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Hasbro : Dans les starting blocks pour l’IA

🧙‍♂️ L’IA, menace ou opportunité ? Hasbro dévoile ses ambitions pour D&D & MTG. Faut-il craindre l’IA ou s’enthousiasmer ?


Hasbro : prêt à se lancer dans l’intelligence artificielle

Aujourd’hui, on remet le couvert ! C’est décidément un sujet d’actu, et un sujet que nous nous efforçons de décortiquer dans nos colonnes pages web. Faut-il, ou pas, se servir de l’intelligence artificielle (IA) dans, pour, avec les jeux de société (et de rôle) ? Prenez vos stylos, vous avez 4h.

On rebondit sur cette actu, parce que Chris Cocks, le PDG d’Hasbro, a récemment évoqué en interview sur le site GamesBeat des « cas d’utilisation de l’IA très intéressants et convaincants » dans ces deux franchises emblématiques, Donjons & Dragons (D&D) et Magic: The Gathering (MTG).

GamesBeat: On AI in particular, there was an interesting example today with the Wheel of Time franchise having its own large language model. It’s an interesting response on the topic of both responsible AI and respecting IP, making sure that only licensed things can go into an LLM. This particular solution is to put only that IP into the LLM. Does that sound at all appealing for the franchises you have at Hasbro?

Cocks: First off, we’re doing R&D efforts around AI. I think most major entertainment and IP holders are at least thinking about it. The key there is the responsible use of it. We have an even higher bar we need to hit because we serve audiences of all ages. We go from preschoolers on up to adulthood. I don’t think we can be very cavalier in how we think about AI. That said, it’s exciting. There’s a lot of potential for delighting audiences. We need to make sure that we do it in a way that respects the creators we work with, respects their works of art, respects their ownership of those works, and also creates a fun and safe environment for kids who might use it.

The advantage we have–it’s funny. This is cutting-edge technology, and Hasbro is a 100-year-old company, which you don’t usually think is–usually you think there’s a threat there. But when you talk about the richness of the lore and the depth of the brands–D&D has 50 years of content that we can mine. Literally thousands of adventures that we’ve created, probably tens of millions of words we own and can leverage. Magic: The Gathering has been around for 35 years, more than 15,000 cards we can use in something like that. Peppa Pig has been around for 20 years and has hundreds of thousands of hours of published content we can leverage. Transformers, I’ve been watching Transformers TV shows since I was a kid in Cincinnati in the early ‘80s.

We can leverage all of that to be able to build very interesting and compelling use cases for AI that can bring our characters to life. We can build tools that aid in content creation for users or create really interesting gamified scenarios around them.

Traduction :

GamesBeat : En ce qui concerne l’IA en particulier, il y a eu un exemple intéressant aujourd’hui avec la franchise Wheel of Time qui a son propre grand modèle de langage. C’est une réponse intéressante au sujet de l’IA responsable et du respect de la propriété intellectuelle, en s’assurant que seuls les éléments sous licence peuvent être inclus dans un LLM. Cette solution particulière consiste à ne mettre que la propriété intellectuelle dans le LLM. Cela vous semble-t-il intéressant pour les franchises que vous possédez chez Hasbro ?

Cocks : Tout d’abord, nous faisons des efforts de R&D (= recherche et développement) autour de l’IA. Je pense que la plupart des grands détenteurs de droits de divertissement et de propriété intellectuelle y réfléchissent au moins. L’essentiel est d’en faire un usage responsable. La barre est encore plus haute pour nous, car nous nous adressons à des publics de tous âges. Nous allons des enfants d’âge préscolaire à l’âge adulte. Je ne pense pas que nous puissions faire preuve d’une grande désinvolture dans notre façon d’envisager l’IA. Cela dit, c’est passionnant. Il y a beaucoup de possibilités de ravir le public. Nous devons veiller à le faire en respectant les créateurs avec lesquels nous travaillons, en respectant leurs œuvres d’art, en respectant leur droit de propriété sur ces œuvres, et en créant un environnement amusant et sûr pour les enfants qui pourraient l’utiliser.

