Illustration épurée avec vue de dessus montrant un caddie rempli de divers articles d'épicerie sur fond rouge avec une flèche blanche indiquant l'inflation.
Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Inflation : Un ralentissement, mais les prix des jeux restent élevés

📉 Inflation en berne mais les prix des jeux ne baissent pas ! Un décalage persistant entre conjoncture économique et budget ludique.


Inflation en berne, budget jeux au régime sec

Les fêtes de fin d’année arrivent bientôt et avec elles, une occasion de (re)découvrir le plaisir des jeux de société en famille ou entre amis. Pourtant, crise oblige, le budget consacré aux jeux risque d’être revu à la baisse cette année.

Comment expliquer ce recul dans un secteur du jeu pourtant en plein essor ces dernières années ? La faute à l’inflation et à la hausse générale du coût de la vie. Entre les dépenses contraintes en matière de santé, d’énergie ou d’alimentation, les foyers doivent réduire les budgets alloués aux postes jugés « secondaires ». Tel que le jeu de société, justement.

Pourtant, avec un taux d’inflation retombé à 1,5% en Suisse en novembre, et un recul de 0,2% en France, on aurait pu s’attendre à un rebond des ventes. Qu’en est-il réellement ? Suffit-il que l’inflation ralentisse pour voir directement l’effet sur le budget jeux des ménages ?

J’ai posé la question à Loïc, gérant d’une boutique spécialisée dans les jeux de société à Lausanne en Suisse. Selon lui, le ressenti des consommateurs peut mettre du temps à évoluer : « Même si les prix cessent d’augmenter au global, les gens gardent en tête que leur pouvoir d’achat s’est érodé ces derniers mois. Ils restent prudents dans leurs achats ».

Il faudra donc probablement encore quelques mois pour que la confiance des ménages se rétablisse. D’autant que selon Loïc, l’inflation n’est pas le seul coupable : « Il y a eu récemment des mouvements de grève qui ont aussi freiné les ventes. Quand on doit faire la queue pendant des heures à la pompe à essence, on réfléchit à deux fois avant d’aller acheter un jeu ! ».

Pourquoi les jeux ne profitent pas de la décrue des prix

On pourrait penser que la baisse récente de l’inflation devrait profiter aussi au budget jeux des ménages. Et pourtant, force est de constater que dans les rayons, les prix des (plus ou moins) petites boîtes cartonnées peinent à emboîter le pas de la tendance globale !

Comment expliquer ce décalage ? Il y a d’abord un effet psychologique compréhensible. Même si les chiffres rassurent, après des mois d’augmentation, le ressenti de la clientèle reste marqué par la hausse passée du coût de la vie. On garde à l’esprit que chaque euro compte, et l’envie de se faire plaisir est freinée.

Surtout, les acteurs du secteur ne sont pas non plus pressés de saisir la balle au bond pour réviser leurs tarifs à la baisse. Éditeurs et distributeurs surfent en effet sur des niveaux de marge plus ou moins confortables, et rechignent à sacrifier ce matelas financier.

👉 À lire également : Inflation : la hausse des prix impacte aussi le secteur du jeu de société.

Pour soutenir leurs prix, ils avancent aussi les coûts toujours élevés des matières premières : le carton et le bois des boîtes de jeux subissent eux aussi les soubresauts de l’économie. Sans parler des frais logistiques, toujours sous tension avec la hausse des prix de l’énergie.

Et avec les tensions géopolitiques dans le détroit de Bab el-Mandeb en Mer Rouge et les décisions de d’éviter le secteur pour passer par le Cap de Bonne-Espérance, les jeux fabriqués en Chine et leur prix ne sont pas clairement pas prêts de diminuer (ni d’arriver dans les temps…).

À cela s’ajoute une forte demande, tirée par l’engouement croissant des gens pour les jeux de société. Un véritable raz-de-marée ludique qui donne aux acteurs du marché une marge de manœuvre bienvenue pour maintenir des tarifs rémunérateurs.

