
La pénurie de papier menace l’industrie du jeu de société
Après le manque de containers pour le transport, le manque de papier menace l’industrie du jeu de société.
Papier
Vous le savez certainement, nous vous en avons déjà parlé à plusieurs reprises, l’économie mondiale, et l’industrie du jeu de société bien sûr, doivent faire face à une pénurie de container. Avec les mécanismes de l’offre et de la demande, les prix pour transporter des marchandises de la Chine aux US et en Europe flambent. Mais le transport n’est pas la seule tourmente et crise que l’industrie du jeu de société doit affronter en 2021. La pénurie de papier en est une autre.

L’appel à papier
On l’apprenait hier, lundi 16 août, sur la campagne Kickstarter du jeu P’achakuna lancée avec succès en novembre 2020 par Marc Dür, un compatriote suisse de Zoug en Suisse alémanique. Son jeu n’a pas encore été produit, et pour cause, l’éditeur vient tout juste d’en expliquer la raison : une rupture de papier dans l’usine de production en Allemagne.
C’est en effet la personne de contact chez Ludo Fact qui a communiqué à l’éditeur le souci et expliqué pourquoi la production prend plus de temps que d’habitude.
Dear backers
since silence is the worst situation for everybody, I’d like to give you a little update although I still don’t have a date for you for production of the new P’achakuna punchboards.
Since we noticed the issue with the punching tool – for which I sincerely apologize – we have been busy trying to organize to produce new boards. The solution we agreed on is to produce two new boards with frame tiles and the central tile with a new punching tool. Under normal circumstances that would be a task of three, four weeks. But what is normal these days?
The pandemic still has an impact on the world and on the games industry as well. Paper is a commodity which is in high demand. On August 11, NPD group reported an increase in sales for games and puzzles of 17% to 2020 and 31% to pre-pandemic times (that is for the US, but the rest of the world is no different). At the same time, global shipping is erratic, containers are scarce, and prices soar. That leads to the unexpected situation that we cannot get all the paper and cardboard we need, especially not on short notice, we even face a shortage of wooden pallets and a tripling of the price for them! Yesterday Ningbo harbor in China was closed again for an unspecified time span so things are going to get worse before they get better.
We are trying to get paper as soon as possible as well as the new cutting die. Right now we have tentatively scheduled the new boards for somewhere around mid-September, but that is without having confirmation from the paper suppliers. There will probably be several weeks (from now) without change and without new information, as the paper suppliers now talk to the paper mills, and they need to check if enough raw material will be available and when the paper machines will produce the paper and cardboard required.
This week, we were supposed to receive north of 60 tons of grey cardboard from one of our suppliers. On Monday, we received the message that we would get none – like in ZERO! tons – this week. Now, two of the three lamination machines are standing still and in spite of being completely full, we had to send some machine operators home because we had no work for them.
Behind the scenes, someone is constantly working on the replacement for P’achakuna, but there will be little to nothing to report for some time, simply because we are busy reacting to the ever-changing situation ourselves which makes a reliable planning absolutely impossible. Just let me assure you, it is in the works, we will do it as quickly as possible.
Best regards
Frank Jäger, LUDO FACT GmbH
L’usine explique donc que dû à la crise sanitaire mondiale, le papier est un produit très demandé. Avec l’augmentation impressionnante de la demande en puzzles et jeux de société avec la pandémie, entre 2020 et 2021, et les prix du transport qui augmentent, comme vu plus haut, Ludo Fact doit faire face à une rupture de papier pour produire le jeu.
Et comme si la situation ne pouvait pas encore empirer, c’est le port de Ningbo en Chine qui vient d’être fermé il y a quelques jours après la découverte d’un cas Covid.
De quoi menacer encore plus les marchés mondiaux. En effet, après la découverte du cas, les autorités chinoises ont décidé de stopper l’activité d’un des principaux ports du pays, essentiel pour les échanges internationaux. Des retards de livraisons et une nouvelle hausse du prix du fret maritime sont donc attendus.
Il faut dire que la Chine, comme l’Australie, a une tolérance zéro à l’égard du Covid. Une contamination, et tout s’arrête. La Chine n’a pas hésité, le 11 août, à suspendre toute activité sur l’un des terminaux du port de Ningbo, suite à l’apparition d’un cas de variant Delta parmi des employés, pourtant vaccinés.