L’avantage que nous avons – c’est drôle. Il s’agit d’une technologie de pointe, et Hasbro est une entreprise centenaire, ce qui n’est généralement pas le cas – on pense généralement qu’il y a là une menace. Mais quand on parle de la richesse de l’histoire et de la profondeur des marques, D&D a 50 ans de contenu que nous pouvons exploiter. Nous avons créé des milliers d’aventures, nous possédons probablement des dizaines de millions de mots que nous pouvons exploiter. Magic : The Gathering existe depuis 35 ans, avec plus de 15 000 cartes que nous pouvons utiliser dans un jeu de ce type. Peppa Pig existe depuis 20 ans et possède des centaines de milliers d’heures de contenu publié que nous pouvons exploiter. Je regarde les émissions télévisées de Transformers depuis mon enfance à Cincinnati, au début des années 80.

Nous pouvons tirer parti de tout cela pour élaborer des cas d’utilisation de l’IA très intéressants et convaincants, capables de donner vie à nos personnages. Nous pouvons créer des outils qui facilitent la création de contenu pour les utilisateurs ou créer des scénarios ludiques très intéressants autour d’eux.

… »des cas d’utilisation de l’IA très intéressants et convaincants« …

Qu’est-ce que cela signifie pour nous, joueurs et joueuses ?

IA et jeux de société : une alliance prometteuse (ou pas) ?

Commençons par un petit rappel : Hasbro, le géant américain du jouet, possède Wizards of the Coast, l’éditeur de D&D et MTG. Depuis un an, Hasbro expérimente l’intégration de l’IA dans certains de ses jeux, comme Trivial Pursuit Infinite et un jeu utilisant un Ouija (mais… numérique). Les résultats sont encourageants : les ventes de Trivial Pursuit ont bondi de 30% suite à cette innovation !

Mais qu’en est-il de nos chers D&D et MTG ? Jusqu’à présent, Wizards of the Coast avait évité le sujet, probablement par crainte de la réaction des fans. Car oui, à chaque fois que l’IA est mentionnée en rapport avec ces jeux, les joueurs montent au créneau ! Pourtant, aujourd’hui, Chris Cocks semble déterminé à explorer cette voie. Aujourd’hui. Ce qui ne fut pas le cas… hier (ou environ).

On se rappelle de cette affaire où Wizards of the Coast, l’éditeur de Magic: The Gathering, a admis avoir utilisé des éléments générés par IA dans une image promotionnelle, malgré une interdiction initiale. L’image, depuis supprimée, présentait des défauts typiques de l’IA.

Wizards avait d’abord nié l’utilisation d’IA, puis s’est rétracté, reconnaissant que des « composants IA » s’étaient glissés dans l’image créée par un prestataire. L’éditeur s’est engagé à clarifier ses exigences auprès des artistes et fournisseurs.

Ce n’est pas la première fois que Wizards est épinglé pour l’usage d’IA, ayant déjà interdit son utilisation pour Magic et D&D suite à des polémiques en 2023. Certains illustrateurs comme Dave Rapoza ont rompu leurs liens avec l’éditeur.

Cet incident montre la difficulté pour les entreprises travaillant avec de nombreux artistes indépendants de contrôler l’usage de l’IA générative, alors que ces outils se démocratisent dans la création d’images.

Un trésor de contenu à exploiter

Imaginez un peu : D&D compte 50 ans de contenu, des milliers d’aventures, des dizaines de millions de mots… Quant à MTG, ce sont 35 ans d’histoire et plus de 15 000 cartes ! Selon Chris Cocks, tout ce matériel pourrait être exploité par une IA pour « donner vie à nos personnages », faciliter « la création de contenu pour les utilisateurs » ou encore « créer des scénarios ludiques très intéressants ».

L’idée encore en mode R&D chez Hasbro serait donc de créer leur propre LLM (=Large Language Model, des IA en mode ChatGPT) entraînés sur leur fond patrimonial, leurs archives, tout ce qu’ils ont précédemment sorti.

Concrètement, on pourrait imaginer une IA capable de générer des PNJ (personnages non-joueurs) uniques et détaillés pour une partie de D&D, ou encore de proposer des idées de decks originaux pour MTG en piochant dans la base de données des cartes existantes. Les possibilités sont vastes et excitantes !