Enfin, si l’inflation tend à diminuer, à ralentir, et ça c’est une sacrée bonne nouvelle pour notre porte-monnaie, il faut relever qu’elle est toujours là. Les prix, eux, restent élevés. Il faudra encore faire preuve de patience pour voir un ajustement. Si ajustement il y aura dans le secteur du jeu de société…

Bref, tout porte à croire que les meeples mettront encore du temps avant de voire leur prix diminuer. Mais rassurons-nous : les gens sont prêts à consentir quelques sacrifices pour préserver le plaisir du jeu, si indispensable pour s’évader du marasme ambiant !

Les distributeurs misent sur un « rattrapage »

Côté distributeurs et éditeurs de jeux, on mise cependant sur un effet « rattrapage ». La période de Noël concentrant une part importante des ventes annuelles, on imagine mal les Français et les Françaises faire totalement l’impasse sur les jeux de société au pied du sapin.

Quitte à rogner sur certains budgets, ne soyons pas trop rabat-joie, semble être le credo. « On note quand même depuis quelques semaines un frémissement à la hausse des ventes, notamment sur des références plus populaires comme le Monopoly ou le Trivial Pursuit », observe Loïc.

Preuve que les incontournables résistent mieux à la morosité ambiante ? C’est en tout cas le pari des enseignes de la grande distribution qui mettent le paquet sur ces valeurs sûres en multipliant les offres promotionnelles agressives.

Certaines grandes enseignes n’hésitent pas à casser les prix sur certains jeux de société classiques et incontournables, les Dobbles, les Aventuriers du Rail, les Dixit… De quoi attirer les chasseurs de bonnes affaires… quitte à rogner sur les marges.

Car dans cette guerre des prix, distributeurs et éditeurs marchent sur un fil. Entre hausse des coûts de production et logistique et pouvoir d’achat en berne du public, les ventes de fin d’année représentent un sacré défi et mettront à rude épreuve la rentabilité de la filière.

Heureusement, tous les voyants ne sont pas au rouge pour autant. Si les grandes surfaces sont prêtes à sacrifier leurs marges, c’est aussi parce qu’elles savent pouvoir compter sur ce qu’on appelle l' »effet catalogue » : les promos sur les jeux de société attirent du monde… qui remplira aussi son caddy de produits alimentaires et autres.

Bref, le jeu devient un « produit d’appel » au sein d’une stratégie commerciale plus large. Quitte à vendre la boîte cartonnée à prix cassé, l’idée est bien de doper la consommation alimentaire, segment sur lequel la marge reste confortable.

Survie des boutiques spécialisées

Du côté des boutiques spécialisées, la partie est plus complexe. Ne pouvant s’appuyer sur la vente « annexe » de produits du quotidien, ces acteurs de niche misent sur l’expérience client : conseils sur-mesure, démonstrations ludiques en magasin, tournois (de Lorcana, de Magic), abonnements à des box découverte…

L’enjeu ? Fidéliser une clientèle de passionnés et de passionnées prête à mettre le prix pour des pépites ludiques pointues. Cette stratégie paye pour l’instant : la boutique lausannoise de Loïc affiche encore 5% de croissance cette année selon ses affirmations.

Et la « funflation », dans tout ça ?

C’est en 2023 qu’est apparu un tout nouveau terme, la « funflation ».

Cette « funflation », soit l’explosion des dépenses pour le divertissement, n’épargne pas le secteur ludique. Entre extensions à gogo et éditions collector en série limitée, les éditeurs de jeux comptent bien surfer sur cette quête effrénée du plaisir immédiat… et sur votre portefeuille !

On assiste ces dernières années à une inflation galopante dans l’univers du jeu de société. Entre versions « deluxe » au prix doublé et à-côtés en tout genre, les gammes gonflent et les addition aussi. Résultat : le budget moyen pour s’offrir sa dose de fun a littéralement explosé. Les jeux dépassant les 100 euros sont devenus monnaie (c’est le cas de le dire) courante.

Et comme pour les concerts ou parcs d’attraction, cette inflation n’entame en rien notre appétit ludique. Au contraire, la demande ne cesse de croître, encouragée par le marketing agressif des marques. Figurines collectors, matos deluxe (jetons en métal par exemple), plateau 3D… On est prêt à mettre le prix pour ces éditions limitées qui nourrissent nos passions et égayeront nos soirées.

