Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Comment le coronavirus pourrait affecter le marché du jeu de société (et le reste aussi)

L’épidémie mondiale du coronavirus qui a débuté en Chine pourrait affecter le marché du jeu de société, entraînant de majeures perturbations dans la production et l’acheminement

Le 31 décembre 2019, les autorités sanitaires de la ville chinoise de Wuhan, dans le centre du pays, ont communiqué être aux prises avec des cas de pneumonie étrange. Quelques temps plus tard, les médecins découvrent qu’il s’agit en réalité d’un coronavirus. On appelle coronavirus un virus dont la souche est animale, et qui se transmet ensuite chez l’être humain. Et depuis peu, on sait à présent que ce virus peut même se transmettre d’humain à humain

2019-nCoV, c’est son petit nom officiel, ressemble à un rhume, avec quelques symptômes habituels d’une grippe : maux de tête, fièvre, toux. Si les symptômes sont aigus, le virus peut tomber dans les poumons et tourner alors en pneumonie, ce qui peut alors compliquer la situation. Et dans certains cas, très rares pour l’instant, cette pneumonie peut alors s’avérer mortelle. Il faut peut-être relever qu’avec les transports mondialisés contemporain, tel que l’avion, ce tout nouveau virus est en train de faire gentiment, mais sûrement, le tour de la planète. Déjà trois cas ont été recensés en France, deux aux US, quatre en Australie, et les chiffres ne cessent d’augmenter à l’international. On dénombre pour l’instant plus de 1’400 cas, dont la très grande majorité se trouve en Chine, et d’une quarantaine de décès liés au virus. On se croirait dans le tout récent scénario Time Stories, Le Projet Hadal… Ou dans une vilaine partie de Pandémie…

D’ailleurs, comble de la situation, le jeu vidéo sur mobile Plague Inc. de gestion des épidémies connaît de manière subite un pic de téléchargement en Chine ! Au point de faire exploser les serveurs. Comme si ce jeu vidéo pouvait aider les gens à savoir comment mieux réagir…

Plague Inc. is a game, not a scientific model and that the current coronavirus outbreak is a very real situation which is impacting a huge number of people

Tout a donc commencé en Chine fin décembre 2019, dans la ville de Wuhan. Les scientifiques pensent que la souche de ce virus provient d’un animal. On pense à un serpent ou à une chauve-souris. Depuis, on a établi que ce coronavirus se transmet entre être humains via les gouttes de salive : toux, éternuements, postillons. Mais également par les mains si elles ont été en contact avec la salive

Pour l’instant, aucun remède n’a été trouvé, et ne le sera certainement pas avant plusieurs… mois ? Années ? Jamais ? Pour freiner la propagation du coronavirus, les autorités chinoises ont décidé de placer trois (pour l’instant) villes en quarantaine. Ce qui représente plus de 20 millions de personnes bloquées dans leur ville. Ni entrées, ni sorties autorisées !

Et comble de malheur, cette pandémie intervient au pire moment de l’année pour les Chinois ! En effet, c’est justement maintenant que le Nouvel-An chinois va avoir lieu. Justement maintenant. Et chaque année, le Nouvel-An représente la plus forte migration sur la planète ! Ce sont alors plusieurs millions de personnes qui se déplacent en même temps à l’intérieur du pays pour partir retrouver leur famille pour ces quelques jours de célébration. Chose inouïe, le gouvernement chinois alors pris la décision de supprimer les festivités du Nouvel-An dans plusieurs villes, dont la plus importante, Shanghai. Et même de fermer son… Disneyland

Tout ça pour réduire, gérer, contrôler, limiter, empêcher le plus possible les flux migratoires et gros rassemblements et donc, les transmissions. Tant que le virus reste confiné, on réduit ainsi toute contagion et propagation massives du virus. C’est en tout cas ce qui a fonctionné avec l’épidémie de SRAS en 2003. Le SRAS, également un coronavirus assez similaire à celui qui secoue actuellement la planète

Et les jeux de société, dans tout ça ?

Mais pourquoi parler du coronavirus sur notre blog ???