Et ce pour une durée indéterminée, ce qui inquiète les professionnels du fret maritime, par lequel transite 80 % du commerce mondial, à l’heure où la reprise économique s’accélère.
Une fermeture qui risque bien de faire augmenter les coûts de beaucoup de produits de consommation, dont le papier, puisque tous les producteurs et transporteurs vont devoir trouver d’autres routes, peut-être plus longues. De quoi générer encore plus de retard et d’enliser une situation déjà compliquée.
Ludo Fact explique également que leurs fournisseurs de papier n’ont aucune idée claire d’une date de livraison possible. L’usine allemande de production de jeux de société en attendait cette semaine 60 tonnes.
Lundi, ils ont été informés qu’ils ne recevraient… rien. Rien. Ce qui a obligé l’usine à devoir mettre certaines de leurs machines à l’arrêt, et même de devoir renvoyer à la maison certains de leurs opérateurs, sans aucun travail à effectuer.
Et le pire dans tout ça, c’est que l’usine de production n’a aucune idée de l’évolution de la situation. Sans papier, les jeux ne peuvent pas être produits.
Car oui, le papier, et le carton, sont les deux éléments essentiels qui composent les jeux de société : cartes, plateau, boîte, règles du jeu, etc. En un mot : tout !
Un virus qui fait chavirer le bateau Monde
Dans plusieurs années, quand la pandémie de Covid-19 sera derrière nous, si c’est le cas, un jour, restons optimistes, on regardera toute ce période de troubles économiques mondiaux et on en parlera certainement dans les manuels scolaires : les allées des supermarchés vidées de papier toilette, de désinfectants pour les mains et d’autres produits du quotidien, dont le papier, aujourd’hui.
Aujourd’hui, en 2021, le monde apprend à coexister avec le virus, les achats en panique de début 2020 est de « l’histoire ancienne ». Les étagères regorgent de papier toilette et d’équipements de protection, gants et masques. Et pourtant, il y a pénurie de tout. Et augmentations de prix.
Selon une étude d’Accenture, 94% des entreprises du Fortune 1000, autrement dit, les plus grandes entreprises mondiales, ont été témoins de perturbations de la chaîne d’approvisionnement dues au Covid-19, 75% des entreprises ont connu un impact négatif ou fortement négatif sur leurs activités et 55% prévoient de revoir à la baisse leurs perspectives de croissance.
Non seulement ces perturbations ont un impact sur l’économie, les entreprises et le staff, mais elles ont également des implications directes sur les marchés financiers. Les perturbations prolongées de la chaîne d’approvisionnement peuvent avoir un impact sévère sur le marché, en suscitant une certaine inquiétude. Et comme on le sait en économie, les marchés détestent l’incertitude, l’inquiétude.
Ce qui est susceptible d’être immortalisé dans l’histoire, avec cette histoire de pénurie de papier et de Kickstarter énoncée plus haut, c’est que la crise sanitaire inédite du Covid a exposé une vulnérabilité structurelle dans les chaînes d’approvisionnement mondiales modernes. De quoi menacer, fragiliser et démanteler l’architecture même qui les a soutenues au cours du demi-siècle précédent.
Avec une situation déjà extrêmement tendue, avec des prix qui augmentent, avec la rentrée ludique qui pointe le bout de son nez, en septembre-octobre, et les fêtes de fin d’année, le cheval de bataille de l’industrie du jeu, cette pénurie de papier risque bien de tout chambouler et de générer des retards importants, dommageables pour les éditeurs qui doivent déjà composer avec cette crise, mondiale, compliquée, inédite.


One Comment
Guillaume
Des pénuries de papier qui empêchent d’imprimer des jeux c’est embêtant. Des pénuries de composants électroniques qui empêchent de produire des voitures c’est embêtant (quoique….). Des pénuries de bois qui ralentissent fortement les constructions et les isolants des maisons c’est vraiment embêtant. Bientôt nous pouvons craindre des pénuries de Terres Rares, lithium et autres métaux qui limiteront et feront flamber les prix de tout ce qui sert aux constituants essentiels des dispositifs des énergies renouvelables (batteries, éoliennes, panneaux photovoltaïques,…). Là ce sera vraiment la m….!