
Critique de jeu: Saltlands. Mad Max, version plateau
Servi par une patte graphique originale, un thème bien exploité et plusieurs modes de jeu, Salt Lands a de la peine à convaincre. Répétitif, hasardeux, le jeu est aussi aride et sablonneux que ses terres. Pas une révélation. Pas une révolution.
Saltlands est sorti en avril 2017 en boutique en VO et VF chez Antler Games, un nouvel éditeur Hongrois. Après un KS réussi (80’000 USD) en 2016. Et créé par trois jeunes auteurs, hongrois aussi, András Drozdy, Gergely Kruppa et Gombos Gergely.
Saltlands se joue dès 12 ans, pour des parties de 90 à 120′, de 1 à 6 joueurs, et propose trois modes de jeu: coop, compét et semi-compét (=classique), ainsi que trois niveaux de difficultés (et l’extension en rajoute une 4e, épique).
De quoi ça parle?
Saltlands . Les terres salées. La terre a séché. Déclin des civilisations. Changements climatiques. Crise et désastre écologique. Du pur post-apo écologique à la Mad Max. On s’y croirait, tout est vraiment réfléchi pour immerger (mais sans eau. Suivez un peu) le joueur dans un futur sombre et sec.
Comment on joue?
A son tour, on a beaucoup d’actions à disposition, qu’on peut toutes réaliser dans n’importe quel ordre.
Ramasser des pions face cachée adjacents (=fouiller. A la Rey)
Utiliser ses cartes. Le coeur-même du jeu. On « tap » ou défausse ses cartes pour les jouer
Se déplacer sur le plateau. Selon le véhicule possédé (char à voile, pickup, etc) et l’orientation et la force du vent
Echanger ou donner ses cartes avec des persos adjacents. Utile surtout en mode coop voire classique. Compét, pas tellement…
Utiliser la capacité propre à son personnage.
Une fois que tous les joueurs ont joué, on active les Pillards. L’IA ennemie. Qui vient cogner les joueurs les plus proches. Qu’on joue en mode coop ou compét, les Pillards sont toujours sur le plateau, prêt à mettre des tatanes dans les gencives. Ce sont des Pillards, après tout. Comme dans Mad Max. Ou les Ravageurs des Gardiens de la Galaxie.
Pas très compliqué, tout est plutôt fluide. Mais le tour d’un joueur peut durer avec toutes ces actions possibles.
Interaction
Le jeu est extrêmement interactif. Qu’on joue en coop ou en mode classique ou compét, on est en constante interaction avec les autres joueurs de la table. Un très bon point.
Et à combien y jouer?
Alors oui, on peut y jouer en solo. Mais bof. C’est vraiment dans sa config max, 5-6, que le jeu devient vraiment tendu, captivant. Même si entre son tour, on risque de s’ennuyer ferme puisque le tour des joueurs peut durer.
Comment on gagne?
Le but est de trouver la sortie. En collectant un nombre de cartes « rumeurs ». Selon le mode de jeu, le but est de sortir tous ensemble en coop, le premier en compét, ou seul ou en groupe en mode classique / semi-compét.
On passe donc sa partie à fouiller le plateau. Disons que l’objectif fait un peu penser à Room 25 chez Matagot, mais sans la cohérence claustro qui va avec. Pour « sortir » des Terres Salées, pourquoi ne pas aller… tout droit? Plutôt que de dépenser des hectolitres d’essence ou du temps à se balader partout pour récolter des indices? Mouaif.
Ce qui est vraiment, vraiment bien
Dans Saltlands , tout est modulaire. A commencer par le plateau, qu’on assemble à chaque partie de manière différente. Et mêmes les modes de jeux varient. Pur coop. Pure compét. Ou entre deux. Pareil pour les modes de difficultés. Comme dans les jeux vidéos, on peut adapter la difficulté des attaques ennemies selon ses envies. Bref, un très bon point.
La mécanique de la météo, subtile, qui vient épicer le jeu. Déplacements facilités, ou pas, selon l’orientation du vent et des tempêtes de sable.
La patte graphique. Épurée. Originale. Rare dans le monde du jeu de plateau. Un véritable parti-pris graphique surprenant. Même les règles sont dans un format différent que la « norme.
Des règles très bien écrites. Et très bien traduites en VF. Un bel effort, surtout au vu de la complexité du jeu.
Le matériel, très beau, très ergonomique, très bien pensé.
L’interaction, très forte.
Les combats, simples, à la Magic. Attaque-défense. On ne lance aucun dé (manquerait plus que ça, il y a déjà assez de hasard comme ça dans la pioche de matos)
Le thème, aussi immersif que déprimant.
Ce qui n’est pas vraiment top
On passe sa partie à se déplacer et à rechercher des objets en piochant dans divers decks. Piocher pour ramasser des « rumeurs » pour trouver la… sortie. Piocher pour ramasser du matos. Le jeu fait la part belle à l’explo, on se croirait dans la peau de Rey en train de fouiller les ruines d’un Destroyer Imperial sur Jakku.
Mais du coup, il y a quand même beaucoup, beaucoup de hasard. C’est cohérent avec le thème, mais au final, c’est un peu frustrant de passer sa partie à ne faire que: se déplacer et fouiller. Le jeu en devient vraiment aride et répétitif.
Les attaques des Pillards, l’IA ennemie, fonctionne comme Zombicide. Ils se déplacent avec leurs points de mouvement selon leur véhicule, en se dirigeant vers le joueur le plus proche. Du coup, on passe sa partie à gérer leur distance et à prier qu’ils ne vous tombent pas dessus. Comme pour le point précédent, c’est cohérent avec le thème, cela rajoute une vive tension, mais c’est au petit bonheur la chance.
Le manque de thermo. Le thermo ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté de joueurs, mais les boîtes fourre-tout, y en a gros en 2017.
L’objectif final. Crétin.
Les illustrations, très plates. C’est certainement voulu pour coller au thème et à la patte graphique, épurée, sableuse, mais ça reste très plat quand même. Presque du clipart.
Au final, même servi par une patte graphique originale, un thème bien exploité et plusieurs modes de jeu, Saltlands a de la peine à convaincre. Répétitif, hasardeux, le jeu est aussi aride et sablonneux que ses terres. Pas une révélation. Pas une révolution.
Lecture Culturelle
Un jeu n’est jamais un pur produit hors-sol. Il s’inscrit dans une réalité, un contexte. C’est une cristallisation de la vision d’un auteur (plusieurs, ici). Décidément, avec Outlive, 2016 et 2017 lance le post-apo sur le devant de la scène. Y aurait-il un lien avec la politique mondiale actuelle, plutôt… déprimante? Ou la crise écologique qu’on affronte (et crée) depuis des années? Le jeu, comme un épiphénomène du monde?
Et comme Saltlands est un jeu hongrois, doit-on y voir comme une boutade envers leur président liberticide, Viktor Orbán?
Mais Encore
Une extension est sortie en même temps que le jeu de base. Magie de KS. Les add-ons, tout ça. L’extension propose 6 nouveaux personnages, un niveau de difficulté supplémentaire (épique) et des nouvelles cartes slash objets. Une extension pas vitale du tout.
Vous pouvez trouver Saltlands le jeu de base chez Philibert,
Et chez Ludibay.
Le jeu de base. L’extension est également dispo chez ces mêmes boutiques.


One Comment
thegoodthebadandthemeeple
Merci pour cette critique honnete Gus.