient plus tard. Pour l’instant, on s’intéresse à la ressource, c’est tout !
Lors des tous premiers tours de jeu, où les gens essaient juste de se dépatouiller comme ils peuvent sous un déluge de fig, de carton, de cartes, de picto hermétiques et sibyllins (pour l’instant), il vaut mieux commencer par « tailler dans le gras » et éliminer les multiples options qui s’offrent à vous. C’est quoi ça, et comment l’acquérir. Et après ? On verra plus tard, peu à peu, quand la situation se présentera
Essayez cette technique, elle pourrait vous aider à mieux apprendre à jouer à Alubari. Et à n’importe quel autre jeu…
On a souvent l’impression, l’envie de devoir tout comprendre, de tout maîtriser, de tout savoir avant de jouer pour mieux gagner. En réalité, le ou la gagnante d’une première partie d’un jeu n’est pas celui ou celle qui s’est montrée la plus apte à gérer stratégies et tactiques, mais celui ou celle qui s’est montrée à la plus capable à se débrouiller et à mobiliser les informations jetées lors de la présentation des règles. Autrement dit, lors de la première partie, on ne gagne pas parce qu’on a bien su gérer le jeu, mais parce qu’on a bien retenu et assimilé l’explication des règles. C’est moche ! Une tête bien faite VS une tête bien pleine. Pour mieux comprendre et maîtriser un jeu, mieux vaut en saisir les schémas heuristiques. Ceci, pour cela, plutôt que ceci, après cela
Dans Alubari, il y a tellement de picto, de ressources, d’actions dispo que si on commence par tout lister et expliquer, on aura vite fait d’oublier le tout premier élément expliqué !
Alors, Alubari, c’est bien ?
Alubari paraît copieux, déjà rien qu’une fois le matériel placé, avec son plateau gi-gan-tesque. Prévoyez une table assez spacieuse pour y jouer. Alubari est bluffant ! Bluffant par sa capacité à lier quantité de mécaniques, de trucs, de machins, pour finir par réussir à émuler toutes les mécaniques et proposer un jeu fluide, coulant
Alubari n’est pas le premier jeu à proposer un thème sur le thé, Ceylan l’a déjà fait aussi. Alubari réussit à proposer un jeu touffu et en même temps cohérent. Pas nécessairement par son thème, mais par son imbrication et équilibrage des différentes mécaniques présentes
On pourrait trouver Alubari plat, peu innovant, très, trop mécanique et classique, et pourtant. Alubari parvient à nous servir un jeu à l’expérience fluide, limpide captivant
Reste un seul hic toutefois, les points, à l’aveugle, au pif. On essaie de faire au mieux comme on peut, et on serre les fesses pour que ça tienne
🔴 Alubari, score final :
Ce qui nous a plu ❤️️
✅ Un jeu surprenant par son manque de… surprise, qui parvient toutefois à surprendre. Surprenant !
✅ Après leur tout premier jeu Oriflamme, qui a remporté l’As d’Or 2020, le Studio H, qui appartient à Hachette (comme Gigamic et Blackrock) nous propose ici un deuxième jeu intense. Un début sur les chapeaux de roue ! On se réjouit pour la suite
✅ Un jeu extrêmement fluide avec deux (ou trois, si on paie) actions possibles
✅ La mécanique du chai, une ressource virtuelle bonus qui peut être utilisée pour augmenter, améliorer le pouvoir des actions
✅ Un EcoScore A. Rare pour un jeu d’une telle envergure
✅ La météo, que l’on peut prévoir à deux jours, et qui va affecter le jeu
✅ Les événements, qui peuvent se déclencher, ou pas.
Ce qui nous a moins plu ⛔️
❌ Quelques coquilles de traduction par-ci par-là. Rien de très méchant toutefois
❌ Une mise en place fastidieuse, allant souvent de pair avec un gros jeu
❌ Devoir disposer d’une grande surface de jeu pour pouvoir déployer tout le matériel : plateau XXL et cartes et jetons et…
❌ Une esthétique peu folichonne ou immersive, très diaphane aux traits évasifs
❌ Un décompte en mode « salade de points« , avec des points de tous les côtés, tout le temps, pour presque toutes les actions, avec l’impossibilité de savoir où on en est dans les points. Ni soi-même, ni les autres. Et à la fin, on serre les fesses
❌ Des parties à 5 qui traînent les pieds. À éviter !
Et encore une chose
Vous pouvez trouver Alubari chez Philibert ici (qui est ouvert depuis le lundi 11 mai)
Pour une lecture plus agréable, plus confortable, notre blog ne vous propose aucune publicité, aucun contenu sponsorisé ! Nous espérons que vous appréciez. Dans un souci de transparence, pour votre information, Gus&Co entretient des relations d’affiliation avec Philibert. Ainsi, si vous achetez un jeu en cliquant sur nos liens, nous pouvons obtenir une (minuscule) part des revenus, ce qui nous permet d’acheter d’autres jeux et de continuer à pouvoir vous proposer de nouveaux articles
Et également chez Magic Bazar ici (qui est ouvert depuis le lundi 11 mai)
- Date de sortie : Mars 2020
- Langue : Française
- Assemblé en : Allemagne
- Ecoscore : A. Ce qui est malheureusement très, trop rare dans le monde du jeu de société. Un bon point à relever pour un jeu d’une telle envergure ! Pour en savoir plus sur l’EcoScore dans les jeux de société, c’est ici

- Auteur : Tony Boydell
- Illustratrice : Cécile Guinement
- Éditeur : Studio H pour la VF
- Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 5 (comptez plutôt 1-4, évitez 5 si possible)
- Âge conseillé : Dès 14 ans (bonne estimation. À moins que ça peut être difficile à tout gérer)
- Durée : 60-90′ (bonne estimation)
- Thème : Culture du thé en Inde
- Mécaniques principales : Placement d’ouvriers, objectifs


3 Comments
Alexgodlex
A aucun moment on ne dit que le jeu est une rethematisation du jeu Snowdonia ?
Gus
Oh non, pas que. Le jeu a été vraiment revisité en profondeur!
alexgodlex
ça m’aurait intéressé de avoir en quoi (je possède le Kickstarter de Snowdonia, jeu que j’adore à la base) !