
Critique de jeu: TransAtlantic. Il est beau mon bateau
Stratégique, exigeant, pas un jeu qui flotte au panthéon des jeux essentiels mais qui propose de rejouer les grands moments du transport maritime au 19e siècle
- Date de sortie : Octobre 2017 pour la VO (anglais et allemand). Pas encore de VF
- Auteur : Mac Gerdts
- Illustrateur: Dominik Mayer
- Editeur : PD Verlag
- Nombre de joueurs : 2 à 4 (optimum 3)
- Age conseillé : dès 12 ans (c’est ambitieux. Disons plutôt 14 ans)
- Durée : 90 minutes
- Thème : naval
- Mécaniques principales : économie, gestion, deck-building
De quoi ça parle?
Des bateaux qui ont sillonné les océans (et pas que l’Atlantique, n’en déplaise à son titre) entre 1862 et la Première Guerre
Et oui, il y aura les plus connus: le Titanic bien sûr (1912), le Lusitania (1906), le France (1910), mais pas que. Tout une trâlée de bateaux historiques à vapeur ayant écumé les continents au 18e-19e siècle
Avec un contexte historique réel, TransAtlantic propose même un fascicule riche et fidèle de 23 pages avec l’histoire détaillée de tous ces navires, pour enrichir ou cultiver
Autant le thème est ancré dans une réalité historique peu connue et originale, pas de zombies ou de village médiéval à bâtir, autant c’est un thème qui demeure, comment dire en restant poli… chiant
Ni sexy, ni très immersif (même s’il s’agit de bateaux… OK je sors), ni très épique. Mais pour un jeu dont le but principal est de relier des ports, il faut avouer qu’il ne transporte pas. Il brûle du neurone, ça oui, mais le thème est plus une excuse qu’un argument majeur ou vendeur
Et comment on joue?
A son tour on ne fait qu’une seule et unique chose: jouer une carte de sa main qui active un effet
Voilà, c’est tout.
Tous les joueurs et joueuses commencent avec la même main de sept cartes, et tel un deck-building, sa main pourra quelque peu s’améliorer au fil de la partie en faisant l’acquisition d’autres cartes. Du deck-building, mais plutôt léger, ce n’est pas l’enjeu majeur de TransAtlantic
Une carte. Une action. Un gameplay fluide et nerveux qui n’est pas sans rappeler Concordia du même auteur ou les deux excellentissimes Lewis&Clarke ou Not Alone. L’une de ses cartes permettant de récupérer les cartes jouées
En gros, les actions principales sont
acheter un nouveau bateau sur le marché. Un marché dynamique, avec un prix de base pour le bateau qui évolue en fonction de sa position dans le marché (c’est du Suburbia-like)
transporter. Pour cette action, on dépense un charbon présent sur le bateau. Car oui, dans la plupart des cas les bateaux sont à vapeur
déployer. On place l’un de ses bateaux achetés sur les différents océans
construire des comptoirs autour d’un océan
pécho du charbon (pour l’action « transporter »)
reprendre ses cartes jouées
Des règles plutôt fluides et instinctives une fois compris les 2-3 spécificités: les bateaux ne peuvent pas se déployer n’importe comment, il faut bien respecter les années de construction, pour conserver un semblant de cohérence chronologique. Et certaines cartes permettent de récupérer de l’argent en fonction soit du tonnage, soit des passagers, soit des points de victoire selon les couleurs des bateaux scorés
Et comment on gagne?
Une fois le deck de bateaux et le marché épuisés, c’est la fin de partie et on procède au décompte. Des PV pour l’argent, mais surtout, des PV pour les lignes remplies sur son tableau perso
En effet, pendant la partie on va pouvoir récolter des marqueurs, notamment avec l’action « investir ». En toute fin de partie, les lignes complétées par ces marqueurs rapporteront des PV
Quelques PV acquis pendant la partie et un scoring lucratif en toute fin
Interaction?
Très faible. Très froide. Très économique
On peut dégager des bateaux concurrents des planches « océans », en bloquant les autres avec des dates de bateau qui n’aideront pas, en raflant les bateaux du marché ou en construisant des comptoirs et bloquer des places, mais c’est un peu tout. Ce n’est déjà pas si mal
TransAtlantic, c’est surtout une course aux marqueurs, à l’argent, aux PV
Non, impossible de torpiller ou d’envoyer des icebergs dans les gencives, ce n’est ici pas l’enjeu du jeu
A à combien y jouer?
Même si l’interaction est plutôt froide, c’est à 3, voire 4 que le jeu prend plus de saveur
Même si le jeu s’adapte en fonction du nombre de joueurs ou joueuses en plaçant un nombre de planches « océans » correspondant, ce qui modifie les places disponibles, mais à 2 c’est trop plat, et à 4 trop… chaotique. A 3 c’est le chiffre magique, le bon équilibre entre trop et trop peu
Alors, TransAtlantic, c’est bien? Critique
Oui, le jeu est bien
Sans être incroyable non plus
Ses points négatifs?
Un thème vraiment pas sexy. Des bateaux à vapeur… Voilà voilà
Une interaction très froide
Un brain burner stratégique. Je pose cette carte-ci maintenant et l’autre dans 6 tours et après je récupère celle-ci pour faire cela etc. Les joueurs ou joueuses avec une vision à long terme auront un avantage. Avec un soupçon de tactique et d’adaptabilité nécessaires puisque les places (nombre + date) se modifient constamment dans les océans. Attention alors à l’Analysis-Paralysis qui risquerait bien de ralentir le jeu. Surtout à 4
Ses points positifs?
Un thème original (pas de zombies à dégommer, pas de civilisation SF à construire, pas de villes médiévales à ériger, pas de donjon à explorer), historique et fidèle
Une mécanique de base extrêmement épurée. Une carte, une action. On aurait voulu faire plus simple que ça n’aurait pas été possible
Pas de plateau de jeu statique mais des planches / tableaux extrêmement dynamiques (peut-être un peu trop à 4)
Des règles courtes, à peine 6 pages. Mais des règles extrêmement denses. Ratez une phrase, un élément, une condition et tout le jeu change
Bref, un bon jeu mais pas un jeu essentiel non plus
Scoring:
Anticipation: 4/5: le nouveau Mac Gerdts, un auteur allemand prolifique capable du meilleur (Navegador, Antike) comme du moins meilleur (Concordia). Des jeux aux mécaniques toujours ripolinées et riches, mais des jeux froids
Pendant le jeu: 4/5: tout s’imbrique, tout file, tout flotte, sans vivre une expérience ludique inouïe
Après le jeu: 4/5. Un jeu qu’on ressortira 2-3 fois, mais après « e la nave va »
Score final: 4/5. Un score d’école. Un parfait 4/5. Un bon jeu, sans proposer une expérience de ouf. Pas le meilleur Mac Gerdts, pas le pire non plus
Avec le déluge de jeux actuel, TransAtlantic ne figure pas au panthéon des jeux essentiels. Il parvient tout de même à se tailler une petit part du lion. Son goûter, par exemple. C’est déjà pas si mal
Vous pouvez trouver le jeu chez Philibert
Le jeu n’est disponible pour l’instant qu’en VO allemand et anglais. S’il ne présente aucun texte, les règles, elles, sont extrêmement denses et nécessitent de bien maîtriser l’une ou l’autre langue pour ne pas rater une information cruciale


One Comment
Fabien ThegoodthebadandtheMeeple Ducat
Ah…., Concordia est tellement meilleur que ce Transatlantic. Plus simple, plus stratégique, plus épuré, plus puissant…
Déception ici, mais on en attendait trop face à son chef d’oeuvre…