Mais mais mais attention aux dérives…

Cependant, il y a un revers à cette médaille rutilante. Les outils d’IA les plus populaires, comme ChatGPT ou Midjourney, fonctionnent en aspirant une quantité astronomique de contenu créé par des humains, souvent sans leur consentement ni leur rémunération. C’est un véritable vol de propriété intellectuelle à grande échelle !

De plus, l’utilisation aveugle de l’IA pourrait conduire à des résultats inappropriés, voire dangereux, surtout lorsqu’on s’adresse à un jeune public. Imaginez une IA qui génère un scénario de D&D avec des éléments violents ou choquants… Personne ne veut de ça à sa table de jeu ! Pas moi, en tout cas !

Heureusement, Chris Cocks semble conscient de ces écueils. Il affirme qu’Hasbro a une « barre est encore plus haute pour nous » en termes de responsabilité, car l’entreprise s’adresse à des publics de tous âges. Il promet une approche prudente et réfléchie, respectueuse des créateurs / créatifs et de leur travail.

L’avenir du jeu de rôle : entre craintes et espoirs

Malgré ces précautions, il est légitime de s’interroger sur l’impact de l’IA sur notre loisir préféré. Certaines persones craignent qu’elle ne dénature l’essence même du jeu de rôle, qui repose sur l’imagination et l’interaction humaine. D’autres redoutent une uniformisation des contenus, voire une perte de savoir-faire chez les créateurs.

Mais ne soyons pas trop alarmistes ! L’IA peut aussi être un formidable outil d’aide à la création, permettant aux auteurs, autrices et aux meneurs de jeu d’explorer de nouvelles pistes, de générer des idées originales et de gagner un temps précieux. Tout est une question d’équilibre et de maîtrise de l’outil.

D&D et MTG : bientôt des plateformes de création ?

Un autre point intéressant soulevé par Chris Cocks est sa volonté de transformer les joueurs de D&D et MTG en « créateurs-utilisateurs ». Dans l’interview il cite en exemple des succès comme Roblox, Minecraft ou Fortnite, qui ont su construire de vastes communautés de joueurs-créateurs.

Imaginons un instant : et si demain, grâce à des outils d’IA, chacun pouvait créer sa propre aventure D&D ou concevoir ses propres cartes MTG, puis les partager avec la communauté ? Cela ouvrirait des perspectives incroyables en termes de créativité et de renouvellement du jeu ! Non ?

Bien sûr, cela soulève aussi des questions épineuses de propriété intellectuelle et de modération des contenus. Mais après tout, D&D n’est-il pas déjà engagé dans cette voie avec sa licence OGL (Open Game License) ? L’arrivée de l’IA pourrait être l’occasion de repenser ce modèle et de l’adapter aux enjeux actuels.

L’IA, une opportunité à saisir ?

Finalement, l’IA dans le jeu de société est un sujet complexe et passionnant, qui suscite autant d’enthousiasme que d’inquiétude. Une chose est sûre : cette technologie va bouleverser notre façon de jouer et de créer. À nous, joueurs et créateurs, de nous emparer du sujet pour en faire une opportunité plutôt qu’une menace.

L'avenir du jeu de rôle est-il avec l'IA ?

Non, clairement, l’utilisation de l’IA n’est pas une question facile qu’on peut balayer du revers de la main. L’IA a clairement, clairement ses limites, éthiques, technologiques, artistiques. Mais elle présente également des atouts, indéniables. On ne peut pas l’ignorer (même Le Monde a signé un accord avec OpenIA cette semaine. C’est tout dire). Depuis novembre 2022 et la sortie publique et mondiale de ChatGPT, qu’on soit fervent adepte ou violent détracteur, tout a changé.

Chez Hasbro, Chris Cocks semble avoir pris la mesure de l’enjeu. Espérons que sa vision d’une IA « au service de la création et du jeu » se concrétise, dans le respect des auteurs, autrices, joueurs et joueuses. Car après tout, l’essence du jeu de société, c’est le partage, la convivialité et l’imagination. Avec ou sans IA, ces valeurs doivent rester au cœur de notre passion !

