Jeux de plateau

Comment arriver à une idée ? Conseils d’auteurs de jeux

Question simple, et pourtant si complexe.

Auteurs de jeux, de livres, de sculptures, bref, de toute création, comment arriver à une idée ?

Nous avons posé 3 questions à des auteurs de jeux de renom, pour voir comment ils s’y prenaient pour passer à la création: processus, trucs et astuces.

En espérant que cet article et leurs réponses vous donneront… des idées.

Se sont prêtés « au jeu » : Bruno Cathala (Mr Jack, Cyclades), Sébastien Pauchon (Yspahan, Jaipur), Antoine Bauza (7Wonders, Takenoko) Alain Epron (Vanuatu, Mâamut) et Sébastien Dujardin (Troyes, Tournay), Raphaël Donzel (Sporz).

Merci à ces 6 auteurs de jeux d’avoir pris le temps de répondre aux questions.

Les 3 questions :

  1. Comment (d’où) vous vient une idée ?
  2.  Comment passez-vous à la création ?
  3.  Avez-vous des trucs / astuces pour être (plus) créatif ?

Bruno Cathala

1.

il y a trois sources possibles:

  • une envie thématique (par exemple: je veux faire un jeu sur les chevaliers de la table ronde)
  • une idée mécanique (par exemple: tiens.. imaginons une grille de par exemple 5*6 cases.. imaginons un pion qui tourne autour de cette grille.. et quand c’est à moi je dois placer un pion sur une case de la grille dans la rangée en face de ce pion.. puis je déplace le pion pour contraindre le joueur suivant dans ses choix..)
  • une envie de manipuler un certain type de matériel (par exemple: qu’est ce que je pourrais bien faire avec ces jolis boutons qui sont devant moi)

2.

En ce qui me concerne, je commence par ne surtout rien faire d’autre que… projeter mentalement des situations de jeux.. et je ne fabrique pas de matériel de prototype tant que ça ne tourne pas de façon intéressante mentalement. Ensuite seulement j’organise le matériel nécessaire à la validation autour d’une table.

3.

Oui: faire autre chose !! c’est une bonne façon pour lâcher prise.

Si je veux absolument forcer les choses pour trouver des idées, des solutions, ça ne me mène pas à grand chose.

Alors qu’il suffit que je me consacre à une autre activité qui absorbe mon attention pour que les idées viennent toutes seules.

Dormir, c’est bien aussi…

Bref, auteur c’est un vrai boulot pour fainéant!! 😉

Sébastien Pauchon

1.

  • au hasard
  • en jouant à d’autres jeux
  • en lisant des reviews qui me donnent des envies de types de jeux

2.

  • je note les ébauches d’idée dans un carnet
  • quand ça a l’air pas mal, je dessine un panneau « attention ! » pour y revenir par la suite
  • je redessine 10’000 fois l’ébauche en question
  • quand ça a l’air de peut-être pouvoir donner quelques chose, je fais un proto

3.

  • le LSD
  • imaginer finir ma vie comme comptable
  • me plonger à 100% dans le jeu en question

Antoine Bauza

1.

Toujours un soucis de répondre à cette fameuse question de la créativité…

Pas de recette miracle, l’idée se pointe, je la triture dans tous les sens, si un potentiel ludique en émerge, je fais un proto et si le proto me semble promoteur, je développe, playtest, playtest, playtest et encore du playtest 🙂 Si ça donne un bon jeu, ça intéresse un éditeur 🙂

L’idée arrive généralement au moment où ton esprit est ailleurs, libre (ballade, douche, pré-sommeil) il y a plein d’études sur le sujet, j’ai pas de liens là mais sur le web ça doit se trouver…

La créativité se nourrit de tout ce qui remplit la vie : les rencontres, les voyages, les lectures, les films, les jeux, les discussions ou les situations banales… Plus ta vie en est remplie, plus tu es créatif selon moi…

Alain Epron

1.