Si vous faites partie de notre communauté de lectrices et lecteurs assidus, vous savez très bien que dans chacune de nos critiques de jeux, nous plaçons deux éléments qui paraissent cruciaux à nos yeux : l’étiquette écologique du jeu, communément appelé l’EcoScore, ainsi que le lieu de fabrication, d’assemblage du jeu. Les deux vont évidemment de pair. C’est ce second élément qui nous intéresse ici aujourd’hui

En suivant le fil régulier de nos critiques, vous avez pu relever un point commun entre la plupart des jeux chroniqués : la très, très grande majorité des jeux de société auxquels nous jouons en Europe est produite, assemblée en Chine. Vous devinez la suite

À cause de ce coronavirus, des quarantaines imposées et de la situation d’urgence sanitaire, certaines villes chinoises se muent en ville fantôme. Les gens évitent de sortir de chez elles pour éviter d’être contaminées

La très, très grande majorité des jeux de société auxquels nous jouons en Europe est produite, assemblée en Chine.

Jetez un œil à cette vidéo, la situation est hallucinante !

Une situation qui risque de poser un réel souci pour la production et l’approvisionnement des jeux sur les étagères de nos boutiques préférées de notre côté-ci de la planète ! Et pas de que les jeux, bien sûr. Il nous suffit d’inspecter les étiquettes des habits que nous portons en ce moment-même. La plupart indiqueront certainement… Chine

Un arrêt massif de la production, c’est déjà une réalité sans le coronavirus. Et les éditeurs de jeux le savent très bien. Le Nouvel-An chinois implique chaque année une fermeture complète des usines pendant une à deux semaines. Rien n’est produit, rien n’est acheminé. Les éditeurs doivent alors bien anticiper, jongler avec ce jalon du calendrier chinois. Pour les éditeurs de jeux de société qui font produire en Chine, cet événement représente une sacrée épine logistique dans le pied. Surtout avec Cannes qui déboule quelques semaines plus tard. La plupart des jeux fabriqués en Chine, présentés et vendus à Cannes sont d’ailleurs déjà arrivés par avion, train ou container en Europe, ou ils sont en ce moment-même en transit pour être à temps pour faire le beau sur les stands du grand rassemblement ludique annuel francophone cannois

N’empêche

Avec ce coronavirus et la situation qui empire, avec de nouveaux cas décelés chaque minute, les chaînes d’assemblage risquent fort de rester muettes pour un certain temps. Les employés, et on les comprend, vont en effet préférer rester à la maison, au chaud et en sécurité, plutôt que de se retrouver potentiellement en contact avec le virus

Je ne suis absolument pas au courant si une usine de fabrication et d’assemblage de jeux de société se trouve dans les villes placées actuellement en quarantaine, dont Wuhan. Mais ce que je sais, c’est que l’usine de Whatz Games se trouve à Shanghai

Avec ce coronavirus et la situation qui empire, avec de nouveaux cas décelés chaque minute, les chaînes d’assemblage risquent fort de rester muettes pour un certain temps.

Pour l’instant, Shanghai, la plus grande ville du pays, semble encore quelque peu épargnée par le virus. Si les festivités du Nouvel-An ont été annulées, et Disneyland fermé, la ville n’est pas encore placée en quarantaine. Vous vous imaginez, vous 24 millions de personnes bloquées dans une ville ??? 24 millions, ce qui constitue plus du tiers de la population totale de la France, et trois fois celle de la Suisse

Allez faire un tour sur un « petit » échantillon du catalogue de Whatz Games, vous verrez à quel point c’est l’un des fabricants majeurs du jeu de société : 7 Wonders Duel, c’est eux. King of Tokyo, c’est aussi eux. Tous les jeux Super Meeple ou Origames, ce sont eux aussi !

Si Shanghai n’est pour l’instant pas encore placée en quarantaine, que se passera-t-il le jour où ça sera le cas ? Que se passera-t-il avec la production, l’exportation des jeux de société ? Et quid des jeux financés sur Kickstarter et très souvent produits en Chine ? En toute logique, le temps que la situation sanitaire se tasse et s’améliore, on peut s’attendre à de gros et sérieux retards, voire même des annulations de certains titres si les usines ferment pour une grosse durée.