Et vous, qu’en pensez-vous ? L’IA dans D&D et MTG, bonne ou mauvaise idée ? Comment imaginez-vous le jeu de rôle du futur ? Faites-nous part de vos réflexions dans les commentaires !

Points clés

Voici un résumé des principaux points de notre article sur l’utilisation potentielle de l’intelligence artificielle (IA) par Hasbro pour ses franchises Donjons & Dragons (D&D) et Magic: The Gathering (MTG) :

  • Chris Cocks, PDG d’Hasbro, a évoqué des « cas d’utilisation de l’IA très intéressants et convaincants » pour D&D et MTG. Hasbro fait de la R&D sur le sujet.
  • Hasbro a une grande richesse de contenu (50 ans pour D&D, 35 ans pour MTG) qui pourrait être exploitée par l’IA pour créer des personnages, aider les joueurs à générer du contenu, etc.
  • Mais il y a des risques et défis : respect de la propriété intellectuelle, modération du contenu généré, perte de savoir-faire humain, etc. Hasbro en est conscient.
  • L’IA pourrait permettre de transformer les joueurs en créateurs, en les aidant à générer leurs propres aventures D&D ou cartes MTG. Cela soulève des questions de propriété intellectuelle à clarifier.
  • Le sujet divise la communauté des joueurs et joueuses, entre enthousiasme et inquiétude. L’IA va bouleverser la façon de jouer et créer.
  • Il faut trouver un équilibre dans l’utilisation de l’IA, en faire une opportunité et pas une menace, sans nier ses limites éthiques et artistiques. C’est un sujet complexe qui mérite réflexion.

En résumé, l’utilisation de l’IA par Hasbro pour D&D et MTG semble se profiler, avec un potentiel intéressant mais aussi des défis à relever en termes d’éthique, de modération et de respect de la création. Le sujet fait débat.


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Article écrit par Andariel, chroniqueuse et rôliste (JDR, GN) queer qui se consacre au jeux de rôle, aux jeux narratifs et aux sujets LGBTQ+. Elle s’implique pour valoriser la présence des personnes marginalisées dans l’industrie du jeu.


Quelles sont vos attentes et vos craintes concernant l’utilisation de l’IA dans les jeux de société comme D&D et MTG ?

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2 Comments

  • Noémie

    Étant éditrice dans le milieu du JdS et moi-même grande passionnée du JDR, j’accueille plutôt bien les IA. Je suis ok pour leur développement, surtout si ça aide les créateurs ainsi que, par exemple, les meneurs de jeu. Combien d’heures je pourrais gagner à préparer des campagnes D&D pour mes joueurs avec les outils envisagés ? Par contre, il serait temps que l’Europe ou les États établissent des lois claires sur la PI afin de protéger les créateurs. Utiliser de l’IA, ok, mais on oublie pas les métiers artistiques ! 😀

    • Gus

      Bonjour Noémie,

      Merci pour votre message.

      Depuis le 27 février, l’Europe s’est dotée d’une règlementation. Qui vaut ce qu’elle vaut. L’IA Act https://artificialintelligenceact.eu/fr/

      Maintenant, moi-même prof de bédé et d’illustration à l’École Supérieure de Bande Dessinée et d’Illustration (ESBDI) de Suisse, je peux vous dire que nos artistes ne sont pas très inquiétés. L’IA reste très, très… approximative. Lancez une instruction sur Midjourney ou Dall-E 3 (ou Leonardo, ou Stable Diffusion) et vous verrez que tout ceci reste très en mode « machine à sous ». On ne sait jamais ce qui va sortir. Les IA génératrices d’images sont clairement très hasardeuses. Vous avez beau avoir le prompt / consigne la plus claire et optimisée possible, on finit toujours pas avoir du bon et (beaucoup) de moins bon.

      Bref. C’est pour ceci que les/nos artistes ne sont guère inquiétés. Les IA vont certes remplacer, ou aider quelques jobs de graphistes par-ci par-là, mais oubliez de demander à une IA d’illustrer un jeu en entier ! Pour l’instant.

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