Jeux de plateau

Quand ton hobby devient ton job, interviews, chapitre 2

Bang bang bang bang, Flickr, by abrinsky
Bang bang bang bang, Flickr, by abrinsky

Voici la suite des interviews des professionnels du monde du jeu : auteurs, éditeurs, vendeurs.

Pour accéder au chapitre 1.

Nous voulions savoir ce qui se passait quand on transformait son hobby, ici les jeux de société, pour en faire son job.

Après Bruno Faidutti, Sébastien Pauchon, Emmanuel Beltrando et Maxence Dumontet,

voici le tour de Michael, vendeur à la boutique spécialisée de jeux Philibert à Strasbourg

20130830-143018.jpg1. Jouais-tu aux jeux de société avant de devenir professionnel-le (auteur, vendeur ou éditeur) ?

Effectivement, je joue au jeu de société dit « moderne » depuis mes 16/17 ans. J’ai commencé dans la ludothèque de ma ville natale, créée notamment par ma maman, où j’ai longtemps été animateur et bénévole. J’ai commencé à travailler à Philibert à mes 23 ans… et je me suis rendu compte que je n’étais pas un cas isolé, tout les membres de la boutique sont des joueurs!

2. Qu’est-ce qui t’a fait passer pro ?

Un gros coup de bol ou un joli concours de circonstances ! A l’époque, j’étais en Licence Professionnel Jeux et Jouet à Cholet, qui se finissait par un stage de quelques mois. Il me fallait alors une licence (Bac+3) pour devenir instituteur, mon projet initial. Etant Alsacien, quoi de mieux que Philibert pour ce stage ! Juste avant ce stage, un vendeur avait quitté la boutique, du coup j’ai vite été intégré à l’équipe et cela s’est bien passé. Le patron de l’époque a proposé de m’embaucher à la fin du stage… j’étais passionné, j’ai pas hésité longtemps !

3. Hormis un salaire exorbitant que même Bill Gates envie, quels sont les avantages d’être devenu pro ?

Vivre sa passion à fond ! Découvrir l’envers du décor, se rendre compte de la diversité et la quantité de la production ludique (j’ai pris une première « claque » quand j’ai découvert le stock de la boutique, la seconde c’était la première fois que je suis allé à Essen!), avoir un vrai échange avec certains éditeurs sur le marché, les nouveautés, les tendances… on a vraiment la sensation d’être au cœur du monde ludique. On rencontre plein de monde partageant la même passion. Le principe de lier hobby et travail relève aussi d’un certain idéal. Et puis, en tant que passionné, on fait plus que du simple commerce. En organisant des animations, en conseillant nos clients nous apportons aussi notre pierre à l’édifice et c’est très gratifiant.

4. Quels sont les désavantages ?

Comme dans tout job, il y a bien sûr une certaine routine et des tâches parfois répétitives, c’est normal. Comme passion et travail sont liés, l’un déteint sur l’autre. Du coup, parfois le travail nous rattrape pendant des moments de simple détente ludique, mais bon c’est pas non plus très grave. Et puis, il y a aussi la frustration de voir tous ces jeux défiler, de vouloir en tester plein et de manquer franchement de temps…mais je pense que c’est plus un désavantage de passionné que de professionnel 🙂

5. T’arrive-t-il encore de jouer juste pour le plaisir ?

Bien sûr ! Des soirées ou weekend jeux entre potes, des parties entre collègues à la pause de midi, le plaisir est toujours là !

Merci Mika pour tes réponses!

Voici le tour de Thomas Provoost, éditeur de Repos Prod (7 Wonders, Time’s Up)

Thomas

1. Jouais-tu aux jeux de société avant de devenir professionnel-le (auteur ou éditeur) ?

Oui, j’ai toujours joué et c’est ma passion pour le jeu de société qui m’a fait découvrir petit à petit le milieu et ces intervenants.

2. Qu’est-ce qui t’a fait passer pro ?

C’est Time’s UP! a été lé déclencheur qui nous (Cédrick et moi) a fait passé du côté professionnel.

