Analyses & psychologie du jeu,  Jeux de plateau

Paris Est Ludique, Essen, Cannes. Mais au fond, combien ça coûte pour un éditeur d’être présent à un festival?

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Dans moins de deux semaines aura lieu Paris Est Ludique, PEL pour les intimes, du 25 au 26 juin, et dans 4 mois Essen, du 13 au 16 octobre.

Si, à l’instar de Cannes ou le Flip de Parthenay, certains festivals sont gratuits pour les visiteurs, l’entrée d’autres coûtent entre 2 euros (Ludinord), 5 euros (PEL) et 11.50 euros (Essen).

Mais combien cela coûte pour un éditeur et/ou distributeur d’être présent à un festival, un salon?

Stand

A Essen et à Cannes ce sont, à la louche, les mêmes prix. 100 euros le mètre carré pour toute la durée du festival, salon.

Pour un tout petit stand, pour y mettre 1-2 tables, une petite surface d’exposition. En théorie, il faudrait donc compter entre 500 et 1’000 euros. En théorie, car à Cannes et à Essen la surface minimum autorisée est de 10m².

Le tarif est toutefois dégressif. Plus la surface est importante et moins elle coûtera au m². Il y a des rabais à partir de 100 m². Pour un stand moyen il faut donc quand même bien compter 5’000 euros pour une surface de 50m². Et tout est négociable.

Mais ce forfait n’inclut rien d’autre que la surface. A cela, il faut encore rajouter le cas échéant les tables, les chaises, les séparations, la moquette, les lumières supplémentaires, le ramassage des poubelles, la sécurité et tout autre élément additionnel. Sans compter la construction du stand, qui peut être gérée par des prestataires. Payants, bien évidemment.

A PEL le forfait se paie par tente, tables incluses. C’est 600 euros pour 6 tables. Avec la différence notable que PEL fournit des animateurs avec la location [edit: visiblement non, PEL ne fournit pas les animateurs].

Frais

En plus du stand, il faut également payer le déplacement jusqu’au salon. Voiture, train, avion. Le logement. La nourriture. A part à PEL, Toulouse ou Ludinord où les animateurs sont fournis avec la location du stand, il faut venir avec son équipe à Cannes et à Essen. Il faut donc encore rajouter des frais pour tout ce beau monde! Ainsi que le transport des jeux.

Entre le stand et les frais externes, un éditeur pourra payer entre 30’000 euros et 50’000. Et je ne parle pas des plus gros éditeurs, Asmodée, Kosmos, Iello, qui ont des stands de ouf.

Vente

30’000 euros. Il faudra vendre combien de jeux pour rentrer dans ses frais?

Soyons lucides, être présent sur un festival ne rapporte pas tant que ça en terme de ventes. Certains festivals toutefois plus que d’autres, selon le public.

Les éditeurs vendront plus à Essen, l’entrée est payante, donc les visiteurs veulent « amortir » leur entrée en achetant des jeux, et le salon est très orienté « joueurs ». Tandis qu’à Cannes, gratuit, les gens se baladent, découvrent, et le salon est très « grand public », les ventes seront donc moins importantes.

Prenons le cas de 7 Wonders Duel à Essen en 2015, qui s’est tellement bien vendu le premier jour que les éditeurs Repos Prod ont décidé de repartir d’urgence de nuit en Belgique chercher un stock pour faire face à l’afflux.

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7 Wonders Duel. 1’800 jeux vendus. Pour un jeu à 25 euros. Donc un total engrangé de 45’000 euros. Pas mal. Essen a bien été rentabilisé! Mais pas tous les éditeurs peuvent se targuer d’un tel record.

Car après, oui, c’est tout bénéf pour un éditeur de vendre sur un salon. Puisqu’en vendant directement sur place, il empoche la marge du distributeur, environ 30-35%, et celle du magasin, 40-50% du prix de vente. C’est d’ailleurs bien pour cela que les éditeurs proposent des tarifs préférentiels sur les festivals, parce qu’ils peuvent se le permettre, leur marge étant substantielle, comparée à la « filière traditionnelle ».

Certains éditeurs n’hésitent d’ailleurs pas à vendre sur leur stand des jeux « au noir », i.e. non-déclarés, pour éponger leurs dépenses. Ces boîtes seront alors annoncées comme offertes, ni impôts ni rétribution à l’auteur seront versés. Une pratique pas forcément très honnête…

Mais hormis quelques rares cas, ce ne sont pas les ventes de jeux qui permettront de rentabiliser les dépenses. Le retour en investissement se fait surtout en terme d’image. Se montrer, exister aux yeux du public.

Car ne pas être présent sur les plus grands rassemblements de joueurs, Essen, Cannes, Gen Con, PEL, c’est rester « invisible ». Pour un éditeur, être présent sur un festival, c’est aussi partager sa passion, ses produits, faire découvrir, tester des protos, réseauter. Et ça, ça n’a pas de prix!

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15 Comments

  • PeL

    Cher M. Gus,
    A PeL, ce sont bien les éditeurs qui animent leurs stands 🙂 Il n’y a pas d’animateurs « fournis » avec le stand.
    Venez nous voir cette année !
    Ludiquement

    • Gus

      Pas M. Gus. Juste Gus.

      Merci pour la réponse. Bizarre, ce n’est pas du tout ce que les éditeurs contactés m’ont dit pour PEL. Un changement dans votre règlement?