Et là, vous vous dites certainement que toute cette situation est peut-être un bon enseignement pour les éditeurs de jeux de société. Qu’il suffit de faire produire un jeu en Europe pour éviter ce genre de soucis lié à la mondialisation. Minute, papillon ! Ce n’est pas aussi facile que cela. Vous l’avez certainement remarqué, dans toutes nos chroniques nous plaçons le terme « assemblé en », et non « produit en ». Grosse, grosse nuance. En effet, quand un jeu indique sur sa boîte « made in Poland », ou « Made in Germany », ce n’est pas aussi simple que cela. D’où proviennent les encres utilisées pour imprimer les cartes et le plateau ? Qui a produit le thermo présent dans la boîte ? Est-ce que les meeples viennent vraiment de Pologne ou d’Allemagne ? L’indication « fait en… » indique le lieu final d’assemblage. Il est justement question d’assemblage. La plupart des fabricants européens commandent des pièces par-ci par-là, notamment en Chine. Une fois arrivés, l’usine ne fait alors qu’assembler le tout pour la mise en boîte

Produire un jeu, ou n’importe quel produit en réalité, sans passer par la Chine et sa grande expertise et faibles coûts de revient, devient un rapide casse-tête. Avec la mondialisation, quand la Chine tousse, c’est le monde entier qui a peur de tomber malade. Si ce coronavirus prend des proportions encore plus massives, ce qui semble être le cas, c’est le marché mondial qui risque de subir cette pandémie de plein fouet. Les marchés financiers frissonnent déjà

Avec la mondialisation, quand la Chine tousse, c’est le monde entier qui a peur de tomber malade.

En espérant que les quarantaines permettent de freiner et arrêter la propagation du virus. Et en espérant également que cette épidémie ne devienne pas la Saison 3 de Pandemic Legacy à vivre en vrai

Est-ce que ce coronavirus vous inquiète ? Est-ce que du coup, vous hésitez à partir au festival du jeu à Cannes qui a lieu dans un mois ?

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10 Comments

  • chrisag

    Petite correction sur l’origine de l’appellation coronavirus. Le virus doit son nom à l’apparence de ses particules virales, portant des excroissances qui évoquent une couronne.

  • Mateo

    Et si on arrêtait d’avoir peur pour rien et d’écouter les médias anxiogènes ?

    La peur n’empêchera pas le danger mais vous fait accepter n’importe quoi.

    • Gus

      Merci pour votre retour. Éviter les informations est en effet une posture intéressante qui permet d’éviter l’anxiété et de vivre plus heureux. Je note 📝 👍🏼

  • LT TL

    hé ben … Sacré Gus, je ne vous connaissais de tels elans de catastrophismes
    j’ai cru lire le pitch d’un film hollywoodien avec fin du monde en ligne de mire.

    OMG (comme ils disent)

    • Gus

      Merci pour votre Laurent, commentaire (ou le contraire)

      Je résume :

      Définition du catastrophisme : Attitude pessimiste, qui prévoit le pire.

      Dans l’article, le « pire » est que les éditeurs de jeux connaissent des retards. C’est ça, le… pire ?

      Pas plus tard que ce matin, j’ai envoyé l’article à un ami éditeur, et voici en copié-collé son mail rien que pour vous Laurent :

      Coronavirus

      Ce qui confirme notre Laurent, article

      Catastrophiste, vraiment ?

      Et en parlant de catastrophe, les chiffres actuels (lundi 27.1, 13h07) atteignent 2’118 personnes contaminées et plus de 50 décès. Les scientifiques annoncent un chiffre incroyable (et catastrophiste, du coup) de potentiels 190’000 cas…

      Pandémie le jeu, IRL

  • guillaume

    Bonjour,
    J’aimerai savoir ce que pense les individus (spécialistes en coronavirus) qui trouvaient les médias anxiogènes et catastrophistes il y a deux mois, ici et ailleurs, parlant d’une simple grippe…Qu’en pensent t’ils aujourd’hui ?
    Guillaume

      • Guillaume

        Dans mon cas, il y a deux mois, je ne savais pas. j’étais plutôt inquiet sur la suite des événements, mais sans certitude. Je m’interroge sur ce qui peut pousser des personnes plutôt intelligentes à émettre des avis sur un phénomène dont ils n’ont pas la maîtrise, sachant que même les professionnels ne savaient pas trop à quoi s’en tenir. Attention, je m’exprime ici (parce que je suis un anonyme qui apprécie passer par ici) mais j’ai observé ceci partout.
        D’ailleurs encore aujourd’hui, ce qui va se passer dans les prochaines semaines est encore très floue.
        Merci

        • Gus

          J’avais complètement oublié ces commentaires Guillaume. Merci pour le rappel. Les chiffres que nous avions alors articulés semblent aujourd’hui complètement dérisoires !

          Les réactions « de l’époque » de déni sont une attitude tout à fait naturelle, que l’on retrouve également parfois dans les cinq phases du deuil…

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