3. Hormis un salaire exorbitant que même Bill Gates envie, quels sont les avantages d’être devenu pro ?

Le dicton dans le monde du jeu de société dit que si tu veux avoir un million d’euro sur ton compte en banque tu dois commencer avec 2.

Le principal avantage, c’est que l’on adore son métier, ce qui est le meilleur des salaires!

4. Quels sont les désavantages ?

C’est un travail exigeant et complexe. Il faut gérer énormément de facteurs : la production, le marketing, la communication, le développement, les auteurs, les gammes et format de boîtes, l’image de la société,….

Éditer un jeu est un travail minutieux qui prend du temps et requiert beaucoup d’attention. Métro, boulot, dodo n’est pas vraiment notre mode de fonctionnement.

L’autre gros désavantage est que l’on subit une déformation professionnelle. Encore plus qu’avant, je suis sensible à des détails/erreurs d’ergonomie, d’éditions et/ou de rédaction de règles. Heureusement, il est rare que cela gâche tout mon plaisir.

5. T’arrive-t-il encore de jouer juste pour le plaisir ?

Oui, mais jamais assez. Je suis un boulimique de jeu. Si je pouvais, je jouerais tout les soirs pour le plaisir.

Merci Thomas pour tes réponses

Voici les réponses de Christian Lemay, éditeur du Scorpion Masqué, maison d’édition québécoise

Christian

1. Jouais-tu aux jeux de société avant de devenir professionnel-le (auteur ou éditeur) ?

Que oui! Oui, oui, oui et oui.

Regarde ma réponse à « Comment en êtes-vous venus à jouer », postée avant même que je ne devienne éditeur:

http://www.dragonsnocturnes.org/forums/index.php?showtopic=32&page=3

Mon nom est Comet

2. Qu’est-ce qui t’a fait passer pro ?

Le désir de travailler dans le jeu de société. Point. J’aimais (j’aime) juste trop le jeu.

3. Hormis un salaire exorbitant que même Bill Gates envie, quels sont les avantages d’être devenu pro ?

Euh… Gagner sa vie à faire un métier qui nous passionne? Pouvoir entrer ses dépenses reliées au jeu de société (salons, jeux, etc.) comme des dépenses de compagnie? Rencontrer ceux qui font le jeu… Auteurs, éditeurs? Apporter ma propre contribution au monde ludique en général et du Québec aussi. Je me fais peut-être des illusions, mais j’ai l’impression que je participe à « l’avancement » des choses (vers quoi, je l’ignore), ou alors de la cause du jeu, en publiant des succès comme J’te gage que… / Bluff party (qui font le pont entre les joueurs et les moins-joueurs) ou en publiant des jeux qui sortent des sentiers battus, qui proposent des mécanismes novateurs (Grimpe!, Québec…)

4. Quels sont les désavantages ?

Il devient plus difficile de jouer juste pour jouer. Il y a toujours la petite arrière-pensée de l’éditeur. Dans des salons par exemple, je suis déchire entre « faire de la promotion pour le Scorpion » et « jouer pour le plaisir à un jeu publié que je ne traduirai pas mais auquel j’ai envie de jouer ».

Plus la compagnie grandit, plus elle mène de projets, plus il y a de travail administratif et plus je m’éloigne du développement du jeu lui-même.

Les 6 moins intensifs que nous avons passés sur le jeu Québec ont été un réel bonheur pour moi. Maintenant, je ne crois pas que j’aurais le temps pour un tel projet…

5. T’arrive-t-il encore de jouer juste pour le plaisir ?

Oui. Je me réserve du temps. Surtout dans les conventions où il y a presque seulement des « gros joueurs », moins intéressés à des petits jeux Scorpion masqué (quoique j’arrive toujours à faire un tournoi de C’est pas faux! ou quelque chose du genre), de même que dans des soirées privées avec des amis.

C’est essentiel.

Merci Christian pour tes réponses!

Voici les réponses de Mathilde Spriet, éditrice à Gigamic (Descendance, Keyflower)

Mathilde

1. Jouais-tu aux jeux de société avant de devenir professionnel-le (auteur ou éditeur) ?

En fait j’étais plutôt branchée jeu vidéo ou jeu de rôle avant d’entrer dans le « milieu » (ça fait un peu mafia dit comme ça non ?).