De tout et de n’importe quoi. Pour Mâamut, ce fut un film (10’000 BC) même si le jeu existait déjà avant, mais vu tous les changements opérés à ce moment-là je peux dire qu’en fait c’est un nouveau jeu par rapport à son état d’avant. Pour Vanuatu, ce fut un dessin trouvé sur Internet lors d’une recherche pour ma fille de 2 ans. Elle voulait colorier des tortues et au final j’ai fait un jeu. Bon elle a quand même colorié des tortues. Pour Massilia, c’est différent. Je voulais faire un jeu de commerce dans la ligné du Marché Alturien, jeu qui m’avais beaucoup déçu alors que je trouvais l’idée de départ très sympa. Cela a pris longtemps pour le développer (+ de 2 ans) avec beaucoup d’errance ludique par rapport à Mâamut et Vanuatu qui ont abouti plus vite. Il n’y a donc pas de processus unique. Les protos sur lesquels je travaille actuellement corresponden plus eux aussi au travail effectué pour Massilia. L’envie de faire un jeu sur ou avec telle mécanique, sur ou avec tel thème. Bref, pas de processus unique en ce qui me concerne.

2.

Cela se fait naturellement et immédiatement. Dès qu’une idée apparait je commence à réfléchir à des règles ou à un thème. J’écris beaucoup pour commencer pour me former l’idée même du jeu dans mon esprit. Une fois que j’ai posé un premier jet de règle sur le papier, je commence le prototype et les tests. Cela va forcément amener des changements dans les règles donc de nouveau une phase rédactionnelle, un nouveau prototype, de nouveaux changements,… jusqu’à ce que l’idée générale du jeu me plaise. Tant que le jeu ne me plaira pas à 95%, il restera à l’état de proto et ne sortira pas de la sphère privée. Dès, qu’il atteint ce stade des 90/95%, je commence à le faire tourner auprès d’un public élargi, et ce, même si le jeu, dans des états précédents plaisait déjà à plusieurs personnes. Je suis très critique avec moi-même et il faut avant tout que le jeu me plaise, que je puisse me voir en train d’y jouer après, que je puisse imaginer des gens en train d’y jouer, d’y prendre plaisir. Et cela peut prendre longtemps.

3.

Oui je mange du Nutella  😉

Plus sérieusement. Être très critique envers moi-même plus qu’avec d’autres auteurs. Jouer beaucoup car on apprend beaucoup des autres. Pourquoi ils ont fait ça, pourquoi comme ça, qu’est ce que j’aurais fait à leur place, comment j’aurais traité ce thème-là… Je suis extrêmement curieux de tout ce qui se fait comme jeu. Je m’informe beaucoup, je lis beaucoup de règles, j’achète beaucoup de jeux aussi (trop, selon ma femme). Je suis très curieux par nature et m’intéresse à beaucoup de choses. Cela aide aussi. Vanuatu est l’exemple type. D’un simple dessin de tortue dessiné sur le sable trouvé sur Internet, j’ai découvert ce qu’était réellement le Vanuatu car pour moi à ce moment-là ce n’était pas un identifiant Internet très bon marché (le fameux .vu), qu’un pavillon de complaisance et qu’un paradis fiscal perdu au beau milieu du pacifique. Je ne connaissais pas du tout cet archipel. Ce dessin m’a poussé à en savoir plus sur ce pays et c’est en lisant la page consacré au Vanuatu sur Wikipédia que l’idée du jeu est venue. Le jeu c’est quasiment construit de lui-même pendant cette lecture, du moins toutes les bases du jeu. Maintenant je sais ce qu’est le Vanuatu (et je sais aussi que beaucoup d’autres personnes savent aussi maintenant ce qu’est réellement le Vanuatu). Donc je dirais que pour moi le meilleur truc pour être créatif, c’est la curiosité. Mais je pense que c’est le cas dans beaucoup de domaines créatifs comme la musique, le dessin, la photo, la littérature,…

Sébastien Dujardin

1.

