
Les Hauts Fourneaux, pour tomber amoureux de la sidérurgie
Les Hauts Fourneaux, un jeu d’enchères extrêmement subtil et suave sur le thème sexy de… l’industrie lourde au 19e siècle.
Les Hauts Fourneaux
Les Hauts Fourneaux est le tout nouveau titre de l’éditeur La Boite de Jeu, décidément tout feu tout flamme avec plusieurs galettes sorties à quelques mois, quelques semaines d’intervalle entre 2020 et 2021. Les Hauts Fourneaux est en réalité une localisation, une version française de Furnace, un jeu sorti chez les Russes de Hobby World.
Dans Les Hauts Fourneaux, vous incarnez un industriel du 19e siècle. Vous allez peu à peu construire votre empire, industriel, en développant vos entreprises et usines de métallurgie et de sidérurgie. Et tout ça en exploitant charbon, fer et pétrole. Capitalisme, industrialisation, exploitation de ressources. Alors oui, soyons honnêtes, le thème est aussi appétissant qu’un reblochon de Haute-Savoie périmé depuis six mois et oublié dans le coffre de sa voiture en revenant des courses.
S’il s’était agi de petits chatons kawaii à élever ou de civilisation antique (comme Khôra) à développer, le contexte aurait pu susciter une plus forte appétence. Là, peu. Mais passons. Tout le défi du jeu réside à passer outre son thème. Car derrière cette façade, délétère, somme toute artificielle, se love un jeu d’une rare puissance.
Des mécaniques bien huilées
Le jeu se joue sur quatre tours, et chaque tour se compose de deux phases : Vente aux enchères et Production. Pendant la vente aux enchères, 6 à 8 cartes d’entreprise sont révélées sur la table. À votre tour, vous ne faites qu’une seule et unique chose, placer l’un de vos quatre disques de votre couleur de taille, de valeur différentes sur l’une d’elle. Et c’est tout.
Avec deux petites règles, contraintes : vous ne pouvez pas placer un disque sur une carte avec un disque de la même valeur, ou placer un disque sur une carte où vous en avez déjà placé un au préalable. Autrement dit, pas d’égalité ni d’addition possibles.
Une fois tous les disques placés, les cartes sont résolues de gauche à droite. La personne qui a placé le disque à la valeur la plus élevée obtient la carte, qu’elle place devant elle, en rangée. Et c’est tout. Les Hauts Fourneaux est donc un « bête » jeu d’enchères. Quel disque jouer pour obtenir quelle carte.
Oui, mais non, ce n’est pas tout. Et c’est dans trois autres petites règles, subtiles, suaves, que se camoufle toute la ruse et la brillance du jeu.
La ou les personnes qui ont placé un disque, inférieur, sur la carte, obtiennent toutefois une petite compensation, souvent une seule maigre ressource.
Une seule ? Minute, papillon. Cette compensation est multipliée par la valeur du disque joué. Si sur une carte se trouve un disque d’une valeur de 4 et un autre de 2, le 4 prend la carte, mais le 2 double la compensation.
Deux petites règles qui explosent le plaisir du jeu. On s’amusera donc, souvent, à perdre l’enchère, tout en essayant de maximiser ses pertes. Jouer petit, mais gros. Subtil, passionnant !
Et la troisième règle ? Comme on résout les enchères et les cartes de gauche à droite, ce qu’on a gagné comme compensation plus tôt dans la manche peut se révéler lucratif par la suite.
Une fois cette phase d’enchère achevée, on passe à la phase production. Toutes les cartes obtenues s’activent, et c’est là qu’on entame une valse endiablée de ressources, de transformations et de combinaisons. On évolue en plein mode engine-building.
Avec un élément supplémentaire, élégant, qui vient se coller au jeu : les cartes commencent par une face de base, avec une autre, améliorée, plus puissante et lucrative. Ces cartes peuvent se retourner en activant une certaine carte et en payant le coût en ressources correspondant.
Le but ultime du jeu ? Comme nous gérons un empire capitaliste du 19e, le but du jeu est de dégager le plus d’argent, bien sûr. On repassera pour les valeurs humanistes et écologistes…
Les Hauts Fourneaux, verdict
Les Hauts Fourneaux propose une mécanique d’enchères galvaudée, et pourtant sublime et sublimée. Les quelques règles subtiles et originales permettent de transcender l’expérience et le plaisir du jeu.
Les Hauts Fourneaux n’est ni spectaculaire ni époustouflant, pourtant d’une rare intelligence, tout en subtilité. Surtout, ce jeu est l’un des plus beaux arguments de ces dernières années pour promouvoir le jeu de société. Sobre, austère, fluide, chaque seconde qui file et défile nous capture, nous captive.
Grandiose !
Un thème hideux pour un jeu d’une rare intelligence.
- Date de sortie : Septembre 2021
- Langue : Française
- Assemblé en : Chine
- ITHEM : 2 sur 5. Pour en savoir plus sur l’ITHEM dans les jeux de société, c’est ici.
- IGUS : 3 sur 5. Pour en savoir plus sur l’IGUS dans les jeux de société, c’est ici.
- ECOSCORE : C. Pour en savoir plus sur l’EcoScore dans les jeux de société, c’est ici.
