Nexting
Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Jeux de société : Se libérer du « nexting »

🎲 Êtes-vous victime du « nexting » dans les jeux de société ? Comment retrouver la passion avant la frénésie d’achat ?


Le « nexting » dans le jeu de société

L’odeur du carton frais vous envahit tandis que vous ouvrez avec impatience votre nouveau jeu. Mais bientôt, ce pic d’excitation retombe. Votre esprit dérive déjà vers le prochain achat, obsédé par la quête perpétuelle de nouveauté.

Pour de nombreux et nombreuses fans de jeux de société, ce cycle du « nexting » est épuisant. Les étagères débordent de boîtes encore scellées, pendant que les critiques des dernières sorties monopolisent notre attention. Comment retrouver le simple plaisir de jouer, libéré de la frénésie consumériste ? La pleine conscience pourrait offrir une voie.

L’histoire de Tessa : Retrouver la passion du jeu

Tessa a longtemps trouvé la joie et la communauté dans les jeux de société. Mais ces derniers temps, ses étagères étaient remplies de titres encore sous film plastique, alors qu’elle était constamment à la recherche du prochain jeu convoité. Et en pleine rentrée ludique, c’est un véritable… combat. Elle passait plus de temps à lire des critiques qu’à jouer.

Le cycle de la hype avait transformé sa passion en un… second emploi, stressant. Son agenda était dominé par les dates de précommande et les calendriers de sortie. Même pendant les sessions de jeu, elle se retrouvait distraite, sans être pleinement engagée dans le moment présent du jeu.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été la prise de conscience qu’elle avait financé plus de 500 dollars de Kickstarters rien que cette année, et que de nombreux jeux non joués issus de campagnes antérieures attendaient toujours. Elle avait envie de retrouver la magie, simple, agréable, qui l’avait fait tomber amoureuse de ce loisir dès le départ.

Sur un coup de tête, Tessa s’est inscrite à un cours de méditation de pleine conscience. Elle a commencé à s’entraîner à s’accorder au présent, à remarquer l’envie suivante sans s’y laisser prendre. Elle a fixé des limites au temps qu’elle passait à parcourir les nouveautés à venir.

Pendant les sessions de jeu, Tessa a essayé de s’ancrer dans les sensations tactiles des pièces du jeu dans ses mains et dans la joie de se plonger dans des univers, dans des règles, dans des jeux de société avec des amis. Plutôt que de se précipiter pour finir et commencer un autre titre, elle a savouré chaque expérience dans l’instant.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un remède miracle, la pleine conscience a aidé Tessa à reconnaître les « impulsions dopaminergiques » sans se laisser contrôler par elles. Elle a ravivé sa passion pour le jeu lui-même, plutôt que de se contenter de l’excitation fugace des nouvelles acquisitions. Ses étagères contenaient désormais des jeux bien-aimés qui avaient été chéris au cours de nombreuses séances de jeu.

envie

Les neurosciences du « nexting

Pourquoi sommes-nous obsédés par la nouveauté dans les jeux de société ? La science du cerveau nous donne des pistes.

Quand on anticipe du plaisir, comme l’ouverture d’un nouveau jeu, notre cerveau libère de la dopamine. C’est l’hormone qui nous donne une sensation de bien-être et de récompense. Plus on en a, plus on la recherche.

On devient accro à l’excitation de découvrir la dernière nouveauté. Comme un rat de laboratoire qui appuie sur un levier pour avoir sa dose de nourriture, on répète les comportements qui nous procurent notre shot de dopamine.

C’est pourquoi on peut devenir obsédé par les critiques, les précommandes, tout ce qui nous promet ce plaisir. On est pris dans une boucle sans fin, à toujours courir après la prochaine sortie.

Spiel Semi Coop
Dessin réalisé par www.semicoop.com

Traduction : « et ainsi, plus de jeux sur notre étagère (/pile) de la honte ». « Il est temps de vraiment (se) plonger dans notre collection de jeux ! »

La pleine conscience : Revenir au moment présent

La pleine conscience offre un moyen de court-circuiter ce cycle épuisant. En entraînant notre esprit à se reposer dans le moment présent, nous pouvons atténuer les boucles de rétroaction neuronale qui alimentent l’envie constante.

Plutôt que de s’attarder sur des jeux et des expériences à venir, la pleine conscience nous aide à nous concentrer sur ce qui se trouve juste devant nous. Nous sommes attentifs aux sensations tactiles des cartes et des jetons, à la beauté visuelle de l’art et des composants, à la joie de résoudre des énigmes et au lien social.

Les neurosciences suggèrent que la méditation de pleine conscience augmente l’activation du système parasympathique du cerveau, qui est associé à la satisfaction et à l’appréciation. Une pratique quotidienne, même brève, commence à modifier les schémas neuronaux qui nous poussent à suivre sans relâche. Nous réalisons que nous avons le choix de concentrer notre attention.