Certains analystes craignent cependant que cette spirale inflationniste finisse par éclater. Ce marché de niche pourrait rapidement arriver à saturation, et l’engouement retomber aussi vite qu’il est apparu.

D’autres estiment au contraire que cette « funflation » reflète un changement culturel durable. Dans un monde morose, les « petites » boîtes cartonnées deviendraient un indispensable refuge pour préserver notre dose de plaisir simple.

Conclusion : Les jeux de société, rempart indéfectible contre la morosité

Reste une inconnue : la concurrence du marché de l’occasion. Avec la flambée des prix, de plus en plus d’accros des jeux de société se tournent vers des plateformes de vente d’occasion pour chasser la bonne affaire… au risque de court-circuiter les circuits traditionnels de distribution.

Sur le long terme, si ce phénomène de seconde main venait à prendre de l’ampleur, c’est toute la chaîne de valeur du secteur qui s’en trouverait impactée. À suivre donc…

En attendant, cette année encore, malgré les restrictions budgétaires, les gens trouveront bien quelques euros à glisser dans de belles boites en carton, histoire d’échapper un peu à la morosité ambiante. Car au fond, peu importe la conjoncture économique : le jeu reste un indestructible rempart contre la sinistrose !


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Article écrit par Gus. Rédacteur-en-chef de Gus&Co. Enseigne à l’École supérieure de bande dessinée et d’illustration, travaille dans le monde du jeu depuis 1989 comme auteur et journaliste.


Face à la hausse généralisée des prix, êtes-vous tenté par l’achat de jeux d’occasion pour préserver votre budget ? Quelles sont vos adresses préférées pour chasser la bonne affaire ?

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7 Comments

  • Erik

    Hello!
    J’entendais hier une représentante d’armateurs expliquer que le détournement par Bonne Espérance n’augmenterait pas le coût du transport maritime, après calculs : le péage du Canal de Suez est très élevé.
    Il faudra ajouter 10 jours de voyage en revanche.

  • lithrac

    Je ne suis pas sûr de comprendre. Certes, l’inflation (l’augmentation des prix) a diminué, mais les prix n’ont pas diminués, eux, alors que le pouvoir d’achat reste relativement le même. Les prix restent haut et le coût de la vie élevé. Dès lors, pourquoi est-ce que la population se remettrait à délier plus vite les cordons de la bourse? Est-ce dû à un effet psychologique lié à l’évolution de la situation et non la métrique des prix?

      • Éric B

        Si l’inflation diminue, cela signifie que l’augmentation des prix est moins rapide, pas que les prix diminuent.
        Et la hausse des salaires n’ayant pas toujours suivi celle des prix (d’autant que l’inflation est plus forte que la moyenne sur l’alimentaire), le « pouvoir d’achat » a diminué.

        Et pour avoir une baisse des prix, il va falloir attendre soit une inflation négative (donc une déflation) soit des progrès techniques ou logistiques pour faire baisser le coût de production (coucou les pays à faible coût de main d’oeuvre / faible niveau de normes socio-environnementales).

        Reste la possibilité d’une augmentation forte des salaires…

  • Erik

    Sans aller jusqu’à la déflation, qui est annoncé comme le cauchemar de l’économie de marché (je l’ai appris en 2009, quand elle menaçait l’éco mondiale car par exemple les produits commençaient à s’accumuler dans certaines usines en Chine), certains prix peuvent retrouver leur valeur d’avant.

    Je l’ai constaté sur… le paquet de bretzels :-))

    Il existe tout de même une marge de fluctuations à la baisse avant d’en arriver à une situation où les consommateurs n’achètent plus, attendant toujours une baisse plus importante – on entre alors dans une spirale négative.

    Il faudrait que les éditeurs par exemple revoient leurs marges à la baisse.
    J’imagine qu’on peut s’attendre aussi à des promotions.

    Le « pouvoir » reste encore un peu je crois entre les mains des joueurs : libre à nous de ne pas acheter des boîtes que l’on trouve trop chères : ce n’est pas non plus du blé ! Ou du café …. Là je serais mal 😉

    En tout cas c’est ce que je fais.

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