Ca y est, on peut enfin expliquer le succès de Game of Thrones
La 5e saison du Trône de Fer vient à peine de s’achever. Un succès phénoménal. La série la plus regardée (et la plus piratée). Les livres ne sont pas en reste.
Comment expliquer cela? Un univers sombre et violent. Des intrigues politiques crasses. Un contexte médiéval-fantastique assez peu fantastique. Rien de très sexy. Et pourtant. Le succès du Trône de Fer peut s’expliquer par un effet psychologique découvert au début du 20ème siècle.
Riské
Rien ne prédisait le succès que Risk Legacy allait connaître quand il est sorti en 2011. Plutôt cher, environ 60 euros, pour une énième version d’un jeu poussiéreux et aujourd’hui dépassé avec la déferlante des jeux de société modernes bien plus trapus et nerveux.
Non, rien ne laissait présager d’un tel succès.
Et pourtant. Dès sa sortie, son format extrêmement original passionna les joueurs. Le jeu se joue en mode campagne, et pas seulement sur une seule partie.
En avançant dans le jeu, on ouvre peu à peu des enveloppes dans lesquelles on voit le plateau se modifier et de nouvelles contraintes et missions apparaître. Plus on joue et plus la carte mondiale évolue.
Le jeu remporta un tel succès que son auteur, Rob Daviau, fut propulsé au firmament des auteurs de jeux de société les plus bankables de la planète, aux côtés des Eric M. Lang, Stefan Feld, Reiner Knizia, Antoine Bauza et Bruno Cathala. Et la recette a tellement pris que l’auteur sort pour la fin 2015 deux autres versions Legacy : Pandémie Legacy et Seafall.
Et pourquoi pas un L’Ile Interdite Legacy? Un Cyclades Legacy? Un… Myrmes Legacy? Comment expliquer un tel succès pour les formats Legacy? Vous me voyez venir, c’est le même effet psychologique que pour le Trône de Fer.
How je ai rencontrer ta mother
Je vais être honnête avec vous. Mais j’ai honte. Mais je vais être honnête avec vous. J’ai regardé TOUS les épisodes de la série How I Met Your Mother (HIMYM). TOUTES les saisons. Une série à la qualité croissante inversement proportionnelle au nombre d’épisodes. En clair, série moyenne qui devenait de plus en plus moisie à mesure que les saisons s’enchaînaient. Et la fin, juste… pitoyable. Levez la main si vous êtes d’accord avec moi.
Mais alors? Pourquoi continuer à la regarder, pendant près de 10 ans? Et surtout, quel est le rapport avec le Trône de Fer?
Parce que c’est pareil. C’est ce qu’on appelle l’effet Zeigarnik.
Zeiga quoi?
L’effet Zeigarnik, du nom de cette psychologue du début du 20e siècle qui s’est intéressée à comprendre les mécanismes liées à la mémoire, et surtout à la motivation. Autrement dit, comment expliquer celle-ci.
Bluma Zeigarnik demanda à des enfants d’effectuer 20 petites activités. Dessiner, modeler, faire des puzzle, etc.
10 seraient achevées, et 10 ne le seraient pas. Plus tard, on a demandé aux enfants de nommer les activités effectuées.
Et d’après vous, quels furent les résultats? Les tâches finies, ou les autres? Les autres. Les activités non-terminées furent les plus nommées.
Pourquoi? C’est ce qu’on appelle l’effet Zeigarnik. Selon la psychologue, une activité non-finie créé une certaine tension, un souvenir plus fort. La personne veut continuer, veut terminer l’activité en cours. Si l’activité est ensuite achevée, la personne se détend. Elle relâche sa motivation et concentration.
Game of Motivation
Pareil pour Game of Thrones. Le succès retentissant des livres et de la série repose sur l’effet Zeigarnik. Tout simplement. La série est regardée par plusieurs beaucoup de millions de spectateurs. Les livres aussi.
Tant que la saga n’est pas finie, on veut continuer. On veut savoir ce qui va se passer avec ces fieffés gredins de Walkers. Ou si Dany va enfin se barrer de Meereen. Ou si Jon Snow va. Non laissez tomber.
Evidemment, l’effet Zeigarnik n’est qu’un des facteurs du succès de la saga de GoT, certainement pas le seul. N’empêche, tant que la saga n’est pas finie, on veut continuer. C’est comme une tâche non achevée. Qui motive. Qui pousse à persévérer. Comme Risk Legacy. On veut continuer à jouer pour ouvrir de nouvelles enveloppes et découvrir ce plateau évolutif. Comme HIMYM. Tout est dans le titre. Le public voulait enfin savoir qui était la mère de. Au point de suivre TOUS les épisodes pour ne rien rater. Comme dans GoT. Mais en plus épique, et surtout en plus mieux bien.
Y a-t-il également un effet Zeigarnik dans les jeux de rôle, si l’on veut opposer one-shots et campagnes de longue haleine? Et comment appliquer cet effet aux jeux de société pour fidéliser et motiver les joueurs à y revenir? Proposer des modes campagnes par exemple.
Petite note à moi-même : comme enseignant, je me demande d’ailleurs si je ne devrais pas essayer d’inclure cet effet Zeigarnik un peu plus dans mes cours. Pour que mes lycéens se souviennent de ce que l’on fait et que leur motivation soit plus importante. Peut-être laisser des tâches ouvertes plus longtemps?
5 Comments
Florian S
Justement, ça me fait penser à un autre aspect que je voulais développer, … désolé, je finirai plus tard mon commentaire, je dois y aller.
thegoodthebadandthemeeple
Rah on va penser a toi toute la journee maintenant !
secondino axel
Pour info l’extension tuscany pour viticulture utilise également le coté legacy…
Il y a une douzaine d’extension en trois niveau et l’idée est de ne débloquer une extension que lorsque vous avez terminé une partie avec une extension du niveau précédent…
A voir si cela apporte quelque chose sur ce genre de jeu…
Gus
Merci pour l’info. Je vais essayer demain soir du coup
Jiba
J’ai ressenti exactement ça en lisant Harry Potter : le suspens haletant associé à l’évolution des persos fait qu’on a envie de connaître la suite. Et à la fin du tome 3 ou 4 (je sais plus !), je me suis demandé « pourquoi j’ai lu tout ça ? Tout ça pour ça ? »… Du coup j’ai changé mes critères de jugement : un bon bouquin est désormais pour moi un livre que j’ai envie de relire, et pas simplement de lire. Peut-être que cela pourrait s’appliquer aux jeux aussi ?