Pour les joueuses et joueurs de jeux de société pris dans des cycles d’engouement et des troubles de l’acquisition, la pleine conscience nous permet de reconnaître ces impulsions sans être contrôlés par elles. Nous pouvons baisser le volume du chant des sirènes de la dopamine qui nous appelle vers le prochain titre à la mode. Au lieu de courir sans cesse après l’excitation, nous commençons à trouver un plaisir calme dans ce qui est déjà là.

Pratiques de pleine conscience (pour les fans de jeux de société)

L’expérience de Tessa montre comment la pleine conscience peut venir à bout de l’attrait incessant du « nexting ». Voici quelques pratiques que les joueuses et joueurs de jeux de société peuvent mettre en œuvre pendant qu’ils jouent et lorsqu’ils ne jouent pas :

👃 Savourer le déballage – Lorsque vous déballez un nouveau jeu, laissez-vous guider par les images, les odeurs et les textures, plutôt que de vous précipiter pour commencer. Appréciez l’expérience sensorielle.

🗑️ Désencombrez votre espace – Limitez votre temps de navigation aux prochaines sorties, aux critiques et aux bonnes affaires. Éliminez tout ce qui peut vous distraire pendant que vous jouez.

🎴 Ancrez-vous dans vos sens – Pendant que vous jouez, écoutez les sensations des cartes dans votre main, le son des dés qui roulent, les couleurs et les œuvres d’art sur la table.

🙂 Appréciez les petits bonheurs – Remarquez les moments subtils comme les sourires, les rires, la satisfaction d’un bon coup ou d’un bon jeu. Ne vous précipitez pas pour les ignorer.

Réfléchissez après le jeu – Prenez le temps de digérer une expérience de jeu avant de vous lancer dans la recherche de la suite.

🎲 Jouez à vos jeux préférés en pleine conscience – Revisitez vos jeux préférés, en découvrant à chaque fois de nouvelles stratégies et de nouvelles perspectives. Chérissez ce rituel.

Intégrer des pratiques de pleine conscience dans vos jeux de société permet de court-circuiter le réflexe du « nexting », de passer sans cesse à autre chose. Vous entraînez votre cerveau à s’épanouir dans la richesse du moment présent – les rires, l’immersion, les liens qui se tissent tour à tour.

Les jeux de société créent un espace pour l’imagination et la relation avec les autres. En relâchant l’emprise du lendemain, nous nous ouvrons pour recevoir pleinement ces avantages. Nous redécouvrons l’émerveillement et la passion qui nous ont poussés à pratiquer ce loisir.

Aller de l’avant en toute conscience

Bien que le cycle du « nexting » soit une réalité chez plusieurs joueuses et joueurs, il est possible de s’en libérer. En cultivant la pleine conscience, nous pouvons reprendre le contrôle face aux envies compulsives. Chaque partie devient une célébration du moment présent, des liens tissés autour de la table.

Je vous invite à tester ces pratiques de pleine conscience lors de vos prochaines sessions de jeu. Redécouvrez les plaisirs simples des parties entre amis. Laissez-vous émerveiller par la beauté des illustrations, la tactilité, le toucher des composants. Vous constaterez que le bonheur ne se trouve pas dans l’achat perpétuel, mais dans l’appréciation de ce qui est déjà devant vous.

Les jeux nous offrent un espace privilégié pour ce retour à l’essentiel. À nous de savourer chaque moment !


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Article écrit par Andariel, chroniqueuse et rôliste (JDR, GN) queer qui se consacre au jeux de rôle, aux jeux narratifs et aux sujets LGBTQ+. Elle s’implique pour valoriser la présence des personnes marginalisées dans l’industrie du jeu.


Êtes-vous affecté par le phénomène du « nexting » décrit dans cet article ? De quelle façon cela se manifeste-t-il pour vous ?

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7 Comments

    • Olivier

      Bonjour,

      C’est un aspect relativement récent du monde du jeu que j’ai ou observer d’abord différents clubs de jeux normands. Les joueurs et joueuses imposaient quasiment à toutes les séances leur dernière « pépite ludique » avec un temps assomant et décourageant d’explication et d’assimilation des règles… pour recommencer le même cirque la séance suivante. Peu de joueurs avaient conscience de leur addiction… Cette course effrénée à l’achat de nouveauté me semble pathologique, la satisfaction fugace de l’acte d’achat cèdant vite place à une frustration qui doit se révéler douloureuse quand le jeu prend trop d’importance. En tout cas cela me faisait fuir ces clubs au bout de quelques séances… Je n’achète que trois ou quatre jeux par an, après mûre réflexion et selon des critères très précis. Cette industrie du jeu en roue libre est effrayante…

  • Zabeth

    En fait, je pense que cela vient beaucoup du fait qu’il y a un énorme gap entre ce que l’on nous a promis/vendu et la réalité.
    Actuellement le secteur est envahi par une immense quantité d’OK Game (vite jouer/vite oublié) surcoté et survendu par les médias et par de nombreux pastiches de jeux qui ont marché.