On jouait un peu aux jeux de société, à quelques grands classiques et quelques titres un peu plus spécialisés mais c’était une activité plutôt familiale. On jouait beaucoup à Risk, Stratego, et j’était déjà fan de Pylos. Avec les amis c’est venu plus tard quand on s’est mis à bosser et qu’on avait moins de temps pour des activités chronophages comme le jdr.

2. Qu’est-ce qui t’a fait passer pro ?

Un gros coup de bol ? Le destin ? Je ne sais pas vraiment. J’étais là au bon endroit au bon moment. N’étant ni auteur, ni propriétaire de ma boîte d’édition, je n’ai pas eu une démarche volontaire pour entrer dans le milieu du jeu de société. Je cherchais du boulot et j’ai eu la chance de tomber chez Gigamic.

3. Hormis un salaire exorbitant que même Bill Gates envie, quels sont les avantages d’être devenu pro ?

Comme beaucoup de gens j’aime connaître les coulisses des choses. Comment ça marche, qui fait quoi, c’est quoi les étapes,…
J’ai découvert la réalité d’un marché particulier et qui me plait, j’ai ainsi pu constater qu’ont peut gérer une entreprise en restant passionné par le produit, en respectant ses valeurs, bref j’ai appris, grandi, mûri…et c’est encore le cas aujourd’hui.
Et puis par rapport à mon métier dans la communication j’ai la chance de travailler sur un produit de loisir qui me plait, c’est une sacré chance.

J’ai aussi la chance d’avoir un métier varié, je suis un produit du début à la fin : de la rencontre avec l’auteur à la communication avec la presse et le grand public en passant par le développement. C’est la magie de travailler dans une entreprise de la taille de Gigamic, on a la possibilité de mettre plusieurs casquettes, du coup les journées sont bien remplies mais elles sont riches !
Et enfin c’est assez rare pour être souligné, le milieu du jeu bénéficie d’un regroupement exceptionnel de gens géniaux ! Les autres éditeurs, les auteurs, les boutiques, le public, la presse, les asso, les illustrateurs, … et j’en passe, il y a une concentration de gens passionnés qui aiment échanger et dans la bonne humeur. Comme quoi business et convivialité ne sont pas forcement opposés. Je croise les doigts pour que ça continue comme ça.

4. Quels sont les désavantages ?

Mes potes estiment que comme je suis une professionnelle du jeu c’est toujours à moi de lire et de leur expliquer les règles d’un jeu et ça c’est trop injuste.
Il y a aussi les gens qui estiment que je devrais connaître et savoir jouer à tous les jeux du monde et qui sont hyper déçus quand je leur dis que non celui là je ne le connais pas. Et enfin, tous les gens qui ont animé sur des stands se reconnaîtront, il y a les parfois des gens qui demandent à se faire expliquer un jeu et qui toutes les 5 sec disent  » ah ouais c’est comme… » .

Et puis sinon comme tout le monde il y’a des aspects de son métier qu’on aime moins. Par exemple j’envoie le mail tant attendu par un auteur qui lui annonce qu’on souhaite signer un contrat d’édition avec lui, et ça c’est super. Mais la plupart du temps je dois envoyer le message qui malheureusement annonce que nous n’irons pas plus loin. Au delà des auteurs en colère qui m’engueulent (si si il y a en a) il y a aussi les auteurs tristes, déçus et ça ben à chaque fois ça me fait gloups dans mon ptit cœur ;o)

5. T’arrive-t-il encore de jouer juste pour le plaisir ?

Mais oui fort heureusement ! Bien sûr quand on découvre une nouveauté concurrente il y’a un regard un peu biaisé par le côté pro, à base de « sgrogneugneuh j’aurai bien voulu le trouver celui-là », ou « fichtre quelle bonne idée de matériel », …(oui j’aime râler de façon désuète). Mais il y a plein de jeux auxquels je joue pour le plaisir et uniquement pour ça !

Merci Mathilde pour tes réponses !

La suite au prochain chapitre, avec Raphaël Donzel, Antoine Bauza, Monsieur Phal

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