      Merci tout plein pour la précision!

      Et non, désolé, impossible de venir vous voir, nous travaillons avec le Festival du Film Fantastique sur un gros événement ludique qui aura lieu JUSTE la semaine d’après… Argh, j’aurais bien voulu.

      Bon festival!

      • PeL

        Il y a eu clairement confusion chez les éditeurs contactés. Le fonctionnement de PeL est le même depuis la 1ère édition et l’animation par les éditeurs et ainsi les échanges entre éditeurs et joueurs sont des piliers de PeL, cela n’a jamais changé et à priori ne changera jamais.
        L’éditeur consulté devait être mal réveillé 😉

        RdV en 2017 donc !

  • patrikcarpentier

    Un peu comme Coca-Cola qui a découvert, il y a qques années, que s’il oubliait de faire de la pub, le public l’oubliait lui aussi très vite… Et ce, malgré une renommée internationale et très ancienne.
    100€/m² donc un minimum de 2m² pour placer une petite table et 2 chaises pour tenter de vendre ou de faire connaitre son produit. Mais en réalité, il faut augmenter sa surface au sol (4m² ?). Sans parler en effet des frais annexes (déplacmt, hébergmt, nourriture…), faut y croire à son jeu.
    Merci pour tous ces chiffres qu’on ne déniche pas facilement 🙂

  • LudiNord

    Hello Gus,

    Concernant LudiNord, c’est de l’ordre du détail mais le prix de l’entrée est fixé 3€ la journée (5€ le weekend), prix fixé en 2014 et qui n’a plus changé depuis.
    Si les bénévoles sont bien présents pour expliquer les jeux, ils ne sont pas affectés à un éditeur spécifique mais sont associés à une des zones du festival (Enfants, Famille, Ambiance ou Stratégie).

    Merci pour cet article assez complet.

    Ludiquement,

  • La Donzelle

    Concernant la « marge » faite par les éditeurs sur les Festivals et les prix de vente : un éditeur qui vendrait en ligne ou en direct ses jeux à un prix nettement inférieur aux boutiques serait très mal vu par les boutiques elles-mêmes.
    Il est peu fréquent d’arriver à un bilan financier positif sur un festival : c’est souvent une perte sèche, un budget publicité, qui est parfois un peu moins sec grâce aux ventes.

    • Gus

      C’est pourtant clairement le cas Raph. Sur place, certains jeux sont vendus moins chers qu’en boutique pour appâter le chaland! Bon, pas forcément « nettement » non plus, juste une poignée d’euros, entre 5 et 10.

      Maintenant oui en effet, et tu le sais bien, vu les dépenses engendrées, c’est en effet une perte sèche. Mais récupérée en aval par des achats ultérieurs, sans compter le gain d’image.

      Merci pour ton commentaire Raph. Bienvenue sur Gus&Co!

  • Fabien C

    Cannes propose également une formule « auteur – autoédition » à 200 € TTC pour une table et 2 chaises dans l’espace du même nom. Beaucoup d’éditeurs confidentiels utilisent cet espace pour contourner le ticket d’entrée des 10 m² et communiquer à moindre coût sur leur (souvent unique) jeu.
    C’est également une bonne opportunité pour présenter des protos, tester le marché et se faire connaître avant de se lancer.

  • Christian

    Le prix de vente de l’éditeur est ttc, il faut donc déduire la TVA (20-22% selon le pays d’origine de l’éditeur) qu’il devra reverser au fisc. Ensuite les jeux il faut les fabriquer et ils ont donc un coût, ce qui réduit encore la vraie notion de marge … il est donc biaisé de comparer votre investissement pour être présent sur un salon et le chiffre d’affaire généré pour parler de rentabilité d’un salon ou festival.

    • Gus

      Très juste! Merci pour la précision.

      Et encore une fois vous le prouvez Christian, être présent sur un salon / festival est très peu rentable en terme de chiffres purs.

  • Erick

    Encore un article bien écrit et intéressant sur Gus&Co – même si la précision sur la différence Recette vs Chiffre d’affaires est bienvenue !
    Pour info / pour la blague / mais pour de vrai quand même, le Festival des Imaginaires Ludiques d’Alençon est gratuit pour tout le monde (visiteurs, éditeurs, auteurs … même pour les bénévoles c’est vous dire !).

  • Cédric

    Bonjour,
    Je travail dans le milieu du jeu et je suis « choqué » par les chiffres que vous avancez sur les marges distributeurs et boutiques. Je peux vous affirmer qu’elles sont inférieures à ce que vous avancez. D’où tenez vous vos informations ?

    • Erick

      bonjour,
      D’accord avec Cédric, les marges (des boutiques notamment, je parle de ce que je connais …) sont un peu inférieures. Après, il faut aussi préciser de quoi on parle : marge brute ou nette ? Un taux de marge est généralement calculé par référence au prix d’achat HT et au prix de vente TTC (donc avec 20% de TVA). Une marge commerciale sera calculée sur deux prix HT.
      Et puis les jeux de société bénéficient en général d’un prix de vente conseillé par l’éditeur/distributeur d’où le fait qu’on voit en principe quasiment les mêmes prix partout … (sauf chez ceux qui ne jouent pas le jeu … ce qui peut advenir dans les deux sens !).

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