- Auteur : Ivan Lashin
- Éditeur : La Boite de Jeu
- Illustratrices et illustrateurs : Oleg Yurkov, Egor Zharkov, Sergey Dulin, Ilya Konovalov, Vadim Poluboyarov, Marta Ivanova
- Nombre de joueurs et joueuses : 2 à 4 (le mode à 2 introduit un joueur neutre, tout moisi, qui ralentit le jeu. On peut s’en passer. Tourne bien à toutes les configurations)
- Âge conseillé : Dès 14 ans (peut également se jouer dès 12 ans)
- Durée : 45’ (bonne estimation)
- Thème : Industrie au 19e
- Mécaniques principales : Enchères, combinaisons, ressources, engine-building
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14 Comments
tihroflan
Le thème est délétère, carrément ? Vous n’y aller pas un peu fort, là ^^’ ? Ce serait la traite des noirs à Nantes, d’accord, mais là, c’est juste chiant que vous vouliez dire, non?
Je plaisante, mais plus sérieusement, ça donne quoi à deux, parce que je vous fais confiance quand vous dites qu’un jeu est exceptionnel, mais je joue 90% du temps avec ma femme. Donc si c’est chiant à deux, je ne vais pas l’acheter 😡
tihroflan
erreur de smiley à la fin de mon message précédent, je voulais mettre celui ci 😐
Gus
Merci pour votre réaction et question. Comme dit dans la cartouche finale, à deux le jeu introduit un système de joueur neutre tout… moisi. On a essayé sans, c’est tout à fait jouable. Moins tendu, certes, mais tout à fait jouable et… mieux qu’avec la règle spécifique que l’on découvre ici.
https://gusandco.net/wp-content/uploads/2021/10/page-6.jpg
Après, ça reste un jeu d’enchère. À deux, c’est bien, mais pas top non plus.
Juju
Hello! Le jet de dé à 2 permet de retrouver le côté « mince j’aurai pas cette carte, je pensais pas qu’il s’y serait mis!! » que l’on peut avoir à 4 car le jet de dé provoque un effet cascade que je ne trouve pas moisi du tout mais génial ^^
Fred Z.
Bonjour,
Merci pour cette critique, malgré le thème, elle m’a suscitée mon envie de jouer à ce jeu ! Si je comprends bien ce que vous dîtes dans la section « Nombre de joueurs et joueuses », ça tourne bien à deux (rare pour un jeu d’enchère non ?) mais il ne faut pas jouer le joueur neutre ?
Merci.
Fred Z.
Ah mince désolé question déjà répondue, j’ai été trop vite.
Gus
Voilà, encore une fois, le jeu est top à 3-4, à 2, ça patine quand même. Il reste tout de même très bon, mais on sent bien qu’il n’a pas été développé pour. À chaque fois qu’un jeu rajoute une règle spéciale à 2 avec un joueur neutre, c’est un signe distinctif qu’il va manquer un truc. Et perso, gérer un joueur neutre, comme une IA, c’est vraiment relou, je déteste. Sans cette règle, le jeu tourne bien. Moins de tension, mais tout à fait jouable, Fred.
Raidden
L’article ne parle pas des variantes avec les pouvoirs (asymétriques sur le papier mais en vrai, j’ai des doutes) et de la production déterminée par ordre.
Un jeu que j’aime bien pour ma part à 3-4 mais à 2, même si le dé remplace une joueuse, ça me titille un peu et me déplaît.
Ju
J’adore l’énergie que dégage ta plume 🙂 hésites pas à venir faire un tour sur mon site Intel-blog.fr et à t’abonner si ça te plaît 🙂
Manu
J’ai acheté ce jeu car je pensais vraiment que j’allais aimer, mais après deux parties, le verdict est tombé : trop froid, répétitif et prise de tête. La phase d’enchères est certes sympathique, même si elle ne casse pas trois pattes à un canard. Mais alors la phase d’activation devient de plus en plus lourdingue au fil des manches. J’active cette carte qui me donne cette ressource qui me permet d’activer cette carte qui… quand on a une dizaine de cartes à activer, c’est juste relou. Et cette phase fait vraiment très, très, plaisir solitaire… La rejouabilité ne me semble pas non plus un point fort. Bref, hyper déçu !
Gus
Merci pour votre retour Manu. Alors oui, vous avez raison, la phase Production peut parfois s’avérer pénible, surtout si vous avez obtenu beaucoup de cartes, ce qui peut arriver à 2. À 3-4, c’est en revanche plus compliqué d’en amasser autant, les enchères, les batailles sont plus âpres.
Mais oui, gérer, générer toutes ces ressources pour activer toutes ces cartes peut parfois devenir fastidieux, surtout en 1-2 tours avant la fin.
amnesix77
Bonjour Manu,
je suis content de lire votre retour, je me sentais un peu seul à ressentir la même chose tant ce jeu concentre les éloges. C’est vrai que cette phase d’enchère est chouette mais autour de notre table le plaisir ca n’a vraiment pas pris tout au long des 3 parties.
Personnellement je crois que j’aurais aimé un peu de variété au fil des manches pour ressentir un peu plus la montée en pression ; et peut être aussi voir des stratégies plus dissemblables.
Merci Gus pour votre article dont j’apprécie toujours autant le ton.
Gus
Moi ce que j’apprécie avant tout, c’est le ton bienveillant des échanges sur notre blog, que vous illustrez ici-mème ! Merci à vous pour le respect que vous témoignez ❤️
Piero07
Je suis totalement de l’avis de Manu et Amnesix, jeu répétitif, un peu solitaire dans son coin et prise de tête et la phase d’enchères est appréciable.
Merci Gus pour vos articles 😉