Je suis obsédé par la mécanique ludique et c’est bien souvent une idée mécanique qui est à la base de tout. Ce genre d’idées est souvent issu d’un ou plusieurs autres mécanismes que je souhaite détourner, fluidifier, complexifier à ma sauce. Il est donc important pour moi de jouer beaucoup à beaucoup de jeux différents!  Il n’empêche que parfois, c’est un thème qui déclenche tout mais le mécanisme original doit vite voir le jour sinon je ne suis pas du tout motivé pour la suite…

2.

Une idée, une feuille, un crayon

3.

Je suis très attentif à tout ce qui m’entoure, j’aime bien observer et essayer de traduire ça en mécanique ludique. Même une porte qui s’ouvre peut donner des idées intéressantes…Pour le reste, il faut pour moi avoir une très belle culture ludique pour parvenir à sortir de vraies idées originales. Il faut donc jouer, encore et encore!

Raphaël Donzel

1.

Pour moi l’inspiration vient des autres. C’est très souvent devant le travail de quelqu’un d’autre, ou lors d’une discussion que me vient l’envie de faire les choses à ma sauce. Généralement sous la forme « tiens, ça me fait penser à un tel qui a fait comme ça, et si on mélangeait avec ça ? ».

D’un point de vue ludique, j’ai toujours aimé comparer les règles « maison » de jeux comme le monopoly ou la belote, et garder celles que je préfère. Ça me sert assez souvent.

Dans mon boulot (la recherche) il y a souvent de très bonnes idées pour résoudre un problème qui se trouvent dans un domaine auquel on ne pense pas immédiatement. Être capable de transposer une méthodologie venue de la physique dure ou des maths en biologie, même si ce n’est pas révolutionnaire, ça peut être une très bonne idée.

2.

Pour passer à la création une seule arme : le brouillon. Je noircis des tas de cahiers, avec tout et n’importe quoi: numéros de téléphone, exercices de maths, scénarios de jeux de rôle, dessins sans queue ni tête. J’aime bien réécrire plusieurs fois, en améliorant d’une fois sur l’autre. Bizarrement je ne relis pas souvent, le support sert plutôt à fixer les idées, voir ce qui colle ou pas. Ce qui me paraît prometteur reste en tête jusqu’à la prochaine fois.

3.

Je n’ai pas vraiment de « trucs » pour être plus créatif. On peut penser qu’il vaut mieux être détendu, reposé, « cool », mais une bonne idée peut arriver n’importe quand. J’ai parfois eu des « illuminations » tard dans la nuit, parfois en plein stress, parfois en étant relax.

J’ai quand même le sentiment que les pires moments de « page blanche », c’est quand on a peur de ne pas faire assez bien. Souvent il faut souffler et accepter que ce ne soit pas parfait du premier coup, ou du deuxième, ou pas parfait du tout. Quand j’ai cette sensation, j’essaie d’en parler, de voir avec les autres : de temps en temps une petite suggestion innocente peut vraiment tout débloquer et ramener à la question 1.

Merci encore aux 6 auteurs de jeux à succès pour avoir répondu à ces questions et avoir partagé leur idéation et créativité.

Si vous désirez approfondir ce sujet, vous pouvez toujours (re)lire nos précédents articles sur la créativité.

D’autres outils pratiques:

Mind Tools est un excellent site qui vous propose des techniques pour développer votre créativité.

Mind Tools vous propose même un petit questionnaire pour déterminer à quel point vous êtes créatif. Groovy.

Un excellent TED sur l’idéation, qui nous explique que, finalement, non, on ne crie pas Eurêka, la réalité est toute autre.

Et vous, pouvez-vous répondre aux 3 questions ?

  1. Comment (d’où) vous vient une idée ?
  2.  Comment passez-vous à la création ?
  3.  Avez-vous des trucs / astuces pour être (plus) créatif ?
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