    Pour ma part, suite à un article, j’ai décidé de ne plus acheter de jeux qui n’ont pas au minimum un ou deux an d’ancienneté, ainsi l’écrémage a déjà eut lieu (et la plupart des jeux sont partis dans limbes de l’oubli) et de vrai retours critiques des joueurs ont remplacés ceux des influenceurs.
    On peut alors se faire une meilleur idée des jeux intéressants parmi ceux restants.

    • Gus

      « Actuellement le secteur est envahi par une immense quantité d’OK Game (vite jouer/vite oublié) surcoté et survendu par les médias et par de nombreux pastiches de jeux qui ont marché. »

      Très juste, très pertinent, Elisabeth. Et… très triste, aussi.

  • Tristan

    Article intéressant! C’est bien de parler de jeux, mais c’est bien de parler de ce qu’il y a autour. Car ceux qui ont pris le train juste avant l’accélération et les changements fulgurants du milieu/fin des années 2010 sont déboussolés. Enfin, moi, je le suis! Sorties diluviennes et nouveaux concepts pour passer la vitesse supérieure (Legacy, narratif, applications…)

    Pour lutter contre tout ça… j’ai vendu des jeux. Plein. Pour au final en avoir moins de 40, les meilleurs selon mes critères. Wargames et jeux d’ambiances compris. Bon, parfois il manque un petit jeu court, ceux dont on a rapidement fait le tour, mais c’est rare. Et vous savez quoi? Et bien pas de surprises, je joue forcément plus à ces 40 jeux, j’en profite plus, et je ne suis pas frustré de ne pouvoir jouer plus à ce jeu acheté il y a si longtemps (choisir la mention qui vous convient : Space alert, Forbidden Stars, Runewars, Paths of glory, Caylus…).

    Comme Zabeth, ça fait un moment que j’achète en général seulement des jeux qui ont plus de 2 ou 3 ans. C’est quand même la garantie d’éliminer ceux qui sont partis avec l’eau du bain! Et puis… vive l’occasion, même si les prix ont là aussi beaucoup grimpé. J’ai mis 4 ans avant d’acheter Inis, en 2020. Mais quelle claque! Par contre, ceux qui ressortent avec moi sous la boutique sur un coup de tête finissent la plupart du temps sur okkazeo.

    Pour rebondir sur les « OK games » (je n’aime pas du tout cet anglicisme, c’est mon côté vieux con milieu de la trentaine), je vais quand même parfois à la boutique, pour tailler le bout de gras et voir ce qu’il se passe dans le monde du jeu, c’est à dire… pas grand chose! Hier, nous sommes allés avec des collègues de travail chercher un jeu qui se joue à 5, en une heure, avec de la profondeur et pas forcément abstrait, avec un thème. Malgré le FLOT TERRIBLE de nouveautés, la variété, elle, est au point mort. En ce moment, il n’y a que des jeux sur la nature/l’écologie (je n’ai rien contre le thème au contraire), ce qui laisse peu de choix. Des mécanismes sans cesse repompés, un air de déjà vu à chaque présentation d’un nouveau jeu. Au final, on a pris un truc un peu par défaut. Pourtant, ce genre de jeu existe! (Ginkgopolis, Londres…) Mais non, le jeu profond, stratégique, il n’est pas/plus dans le créneau de 1h. On catégorise. Le vrai jeu « expert » (un autre terme que je déteste, pourtant pas un anglicisme. ça permet de se la péter un peu), c’est la boîte de 3m sur 3m (après on se plaindra de prix de la matière et de coût du transport, regardez l’exemple inverse, Galaxy Trucker), genre Vital Lacerda (quelle horreur).

    J’ai au final l’impression que le secteur s’essoufle. Oh, vu le nombre de nouveautés, il y a toujours de nouvelles idées intéressantes! Quand je vois Unlock (exemple qui date, mais justement, prenons du recul), ça a quand même révolutionné le jeu d’enquête et ouvert la voie à plein d’autres collections intéressantes aujourd’hui. Mais le gros du secteur, il est répétitif, c’est toujours la même chose, j’ai l’impression d’avoir vu le film 10 fois. Tout s’est engouffré dans la brèche, génie et médiocrité.
    Peut-être qu’il y a la place pour 500 nouveaux jeux chaque années, des vrais, qui valent le coup, mais 4 ou 5000, sûrement pas!

    Merci d’avoir lu mes idées, sorties en vrac et tranchées 🙂 Ne m’en voulez pas!
    Tristan.

  • Gaëtan WURTZ

    Pour ma part je suis déçu 😊, les ‘pleines consciences, sont des pseudos sciences à but uniquement lucratif et basé sur….rien de concret, du jeu de rôle payant en somme

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